La carte postale (Dandurand)/Scène IV
SCÈNE IV.
Tu dis que les hommes ne pleurent jamais…
M’aurait-elle vu ?
Eh bien ! ce n’est pas dommage parce qu’ils ne sont pas beaux quand ils pleurent.
Et vous autres, donc ?
Il y a dans la cuisine le grand Pierre qui braille parce que sa vache s’est perdue. Il fait comme ça tout le temps (passant sa manche sous son nez) : « Mamz’elle Victoire, je r’trouve pas ma vache !… Quoi’sque poupa va dire ? » (Imitant Pierre.) Faut voir le bec quand il dit « poupa ! »
Tu ne devrais pas rire ! quand un homme pleure, c’est que c’est sérieux !… (Il regarde du côté de la corbeille.) Très sérieux !… (À part, soupirant.) Elle a bien de la chance, elle, de ne l’avoir pas lue !
C’est vrai, son « poupa » va se fâcher… le battre peut-être !
Si elle avait été à ma place, elle l’aurait bien lue, la carte…
Pauvre Pierrot !
Si Margot avait été indiscrète elle aussi, au moins nous serions deux, comme Adam et Ève, pour nous consoler.
Mon Dieu, la carte ! (Regardant sous le meuble et à côté.) Elle est partie !
Voilà Tantine qui monte le perron.
Ah ! je tremble comme une feuille.
Mes jambes sont comme de la laine ! (Il va pour sortir en affectant un air naturel.)