La ceinture fléchée/Cette ceinture est un symbole…

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Éditions Édouard Garand (p. 32-33).


CHAPITRE XX

CETTE CEINTURE EST UN SYMBOLE…


Au moment où Monette entra en coup de vent chez Madame Paquin, celle-ci, Alice et Jacques conversaient tranquillement dans le salon.

Le criminel braqua un revolver sur le groupe.

— Je me cache derrière cette tenture, dit-il. Voyez ce pistolet. Il va venir quelqu’un me demander dans quelques minutes. Vous leur direz qu’il n’y a personne ici excepté vous. Sinon, je vous tue comme des chiens.

— Misérable ! rugit Martial, enfin tu découvres ton jeu !

— Tais-toi, jeune coq, ou je t’envoie continuer tes rugissements dans l’autre monde.

Monette se cacha derrière la tenture.

Il était temps.

Mainville, le vieillard et Jérôme entrèrent.

— Il y a un homme qui vient d’entrer dans cette maison ? interrogea le détective.

Jacques Martial répliqua :

— Non, vous vous trompez, nous sommes seuls.

Mais en même temps, d’un signe des yeux presque imperceptible, il désignait la tenture au détective.

Mainville comprit de suite et vit aussitôt une paire de pieds que la tenture ne cachait pas à la vue, car elle se terminait à environ quatre ou cinq pouces du plancher.

D’un bond, rapide comme l’éclair, il sauta sur la tenture, l’arracha, et donna un croc-en-jambe à Monette.

Un coup de feu partit.

Les deux hommes roulèrent sur le plancher.

Ce fut une minute d’angoisse suprême.

Enfin, Mainville se releva et empoigna Monette au collet. On s’aperçut alors que ce dernier avait déjà les menottes au poignet.

Pendant toute cette scène, Madame Paquin s’était tenue renversée dans un fauteuil, la tête dans les mains.

Elle se leva.

Le vieillard poussa un cri :

— Jeanne ! fit-il.

— Albert !

— Oh ! Jeanne, il y a tant d’années que je te cherche pour te demander pardon. Tu as toujours été une sainte femme. J’étais fou de t’accuser, fou de te chasser. Mon associé m’a tout expliqué plus tard ; j’ai compris. Oh ! Jeanne, veux-tu de moi, encore, veux-tu de ton mari ?

Madame Paquin, Madame Martineau pleurait à chaudes larmes :

— Albert, merci, dit-elle. Je ne croyais pas devoir vivre une minute si douce. Embrasse-moi.

Ils s’étreignirent longuement.

— Et elle ? fit le vieillard en désignant Alice, est-ce que…

— Embrasse ta fille, mon ami.

— Oh ! Alice, ma petite Alice chérie, viens dans mes bras.

— Père, père, oui, oh ! oui, papa. Enfin, j’ai un papa.

Le vieillard se dirigea vers Martial :

— Pardon, Jacques, pour le mal que j’ai pensé de toi ! Tu m’as sauvé malgré toutes les peines que je t’ai données. Demande-moi n’importe quoi, je te l’accorde.

— Eh bien, mon oncle, je vous demande la main de votre fille.

Le vieillard sourit :

— Les rêves de ma jeunesse se réalisent, dit-il.

— Contrairement à la coutume canadienne, continua le père d’Alice, je donnerai une dot à ma fille. Choisissez cinquante des plus beaux diamants qui sont dans chacune des flèches de la ceinture que nous venons de reconquérir. Ils sont à vous, mes enfants.

Jérôme mit son mot :

— C’est la plus riche ceinture fléchée que j’ai jamais vue.

Le vieillard répliqua :

— Ces diamants peuvent être considérés comme un symbole. La ceinture fléchée nous vient des pionniers, des coureurs des bois qui ont bâti notre pays. Les diamants, ce sont les exploits intrépides de ces ancêtres fiers qui rendent riche et lourde cette ceinture dont s’enorgueillissent tous les vrais Canadiens français.


— FIN —