La Walkyrie/Texte entier
LONDRES.
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MAYENCE.
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BRUXELLES.
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SCHOTT & CO.
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B. SCHOTT'S SÖHNE.
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SCHOTT FRÈRES.
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Siegmund.
Hunding.
Wotan.
Sieglinde.
Brünnhilde.
Fricka.
Huit Walkyries.
ACTE Ier.
Au milieu s’élève le tronc d’un frêne puissant, dont les racines fortement saillantes vont se perdre au loin dans le sol ; un toit de charpente divise la hauteur de l’arbre, séparant la cime du tronc ; ce tronc et les branches qu’il étend traversent le toit en des ouvertures qui leur correspondent exactement ; on devine la cime feuillue de l’arbre, élargie au-dessus du toit. Autour de la souche du frêne, qui en marque le centre, une salle d’habitation est construite ; les murailles sont faites d’ais grossièrement équarris, que recouvrent de-ci de-là des pièces d’étoffe tissée. À droite, vers le devant de la scène est placé le foyer, dont la cheminée monte vers le toit, sur le côté. Derrière le foyer se trouve une pièce analogue à une réserve aux provisions ; quelques marches de bois y donnent accès ; un rideau d’étoffe, fermé à demi, et suspendu à l’entrée. Au fond de la scène, la porte d’entrée de l’habitation, avec un léger loquet de bois. À gauche de cette porte, on va vers une pièce intérieure, à laquelle des degrés de bois conduisent également ; du même côté, beaucoup plus en avant, une table avec un large banc qui tient à la muraille, et devant la table des escabeaux de bois.
Un court prélude orchestral de mouvement véhément et tempétueux sert d’introduction. Au moment où le rideau s’écarte, Siegmund ouvre de l’extérieur, en hâte, la porte de l’habitation, et entre. C’est le soir ; violent orage, qui commence à se calmer. — Siegmund s’arrête un instant, la main sur le loquet, et explore du regard l’intérieur de l’habitation : il semble épuisé par un effort extrême ; ses vêtements et son aspect montrent que c’est un fugitif. Comme il ne voit personne, il ferme la porte derrière lui, va vers le foyer, et là se jette accablé sur une couverture de peau d’ours.
- Ce seuil, quel qu’il soit —
- Là — je m’arrête…
- Un homme ici !
- Je veux apprendre…
- Qui vint ici
- et gît près du feu ?
- Longue route
- a lassé son corps :
- a-t-il perdu les sens ?
- est-il mourant ? —
- Son souffle m’effleure ;
- il clôt les paupières…
- Fier semble l’inconnu,
- Bien qu’il cède au mal.
- Une source ! une source !
- [1] Cherchons l’eau fraîche !
- J’offre à boire
- à tes lèvres brûlantes :
- l’onde – que tu voulais !
- Seul et sans armes,
- d’un tel blessé
- ton époux n’aura crainte.
- Blessé – oh ! montre-moi vite !
- Le mal cède,
- c’est trop d’en parler !
- mes membres demeurent
- fermes encor.
- Si ma lance comme mon bras
- eût gardé sa puissance,
- je n’aurais jamais fui :
- mais ma lance tomba rompue…
- L’hostile meute
- m’a poursuivi,
- l’orage aux feux lourds
- m’a brisé ;
- mais comme j’ai fui la meute,
- toute peine m’a fui :
- l’ombre couvrait ma paupière,
- le jour me rit de nouveau.
- Que cet hydromel
- au flot mousseux
- soit accepté de toi…
- (Sieglinde effleure le breuvage de ses lèvres, et le présente de nouveau à Siegmund ; celui-ci en boit une longue gorgée : puis il l’éloigne vivement de sa bouche et rend à Sieglinde la corne à boire. Tous les deux se regardent, avec une émotion de plus en plus forte, et demeurent un moment sans parler.) Goûte-le tout d’abord ?
- De mon sort triste tu prends pitié :
- Sois gardée
- de semblables maux !
- J’ai pris haleine
- et doux repos :
- loin d’ici je m’en vais !
- Qui te presse, pour fuir déjà ?
- Malheur me presse
- où je me hâte :
- Malheur m’approche
- où je m’arrête ;
- ô femme, vis loin de lui !
- Je tourne ailleurs mes pas !
- Demeure alors !
- Quels maux me peux-tu porter !…
- Malheur habite ici !
- Pâle ici
- Je l’ai trouvé,
- Faible et défaillant…
- Tu l’as fait boire ?
- En hôte il fut reçu.
- J’ai calmé sa soif.
- Son accueil,
- son secours,
- Lui vaudront-ils reproche ?
- Saint est mon foyer : —
- Saint te soit mon logis !
- Donne aux hommes leurs mets !
- Qu’il ressemble à la femme !
- [4] La même clarté
- dore aussi sa prunelle.
- Long sans doute
- fut ton chemin ;
- mais nul cheval
- ne t’a porté :
- Quels durs sentiers
- t’ont fait défaillir ?
- Par bois et plaine, :
- lande et hallier,
- j’ai dans l’orage
- fui la mort :
- j’ignore la voie où j’allais ;
- où je m’égare,
- je ne m’en doute :
- Fais que je sache où je suis.
- Mon toit t’abrite,
- mon seuil t’accueille,
- Hunding t’a reçu ;
- si tu tournais
- vers l’Ouest tes pas,
- dans tout le clan
- maints vassaux veillent,
- pour Hunding prêts à combattre
- Si mon hôte m’honore,
- que son nom me soit révélé.
- Si pour moi
- tu n’aimes parler,
- à celle-ci fais réponse :
- [5] vois ses yeux fixés sur toi !
- Hôte, qui tu es —
- Siegmund. dis-le-moi.
- (3) je ne puis être ;[6] Friedmund
- (4) nom qui m’eût plu :[7] Frohwalt
- (5), c’est le nom juste ![8] mais Wehwalt
- Loup, ce fut là mon père ;
- à deux nous vînmes au jour,
- une sœur jumelle et moi.
- Tôt j’ai perdu
- mère et sœur ;
- qui m’enfanta,
- qui naquit avec moi,
- à peine mon cœur les connut.
- Loup était fort et brave ;
- il eut beaucoup d’ennemis.
- En chasse allaient
- le vieux Loup et le jeune :
- un jour tous les deux
- rentraient du combat…
- le gîte était désert ;
- en feu, en cendre
- tout le logis,
- brûlé le chêne
- au tronc florissant ;
- tuée la mère
- au corps valeureux,
- détruit tout vestige
- de l’autre enfant :
- détresse qui nous vint
- des Neindinge, peuple noir !
- Traqué, le vieux
- s’enfuit avec moi ;
- bien des ans
- le jeune vécut
- près de lui au profond des bois :
- mainte chasse
- les a pressés ;
- mais forts et fiers
- (Se tournant vers Hunding.) les deux Loups luttaient.
- Un fils de Loup te l’apprend,
- que pour Loup plus d’un connaît bien !
- Rare et farouche histoire
- sonne en ton fier récit, —
- [9] Wehwalt — le fils du Loup !
- Je crois, de ce souple guerrier,
- savoir de sombres contes,
- sans avoir vu
- l’un ni l’autre Loup.
- Raconte encore, hôte :
- où donc ton père est-il ?
- En chasse contre nous deux
- vinrent les Neidinge noirs :
- plus d’un chasseur
- tomba sous nos griffes ;
- plus d’un fut traqué
- par son gibier :
- les Loups les ont dispersés.
- Mais loin de mon père jeté,
- j’ai perdu sa trace
- malgré ma recherche :
- une peau de loup seule
- gît dans le bois :
- vide je la trouve…
- le père… n’est plus là. —
- Des forêts je m’éloignai,
- poussé vers les hommes, les femmes :
- j’allai chez tous,
- en tout endroit,
- cherchant l’ami,
- l’amante aussi, —
- mais partout, tous me repoussent…
- Malheur est sur moi.
- Le bien selon mon cœur
- est le mal pour autrui ;
- les actes que je hais,
- d’autres les jugent bons,
- Partout je tombe
- [10] dans les embôches ;
- haine s’attache à mes pas ;
- rêve d’ivresse,
- œuvre de maux !
- [11] aussi dois-je Wehwalt être ;
- la peine seule est mon fait !
- D’un si triste sort te frappant,
- la Norne t’aime peu ;
- sans plaisir je reçois
- un hôte ainsi traité.
- Les lâches seuls craignent l’homme
- sans défense et sans ami ! —
- Hôte, parle,
- en quel combat
- ton bras fut-il désarmé ?
- Une enfant en péril
- m’a fait appel ;
- son clan voulaita
- la donner pour femme
- à un homme contre son gré.
- J’ai provoqué
- ses oppresseurs,
- je les bravai
- tous au combat :
- [12] mon bras les a vaincus.
- La fille voit tomber ses frères :
- des bras elle enlace leurs corps ;
- sa haine cède au chagrin.
- Les yeux brûlés de pleurs,
- elle reste au champ du combat,
- sur ses frères frappés jetant
- des cris de sauvage douleur. —
- Les amis des victimes
- vinrent armés,
- pleins de rage,
- prêts aux vengeances ;…
- tout à l’entour
- grondait leur cohorte.
- Près de ses morts
- l’enfant resta :
- le fer au poing,
- longtemps je l’abritai,
- mais dans ma main
- l’épieu fut brisé…
- Seul, blessé et sans armes,
- je vis la fille périr :
- les autres sur moi s’acharnaient — …
- sur les cadavres elle mourut.
- Tu vois, ô femme, pourquoi —
- [13] je n’ai pas Friedmund pour titre !
- Je sais une fauve lignée
- bravant ce qui semble
- aux autres saints :
- haïe de tous et de moi !
- Parti pour la vengeance,
- celle qu’exige
- le sang des miens,
- trop tard j’arrive
- et rentre à présent,
- pour voir l’infâme ici,
- souillant ma propre maison. —
- Mon toit garde,
- Loup, ton sommeil ;
- pour la nuit je t’ai reçu :
- demain pourtant
- trouve une arme solide ;
- soit prêt dès l’aube au combat :
- des morts d’hier paye-moi le sang !
- Hors de ce lieu !
- Sors à l’instant !
- Emplis la coupe du soir,
- et va m’attendre au lit !
- Un homme doit être armé. —
- Toi, Loup, demain je te frappe :
- ma voix parle clair —
- garde-toi bien.
- Le fer promis par mon père
- pour vaincre au péril pressant !…
- Sans épée
- chez l’ennemi je tombe : —
- sa vengeance en gage
- me tient là ! —
- Tu vins, femme,
- douce et sacrée…
- suave angoisse,
- trouble ardent ! —
- je sens un désir vers elle,
- et son charme enflamme mon cœur —
- un maître ici la contraint,
- raillant l’homme sans armes !…
- Wälse ! Wälse !
- Où ton épée ?
- la forte épée,
- que mon poing brandisse,
- quand se déchaîne à la fin
- [14] la rage en mon cœur cachée ?
- Quel vif reflet
- reluit là-bas ?
- Quel rayon sort
- de ce frêne obscur ?
- A l’œil aveugle
- brille un éclair,
- [15] gai sourire aux regards ! —
- Que ce pur éclat
- me brûle au cœur !
- Est-ce un regard
- de femme en fleur,
- qu’elle aurait
- après elle laissé,
- à son départ d’ici ?
- L’ombre des nuits
- pesait sur mes yeux ;
- le rayon des siens
- m’a rencontré,
- chaude lumière du jour.
- Doux était
- le soleil de feu ;
- mon front se dora
- de sa chère clarté,
- jusqu’à sa chute aux monts noirs.
- L’adieu de son regard
- vint au soir m’éclairer ;
- même au tronc du frêne ancien
- jaillit une flamme d’or :
- la fleur se fane,
- [16] le feu s’éteint —
- l’ombre froide
- clôt ma paupière :
- tout au profond du cœur
- un feu sans clarté couve encor.
- Veilles-tu ?
- Qui vient ici ?
- C’est moi : écoute bien ! —
- Un lourd repos tient Hunding ;
- [17] ma main lui versa le sommeil.
- Grâce à la nuit, tu es sauf !
- Sauf par ta venue !
- [18] Que d’une arme ici je t’instruise !
- Ah ! si tu peux l’avoir !
- Plus grand que tous
- alors je te nomme :
- au fort entre tous
- l’arme appartient.
- Ecoute bien ce que j’annonce !
- Le clan farouche
- ici réuni
- fêtait l’odieux mariage :
- de force à l’époux
- j’étais vendue,
- proie que livraient des bandits.
- Triste et seule,
- loin de la table,
- je vis entrer un vieillard :
- un homme aux sombres habits ;
- son large chapeau
- cachait l’un des yeux dans l’ombre ;
- mais l’autre œil brillait,
- plein de menace,
- sur les hommes
- saisis d’effroi :
- seule en moi
- l’œil du vieillard
- émut tendre tourment,
- – Larmes – espoir aussi.
- Pour moi tendre,
- pour eux redoutable,
- dans sa main il lève une épée ;
- l’enfonce enfin
- dans le bois du frêne :
- tout entière il l’y plongea : —
- qui veut posséder le glaive
- [19] doit l’arracher du tronc.
- Aucun convive,
- malgré sa vaillance,
- du fer ne put s’emparer ;
- d’autres vinrent
- et d’autres passèrent,
- et tous tentèrent l’exploit ; —
- mais le frêne à nul n’a cédé :
- là dort, muette l’épée. —
- Alors, j’ai su par qui
- ma douleur fut saluée :
- mon cœur sait
- pour qui seul
- le fer au frêne est planté.
- [20] Puissé-je le trouver,
- ici, l’ami !
- s’il accourait
- vers la pauvre femme !
- payant mes souffrances,
- l’atroce tourment,
- mes peines passées.
- la honte et l’affront, —
- douce vengeance,
- lave l’outrage !
- J’aurai tous
- mes bonheurs disparus,
- mes joies tant pleurées
- sont reconquises,
- si j’ai l’ami sacré,
- s’il vient vainqueur dans mes bras !
- Toi, femme adorée,
- sois à l’ami,
- [21] que l’arme et l’amante attendent !
- Rouge en mon sein,
- brûle un sarment,
- par qui nos cœurs sont liés.
- Mes vœux de jadis
- revivent en toi ;
- en toi règnent
- mes rêves perdus !
- Si tu pleuras,
- je n’ai pas moins souffert ;
- ceux qui m’insultent
- ont pris ton honneur :
- folle vengeance,
- rit à nos fêtes !
- Viens ! tout rit
- et chante avec moi !
- puisqu’en mes bras je t’ai saisie,
- sens mon cœur battre sur ton cœur !
- Ha ! qui sort ? qui entre ici ?
- Nul ne sort —
- quelqu’un entre :
- vois — le Printemps
- rit dans la salle !
- L’âpre hiver a fui
- [22] le printemps vainqueur,
- d’un doux éclat
- rayonne l’Avril ;
- dans l’air limpide,
- vol suave,
- [23] ses prodiges
- sont bercés ;
- aux bois, aux plaines,
- vont ses souffles,
- large ouvert
- son œil sourit :
- des chants d’oiseaux résonnent
- frais et purs,
- l’air exhale
- un doux parfum ;
- de son sang brûlant jaillissent
- des fleurs joyeuses,
- germe et tige
- éclatent du sol.
- Le charme fort d’Avril
- soumet l’univers ;
- vents et frimas, tout
- reconnaît son pouvoir : —
- son souffle vaillant renverse
- à la fin la porte orgueilleuse
- qui nous retenait,
- nous – loin de lui ! –
- Jusqu’à sa sœur
- son vol a volé ;
- l’Amour attire l’Avril ;
- au fond des cœurs
- l’Amour se cachait ;
- heureuse elle rit vers le jour.
- La sœur fiancée
- est sauvée par son frère ;
- l’obstacle ancien
- s’écroule en débris ;
- couple joyeux,
- ils se sont reconnus :
- unie est l’Amour à l’Avril !
- C’est toi l’Avril
- rêvé par mon âme,
- aux mois désolés d’hiver :
- mon cœur t’accueillit
- d’augustes frissons,
- quand tes yeux vers moi fleurirent.
- Tout pour moi fut étranger ;
- sans joie mon entourage ;
- mon cœur jamais ne comprit
- ce qui vint jusqu’à moi.
- Mais toi seul
- ce cœur t’a reconnu :
- dès l’instant où tu vins,
- mien fut ton être !
- Le secret de mon sein,
- – tout mon cœur –
- clair comme l’aube
- luit à mes yeux ;
- des sons ont chanté,
- tels qu’un écho,
- quand sur l’âpre et froide rive,
- tu vins, seul ami, vers moi !
- Suaves délices !
- Joie de mon cœur !
- Oh ! viens, approche,
- approche encore,
- que mieux j’admire
- le pur éclat
- parant tes yeux,
- tes traits si beaux,
- et qui charme mes sens subjugués !
- La lune luit,
- blanche, sur toi,
- frôle le flot
- de tes fins cheveux :
- tout ce qui m’émut
- s’explique pour moi, —
- suave, tu charmes mes yeux !
- Combien ton front
- est large et beau !
- un sang généreux
- à tes tempes frémit !
- Je tremble dans l’extase
- qui me ravit ! —
- [24] Prodige dont je tressaille : —
- l’ami qui vient aujourd’hui,
- Siegmund.
mes yeux l’ont vu déjà !
- L’amour rêvé
- revit pour moi :
- mes vœux ardents
- te virent jadis !
- J’ai vu dans l’onde
- mes propres traits —
- et là, ils vivent, fidèles :
- comme autrefois dans les flots,
- luit mon image en tes traits !
- C’est toi l’image —
- cachée en mon cœur !
- Tais-toi ! Permets
- qu’en moi j’écoute… —
- ta voix, autrefois
- m’émut toute enfant, —
- mais non ! naguère encore,
- quand de ma voix l’écho
- me fut redit par les bois !
- O chère harmonie,
- toi qui me charmes !
- Ton regard si clair
- m’émut en ce temps… —
- ainsi du vieillard
- l’œil était doux,
- et rempli de pitié pour mes pleurs.
- Au regard
- son enfant l’a connu —
- son nom me venait sur les lèvres !
- Et Friedmund dois-je
- [27] heureuse te dire ?
- Dis de quel nom
- il te plaît qu’on m’appelle :
- Mon nom me vienne de toi !
- Tu dis que le Loup fut ton père ?
- [28] Un Loup aux renards qui tremblent !
- Mais lui, dont l’œil
- plein de lumière
- en l’œil aimé luit devant moi.
- avait — Wälse pour nom !
- Si Wälse est ton père,
- tu es donc un Wälsung ;
- c’est toi qu’attend
- au frêne le fer —
- enfin je te nomme,
- comme je t’aime !
- (7) Siegmund —
- tel est ton nom !
- Siegmund dis-je
- et Siegmund suis-je !
- ma preuve est l’épée,
- que j’ose reprendre !
- Wälse m’en arme
- au jour du danger ;
- telle elle attend :
- ma main l’étreint !
- D’un saint amour
- suprême angoisse,
- d’un âpre amour
- ardente détresse,
- brûle claire en mon cœur,
- gronde au duel de mort :
- [29] Nothung ! — (8)[30] Nothung !
- ce nom soit le tien ! —
- [31] Nothung ![32] Nothung !
- [33] glaive rêvé !
- Montre ta lame,
- fer dévorant !
- jaillis de la gaîne — à moi !
- Siegmund le Wälsung
- vient vers toi !
- ce glaive est
- son gage d’amour :
- l’amant conquiert
- l’amante ainsi ;
- il l’ôte ainsi ;
- du seuil détesté.
- Loin d’ici
- suis-le donc, viens :
- viens au palais
- joyeux du printemps,
- [34] l’épée, gardée par Nothung
- pour Siegmund qu’amour a vaincu !
- Est-ce Siegmund
- que je contemple —
- (9) suis-je :: qui t’attendait : Sieglinde
- ta propre sœur
- est à toi comme à toi est l’épée !
- [35] Sœur, épouse,
- sois à ton frère ! —
- fleurisse donc, Wälse, ton sang !
ACTE IIe
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Hahei ! Hahei ! Heiaha !
- Toi-même, Père,
- arme-toi bien ;
- rude assaut
- va t’assaillir :
- Fricka vient, ton épouse,
- que traînent de robustes béliers
- Hei ! elle agite en main
- [37] un fouet d’or !
- les pauvres bêtes
- tremblent de peur ;
- fort grondent les roues :
- dur s’annonce l’assaut !
- Pareille lutte
- n’est pas mon fait,
- moi qui me plais
- aux virils combats :
- voyons ta défense à l’assaut ;
- l’espiègle te laisse en plan ! —
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Hahei ! Hahei ! Hoïohei !
- L’orage ancien,
- l’ancien souci !
- Pourtant j’y tiendrai tête.
- En ces monts où tu te caches,
- fuyant les yeux de l’épouse,
- seule ici,
- moi je te cherche,
- comptant sur ton assistance.
- Que Fricka dise
- Fricka.
tous ses griefs.
- Jusqu’à moi Hunding crie ;
- vengeance est due à son droit :
- c’est moi qui garde
- les liens sacrés ;
- je veux
- sans faiblesse punir
- l’affront grave et hardi,
- l’offense faite à l’époux.
- De quel crime
- est-il chargé,
- le couple uni par l’Avril ?
- L’Amour charmeur
- enchanta leur sens :
- comment châtier l’Amour ?
- Tu veux rester sourd à ma voix,
- alors que tu sais pourtant
- que pour le saint
- serment conjugal,
- par eux blessé, je réclame !
- Nuls sont pour moi
- les serments
- d’un couple sans amour ;
- n’espère donc
- pas m’obliger
- d’attacher de force
- ce qui t’échappe :
- où l’effort libre s’affirme,
- ma voix l’excite aux luttes !
- Puisque tu loues
- l’adultère amour,
- poursuis ton ouvrage,
- honore et vante
- le crime sans égal,
- l’inceste des deux jumeaux.
- Mon cœur en frémit,
- je tremble d’effroi :
- la sœur s’abandonne
- aux bras de son frère !
- Quand donc a-t-on vu
- que sœur et frère s’unissent ?
- Vois-le — maintenant !
- apprends ainsi
- comment vient tout seul
- ce qui fut inouï jusque-là.
- L’amour de ce couple
- brille à tes yeux :
- aussi retiens mon conseil :
- veux-tu bénir
- le bonheur et l’ivresse ?
- bénis, riant à leur tendresse,
- Siegmund et Sieglinde unis !
- Ainsi c’est fini
- du pouvoir éternel,
- depuis que tu fis
- ces Wälsungen fauves !
- C’est là ton but, —
- t’ai-je compris ?
- Tu comptes pour rien
- la race sublime ;
- tu nies les lois
- qui guidaient ta conduite,
- tu brises les liens
- établis par toi-même,
- romps en riant
- le pouvoir des cieux —
- pour la libre joie et l’humeur
- de ces deux trop hardis jumeaux,
- rejetons que ton crime a créés ! —
- Oh ! que dis-je
- du lien conjugal !
- tout d’abord par toi profané !
- L’épouse sûre,
- l’époux la trompa :
- par les abîmes,
- par les montagnes,
- partout ont cherché
- tes désirs,
- pour se plaire en d’autres tendresses,
- et mieux railler mon malheur !
- Toute en pleurs
- j’endure ma peine,
- quand au combat
- tu conduis tes filles,
- enfants d’un lien
- d’amour criminel !
- [38] tu craignais pourtant mon courroux,
- car leur groupe guerrier,
- — Et Brünnhilde aussi,
- ton désir vivant, —
- fut par toi sous mes ordres placé.
- Depuis, de nouveaux
- surnoms te convinrent,
- et « Wälse » aux bois
- comme un loup prit sa course ;
- oui, tu voulus,
- consommant cette honte,
- créer un couple
- d’Humains ordinaires :
- oui, le fils de la Louve
- va sur l’épouse régner !
- Achève à présent !
- va jusqu’au bout !
- tu me trompes, fais qu’on m’écrase !
- Rien ne t’instruit,
- quand je t’explique
- ce qui t’est caché toujours,
- avant qu’éclate le fait.
- Seul l’usage
- a formé ton savoir :
- mais ce que nul n’a vu,
- c’est là tout mon désir !
- Or, écoute !
- Il faut un Héros,
- qui, libre d’aide divine,
- soit libre des lois des Dieux :
- seul il peut
- entreprendre l’exploit
- que, pressé de détresse,
- le Dieu pourtant ne peut point tenter.
- Détour habile
- pour me surprendre !
- L’exploit que ces héros
- pourraient faire,
- tu le prétends trop haut pour leurs Dieux
- de qui l’aide en eux seule agit ?
- Leur courage propre
- compte-il pas ?
- Qui l’a soufflé dans leur cœur ?
- Qui sut éclaircir leurs regards ?
- Par toi aidés
- ils semblent forts ;
- par toi poussés
- ils vont en avant :
- toi seul fis ce zèle
- qu’ainsi tu m’oses vanter.
- Ton cœur médite
- quelque autre leurre,
- quelque autre ruse
- pour me séduire :
- mais à ce Wälsung
- tu dois renoncer :
- en lui toi seul parais,
- car par toi seul il agit.
- Des maux farouches
- [39] l’ont fait ce qu’il est :
- le Dieu l’a laissé seul.
- Que seul il reste encor !
- prends-lui le fer
- donné par ta main !
- Le fer ?
- Oui ― le fer,
- qu’un charme saint
- a rendu fort,
- et qu’au fils donna le Dieu !
- Siegmund le prit de lui-même
- en l’angoisse.
- Toi seul fis l’angoisse,
- [40] et de toi vient le fer.
- Trompes-tu celle
- qui nuit et jour
- a suivi tous tes pas ?
- Pour lui tu plantas
- le fer dans le frêne ;
- à son bras le glaive
- fut promis :
- ne l’as-tu pas amené
- par ta ruse
- seule, au point marqué ?
- Le Libre
- dédaigne l’Esclave,
- mais doit punir sa révolte :
- contre ton pouvoir
- j’ai combattu ;
- mais Siegmund, l’Esclave, est mien !
- Qui te domine,
- qui te possède,
- doit-il régner
- sur l’épouse éternelle ?
- D’un tel affront
- aurai-je l’opprobre,
- appel aux forfaits,
- mépris des cœurs fiers ?
- Mon époux ne veut tel outrage,
- [41] à l’épouse il laisse l’honneur !
- Que te faut-il ?
- Quitte le Wälsung !
- Qu’il suive son chemin.
- Mais toi ─ laisse-le seul,
- Au moment du combat vengeur.
- Je ─ le laisserai seul.
- Parle sans feinte,
- point de mensonge !
- La Walküre soit contre lui !
- Fricka.
La Walküre marche libre !
- Non pas ! ton vouloir
- règle seul tous ses actes :
- défends-lui donc Siegmund vainqueur !
- Je ne puis pas le perdre :
- il prit mon glaive !
- Retire le charme,
- et brise le fer :
- Siegmund soit désarmé !
- Voici ta vaillante enfant :
- fière et gaie elle accourt.
- Mon ordre pour Siegmund l’arma !
- Mon honneur sacré
- d’épouse éternelle
- par elle soit gardé !
- Raillés des humains,
- déchus du pouvoir,
- tous les Dieux vont à leur fin,
- si mon droit royal
- n’est pas pleinement
- vengé par ta fille aujourd’hui.
- Que Siegmund tombe à ma gloire :
- reçois-je de Wotan serment ?
- Prends le serment !
- Wotan
- ici t’attend :
- va, qu’il te dise
- quels décrets il a pris !
- Mal a fini
- l’assaut,
- Fricka semble joyeuse !
- Père, que doit
- ta fille apprendre ?
- Sombre et triste tu songes !
- J’ai fait les chaînes
- [42] qui m’ont pris : —
- moi, l’être le moins libre !
- Tel tu ne fus jamais !
- Quelle affre t’étreint ?
- O honte sacrée !
- Affreux déshonneur !
- Maux des Dieux !
- Maux des Dieux !
- Rage sans fin !
- Deuil éternel !
- Ma peine est mortelle entre toutes !
- Père ! Père !
- Parle, explique !
- Oh ! pourquoi effrayer ton enfant !
- Raconte-moi :
- mon cœur est sûr ;
- vois, Brünnhilde prie !
- Si je l’exprime,
- n’est-ce briser
- ce qui tient encor mon vouloir ?
- A ton vouloir tu parles,
- me disant ton désir :
- qui — suis-je,
- hors ton vouloir vivant ?
- [43] Ces choses qu’à tous mon cœur cèle,
- inexprimées
- toujours qu’elles restent :
- à moi je parle,
- parlant à toi. — — —
- Du jeune Amour
- la joie m’ayant fui,
- mon cœur souhaita le Pouvoir :
- l’ardent désir
- grondant en ce cœur
- soumit le monde entier.
- Sans le comprendre,
- œuvre trompeuse,
- j’ai sous mes lois
- englobé le mal :
- Loge m’a pris dans ses ruses,
- et puis, errant, a fui. —
- Mais l’Amour
- demeurait mon envie ;
- mon Pouvoir rêvait la tendresse.
- Le fils des nuits,
- le triste Nibelung,
- Alberich, y renonça ;
- il maudit tout Amour
- et conquit par ce crime
- l’Or splendide du Rhin
- et par lui toute puissance.
- L’Anneau qu’il forgea,
- ma ruse sut le prendre :
- mais au Rhin
- je ne l’ai rendu ;
- j’en ai payé
- le prix du Walhall,
- le burg que de forts Géants firent,
- et d’où j’ai régné sur le monde.
- La Toute-Sage
- au sûr savoir,
- Erda, l’auguste
- Wala sachante,
- m’a fait laisser cet Anneau,
- me prédisant ruine éternelle.
- Je voulus en savoir
- plus encore…
- muette, la Wala disparut.
- Je perdis ma joyeuse ardeur ;
- [44] le Dieu souhaita de savoir :
- jusqu’au cœur du monde
- je descendis :
- le charme d’amour
- soumet la Déesse,
- dompte son fier savoir,
- et la force à me parler.
- D’elle j’ai su des secrets ;
- par moi son sein a conçu :
- l’enfant né de la Toute-Sage,
- Brünnhild’, c’est toi.
- Huit sœurs près de toi
- ont grandi :
- à vous, Walküren,
- votre tâche
- fut d’écarter
- le péril prédit —
- la Fin des puissances divines.
- Pour l’âpre assaut
- que veut l’ennemi,
- vous m’ameniez les plus braves :
- ces Hommes, courbés
- sous nos lois sévères,
- ces Hommes, dont
- nous brisâmes l’ardeur,
- que nos pactes sinistres,
- liens de mensonge,
- dévouent aux aveugles
- obéissances —
- vous dûtes les rendre
- prompts aux batailles,
- et de cœurs rudes
- aux durs combats,
- guerriers hardis, devant peupler
- les salles du Walhall saint.
- Les guerriers peuplent tes salles,
- forts et nombreux par mes soins.
- Pourquoi cette crainte,
- voyant notre zèle ?
- Un autre effroi,
- sache-le bien,
- fut par la Wala prédit ! —
- Du Gnome l’armée
- veut notre perte :
- de rage et d’envie
- gronde le Niblung ;
- mais moi je n’ai peur
- de ses hordes nocturnes —
- mes héros les peuvent braver.
- Si pourtant l’Anneau
- retombe en sa puissance
- alors le Walhall succombe
- car le Nain jadis
- maudit l’Amour,
- et lui seul peut
- user du charme
- pour l’éternelle
- honte des Dieux ;
- il peut gagner
- à lui mes héros ;
- forcer les braves
- même à trahir
- par leur effort
- me vaincre à mon tour.
- J’ai cherché le moyen
- de soustraire l’Or à ses ruses :
- veilleur avide,
- l’un des Géants
- qu’avec l’Or maudit
- j’avais payés,
- Fafner garde cet Or,
- qui le fit meurtrier de son frère.
- Comment lui ravir l’Anneau
- qu’il reçut de moi pour salaire !
- avec lui j’ai traité,
- je ne dois rien reprendre ;
- sans nul pouvoir
- je suis devant lui :
- telle est la chaîne
- qui m’attache :
- si les traités me font roi,
- des traités je suis le captif !
- Un seul pourrait
- [45] l’impossible exploit :
- Héros pour qui
- jamais je n’agisse ;
- qui, loin du Dieu,
- privé de faveur,
- sans savoir,
- sans mon appel,
- en sa propre angoisse,
- par ses propres armes,
- fit cet exploit
- qu’il me faut laisser,
- sans l’avoir appris de moi.
- dont c’est l’unique désir ! —
- Révolté contre moi
- — pour ma cause ! —
- l’ami ennemi,
- comment le trouver ?
- ce Fort vraiment libre,
- qui, sans mon aide,
- dans sa révolte même
- m’est cher plus que tous ?
- Comment créer l’être
- distinct de moi,
- faisant sans moi
- ce que moi je veux ! —
- Détresse des Dieux !
- Honte sans nom !
- Dégoût de ne trouver
- que moi seul
- dans toutes mes entreprises !
- Et l’Autre, que je désire,
- [46]… cet Autre m’échappe à jamais !
- Lui-même le Libre se crée, —
- Esclaves, tous ceux que j’ai faits !
- Mais le Wälsung, Siegmund,
- seul a lutté ?
- Fauve, aux bois
- [47] j’ai guidé sa course ;
- contre les lois des Dieux
- j’ai poussé sa valeur —
- et contre leur vengeance
- seul le protège le fer,
- que la faveur
- d’un Dieu lui donna —
- Qu’ai-je voulu
- mentir à moi-même ?
- l’erreur fut si bien
- par Fricka montrée !
- Son œil vit clair
- ma honte sans nom :
- à son vœu je dois satisfaire !
- Tu ôtes à Siegmund la victoire ?
- J’ai touché jadis à l’Anneau —
- âpre, j’ai tenu l’Or !
- Le charme maudit
- s’acharne sur moi : —
- mon amour, je dois le détruire,
- perdre tous ceux que j’aime,
- lâche, trahir
- qui me chérit ! —
- Croule à jamais,
- règne éclatant,
- gloire divine,
- honte des Dieux !
- Effondre-toi,
- mon Œuvre puissant !
- Vain fut mon effort,
- unique est mon vœu,
- la Chute — —
- la Chute ! —
- Et pour la Chute
- veille Alberich ! —
- je comprends
- maintenant le sens
- des mots sinistres de Wala : —
- « Si le sombre ennemi d’Amour
- crée un fils en sa rage,
- la Fin des Dieux
- ne doit tarder ! »
- Le Niblung noir,
- je l’ai su récemment,
- à ses vœux soumit une femme,
- que l’Or lui a livrée.
- Un fruit de haine
- doit naître d’elle ;
- ce fruit maudit
- croît dans son sein :
- le Nain sans amour
- obtint ce prodige ;
- [48] mais le Héros que j’aime,
- le Libre, jamais ne naîtra : —
- Béni soit ton règne,
- Niblung futur !
- Ce qui m’écœure,
- prends-en l’héritage,
- l’éclat des Dieux, ce néant :
- [49] qu’il meure, par toi dévoré !
- Oh dis, parle !
- Que fera ton enfant ?
- Suis l’ordre de Fricka,
- sauve ses lois sacrées !
- Ce qu’elle veut,
- j’en fais mon décret :
- que sert de vouloir moi-même ?
- Je ne puis rêver l’Etre Libre ! —
- pour qui sert Fricka
- Brünnhilde.
lutte à présent !
- Oh ! regrette
- et reprends l’arrêt !
- Tu aimes Siegmund :
- moi, de ton cœur
- certaine — je sauve le Wälsung.
- Fais périr le Wälsung,
- que Hunding par toi soit vainqueur !
- Garde-toi bien,
- sois ferme en ta force ;
- tout ton courage
- est utile aujourd’hui ;
- un fer vainqueur
- arme Siegmund, —
- fier sera son effort !
- Lui qu’à chérir
- toujours tu m’appris,
- lui si noble et fier
- et si cher à toi-même, —
- contre lui rien ne m’impose
- ton double vouloir !
- Ah ! qu’oses-tu !
- [50] Est-ce un défi ?
- Qui es-tu, hormis l’aveugle
- choix de mon vouloir ?
- T’ayant mise en œuvre,
- vins-je si bas,
- qu’on m’outrage alors
- [51] qu’on me doit l’existence ?
- Crains, enfant, ma fureur !
- Ton cœur frémirait
- devant sa foudre
- sur toi prête à tomber !
- En ma poitrine
- dort le courroux
- qui pourrait broyer
- cet univers
- qui m’a souri si longtemps : —
- qui l’appelle est frappé !
- deuil répond au défi ! —
- N’excite point
- l’ire du Dieu !
- agis selon mon arrêt : —
- Siegmund tombe ! —
- Tels soient ton œuvre et ta loi.
- Tel air jamais
- n’eut le Père,
- encor qu’il soit vite irrité !
- Lourd pèse
- le poids des armes : —
- aux joyeux assauts
- jadis si légères ! —
- Mon pas se traîne
- [52] au combat cruel !
- Las ! mon Wälsung !
- En l’extrême angoisse
- l’amie infidèle te quitte !
- Reste en ce lieu :
- prends du repos !
- Siegmund. Marche ! Marche !
- Arrête-toi !
- Demeure, femme chérie !
- Aux douces ivresses,
- pâle soudain,
- en hâte folle,
- prompte, tu fuis !
- à peine je suis ta course :
- par bois et prés,
- par ravins et rocs,
- sombre, muette,
- toi, tu fuyais,
- [53] toujours sourde à ma voix.
- Reste en repos :
- parle à l’aimé !
- Romps ce silence affreux !
- Vois, ton frère
- tient sa fiancée :
- Siegmund est tout à toi !
- Va-t-en ! Va-t-en !
- Laisse l’indigne !
- Vile et profanée
- je t’enlace !
- flétrie, infâme,
- telle est ma chair :
- fuis ce cadavre,
- fuis loin de lui !
- qu’aux vents roule ce corps,
- qui vil au héros s’est donné ! — —
- Quand plein d’amour il me prit,
- quand j’eus les suprêmes joies,
- quand tout mon cœur fut à lui,
- qui tout amour m’a donné, —
- dans ces douces tendresses,
- saintes extases,
- comblant mon corps,
- mon cœur tout entiers…
- peur, épouvante,
- horreur de sa honte,
- dut terrifier
- la femme avilie,
- jadis à l’homme soumise
- qui sans amour l’acheta ! —
- Fuis la maudite,
- laisse-la fuir !
- Indigne suis-je,
- d’honneur déchue !
- A toi, si noble,
- triste, j’échappe ;
- je dois pour jamais
- [54] ne plus être tienne :
- vile au frère je m’offre,
- ma honte souille l’ami !
- Qui t’a fait ces affronts,
- son sang te les va payer !
- Arrête ta fuite ;
- reste à l’attendre ;
- là, je vais le vaincre :
- [55] et Nothung,
- lui mordant le cœur.
- va venger tous tes affronts !
- Où es-tu, Siegmund ?
- t’ai-je toujours ?
- frère que j’aime,
- toi ma lumière !
- Que ton œil si clair
- soit encor mon étoile :
- daigne souffrir
- mon baiser d’amour maudit ! —
- Entends ! entends !
- c’est le cor de Hunding !
- Et sa meute accourt,
- terrible à voir.
- Tout glaive est
- impuissant contre eux…
- jette-le, Siegmund !
- Siegmund — où es-tu ? —
- Ah ! là ! — je vois tes traits !
- scène d’horreur ! —
- Dents qui grincent
- et veulent ta chair…
- qu’importe aux chiens
- ton regard si fier !
- par les pieds leurs crocs
- meurtriers t’ont saisi —
- tu tombes —
- le glaive se brise en deux : —
- le frêne choit, —
- son bois se rompt !
- Frère ! mon frère !
- Siegmund — ha ! —
- Chère ! aimée !
- Siegmund ! —
- Vois vers moi !
- C’est — moi,
- que tu suivras.
- Qui donc es-tu,
- qui si belle et grave paraît ?
- Seuls ceux qui meurent
- voient ma face :
- à qui m’entend,
- [58] j’annonce le jour obscur.
- Sur le champ du combat
- je vais aux braves :
- qui m’aperçoit,
- la mort l’a désigné.
- S’il suit tes pas,
- Brünnhilde.
où conduis-tu le brave ?
- Le Maître du Choix
- t’a choisi,
- viens vers lui :
- au Walhall suis mes pas.
- Le Dieu du Walhall
- doit-il seul m’accueillir ?
- Les forts, les braves,
- chœur glorieux,
- te vont fêter
- d’un faste triomphal.
- Dois-je trouver là
- Wälse, mon propre père ?
- Au Walhall Wälse
- [59] attend son fils.
- Dois-je y goûter
- l’accueil d’une femme ?
- Vierges
- qu’animent ses vœux,
- les filles de Wotan
- vont te verser l’hydromel.
- Noble et sainte
- s’annonce la fille
- [60] de Wotan :
- pourtant réponds-moi, Déesse !
- Doit-on voir au Walhall
- la sœur, près du frère,
- unie à Siegmund
- Brünnhilde.
Sieglinde aussi ?
- L’air terrestre
- est pour sa lèvre :
- Sieglinde
- perd Siegmund ici !
- Salue alors Walhall,
- salue aussi Wotan,
- salue encor Wälse
- et tous les braves —
- dis mon adieu
- aux douces vierges :
- vers elles je n’irai pas !
- Tu vois de la Walküre
- l’œil meurtrier :
- tu dois suivre ses pas !
- Où Sieglinde vit
- en joie et deuil,
- là son Siegmund veut vivre :
- j’ai vu ton regard
- sans épouvante ;
- [61] en vain tu veux me dompter !
- Sur toi vivant
- rien n’a pouvoir ;
- [62] la mort pourtant te contraint : —
- moi qui l’annonce,
- j’ai parlé.
- De moi quel héros
- serait vainqueur ?
- Siegmund.
Hunding doit te frapper.
- Menace vaine —
- je brave Hunding !
- Guettes-tu là
- l’heure du sang,
- mon rival t’appartient :
- je sais qu’il mourra sous mes coups !
- Toi, Wälsung, —
- écoute-moi bien ! —
- toi seul ici mourras.
- Vois cette épée !
- qui la donna
- promit victoire :
- ta menace cède à ce fer !
- Qui la donna
- décide ta mort :
- [63] de vertu il prive l’épée !
- Tais-toi ! et n’éveille
- pas l’endormie ! —
- Las ! Las !
- Douce adorée !
- Ô triste entre toutes les femmes !
- Contre toi tout
- l’univers s’est armé :
- et moi, à qui seul tu te fies,
- qui seul provoquai ta révolte —
- mon bras ne doit
- [64] t’aider ni défendre,
- je dois te trahir au combat ? —
- Oh ! honte à lui,
- qui donna ce fer,
- tournant le triomphe en mort !
- Mais si je tombe,
- j’irai loin du Walhall —
- Hella me prenne à jamais !
- Estimes-tu si peu
- l’alme délice ?
- Tout tient-il
- en la pauvre femme,
- qui, pâle et triste,
- gît comme morte en tes bras ?
- Rien d’autre n’a de prix ?
- Si jeune et beau
- rayonne ton front :
- mais combien glacé
- et dur est ton cœur ! —
- O toi qui railles,
- va-t’en loin de moi,
- farouche et froide enfant !
- Pourtant si ma peine
- est ton seul plaisir,
- mes maux te peuvent plaire ;
- ma douleur peut charmer
- ton cœur sans pitié :
- [65] mais du froid bonheur du Walhall,
- cesse de me parler !
- Je vois la détresse
- qui ronge ton cœur ;
- je sens du héros
- la sainte douleur — —
- Siegmund, remets-moi ton amante ;
- mon bras sera son appui !
- Nul autre que moi
- Ne la doit toucher vivante :
- s’il faut que je meure,
- que ma main l’immole d’abord !
- Wälsung ! Insensé !
- Suis mon conseil !
- remets-moi ton amante,
- au nom du gage
- d’amour qu’elle porte en son sein !
- Ce fer —
- qu’un fidèle a d’un traître reçu —
- Ce fer —
- qui, lâche, trahit mon espoir :
- s’il n’est terrible au rival,
- qu’il serve à la mort de l’ami !
- Deux êtres
- sont devant toi : —
- frappe, Nothung,
- glaive haineux !
- [66] prends d’un seul coup leurs vies !
- Arrête, Wälsung !
- Crois à ma voix !
- Sieglinde vive,
- et Siegmund vive avec elle !
- Mon choix est fait ;
- je change l’ordre :
- toi, Siegmund,
- sors de la lutte vainqueur !
- Entends cet appel ?
- Prépare-toi bien !
- Crois à l’épée,
- et frappe sans peur :
- sûr brille le fer,
- et la Walküre est sûre aussi ! —
- Adieu, Siegmund,
- noble héros !
- au combat proche je te retrouve !
- Charme fort,
- un doux sommeil
- endort ses maux amers : —
- quand la Walküre vint vers moi,
- a-t-elle béni son repos ?
- L’heure du sombre combat
- de crainte l’aurait accablée !
- Pâle et froide
- [67] elle vit pourtant :
- ses maux sont bercés
- d’un songe souriant.
- Demeure endormie,
- jusqu’après la lutte,
- quand la paix te va charmer !
- Qui j’entends là,
- vienne à présent !
- car son salaire
- est tout prêt :
- [68] va le payer ! Nothung
- Oh ! si le père rentrait !
- Mon frère est aux bois avec lui.
- Mère ! Mère !
- j’ai grande peur ; —
- quel air sinistre
- ont tous ces hommes !
- Noires fumées —
- chaudes vapeurs —
- rouges, des flammes
- rampent vers nous —
- tout est en feu !
- à l’aide, frère !
- Siegmund ! Siegmund !
- Siegmund ! — Ha !
- Te caches-tu,
- que je n’ai pu te voir ?
- Viens, que je t’aborde !
- Hunding ! — Siegmund ! —
- Où les atteindre !
- Ici, suborneur qui m’outrage !
- Fricka va te frapper !
- Tu crois que je suis sans armes
- vil poltron !
- Vante ta Fricka,
- mais viens toi-même,
- sans quoi son aide te trahit !
- Car vois : dans le frêne
- fort du logis,
- j’ai pris sans peur cette épée ;
- à sa lame goûte à présent !
- Arrêtez, barbares !
- Ah ! tuez-moi !
- Frappe, Siegmund !
- Crois à l’épée !
- Tout cède à ma lance !
- En pièces l’épée :
- En selle ! que je te sauve !
- [71] Valet, va !
- va trouver Fricka :
Dis que l’épieu divin Vengea tous ses affronts. —
- Va ! — Va ! —
- Mais Brünnhilde ! —
- Sus à la rebelle !
- Terrible
- châtiment la poursuit,
Et va l’atteindre en sa fuite !
ACTE IIIe.
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Helmwige, viens !
- Ici ton cheval !
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Devers ma jument
- Conduis ton cheval :
- Près de ton Brun
- Ma Grise aime à paître !
- Qui pend à ta selle ?
- Sintolt, le Hegeling !
- Mène ton Brun
- Plus loin de la Grise :
- Ortlinde vint
- Avec Wittig, un Irming !
- Toujours ennemis j’ai vu
- [72] Ortlinde. Sintolt et Wittig.
- Heiaha ! l’étalon
- qui mord la jument !
- Des chefs la haine
- excite les bêtes !
- Assez Brun !
- garde la trêve !
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Siegrune, ici !
- Où restes-tu donc ?
- Long travail !
- Où les autres sont-elles ?
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Grimgerd’ et Rossweisse !
- (Ortlinde, Helmwige et Siegrune qui vient d’arriver sont sorties du bois de sapins ; de la crête rocheuse la plus en arrière, elles saluent par signes les arrivantes.) A deux chevauchant !
- Salut, guerrières !
- Rossweiss’ et Grimgerde !
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Heiaha ! Heiaha !
- Au bois vos montures
- pour paître en repos !
- L’une de l’autre
- écartez vos cavales
- tant que nos braves
- restent rivaux !
- La pauvre Grise
- a pâti de leur guerre !
- Vaillantes ! Vaillantes !
- Toujours deux au combat ?
- Non pas tout d’abord,
- mais bien au retour.
- Si nous sommes là toutes,
- le temps nous presse :
- Pour Walhall il faut partir,
- Wotan attend les héros.
- Huit nous voici :
- une encor manque.
- Près du fauve Wälsung
- Brünnhild’ s’attarde.
- Il faut ici
- l’attendre encor :
- Wotan nous fait
- accueil irrité,
- lorsque sans elle il nous voit !
- Hoïotoho ! Hoïotoho !
- Ici ! Ici !
- D’un vol de tempête
- Brünnhilde vient.
- Heiaha ! Heiaha !
- Brünnhilde ! hei !
- Vers le bois fuit
- son cheval chancelant.
- J’entends Grane
- souffler haletant !
- Jamais je n’ai vu
- course si prompte !
- Helmwige.
Que vois-je à sa selle ?
- Ce n’est pas un guerrier !
- Une femme en croupe !
- D’où vient cette femme ?
- Aucun salut
- à ses compagnes ?
- Heiaha ! Brünnhild’ !
- entends notre appel !
- Vite aidez
- notre sœur à descendre !
- A bout d’efforts
- Grane s’affaisse !
- A descendre elle aide
- vite la femme !
- Parle ! sœur !
- Qu’est tout cela ?
- Aide ! secours !
- danger pressant !
- D’où viens-tu vers nous
- d’un vol furieux ?
- Ta fuite prouve l’effroi !
- C’est ma première fuite,
- et l’on me suit !
- Wotan est sur mes pas !
- N’es-tu pas folle ?
- Dis ! Conte-nous !
- Le Père-Armé te presse ?
- Dois-tu le fuir ?
- O sœurs, vite
- occupez la cime !
- Vers le Nord
- regardez s’il accourt !
- [73] Vite ! dites s’il vient !
- Du Nord obscur
- vient l’orage.
- Sombres vapeurs
- montent là-bas.
- Wotan chevauche
- l’auguste coursier !
- Chasseur sauvage
- il me suit en fureur,
- il vient, il vient du Nord !
- Aide, sœurs !
- grâce pour elle !
- Brünnhilde.
Quelle est cette femme ?
- Vite j’explique !
- Sieglinde on la nomme,
- de Siegmund sœur et amante :
- contre les Wälsungen
- Wotan gronde en courroux : —
- au frère
- je devais en ce jour
- ôter la victoire :
- Mais Siegmund fut
- couvert par mon bras,
- contre le Dieu, —
- [74] lequel l’a lui-même frappé.
- Sigmund tombe,
- et moi, prompte,
- je m’enfuis :
- j’entraînai
- la femme vers vous,
- implorant de vous,
- tremblante, son salut et le mien.
- O sœur trop folle !
- qu’as-tu osé ?
- Las ! Las !
- Brünnhilde, las !
- coupable erreur
- de Brünnhilde
- [75] rebelle à l’auguste vouloir !
- L’ombre monte
- et du Nord vient vers nous !
- Gros de rage
- Les Walkyries. accourt l’ouragan.
- Fort a henni
- son cheval.
- son souffle gronde effrayant !
- Pauvre victime,
- si Wotan l’atteint,
- sa haine des Wälsungen
- veut les détruire !
- Mes sœurs, qui de vous
- me prête un cheval,
- pour lui ravir cette femme ?
- Tu veux donc
- nous rendre rebelles ?
- Rossweisse, chère !
- prête ta monture !
- Sa course jamais
- n’a fui loin du Père.
- Helmwige, écoute !
- [76] Je reste soumise !
- Grimgerde ! Gerhilde !
- Vite un cheval !
- Schwertleite ! Siegrune !
- Vois ma terreur !
- Oh ! aidez-moi,
- mes sœurs tant aimées :
- Sieglinde. grâce pour l’humble éplorée !
- Renonce à rien craindre pour moi :
- seule m’aide la mort !
- Pourquoi vins-tu
- m’ôter du désastre ?
- J’aurais reçu là
- le coup mortel,
- de cette arme même
- dont Siegmund meurt :
- — moi-même morte,
- unie à lui !
- Loin de Siegmund —
- Siegmund, de toi !
- Puissé-je en la mort
- fuir ce songe !
- Si je ne dois
- maudire ton aide,
- saintement exauce mes larmes, —
- plonge ton glaive en mon cœur !
- Vis, pauvre femme,
- l’amour l’ordonne !
- Sauve le gage
- que de lui tu reçus !
- un Wälsung vit dans ton sein !
- Sauve-moi, vierge !
- sauve mon fils !
- Grâce, ô filles,
- à moi votre appui !
- Ortlinde. L’orage grandit.
- Parte qui tremble !
- Chasse la femme
- loin du péril :
- des Walküren nulle
- n’ose l’aider !
- Sauve-moi, vierge !
- sauve la mère !
- Fuis donc au plus vite —
- et fuis toute seule !
- Je — reste et j’attends.
- seule à Wotan je m’offre :
- sur moi seule
- arrêtant ses fureurs,
- pour que toi, tu évites sa rage !
- Où diriger ma fuite ?
- Qui de vous toutes
- vers l’Est prit sa course ?
- Vers l’Est au loin
- s’étend la forêt :
- des Niblungen l’Or
- y fut par Fafner traîné.
- Sombre dragon,
- sous cette forme,
- au fond d’un antre
- Grimgerde.
il garde du Gnome l’Anneau.
- Maint péril y guette
- une femme sans aide !
- Pourtant des coups du Dieu
- seuls la sauvent ces bois :
- car Wotan craint
- d’approcher ce lieu.
- Wotan vient
- vers nous en fureur !
- Brünnhild’, entends,
- il approche à grand bruit !
- Pars sur l’heure,
- vers l’Est hâte-toi !
- Va, courageuse,
- bravant tous les dangers —
- faim et fatigue,
- ronce et rocher !
- ris de tes maux,
- [77] des dures douleurs !
- Qu’un seul savoir
- en toi demeure :
- le plus auguste Héros,
- femme, grandit,
- caché dans ton sein ! —
- Conserve les deux
- moitiés du glaive ;
- près du corps de Siegmund
- ma main les a prises :
- qui doit brandir
- le fer reforgé,
- [78] de moi reçoive son nom —
- (12) : Joyeux et Vainqueur ! Sieglinde.
« Siegfried »
- O sainte merveille !
- vierge sublime !
- A toi je dois
- [79] un saint réconfort !
- Pour lui, notre aimé,
- [80] l’enfant doit survivre :
- que mes vœux un jour
- [81] s’ouvrent sur toi !
- Adieu donc,
- bénie par Sieglinde en pleurs !
- Reste ! Brünnhilde !
- Cheval et chevalier
- s’arrêtent
- las ! Brünnhilde !
- Wotan est là !
- Mes sœurs, pitié !
- le cœur me manque !
- Son courroux m’écrase,
- s’il n’est calmé par vos pleurs.
- Ici, perdue !
- cache-toi bien !
- Viens parmi tes sœurs,
- muette à sa voix !
- Las ! Las !
- Wotan saute à bas
- du cheval ! —
- tout frémit
- au pas du Vengeur !
Wotan, en proie à une fureur effrayante, sort de la forêt de sapins à pas précipités ; il s’arrête devant le groupe des Walkyries, qui se sont placées sur la hauteur rocheuse de manière à couvrir Brünnhilde de leur corps.
- Où est Brünnhilde ?
- où est la coupable ?
- Oseriez-vous
- cacher la rebelle ?
- Sombre rugit ta rage : —
- que firent, Père, tes filles.
- pour t’irriter
- d’une telle fureur ?
- Est-ce un outrage ?
- Folle qui l’ose !
- Je sais : Brünnhilde
- est là parmi vous.
- Seule laissez-la,
- maudite éternelle,
- qui a maudit
- son propre rang !
- Vers nous vint la coupable,
- implorant notre secours !
- son cœur défaille
- sous ton courroux.
- Pour la sœur tremblante
- nous prions toutes,
- calme ton premier courroux !
- Filles au cœur
- faible et tremblant !
- D’esprit si lâche
- vous ai-je créées ?
- Vous ai-je donné
- l’audace aux combats,
- vous ai-je fait
- le cœur froid et dur,
- pour vous voir jeter pleurs et cris,
- quand mon bras sur l’infidèle s’étend ?
- Sachez, pleureuses,
- l’acte commis
- par celle que plaignent
- vos lâches sanglots !
- Nulle comme elle
- n’a pénétré ma pensée !
- nulle comme elle
- n’a su mes vœux dans leur source ;
- c’est elle qui
- [82] dans son sein créait mon désir : —
- ainsi, brisant
- la douceur de ce lien,
- son traître crime
- a bravé mon vouloir,
- l’arrêt souverain
- est outragé,
- contre moi elle tourne les armes,
- que moi seul lui mis en main !
- Parle, Brünnhilde !
- toi, de qui force,
- casque et lance,
- grâce et beauté,
- nom, existence sont à moi ! ’
- Parle et réponds à ma plainte,
- tremblante qui te caches,
- et fuis lâchement l’arrêt !
- Ordonne, Père :
- Wotan.
décide la peine !
- Ta peine est ton œuvre :
- et toi-même as fait ton arrêt.
- Par mon vouloir
- ton être existait :
- contre moi pourtant tu voulus ;
- mes ordres seuls
- devaient être ta loi :
- contre moi tu dictes des ordres ;
- mon vœu
- fut le tien :
- contre moi tu formes des vœux ;
- mon bras
- seul t’armait :
- contre moi ton bras lève l’arme ;
- seule tu connus
- mes décrets :
- contre moi pourtant tu décrètes ;
- seule tu fis surgir
- mes héros :
- contre moi ta voix les insurge.
- Ton rang passé,
- Wotan l’explique :
- ton rang présent,
- à toi de le dire !
- Mon vœu n’est plus le tien ;
- Walküre n’est plus ton être : —
- demeure donc
- [83] ce qu’encor tu seras !
- Me repousses-tu ?
- c’est là ton arrêt ?
- Vis loin des cieux, loin du Walhall ;
- tes pas n’iront plus
- vers les héros,
- mener les vainqueurs
- au divin séjour ;
- aux convives saints, Dieux et Déesses,
- ta main ne doit plus
- [84] verser l’hydromel ;
- ma bouche oubliera
- ta bouche d’enfant.
- Du peuple sacré
- tout te sépare,
- loin du tronc
- la branche morte est tombée ;
- je romps ici notre lien :
- [85] de mes regards divins je te bannis.
- Las ! Las !
- Grâce pour elle !
- Tu me dépouilles
- de tous tes dons ?
- Ton vainqueur doit te les prendre !
- Ici, sur ce roc,
- reste en exil ;
- inerte et sans armes,
- dors ton sommeil ;
- qu’un Homme dompte la vierge,
- s’il la trouve sur son chemin !
- Arrête, Père !
- arrête-toi !
- Veux-tu voir la vierge
- par l’Homme flétrie ?
- O Dieu terrible, épargne
- lui l’horrible affront :
- Wotan.
ton arrêt sur nous fait tomber même affront !
- N’est-ce donc pas clair,
- ce que j’ai dit ?
- De votre groupe
- la sœur infidèle est chassée ;
- et son cheval
- ne doit plus se cabrer près des vôtres ;
- sa fleur virginale
- se fane et meurt ;
- l’époux va régner
- sur ce corps de douceur ;
- à l’Homme, son maître,
- sa vie appartient ;
- assise elle file au foyer,
- condamnée au mépris de tous !
- Tremblez-vous pas ?
- Quittez la maudite !
- Et pour jamais
- fuyez loin d’ici !
- Car si quelqu’une
- près d’elle reste,
- et me provoque
- en prenant son parti —
- la folle aura le même sort :
- [86] j’annonce à l’orgueil cela ! —
- Loin de ce roc !
vloin de ces crimes !
- Promptes, prenez votre course,
- le malheur veille en ce lieu !
- Si grande honte
- ai-je commis,
- que sur mon crime la honte tombe ainsi ?
- Fus-je si basse,
- dans mon forfait,
- que jusque-là tu m’abaisses ainsi ?
- Ai-je trahi
- [87] l’honneur à ce point,
- que tu me prennes l’honneur à jamais ?
- Oh dis, Père !
- vois dans mon âme :
- calme ta fureur,
- dompte cette rage !
- Et montre-moi clair
- l’obscur forfait,
- qui contraint ton cœur en courroux
- à maudire l’enfant le plus cher !
- Songe à ton acte —
- lui seul t’explique ta faute !
- A ton vouloir
- j’obéissais.
- T’avais-je dit
- de lutter pour le Wälsung ?
- Ainsi tu disais,
- seul maître du Choix !
- Mais ce décret
- Brünnhilde.
pourtant je te le repris.
- Quand Fricka t’eut fait
- une âme étrangère :
- tu fus captif de sa cause,
- et ton propre ennemi.
- Croyant que tu sus comprendre,
- je dus châtier ton défi :
- mais lâche et vil
- tu m’as jugé !
- alors j’oublierais l’infidèle
- [88] trop indigne de mon courroux ?
- J’ignore tout,
- hors cette chose seule —
- que le Wälsung, tu l’aimes :
- j’ai vu la détresse
- qui t’étreint,
- l’unique amour que tu quittes.
- Le reste seul
- retint tes regards,
- et te fit souffrir
- l’âpre tourment,
- à Siegmund d’ôter ton aide.
- Tu vis tout cela,
- et tu l’osas protéger ?
- Mon regard n’a vu
- que l’unique amour,
- de qui, dans la contrainte
- où saigne ton cœur,
- faibles, tes yeux se détournent.
- Celle qui couvrait
- ta retraite au combat
- a vu cela seul,
- caché pour toi : —
- Siegmund, je dus le voir.
- Vers lui,
- funèbres, je vins ;
- je lus sur sa face,
- j’ouïs sa parole ;
- je compris du héros
- la sainte douleur ;
- triste en mon cœur
- fut l’écho de sa plainte —
- libre tendresse,
- sombre tourment,
- d’une âme en détresse
- âpre défi :
- mon oreille entendit,
- mon œil vit clair,
- ce qu’au fond de l’être mon cœur
- sentait d’un trouble sacré. —
- Pâle, muette,
- j’ai vu ma honte.
- Toute à sa cause
- fut ma pensée :
- vaincre ou périr
- avec Siegmund sur l’heure —
- tel fut mon rôle,
- et le choix, et le sort !
- Par cet amour qu’en moi
- [89] toi seul, as créé,
- Par l’ordre qui du Wälsung
- me fit sœur,
- toute à son désir —
- fière, je t’ai bravé.
- Toi seule ainsi
- tu pus faire l’acte rêvé,
- qu’à mon cœur défend
- un double désespoir ?
- Si vite tu goûtas
- le bonheur d’un cœur libre,
- tandis qu’en moi
- la douleur brûlait
- détresse de mort
- qui m’a contraint,
- pour l’amour d’un monde,
- d’ôter l’Amour
- de ce cœur rongé de tortures ?
- Alors contre moi
- je luttais dans l’angoisse,
- vaincu d’avance,
- fou de colère —
- rage et désir,
- révolte en courroux,
- m’ont fait ce vouloir meurtrier,
- en la mort de mon propre monde
- de finir ma peine éternelle : —
- Mais toi, de purs
- transports t’enivraient ;
- trouble suave,
- charme puissant,
- tu bois, heureuse,
- le philtre Amour —
- quand moi, Dieu plein d’angoisse,
- seul je m’abreuve de fiel ?
- Que ton vain désir
- soit donc ton guide :
- de moi tu t’es séparée !
- Mon cœur t’écarte,
- je dois m’affranchir
- de ton conseil funeste ;
- distincts, nous ne
- devons vivre ensemble :
- dans le temps et l’espace,
- le Dieu ne doit te connaître !
- Ainsi ton enfant
- n’a su t’aider,
- n’ayant pu comprendre
- quel fut ton vœu,
- quand mon propre vœu
- seulement me disait —
- d’aimer ce que toi tu aimes. —
- Dois-je te perdre,
- te fuir craintive,
- dois-tu rompre
- ce qui fut uni,
- frappant d’exil
- la moitié de ton être, —
- jadis à toi je fus toute
- ô dieu, retiens-le bien !
- Ne souille pas
- ton essence éternelle,
- crains un affront
- retombant sur toi ;
- sur toi pèse la honte,
- [90] suis-je livrée au mépris !
- Ton cœur suivit
- de l’Amour la loi :
- suis à présent
- qui tu dois aimer.
- Dois-je quitter le Walhall,
- ne plus t’assister dans ton œuvre,
- de l’Homme, mon maître,
- subir le pouvoir, —
- des bras d’un lâche
- au moins sauve-moi !
- que seul un brave
- [91] soit mon vainqueur.
- Ton cœur a nié mon Choix —
- Brünnhilde.
choisir pour toi je ne puis.
- De toi une race est issue ;
- nul lâche jamais n’en peut naître !
- l’auguste Héros — je sais qu’il
- naîtra des Wälsungen forts !
- Laisse la race perdue !
- Le Dieu s’éloigne,
- [92] d’elle et de toi :
- la haine dut l’écraser.
- Qui brava ton ordre —
- sut la sauver :
- Sieglinde porte
- un fruit sacré ;
- issu de maux
- [93] que les mères ignorent,
- le fils de ses larmes
- bientôt naîtra.
- Nulle aide de moi
- pour cette femme
- ni pour son fils futur !
- Elle a cette épée
- que par toi prit Siegmund. —
- Et que ma propre main brisa ! —
- En vain tu veux
- fléchir mon courage !
- Accepte ton sort,
- tel qu’il t’est fait :
- moi-même n’y peux rien changer !
- Je pars maintenant,
- loin va ma route :
- j’ai même trop attendu.
- De l’enfant qui
- s’éloigna je m’éloigne ;
- je dois ne rien
- savoir de ses vœux :
- la peine seule
- s’accomplit par moi.
- Quel est le tourment
- dont tu me frappes ?
- Un lourd sommeil
- clora tes yeux :
- celui qui réveille la vierge,
- la prend dès lors pour épouse !
- S’il faut qu’un sommeil
- soit ma chaîne,
- aux mains d’un lâche
- offrant ta fille :
- entends l’unique prière,
- l’effroi sacré de ton sang !
- Entoure la vierge
- d’affreuse épouvante :
- afin qu’un brave,
- un libre Héros
- sur le rocher
- m’éveille seul !
- Trop fier ton rêve —
- trop haut ton vœu !
- Entends
- l’unique prière !
- Ou brise ta fille
- embrassant tes genoux ;
- Détruis l’aimée,
- écrase son corps ;
- que l’épieu cruel
- [94] déchire sa chair :
- du moins, barbare, épargne-
- lui le suprême affront !
- A ton appel
- qu’un Feu se déchaîne ;
- qu’il ceigne la roche,
- cercle embrasé :
- qu’il brille, qu’il brûle
- et broie dans ses dents
- le lâche qui se, infâme, sera
- du roc redoutable approcher !
- Adieu ! vaillante,
- noble enfant !
- Toi de mon être
- sainte fierté !
- adieu ! adieu ! adieu !
- Dois-je éviter tes yeux,
- et dois-je ne plus te faire
- accueil tendre et grave ;
- dois-je ne plus te voir
- chevaucher à ma droite.
- ou bien m’offrir la coupe ;
- dois-je te perdre,
- toi que j’adore,
- ô rire et bonheur de ma vie : —
- qu’un Feu nuptial
- pour ta couche s’allume,
- pareil n’a jamais flamboyé !
- Rouge splendeur
- défende le roc ;
- qu’un mur d’épouvante
- chasse le lâche ;
- Que nul infâme
- n’ose approcher : —
- qu’un Homme ici t’éveille seul,
- plus libre que moi, le Dieu !
- Ces yeux baignés de clarté,
- ces yeux baisés tant de fois,
- quand mon baiser
- payait ta vaillance,
- et quand s’ouvraient
- pour le lot des braves
- tes douces lèvres d’enfant ;
- ces deux yeux, soleils de mon cœur,
- éclairs des jours de combat,
- lorsqu’un espoir
- plus immense qu’un monde
- brûlait mon sein
- d’éperdus désirs,
- d’angoisses sans mesure :
- ma lèvre encor
- goûte leurs larmes.
- en l’adieu dernier
- du dernier baiser !
- Qu’à l’Homme enviable
- brillent leurs feux ;
- pour moi, Dieu misérable,
- à jamais ils se ferment !
- Le Dieu — qui
- s’écarte de toi,
- te prend d’un baiser le Divin.
- Loge, entends !
- viens à ma voix !
- Autrefois tu brûlais,
- brasier dévorant,
- jusqu’au jour de ta fuite,
- [96] lueur ondoyante :
- comme jadis,
- sois enchaîné !
- Jaillis, mer flamboyante,
- défends le roc, rouge clarté !
- Loge ! Loge ! ici !
- Qui de ma lance
- [97] craint la pointe,
- n’aborde ce Feu jamais !
- ↑ Var. : Siegm. : De l’eau, l’eau ! — Siegl. : J’apporte à boire !
- ↑ Var : Du toit, de la femme, le maître est Hunding ;
- ↑ Var. : « Peine », c'est mon surnom : —
- ↑ Var. : L’éclat du serpent
- ↑ Var. : vois ses yeux fixés sur toi !
- ↑ Var. : « Trêve » je ne puis être ;
- ↑ Var. : « Liesse », nom qui m’eût plu :
- ↑ Var. : « Peine », c’est le nom juste !…
- ↑ Var. : « Peine », — le fils du Loup !
- ↑ Var. : la guerre éclate sur mon chemin ;
- ↑ Var. : aussi dois-je « Peine » me dire ;
- ↑ Var. : vainqueur je fus d’eux tout.
- ↑ Var. : je n’ai pas « Trêve » pour titre !
- ↑ Var. : quand mon secret se déchaîne en rage et du cœur jaillit.
- ↑ Var. : gai, il rit aux regards ! —
- ↑ Var. : le feu s’enfuit —
- ↑ Var. : il but la boisson qui endort.
- ↑ Var. : Qu’une épée ici je t’indique !
- ↑ Var. : du bois.
- ↑ Var. : Ah ! si je le trouvais,
- ↑ Var. : Toi-même, l’ami
- t’a dans ses bras :
- j’ai l’arme et la femme à moi !
- ↑ Var. : Vents d’hiver ont fui
- devant l’astre heureux,
- ↑ Var. : maints prodiges
- ↑ Var. : Prodige que je devine : —
- ↑ Var. : « Peine », est-ce ton nom ?
- ↑ Var. : ma vie est la joie suprême !
- ↑ Var. : Et « Trêve » dois-je heureuse te dire ?
- ↑ Var. : Le Loup qu’un renard redoute !
- ↑ Var. : « Presse ! »
- ↑ Var. : « Presse ! »
- ↑ Var. : « Presse ! »
- ↑ Var. : « Presse ! »
- ↑ Var. : glaive d’envie !
- ↑ Var. : « Presse ! »
- ↑ Var. : Sœur, fiancée,
- ↑ Var. : Tout promet
- d’âpres exploits :
- ↑ Var. : Hei ! elle agite un fouet
- dans sa main !
- ↑ Var. : tu craignais l’épouse pourtant,
- ↑ Var. : En d’âpres peines,
- tout seul il s’est fait :
- ↑ Var. : Toi seul fis l’angoisse
- et le glaive envié.
- ↑ Var. : sa femme conserve l’honneur !
- ↑ Var. : Mes propres chaînes
- m’ont lié : —
- ↑ Var. : Ces choses cachées à tout être,
- ↑ Var. : savoir fut le rêve du Dieu :
- ↑ Var. : Un seul pourrait
- ce qu’un Dieu ne doit :
- ↑ Var. : toujours !
- ↑ Var. : Loin de tous,
- par les bois sauvages,
- ↑ Var. : mais Lui, qu’aimant je cherche,
- ↑ Var. : qu’il meure, rongé par ta haine !
- ↑ Var. : Braves-tu l’ordre ? —
- ↑ Var. : suis-je déchu à ce point que ma créature m’outrage ?
- ↑ Var. : Un tel combat
- est pour moi si dur ! —
- ↑ Var. : nul cri qui te retint !
- ↑ Var. : à toi pour jamais
- je suis étrangère.
- ↑ Var. : « Presse »,
- ↑ Var. : il les rassemble :
- ↑ Var. : la rupture du lien conjugal !
- ↑ Var. : pour qui m’entend,
- le jour de la vie s’éteint.
- ↑ Var. : Là-haut le père
- attend le fils.
- ↑ Var. : du dieu puissant :
- ↑ Var. : sa force est vaine sur moi !
- ↑ Var. : pourtant plus forte est la mort : —
- ↑ Var. : à l’épée il prend sa vertu !
- ↑ Var. : mon bras ne doit sauver ta faiblesse,
- ↑ Var. : mais du Walhall, froid délice,
- ↑ Var. : tranche leurs jours d’un coup !
- ↑ Var. : Morte aux yeux, elle vit pourtant :
- ↑ Var. : « Presse ».
- ↑ Var. : «Peine».
- ↑ Var. : «Peine».
- ↑ Var. : Va-t-en, serf !
- ↑ Var. : Rivaux toujours furent
- Sintolt et Wittig !
- ↑ Var. : Vite ! vient-il déjà ?
- ↑ Var. : lequel de l’épieu l’a frappé !
- ↑ Var. : Quoi ! Brünnhilde ose rompre
- du Père l’auguste vouloir !
- ↑ Var. : Je garde ses ordres !
- ↑ Var. : des âpres tourments :
- ↑ Var. : son nom lui vienne de moi —
- ↑ Var. : Merci de tant de sainte pitié !
- ↑ Var. : je sauve son gage :
- ↑ Var. : rient sur ton front !
- ↑ Var. : C’est elle de mon désir le sein créateur.
- ↑ Var. : ce qu’alors tu seras !
- ↑ Var. : Aux banquets des dieux, fêtes célestes,
- ta main ne doit plus
- m’offrir l’hydromel ;
- ↑ Var. : tu es bannie !
- ↑ Var. : je traite l’orgueil ainsi !
- ↑ Var. : Ai-je à l’honneur
- manqué tellement,
- ↑ Var. : trop petite pour mon courroux ?
- ↑ Var. : Par cet amour que dans
- mon cœur tu soufflas,
- ↑ Var. : toi-même gis dans la honte,
- si tu me vois insultée !
- ↑ Var. : qu’un brave seul me puisse obtenir !
- ↑ Var. : Je l’ai proscrite, elle avec toi :
- ↑ Var. : comme nulle n’en souffre,
- ↑ Var. : que sa chair sanglante empourpre ta lance :
- ↑ Var. : du roc de terreur approcher !
- ↑ Var. : en flammes errantes :
- ↑ Var. : aura la crainte,