La carte postale (Dandurand)/Scène II
SCÈNE II.
Qu’est-ce que tu manges ?
Une tartine de confitures.
Veux-tu m’en laisser prendre une bouchée ?
Pourquoi mets-tu sa belle robe neuve à ta Madeleine ?
Tiens ! c’est pour la fête de maman…
Tu ne sais pas si c’est aujourd’hui.
Si !
Qui te l’a dit ?
Tante a dit qu’elle pensait… C’est presque certain.
Presque, c’est-à-dire qu’on n’en sait rien…
Paul ! laisse-moi donc ! tu as les doigts pleins de confitures, tu me colles le nez.
Ça te fera un petit nez sucré, les mouches viendront le goûter comme un bonbon.
Laisse-moi ! Tiens, écoute : veux-tu jouer ?
Jouer à la poupée ?
Oui ; tu feras le père. Tu irais à ton bureau, tu serais bien occupé. Je te téléphonerais tout le temps, tu te fâcherais !… Dis, veux-tu ? Oh ! nous dirions que la petite est malade. Tu lui ferais prendre de l’huile de ricin, moi je lui tiendrais les mains…
Non, non. Je ne joue pas avec une poupée.
Pourquoi ?
Parce que je suis un garçon.
Elle mourrait tu sais, puis nous aurions du chagrin. Tu pleurerais… Ce serait amusant comme tout.
Les hommes, ça ne pleure pas !
Eh bien, si tu ne veux pas ça, tu irais au marché ; je te donnerais de l’argent…
Heu ! es-tu folle ! Tu sais bien que les femmes ne donnent pas d’argent aux maris. C’est nous qui le gagnons et qui vous donnons tout.
En se détournant avec fierté, les mains derrière le dos, il se trouve à offrir sa tartine à sa sœur qui est assise.
Vraiment !
Rends-moi ça !
Si vous donnez tout, ce n’est pas pour longtemps !
Pourquoi n’en demandes-tu pas une à Victoire ? Tu aurais ta tartine… personnelle, comme dit papa…
Et toi aussi, pas vrai ?