La condition juridique des étrangers en Corée

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LA CONDITION JURIDIQUE
DES
ÉTRANGERS EN CORÉE

La Corée, qui s’étend entre la Chine et le Japon, est une longue péninsule de 223.000 kilomètres carrés, avec une population de 10 à 12 millions d’habitants. Ce pays, qui n’est entré en relations avec les nations occidentales que vers la fin du siècle dernier, a signé des traités avec la plupart d’entre elles.

Mais ces conventions n’ont-elles pas été affectées par les derniers accords conclus entre la Corée et le Japon qui donnent à cette dernière puissance une situation privilégiée dans la péninsule ? Les événements récents d’Extrême-Orient, auxquels la Corée n’a pu rester étrangère, ont entraîné pour ce pays la perte de l’indépendance. Par un traité signé le 17 nov. 1905, le Japon a établi son protectorat sur la Corée, mais il a déclaré expressément qu’il veillerait à l’exécution des traités antérieurs conclus par le gouvernement coréen avec les puissances étrangères. Le respect des droits acquis par les États tiers est, d’ailleurs, un principe certain de droit international au cas d’établissement d’un protectorat du droit des gens : les conventions conclues entre deux États ne sont pas opposables aux tiers et la personnalité de l’État protégé n’est pas anéantie par la perte d’une partie de ses droits de souveraineté, contrairement à ce qui a lieu au cas d’une annexion qui fait disparaître l’État annexé. La nouvelle situation internationale de la Corée n’a donc apporté aucun changement dans les rapports de cette puissance avec les autres États et, par suite, la condition des étrangers en Corée n’a reçu aucune modification du protectorat japonais[1].

I

Organisation politique et judiciaire de la Corée.

La Corée est une monarchie absolue. Le roi, qui a pris le titre d’Empereur en 1897, gouverne, assisté d’un Conseil d’État qui comprend les ministres et quatre hauts fonctionnaires. Il est, de plus, assisté d’un résident général japonais destiné à prendre une part prépondérante dans le gouvernement.

La Corée est divisée en treize provinces administrées par des gouverneurs. Les provinces sont elles-mêmes subdivisées en districts à la tête de chacun desquels est un fonctionnaire chargé de l’administration, de la justice et du recouvrement des impôts.

La séparation des pouvoirs n’existant pas, l’organisation de la justice est encore rudimentaire, bien que certains efforts aient été faits pour l’améliorer.

C’est ainsi qu’il y a dans la capitale et dans les villes ouvertes aux étrangers quelques tribunaux réguliers.

À Séoul, siège la Haute-Cour de justice qui connaît des crimes de lèse-majesté, de conspiration, de rébellion et de haute trahison. De plus, elle prononce sur les appels des jugements rendus en matière civile et criminelle par le tribunal de Séoul et par celui de Tchemoulpo.

Dans la capitale, il existe également une Cour spéciale dont la compétence est limitée aux crimes commis par les membres de la famille impériale.

Une Cour de circuit connaît des appels des tribunaux de Fousan et de Gensan et des tribunaux de province.

À Séoul et dans les ports ouverts, il existe des tribunaux compétents en matière civile et criminelle pour connaître de toutes les affaires à l’égard des indigènes et des plaintes des étrangers contre les Coréens. Ces tribunaux sont composés d’un juge unique, un fonctionnaire coréen appelé kam-ni, qui cumule ses attributions judiciaires avec des fonctions administratives.

Sur tous les autres points du territoire, ce sont les chefs de districts qui rendent la justice sous réserve, dans les cas graves, d’en référer aux gouverneurs[2].

Malgré la conclusion de traités avec les autres États, la défiance séculaire du peuple coréen à l’égard des étrangers se manifeste à plusieurs reprises dans le Code pénal, compilation des lois criminelles de l’Empire, récemment traduit en français par un conseiller légiste européen du gouvernement[3].

Ce Code punit de mort « ceux qui auront répandu des nouvelles fausses sur la situation des étrangers en Corée à l’effet de troubler le pays et d’y accomplir des actes illégaux et arbitraires » (art. 200, § 4) ; ceux qui ont attenté à la vie des chefs d’État étrangers voyageant en Corée (art. 201, § 1). Il frappe d’exil ceux qui ont commis des offenses publiques contre les chefs d’État étrangers ou les membres de leurs familles (art. 201, §§ 2 et 3).

Mais, à côté de ces dispositions inspirées des législations occidentales, il renferme un certain nombre d’articles punissant de peines plus ou moins graves les sujets coréens coupables d’avoir sollicité l’appui des étrangers ou de ne pas les avoir tenus suffisamment à l’écart. Ces dispositions étant peu connues, il nous a paru intéressant d’en donner le texte[4] :

Art. 200, § 6. — « Sera puni des travaux forcés à perpétuité tout individu qui aura fait des démarches, par l’intermédiaire d’un étranger, pour obtenir un emploi public.

§ 7. — Sera puni de quinze ans de travaux forcés tout individu qui se plaindra auprès d’un étranger, ou qui lui demandera aide et appui à l’occasion d’affaires où les droits de la Corée sont engagés.

§ 8. — Sera puni de dix ans de travaux forcés tout individu qui, avec la protection d’un étranger, menacera ou lésera les Coréens dans leurs intérêts privés.

§ 9. — Quiconque, étant chargé d’une mission officielle ou de toute autre fonction temporaire à l’étranger, ou bien étant en cours de voyage ou en cours d’études à l’étranger, commettra l’une des infractions énumérées aux §§ 7 et 8 ci-dessus, sera puni d’une peine augmentée d’un degré, jusqu’à la peine de mort exclusivement ».

Art. 353. — « Quiconque se fera passer pour sujet d’un pays étranger sera puni de deux ans de travaux forcés. S’il a séduit et trompé la population et le Gouvernement et, à l’aide de ces artifices, s’il a commis une infraction, il sera puni d’une peine plus forte de deux degrés que la peine normale, jusqu’à concurrence de la peine de mort exclusivement ».

Art. 367, § 2. — « Tout chef de famille qui aura fait inscrire faussement sur le registre public une autre famille en l’englobant dans la sienne, ou bien qui, donnant le logement dans sa maison à un étranger, l’aura fait passer pour membre de sa famille au lieu de le recenser sous sa véritable qualité, sera puni de 100 coups de bâton avec diminution de la peine de deux degrés, quand le chef de famille aura fait inscrire un parent qui a une demeure séparée de la sienne ».

Art. 440. — « Sera puni de 40 coups de bâton, tout individu qui aura fait entrer, sans motif légitime, dans un cabinet officiel, un sujet de nationalité étrangère. Si l’étranger n’a pas pénétré plus loin que les treillages de la cour, la peine sera diminuée de trois degrés ».

II

Relations de la Corée avec les puissances étrangères.

Ce qui distingue le peuple coréen et donne à son histoire un caractère tout particulier, c’est la haine perpétuelle qu’il a jusqu’au XIXe siècle portée aux étrangers, bien différente de l’hostilité que les autres peuples de race jaune ont toujours montrée pour les Occidentaux, puisque l’animosité des Coréens se manifestait même à l’égard des Chinois et des Japonais.

Depuis une époque fort reculée, la Corée avait fermé sa frontière à tous les étrangers. Sa situation géographique qui ne permettait l’accès de son sol que d’un côté, par lequel il tenait au continent asiatique, favorisa son isolement et permit que la Corée restât impénétrable aux étrangers jusqu’à la seconde moitié du siècle dernier.

Tout étranger que la tempête jetait sur ces côtes inhospitalières était retenu en esclavage. Un navire hollandais, le Sparwehr, ayant fait naufrage en 1653 dans les mers de Corée, l’équipage fut gardé en captivité et ne parvint à s’échapper qu’en 1666. Les prisonniers trouvèrent même dans le pays un de leurs compatriotes, survivant de l’équipage d’un autre navire hollandais, l’Ouderkeres, retenu en esclavage depuis 1627, pour avoir abordé en Corée.

Pour empêcher du côté de la terre tout contact avec les étrangers, les Coréens avaient dévasté sur toute l’étendue de leur frontière une bande de terrain d’une largeur de vingt lieues, dans laquelle il était interdit d’habiter et de cultiver le sol. Au cas où quelque étranger aurait réussi à traverser ce désert pour pénétrer dans le pays, des postes militaires établis le long des fleuves Yalou et Toumène étaient chargés de le repousser.

La défiance à l’égard des étrangers était telle que lorsqu’on envoyait à l’empereur de Chine l’ambassade annuelle chargée de porter le tribut à Pékin, on dressait la liste et le signalement détaillés de tous les ambassadeurs et de leur suite pour empêcher quelques Chinois de se glisser dans la mission sous un déguisement et d’entrer en Corée en profitant de son retour.

Comme certaines relations d’affaires avec les autres pays étaient cependant indispensables à la Corée, une fois par an, et seulement pendant quelques heures, les commerçants chinois étaient autorisés à faire des échanges avec les habitants dans les villes frontières de Wi-tjou à l’embouchure du Yalou et de Houne-Tchoune à l’embouchure du Toumène[5].

Les premiers Européens qui s’établirent en Corée malgré les défenses royales furent des missionnaires français. Ils y avaient pénétré à la faveur d’un déguisement et vivaient cachés, propageant secrètement le catholicisme. Ils furent découverts et massacrés, ce qui détermina la France à faire une démonstration navale sur les côtes de Corée (1866)[6].

La même année, an navire américain, la Surprise, s’étant échoué dans les eaux territoriales, l’équipage fut bien traité et renvoyé en Mandchourie. Mais un autre navire américain, le Général-Sherman, eut un sort moins heureux. Il avait quitté Tien-tsin en 1866 et avait disparu sans qu’on eût jamais de ses nouvelles : on apprit depuis que les Coréens avaient massacré son équipage. Pour venger ses nationaux, le gouvernement des États-Unis envoya plusieurs vaisseaux de guerre sur les côtes de Corée en 1867 et en 1871, mais il ne semble pas que cette démonstration ait produit plus d’effet que celle de la flotte française en 1866[7].

Cet isolement, qui rendait la Corée impénétrable aux étrangers et qui l’avait fait appeler par les Américains et les Anglais le « royaume ermite[8] », dura jusqu’en 1875. À cette époque, un vaisseau de guerre japonais, le Unyokan, ayant éprouvé quelques vexations de la part des habitants d’une île des côtes, un ambassadeur fut envoyé au roi de Corée pour demander réparation et signer un traité. La convention du 27 février 1876 qu’il rapporta[9] marque une ère nouvelle dans l’histoire de la Corée. Elle entr’ouvrait ce pays au monde extérieur et c’est aux Japonais que l’on était redevable de ce premier pas dans la voie des relations internationales avec le « Pays du matin calme ».

Le Japon semblait d’ailleurs tout désigné pour ce rôle. Voisin de la Corée, il avait autrefois envahi ce pays à plusieurs reprises et avait conservé de ses anciennes victoires un point sur la côte sud, le port de Fousan. Les Japonais, qui l’occupaient depuis 1597, y entretenaient une garnison de quelques centaines d’hommes. Le traité de 1876 déclarait que, en plus de Fousan, deux nouveaux ports seraient ouverts au commerce japonais.

Il offrait de plus cette particularité remarquable que le Japon stipulait pour ses nationaux le privilège d’exterritorialité à une époque où les Européens jouissaient des mêmes immunités sur son propre territoire et bien longtemps avant que les puissances occidentales eussent consenti à renoncer à ces privilèges dans leurs rapports avec lui[10].

Sur les conseils du vice-roi chinois Li-Hong-Tchang, qui voyait avec regret la Corée s’ouvrir à la pénétration japonaise, le gouvernement de Séoul chercha à neutraliser les ambitieuses visées du Japon en signant des traités semblables avec les puissances occidentales. La Corée entra successivement en relations avec les États-Unis (traité du 5 mai 1882)[11], l’Allemagne (26 nov. 1883)[12], l’Angleterre (id.)[13], l’Italie (26 juin 1884)[14], la France (4 juin 1886)[15], la Russie (8 août 1888)[16], l’Autriche-Hongrie (23 juin 1892)[17], la Belgique (23 mars 1901)[18], et le Danemark (15 juill. 1902)[19]. Ces traités, rédigés sur un modèle uniforme, règlent les rapports des puissances étrangères avec la Corée et fixent la condition de leurs nationaux dans ce pays[20].

À part les Japonais et les Chinois qui appartiennent aux deux États les plus voisins de la Corée, les étrangers ne sont encore pas bien nombreux dans ce pays : en 1903, on en comptait environ 23.000 sur lesquels 500 Occidentaux seulement[21].

III

Les traités de la Corée, leurs caractères spéciaux et leur portée d’application.

Ce qui caractérise les traités signés par les puissances chrétiennes avec la Corée, c’est l’application à ce pays du régime d’exterritorialité sous lequel vivent les étrangers dans les pays de Capitulations. Mais ce régime, transporté d’Orient en Extrême-Orient, a subi quelques modifications à raison de la différence de pays et de mœurs.

Si l’on compare ces traités aux Capitulations ottomanes, on constate d’abord qu’ils constituent l’unique source des privilèges dont les étrangers jouissent en Extrême-Orient, tandis que dans l’Empire ottoman ces privilèges ont pour origine une concession gracieuse du souverain local et se sont développés et souvent déformés par l’effet de la coutume[22].

De plus, les étrangers n’ont pas, comme en Turquie, le droit de s’établir librement sur tout le territoire ; ils sont fixés dans certaines localités que le Gouvernement leur a assignées comme résidence exclusive. Cette situation a pour conséquence l’inviolabilité absolue du domicile des étrangers ; il n’est pas fait exception à cette règle, comme en Turquie, à raison de leur éloignement de la résidence consulaire.

Ces différences ne constituent même pas des innovations : on retrouve la même situation au Moyen âge chez d’autres peuples qui accordaient aux Européens le privilège d’exterritorialité, les Arabes de l’Afrique septentrionale.

On peut donc dire que la condition juridique des étrangers en Extrême-Orient est, dans ses grandes lignes, la même qu’en Orient. Elle est souvent même mieux définie parce que, l’expérience ayant montré les lacunes et les défauts des Capitulations ottomanes, les États européens ont pu préciser les points contestés en Turquie dans leurs conventions avec les États asiatiques.

Ajoutons que les traités avec la Corée, étant les plus récents de ceux qui fixent la condition des étrangers en Extrême-Orient, sont aussi les plus complets et les mieux rédigés.

Avant d’exposer en détail la situation des étrangers en Corée telle qu’elle résulte des conventions diplomatiques une question préliminaire se pose. À qui s’appliquent les traités passés par les puissances étrangères avec la Corée ? Faut-il en limiter l’effet aux nationaux de ces puissances ou peut-on l’étendre à d’autres personnes, étrangers ou indigènes ?

Le traité avec la France est complété par une déclaration dont le § 4, al. 1 est ainsi conçu : « Les clauses du présent traité s’appliquent à tous les pays placés sous l’autorité et sous le protectorat de la France ». Il en résulte que le traité s’applique aux sujets français originaires des colonies françaises aussi bien qu’aux originaires d’un pays placé sous le protectorat de la France comme les Annamites et les Tunisiens.

Cela va de soi pour la France, puisque cette question fait l’objet d’une clause formelle du traité. Mais nous admettrions la même solution, en l’absence d’une stipulation du traité, par une conséquence normale du régime du protectorat. Il en serait ainsi, notamment, pour l’Angleterre qui, en stipulant pour ses nationaux, a entendu traiter pour tous ceux qui sont soumis à l’autorité des agents britanniques. C’est en ce sens que l'Order in council de 1884 pour la Chine, le Japon et la Corée entend l’expression protected persons[23].

Quant à la religion catholique, aucune puissance n’a obtenu de la Corée l’attribution de la protection spéciale des missionnaires, comme c’est le cas de la France en Chine en vertu des traités de Whampoa (1844) et de Pékin (1860). En Corée, il n’y a donc pas de protectorat religieux, la liberté de pratiquer leur religion étant reconnue par les traités aux nationaux de chaque puissance, ce qui a pour conséquence la nationalisation des missions, c’est-à-dire la protection par chaque État des missionnaires de sa nationalité à titre de sujets ou de citoyens. C’est une cause de moins de difficultés avec la souveraineté territoriale et de rivalité entre les puissances étrangères.

Enfin, les traités de la Corée ne reconnaissent pas de protégés indigènes. L’article 9, § 1 du traité avec la France est ainsi conçu : « Les autorités françaises et les Français en Corée pourront engager des sujets coréens, à titre de lettré, d’interprète, de serviteur ou à tout autre titre licite, sans que les autorités coréennes puissent y mettre obstacle ». Cette clause ne permet pas d’étendre aux domestiques et employés des Européens les immunités dont ceux-ci jouissent eux-mêmes et notamment le privilège de juridiction. Le régime du droit commun s’applique donc aux indigènes qui sont au service aussi bien des particuliers que des consuls étrangers. Cette solution est confirmée par la clause du traité avec les États-Unis, d’après laquelle les sujets coréens qui résident à l’intérieur des concessions étrangères restent sous la juridiction des autorités de leur pays[24].

Mais on peut se demander si les sujets ou les citoyens des États qui n’ont pas de traités avec la Corée peuvent réclamer le bénéfice des traités en se plaçant sous la protection d’un consul étranger. Un auteur, M. Dauge, examinant cette question dans les rapports d’un autre État asiatique, le Siam, avec les puissances étrangères, a soutenu avec énergie que le bénéfice des immunités consenties aux étrangers par la souveraineté territoriale ne pouvait être invoqué que par les nationaux des États signataires des traités[25].

Nous ne croyons pas cette opinion exacte. M. Dauge fait remarquer qu’au point de vue du droit pur les droits et les devoirs sont corrélatifs et que les sujets d’un État qui n’a contracté par traité aucune obligation avec une puissance asiatique sembleraient ne pouvoir réclamer des droits octroyés en échange par lesdits traités. « L’application de ce principe, ajoute-t-il, paraîtrait devoir s’imposer, dans l’espèce, avec d’autant plus de force que le droit d’exterritorialité est un droit exorbitant, privant un État d’une partie de sa souveraineté »[26].

Rien de plus exact dans les rapports des États chrétiens entre eux. Étendre les stipulations des traités à d’autres individus qu’aux nationaux des États contractants serait aller la plupart du temps à l’encontre des intentions des signataires de ces actes, parce que l’un des deux stipulants a pu faire à l’autre certaines concessions pour obtenir un privilège exclusif en faveur de ses nationaux. Ici il y a une étroite corrélation entre les droits et les devoirs résultant des traités. De plus, si l’on admet généralement que, dans les États chrétiens, les consuls d’une puissance peuvent étendre leur protection aux nationaux d’un État ami sans représentant, cela ne va jamais au delà d’une intervention officieuse qui ne peut porter atteinte aux droits de la souveraineté territoriale.

Il n’en est plus de même en Orient et en Extrême-Orient. Comme on l’a dit, « ce qui est exceptionnel, comme dérogatoire aux principes fondamentaux, lorsqu’il s’agit d’États de chrétienté, peut fort bien ne l’être pas, du moment qu’il s’agit de pays non chrétiens[27] ». On peut en conclure que le privilège d’exterritorialité reconnu aux étrangers en Chine, au Siam, en Corée constitue le droit commun pour ces étrangers. Il est facile de le démontrer.

Les immunités que les États chrétiens ont stipulées en faveur de leurs nationaux, et spécialement le privilège de juridiction, ont pour motif le peu de garanties offertes par l’administration et la justice territoriales. Cette raison est la même pour tous les Étais dont les institutions sont similaires, c’est-à-dire pour tous les membres de la communauté internationale.

Si l’on examine avec attention les traités passés par la Corée avec les puissances étrangères, on arrive à se convaincre que si tous les États occidentaux ont, sans exception, intérêt à faire accorder les mêmes avantages à leurs nationaux, la Corée n’a jamais eu l’intention de limiter à certains d’entre eux l’exercice de ces droits. Les traités de la Corée diffèrent, en effet, complètement des traités signés par les États de civilisation occidentale entre eux. Au lieu de comporter des obligations et des droits réciproques pour les nationaux de chacun des États sur le territoire de l’autre, on y trouve une nomenclature détaillée des droits et des devoirs des étrangers en Corée, sans réciprocité appréciable : les droits reconnus aux Coréens en France, par exemple, sont tous ceux que les États civilisés accordent aux étrangers même en l’absence de conventions. Ainsi le traité assure aux Coréens en France une pleine et entière protection pour leurs personnes et pour leurs biens, il promet aide et assistance aux Coréens qui y viendraient pour étudier, etc.… L’esprit de ces conventions est donc, comme on le voit, bien différent de celui dans lequel sont conçus les traités d’établissement et de commerce entre nations occidentales.

Ajoutons que les étrangers ne peuvent pas s’établir librement en Corée et que chaque traité fixe les ports et localités ouverts au commerce où il leur est permis de résider. Si l’on refuse aux étrangers sans traité le droit de se réclamer des conventions passées par les autres puissances, on leur refuse également le droit de se fixer en Corée, conséquence inadmissible aujourd’hui. Si l’on permet à ces étrangers d’invoquer la clause qui les autorise à s’établir en Corée, il faut leur permettre également de se réclamer des dispositions des traités qui déterminent les conditions de cet établissement et, par suite, des immunités reconnues aux étrangers.

En fait, la Corée a passé des traités avec la plupart des États dont les nationaux étaient susceptibles de venir se fixer sur son territoire ; le texte uniforme de ces conventions permet de dire qu’elle admet pour tous les étrangers la même situation. Elle reconnaît aux États qui ont signé des traités avec elle le droit de confier la protection de leurs nationaux aux consuls d’une puissance tierce et, lorsque le Japon était le seul État dont les nationaux avaient le droit de venir sur son territoire, la Corée avait prévu l’unique cas où la protection d’étrangers d’une autre nationalité fût nécessaire, celui de naufrage sur ses côtes, et elle avait chargé expressément les consuls japonais du soin de rapatrier les naufragés. Par suite, nous pensons qu’il y a lieu d’étendre aux étrangers sans traité toutes les clauses des traités qui n’ont pas le caractère de concessions spéciales à un État déterminé. Ces étrangers se placeront sous la protection du consul de leur choix ou du choix de leur gouvernement et cette protection entraînera toutes les conséquences admises dans les pays de Capitulations[28].

Mais si nous admettons que les nationaux d’États sans traité avec la Corée peuvent réclamer le bénéfice des traités signés par d’autres puissances, nous n’entendons poser cette règle qu’entre États de civilisation occidentale. L’étendre aux États asiatiques indépendants, et en particulier à la Chine ou au Siam, serait aller à l’encontre des intentions manifestes de la Corée qui a considéré l’exterritorialité comme le droit commun des peuples occidentaux seuls[29].

Les rapports entre la Corée et les autres États de l’Asie sont réglés par des conventions ou par des usages, mais la similitude de leurs mœurs et de leurs institutions rendrait choquante l’assimilation des Asiatiques aux Occidentaux. Il n’est pas admissible que les nationaux d’un pays, tel que la Chine, où les étrangers jouissent du bénéfice de l’exterritorialité, puissent se prévaloir de cette immunité dans un autre État où les étrangers ont les mêmes privilèges, par le seul fait qu’ils se placeraient sous la protection d’un consul européen ou américain. Ainsi tombe l’objection principale et la plus sérieuse qu’on a faite au système que nous défendons[30].

IV

Condition des étrangers en Corée.

Nous examinerons successivement :

1o Les droits et privilèges reconnus aux étrangers en Corée ;

2o Les rapports des consuls étrangers avec les autorités coréennes ;

3o Les rapports des consuls étrangers avec leurs nationaux ;

4o Le régime des concessions étrangères.

§ 1. — Droits et privilèges reconnus aux étrangers en Corée.

Les droits et privilèges que les traités reconnaissent aux étrangers en Corée sont les suivants : 1o protection des individus ; 2o liberté religieuse ; 3o droit d’établissement et de commerce ; 4o droit de circulation ; 5o privilèges en matière d’impôts ; 6o privilège de juridiction ; 7o droit à l’assistance maritime.

I. Protection des individus. — La clause relative à la protection des personnes, qui figure dans les traités, n’est pas inutile chez un peuple qui est resté si longtemps hostile aux étrangers et qui, comme la plupart des nations asiatiques, ne les voit s’installer sur son territoire qu’avec une grande défiance. Aussi le Gouvernement coréen a-t-il garanti aux étrangers sur son territoire « une pleine et entière protection pour leurs personnes et leurs propriétés » (art. 1er, § 1 du traité avec la France)[31]. Toute atteinte portée à ces droits, telle que l’arrestation et la détention arbitraire d’un étranger ou la confiscation illégale de ses biens, entraînerait la responsabilité du gouvernement.

D’autre part, à l’égard d’une certaine catégorie d’étrangers, ceux qui vont en Corée « pour y étudier ou y professer la langue écrite ou parlée, les sciences, les lois ou arts », les stipulations des traités sont plus formelles : elles leur assurent aide et assistance (art. 9, § 2).

Une des conséquences des droits garantis aux étrangers est l’inviolabilité de leur domicile. Aucun fonctionnaire ou agent du gouvernement ne peut pénétrer dans la maison ou dans les magasins d’un étranger ou à bord d’un navire de commerce étranger sans le consentement du résident étranger ou du capitaine de navire, à moins d’en avoir obtenu l’autorisation du consul de la nation à laquelle le résident ou le capitaine du navire appartient (art. 3, § 9).

II. Liberté religieuse. — Les Coréens, comme les Siamois, sont assez indifférents en matière religieuse ; la religion la plus répandue en Corée est le bouddhisme, mais le confucianisme y a aussi des adeptes[32]. À raison des préventions du gouvernement contre les missionnaires catholiques, la Corée a fait des difficultés pour reconnaître la religion chrétienne. Le premier des traités qu’elle a conclus avec une nation occidentale, celui avec les États-Unis, signé le 5 mai 1882, est muet sur la question de la liberté religieuse. Ce sont les traités signés l’année suivante avec l’Allemagne et avec l’Angleterre qui contiennent pour la première fois une clause sur ce point : ils stipulent que, dans les localités ouvertes au commerce, les nationaux de ces pays auront la liberté de pratiquer leur religion (traité avec l’Allemagne, art. 4, § 2 ; avec l’Angleterre, art. 4, § 2)[33].

Cette clause, reproduite dans les conventions postérieures, a permis aux missionnaires catholiques et protestants de faire ouvertement du prosélytisme. En 1903, la mission catholique comprenait 45 religieux français, et la religion catholique était pratiquée par 45.000 indigènes ; les missionnaires protestants étaient au nombre de 150, et le culte réformé comptait 10.000 adeptes[34].

Mais il importe de remarquer que les garanties de liberté religieuse stipulées dans les traités ne s’appliquent qu’aux étrangers et non aux Coréens convertis[35].

III. Droit d’établissement et de commerce. — La Corée n’est pas complètement ouverte au commerce international. Dans ce pays, comme en Chine et récemment encore au Japon, les étrangers n’ont pas la faculté de résider sur tous les points du territoire : ils ne peuvent s’établir que dans quelques villes et dans certains ports ouverts par les traités[36]. Dans ces localités, ils doivent se fixer à l’intérieur de concessions spéciales accordées par le gouvernement. Un fonctionnaire impérial, le kam-ni, établi dans les ports ouverts, est chargé de toutes les relations avec les étrangers. Il est à la fois surintendant du commerce, fonctionnaire de la douane concurremment avec le commissaire des douanes, et magistrat de l’ordre judiciaire.

Les villes et les ports ouverts sont les suivants :

1o Fousan, sur la côte sud, où les Japonais avaient depuis plusieurs siècles un établissement, et qui a été ouvert aux autres nations en 1883. La ville a une population indigène d’environ 5.000 habitants. En 1898, les résidents étrangers y étaient au nombre de 22 Européens, 85 Chinois et 6.249 Japonais, sans compter une population flottante de pêcheurs japonais montant 6.000 bateaux[37].

2o Gensan, dans la baie de Broughton, ouvert au commerce du Japon en 1880 et à celui des autres nations en 1883. Ce port a une population totale de 17.000 habitants (en 1903). Les colonies étrangères y sont peu nombreuses, exception faite des Japonais ; ceux-ci, en 1900, y étaient établis au nombre de 1.500, habitant un quartier séparé. Les autres étrangers étaient à cette époque 100 Chinois et 20 Occidentaux.

3o Tchemoulpo, le principal port de la Corée, situé à l’embouchure du Han, ouvert au commerce étranger en 1883. Ce port avait en 1903 une population totale de 16.000 habitants, parmi lesquels on comptait 4.200 Japonais, 1.300 Chinois et 86 Occidentaux. Avant la guerre, les Russes avaient établi un dépôt de charbon dans l’île de Kyo-tong, en face le port.

4o Mokpo, sur une rivière, près d’une baie magnifique, ouvert en 1897, et qui, de ce fait, a subi une transformation considérable. Les quelques huttes indigènes, qui constituaient la ville avant cette époque, ont fait place à une cité étrangère comprenant plus de 1.200 Japonais et un grand nombre de Chinois.

5o Tchinnampo, sur le fleuve Taïtong, à soixante kilomètres de l’embouchure, ouvert à la fin de l’année 1897. La ville est éloignée de quarante milles par eau de la grande ville de Hpyeng-yang, la troisième de l’Empire, ce qui est destiné à favoriser son développement.

6o Kunsan, à l’embouchure du fleuve Yong-dang, ouvert en 1899. Situé à la limite de deux riches provinces agricoles appelées les greniers de l’Empire, ce port a une population de 1.200 indigènes, 150 Japonais et quelques Chinois.

7o Syeng-tjin, situé entre Gensan et l’embouchure du Toumène et ouvert en 1899. La population est de 500 indigènes et 40 Japonais.

8o Masampo au sud, ouvert en 1899.

À ces ports, il faut ajouter les villes de :

9o Hpyeng-yang, chef-lieu de la province du même nom, ouvert en 1899, qui avait en 1900, 150 résidents japonais et 60 chinois, plus quelques missionnaires américains et français.

10o Kieung-heung, à la frontière de Sibérie, et ouverte en 1888, mais exclusivement au commerce russe.

11o Séoul, la capitale de l’Empire, avec une population de 194.000 habitants qui possède une colonie japonaise de 1.000 membres et environ 100 Occidentaux, Européens et Américains. Il n’y a pas de quartier spécial pour les étrangers qui sont les membres des légations, des missionnaires, des fonctionnaires étrangers du gouvernement et des commerçants.

En 1903 et en 1904 le gouvernement coréen a ouvert au commerce international les ports de :

12o, 13o et 14o An-toung, Yougampho et Wi-djiou[38].

L’ouverture aux étrangers de certains ports et de quelques villes de l’intérieur a eu sur le développement du commerce extérieur de la Corée une influence bienfaisante. Ce commerce, qui ne dépassait pas 7 millions de francs en 1884, au moment de la signature des traités avec les puissances étrangères, s’est élevé à 70 millions de francs en 1903. Il faut d’ailleurs remarquer que le Japon, qui a le plus de résidents en Corée, participait à ces chiffres pour un tiers[39].

Le traité avec les États-Unis du 5 mai 1882 obligeait les étrangers à résider dans les concessions et ne leur permettait que d’y louer des terrains et des maisons ; le droit de propriété du gouvernement sur les terrains loués était formellement réservé. De plus, les étrangers ne pouvaient exiger qu’on leur louât des terrains hors des limites des concessions (art. 7).

Dans ses traités postérieurs avec les autres puissances, la Corée s’est montrée plus libérale et, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée, les Américains eux-mêmes peuvent bénéficier des avantages accordés aux autres étrangers[40].

Depuis les traités de 1883, ceux-ci peuvent, dans l’intérieur des concessions, louer et acheter des terrains et des maisons, y construire et y établir des magasins et des manufactures (traité avec la France, art. 4, § 2).

Ils peuvent aussi louer ou acheter des terrains et des maisons hors des concessions étrangères, dans une zone de dix lis[41] autour de ces concessions, mais ces terrains sont soumis aux règlements locaux et aux taxes foncières dans les conditions fixées par les autorités coréennes (art. 4, § 4).

La loi coréenne se montre très rigoureuse pour les indigènes qui vendraient des terrains aux étrangers sans l’autorisation du gouvernement, car elle punit de mort un tel acte. C’est ce qui résulte de l’article 200, § 5 du Code pénal ainsi conçu :

« Sera puni de la strangulation : a) Tout individu qui, sans autorisation du gouvernement, aura vendu secrètement aux étrangers : 1o des terrains, à l’exception des concessions de terres régulièrement accordées à des étrangers, suivant contrats en bonne et due forme passés avec eux ; 2o des forêts, lacs, étangs, maisons appartenant soit à l’État, soit à des particuliers ;

b) Tout individu qui aura opéré la cession des terrains ci-dessus énumérés, en pratiquant des machinations avec une puissance étrangère ;

c) Tout individu qui, ayant en connaissance des machinations pratiquées, aura vendu à des étrangers les terrains dont il vient d’être parlé »[42].

Dans les localités ouvertes au commerce, les étrangers peuvent acheter et vendre, exporter et importer toute espèce de marchandise, exercer le commerce et l’industrie. Ils peuvent faire tous actes de commerce sans l’intervention du gouvernement coréen et sans avoir besoin de s’adresser à quelque intermédiaire, ce qui exclut le recours obligatoire aux courtiers, censaux, etc. (art. 5, § 1).

Les étrangers peuvent encore acheter et vendre en dehors des ports ouverts ; mais il leur est interdit d’ouvrir des magasins ou de créer des établissements commerciaux permanents dans l’intérieur (art. 4, § 6).

L’introduction ou la tentative d’introduction de marchandises dans des lieux non ouverts au commerce est punie de la confiscation et d’une amende prononcées par le consul de l’inculpé (art. 6).

Certains objets sont prohibés à l’importation, d’autres à l’exportation. Les premiers sont énumérés dans les règlements annexés aux traités : ce sont, par exemple, les armes et les munitions. Il n’y a pas d’objets dont l’exportation soit prohibée d’une façon générale. Mais lorsque le gouvernement a lieu de craindre une disette, il peut, par décret, interdire temporairement l’exportation des grains pour l’étranger (art. 5, § 6).

Cette mesure a été prise plusieurs fois et notamment en 1901, où elle a donné lieu à de vives protestations de la part du Japon que la Corée approvisionne de riz quand la récolte est mauvaise dans ce pays[43].

La liberté commerciale et industrielle accordée aux étrangers en a attiré un certain nombre en Corée, qui ont contribué à augmenter la richesse du pays. Des entreprises de chemins de fer, qui sont toutes aujourd’hui entre les mains des Japonais, ont été fondées avec des capitaux étrangers ; des mines ont été concédées à des Anglais, à des Allemands, à des Américains, à des Français et à des Japonais[44] ; des pêcheries étaient exploitées avant la guerre par des Japonais et des Russes, etc.[45].

IV. Droit de circulation. — À raison des restrictions apportées à l’établissement des étrangers, il était naturel que la Corée ne permît pas à ceux-ci de circuler librement dans toute l’étendue de son territoire.

Dans le traité signé avec le Japon en 1876, le gouvernement reconnaissait seulement aux Japonais résidant dans le port de Fousan, le droit de circuler librement dans les limites de 10 lis autour de la ville (art. 4). Les agents diplomatiques et consulaires japonais eux-mêmes n’avaient pas le droit de libre circulation, puisque, dans une convention additionnelle au traité, datée du 24 août 1876, on les autorisait, au cas de naufrage d’un navire japonais, à se rendre sur le lieu du sinistre (art. 1er)[46].

L’influence japonaise s’étant accrue en Corée, les Japonais, au mépris du traité de 1876, s’étaient mis à parcourir le pays en tous sens. L’hostilité séculaire des Coréens à leur égard se manifesta aussitôt, et plus d’un Japonais, qui avait dépassé la zone de protection où s’étendait l’autorité de son consul, disparut sans qu’on pût retrouver ses traces. Pour mettre fin à cette situation dangereuse pour la sécurité des Japonais dans la péninsule, une convention fut conclue entre la Corée et le Japon au mois de juillet 1883. Les Japonais qui dépasseraient les limites des ports ouverts devaient être arrêtés par les autorités coréennes et remis à leur consul. Ceux qui s’égareraient, ou les voyageurs qui tomberaient malades en route, devaient recevoir l’hospitalité et des secours des Coréens, qui leur procureraient les moyens de regagner leur domicile, les frais de logement et de transport étant à la charge du gouvernement japonais. Les autorités coréennes devaient en outre faire afficher le texte du traité dans les villes, villages et routes principales pour le porter à la connaissance des indigènes (traité avec le Japon de juillet 1883, art. 5 à 8)[47].

Lorsque la Corée entra en relations avec les nations occidentales, la question du droit de circulation pour les étrangers se posa. Les premières conventions internationales conclues par la Corée n’en parlent pas : ainsi le traité avec les États-Unis, signé en 1882, est muet sur ce point.

Mais ce pays neuf devait attirer certains étrangers, les missionnaires, les commerçants et les ingénieurs, les uns pour propager leur religion, les autres pour donner à leur activité commerciale des débouchés nouveaux, ou pour mettre en valeur les ressources encore inexploitées du sol. La Corée se résigna à permettre aux étrangers de circuler sur son territoire, nous certaines conditions.

Adoptant le système admis par la Chine dans ses rapports avec les étrangers dans le traité de Tien-Tsin de 1858 (art. 8)[48], la Corée distingua :

1o Dans une zone de cent lis autour des localités ouvertes ou dans les limites fixées après entente entre les autorités locales et consulaires, les étrangers peuvent circuler librement ;

2o Sur le reste du territoire, ils peuvent voyager à la condition d’être munis de passeports délivrés par les consuls et soumis au visa des autorités locales. Ces passeports, qui doivent être produits à toute réquisition, donnent au porteur le droit de circuler librement et de se procurer les moyens de transport nécessaires (traité avec la France, art. 4, § 6).

Un Anglais, qui a parcouru la Corée, fait remarquer à ce propos que l’assistance officielle est indispensable pour voyager à l’intérieur, car, par suite de l’état misérable de la population, il est difficile de se procurer des bêtes de charge, des vivres et même un abri. Pour éviter ces inconvénients, le département des affaires étrangères à Séoul délivre aux voyageurs un document appelé kuan-chow, qui autorise le porteur à employer les courriers du gouvernement et les bâtiments de l’État (yamen), et qui oblige les habitants à fournir des vivres et des fourrages. Ceux-ci s’efforcent souvent d’ailleurs de se soustraire à ces réquisitions en cachant leurs provisions et en invoquant leur misère, mais la production aux autorités locales de l’ordre du gouvernement permet d’obtenir les vivres et les moyens de transport nécessaires. au voyage[49].

Les étrangers qui voyagent sans passeport au delà des limites où les traités leur permettent de circuler librement sont arrêtés par les autorités locales et remis au consul de leur nation le plus proche du lieu de leur arrestation. Celui-ci doit les punir d’une amende de cent piastres mexicaines au maximum, avec la faculté de prononcer un emprisonnement d’un mois au plus (art. 4, § 6).

L’obligation du passeport pour voyager dans l’intérieur est aussi imposée aux officiers et aux marins des navires de guerre étrangers, qui sont autorisés à descendre à terre, même dans les ports non ouverts (art. 8, § 2).

Ces restrictions n’atteignent pas les membres du corps diplomatique et consulaire, qui ont le droit de voyager librement sur tout le territoire de la Corée : les autorités impériales doivent leur fournir des passeports et une escorte pour assurer au besoin leur protection (art. 2, § 2)[50].

V. Privilèges en matière d’impôts. — Les étrangers qui résident en Corée et les navires qui arrivent dans les ports ouverts de ce pays sont assujettis à certains impôts. Ce sont :

1o Une redevance annuelle versée au gouvernement à titre de compensation pour la taxe foncière sur les terrains achetés ou loués par les étrangers à l’intérieur des concessions (art. 4, § 3).

2o L’impôt foncier pour les terrains et maisons achetés ou loués par des étrangers hors des limites des concessions dans la zone de dix lis autour de ces limites (art. 4, § 4)[51].

3o Des droits de tonnage établis sur tous les navires de commerce et affectés à l’éclairage et au balisage des côtes (art. 5, § 7).

4o Des droits de douane frappant les marchandises importées et exportées, dans les conditions fixées par les tarifs annexés aux traités[52].

5o Des taxes municipales perçues dans les concessions étrangères au profit exclusif des concessions.

VI. Privilège de juridiction. — Au point de vue de la compétence des tribunaux, la Corée, comme la Chine et le Siam et, récemment encore, le Japon, est assimilée aux pays de Capitulations. L’abandon d’un de ses droits de souveraineté les plus essentiels, celui de juridiction, ainsi fait aux puissances étrangères par la Corée, pourrait s’expliquer soit par les divergences profondes qui séparent les civilisations orientale et occidentale, soit par une conception de la souveraineté différente chez les peuples asiatiques de celle qu’en ont les nations occidentales. On a donné ces deux raisons du régime des Capitulations dans l’Empire ottoman, et elles peuvent avoir leur fondement l’une et l’autre[53].

Mais la cause réelle du privilège de juridiction reconnu aux étrangers en Corée se trouve dans les défiances que l’organisation judiciaire imparfaite de l’Empire avait suscitées chez les puissances occidentales. Celles-ci, craignant de voir les intérêts de leurs nationaux livrés à l’arbitraire du gouvernement, ont exigé de la Corée la conservation de la juridiction sur les étrangers.

C’est ce qui résulte des traités signés par les puissances étrangères avec la Corée dont le plus récent, celui du Danemark (1902), porte dans son article 3, § 11 « Le droit de juridiction reconnu aux consuls danois sur leurs nationaux en Corée sera abandonné quand, dans l’opinion du gouvernement danois, les lois et la procédure coréennes auront été modifiées et réformées, de telle sorte qu’il n’y ait plus d’objection à placer les Danois sous la juridiction territoriale, et quand la magistrature coréenne présentera, au point de vue de l’indépendance et des connaissances juridiques, les mêmes garanties que les magistrats danois »[54].

Pour étudier le fonctionnement de la justice en Corée, nous distinguerons entre la juridiction civile et la juridiction criminelle.

En matière civile, les procès peuvent avoir lieu : 1o entre deux étrangers appartenant à la même nationalité ; 2o entre deux étrangers de nationalité différente ; 3o entre un étranger et un indigène.

1o Les procès entre deux étrangers de même nationalité sont de la compétence de la juridiction consulaire de leur pays, en matière personnelle comme en matière réelle. Pour éviter que les autorités locales revendiquent le droit de se saisir, dans ce dernier cas, les traités portent, en effet, une clause semblable à celle qui a été insérée dans le traité avec la France dans les termes suivants : « En ce qui concerne leurs personnes et leurs biens, les Français en Corée relèveront exclusivement de la juridiction française » (art. 3, § 1).

2o Les procès entre deux étrangers de nationalité différente sont de la compétence de la juridiction consulaire du défendeur sans que l’autorité coréenne puisse aucunement intervenir (id.). C’est l’application de la règle actor sequitur forum rei reproduite dans tous les traités passés par la Corée[55].

3o Les procès intentés par un Coréen ou par le gouvernement coréen contre un étranger sont jugés par le tribunal consulaire du défendeur ; ceux intentés par un étranger ou par les autorités étrangères contre un Coréen sont jugés par les tribunaux coréens (art. 3, §§ 2 et 3). Mais, dans les deux cas, un fonctionnaire, appartenant à la nationalité du demandeur et dûment autorisé à cet effet, peut toujours assister à l’audience ; s’il y assiste, il doit être traité avec les égards convenables. Le traité ajoute : « Il pourra, quand il le jugera nécessaire, citer, interroger contradictoirement les témoins, protester contre la procédure et la sentence » (art. 3, § 8). Par cette précision des pouvoirs du fonctionnaire délégué par les autorités nationales du demandeur, on a voulu éviter certaines difficultés nées en Turquie, pour une hypothèse analogue, des termes vagues employés dans les Capitulations[56].

Le traité entre les États-Unis et la Corée contient en outre une clause qui ne figure dans aucun des traités postérieurs, mais que la clause de la nation la plus favorisée permet d’étendre aux autres États : « Si le jugement est reconnu illégal, il sera révisé par une cour mixte suivant les procédures américaine et coréenne » (art. 5).

On peut se demander si le Coréen, actionné par un étranger, pourrait renoncer à la compétence de ses tribunaux nationaux et accepter d’être jugé par le tribunal consulaire du demandeur. La question s’est souvent posée dans l’Empire ottoman et il est arrivé fréquemment que les tribunaux consulaires étrangers se sont déclarés compétents, bien que le défendeur fût un sujet ottoman, si celui-ci n’opposait pas leur incompétence.

Nous ne croyons pas qu’une telle renonciation soit valable, les règles de compétence étant d’ordre public lorsqu’il s’agit de juridictions d’ordre différent. Il est de principe en droit international que, dans chaque État, la justice est rendue par les tribunaux institués par l’autorité territoriale. Les dérogations à cette règle, admises en pays de Capitulations, doivent être limitées à celles portées dans les traités, les exceptions étant d’ interpretation stricte. Lorsque la Corée a stipulé qu’elle réservait la juridiction de ses tribunaux dans le cas où un de ses sujets serait assigné par un étranger, il n’est pas possible d’admettre, sans porter atteinte à la souveraineté de cette puissance, que les conventions des parties puissent déroger à cette règle de compétence. Le tribunal consulaire, saisi d’une telle action, même avec le consentement du défendeur coréen, devrait donc déclarer d’office son incompétence[57].

Il est intéressant de remarquer que les traités des puissances occidentales avec la Corée, s’inspirant rigoureusement du système appliqué dans les pays de Capitulations, établissent des règles de compétence bien différentes de celles fixées par les traités passés antérieurement avec d’autres États d’Extrême-Orient. D’après les traités signés avec la Chine, par exemple, les différends entre un indigène et un étranger, quel que soit le demandeur, sont d’abord portés devant le consul étranger, qui essaie d’obtenir un arrangement amiable ; s’il n’y parvient pas, le litige est porté devant un tribunal mixte composé du consul étranger et d’un fonctionnaire indigène, qui juge en équité (V. traité entre la France et la Chine du 27 juin 1858, art. 35)[58]. Les mêmes règles étaient appliquées dans les rapports avec le Japon avant la révision des traités (V. traité entre la France et le Japon du 9 oct. 1858, art. 7)[59], et avec le Siam (V. traité entre la France et le Siam du 15 août 1856, art. 8)[60].

Les inconvénients de ce système sont nombreux : il suffit de signaler les difficultés qui pourraient résulter si les membres du tribunal mixte, qui représentent chacun une des parties en cause, ne pouvaient parvenir à se mettre d’accord. Le système du traité avec la Corée est, à tous les égards, préférable[61].

Aussi a-t-il été adopté dans les rapports entre la France et le Siam par le traité du 13 févr. 1904 qui, dans les procès entre Siamois et Français, déclare compétent le tribunal consulaire français ou la cour siamoise, selon que le défendeur est un Français ou un Siamois (art. 12)[62].

En matière criminelle :

1o Les crimes et les délits commis par un étranger, que la victime soit un Coréen ou un autre étranger, sont de la compétence du tribunal consulaire de l’auteur de l’infraction et punis conformément à sa loi nationale (art. 3, § 4)[63].

2o Les crimes et les délits commis par un Coréen au préjudice d’un étranger sont jugés et punis par les autorités coréennes et conformément à la loi coréenne (art. 3, § 5).

Une application de cette dernière disposition a été faite en 1901 : une lettre de menaces avait été envoyée sous une fausse signature, à chacun des membres du corps diplomatique accrédité à Séoul. Communiquées au ministre des Affaires étrangères, ces lettres firent l’objet d’une enquête qui aboutit à l’arrestation des coupables. Ceux-ci furent déférés à la Cour suprême et condamnés, conformément à la loi coréenne, l’un à la peine de mort, les autres au bannissement à vie ou à temps[64].

D’autre part, devant le tribunal étranger ou coréen chargé de juger l’auteur de l’infraction, les autorités nationales de la victime sont représentées par un fonctionnaire qui a les mêmes attributions qu’en matière civile.

C’est ainsi qu’à l’enquête faite en 1901, par la Cour suprême, sur le meurtre d’un sujet anglais, dans une mine concédée à des Anglais, le secrétaire de la légation britannique a assisté à tous les actes de l’instruction[65].

La loi applicable aux indigènes coupables de crimes ou délits contre les étrangers est le Code pénal coréen qui, dans son livre V, intitulé Législation pénale, consacre le chapitre IX aux attentats contre les personnes et les chapitres XII et XIII aux attentats contre les propriétés.

Les peines qu’il porte sont : la peine de mort, l’exil, les travaux forcés, l’emprisonnement et la bastonnade (art. 93 à 98).

Il ne faut pas conclure des termes généraux des traités que tout attentat contre les personnes commis par un Coréen contre un étranger devra être puni : il n’en sera ainsi qu’autant que cet acte sera réprimé par la loi coréenne. Ainsi l’article 495, § 1 du Code pénal coréen exempte de toute peine le mari qui, surprenant sa femme ou sa concubine en flagrant délit d’adultère, tue la femme et son complice. Il est bien certain que le meurtre accompli par un Coréen dans ces circonstances sur sa femme et son complice étranger bénéficierait de cette excuse[66].

3o Les seules contraventions prévues par le traité sont les contraventions douanières résultant de la violation par un étranger du traité ou des règlements qui y sont annexés. Dans ce cas, c’est le tribunal consulaire étranger qui est compétent : il peut prononcer des amendes ou des confiscations qui profitent au gouvernement coréen. Lorsque des marchandises sont saisies par les autorités locales dans un port ouvert, elles sont mises sous scellés par les autorités des deux pays en attendant la décision du tribunal consulaire, à moins que le propriétaire, pour rentrer en leur possession, n’en dépose la valeur entre les mains des autorités coréennes (art. 3, §§ 6 et 7)[67].

VII. Droit à l’assistance maritime. — Les coutumes des Coréens en cas de naufrage sur leurs côtes étaient trop différentes des usages admis entre les nations civilisées pour que des clauses spéciales ne fussent pas insérées aux traités.

Le traité conclu avec le Japon en 1876 prévoyait déjà l’assistance à donner aux navires japonais qu’il autorisait à se réfugier même dans des ports non ouverts. En cas de naufrage, les autorités locales devaient avertir le consul japonais et secourir l’équipage et le rapatrier (art. 6).

Le Japon étant alors la seule puissance en relation avec la Corée, une clause spéciale stipulait qu’au cas de naufrage d’un navire appartenant à une autre nationalité, le consul japonais devait s’occuper d’en faire rapatrier l’équipage, sans pouvoir refuser de se charger de ce soin (art. 10)[68].

La plupart des puissances ayant conclu des traités avec la Corée, cette clause est susceptible d’applications moins fréquentes, mais, à raison de ses termes impératifs, on pourrait prétendre que la charge du rapatriement de l’équipage des navires naufragés incombera toujours aux consuls japonais pour les États qui ne sont pas entrés jusqu’à ce jour en relations diplomatiques avec la Corée : il en serait ainsi, par exemple, pour la Hollande, l’Espagne ou le Portugal.

L’assistance maritime a été organisée dans les traités postérieurs. Les navires étrangers obligés de se réfugier dans un port non ouvert, par suite du mauvais temps ou du manque de vivres ou de combustible, peuvent y faire leurs réparations et se ravitailler, en payant les dépenses qu’ils ont faites (traité avec la France, art. 7, § 5).

Au cas de naufrage ou d’échouement sur les côtes d’un navire étranger, les autorités locales doivent donner aide et assistance aux passagers et à l’équipage, et empêcher le pillage des marchandises. Elles avisent aussitôt de l’accident le consul le plus proche de la nation dont le navire porte le pavillon et fournissent aux personnes sauvées les moyens de gagner le port ouvert le plus rapproché. Toutes les dépenses faites par les autorités coréennes pour secours, soins médicaux, transports, etc., doivent être remboursées par le gouvernement étranger. Quant aux dépenses faites pour le sauvetage du navire et de la cargaison, elles sont à la charge des intéressés, et sont garanties par la valeur des objets sauvés. D’autre part, le gouvernement coréen ne doit rien réclamer pour les dépenses que ses fonctionnaires auraient faites à cette occasion (art. 7, §§ 1 à 4).

Les navires de guerre étrangers jouissent d’un régime de faveur suivant les usages internationaux. Ils peuvent entrer librement dans tous les ports de Corée, ouverts ou non, y effectuer des réparations ou y faire des provisions sans être soumis aux règlements de commerce ou de port, ni assujettis au paiement des taxes (art. 8. § 1).

§ 2. — Rapports des consuls étrangers avec les autorités coréennes.

Le droit pour chaque État de nommer des agents diplomatiques et consulaires dans un autre État pour y assurer la protection de ses sujets est consacré par le droit international. Les puissances étrangères sont autorisées par leurs traités avec la Corée à entretenir à Séoul un agent diplomatique et dans les ports ouverts des consuls qui jouissent dans l’Empire des immunités diplomatiques reconnues aux consuls dans les pays hors chrétienté[69].

Le Code pénal coréen prévoit spécialement les infractions commises contre les représentants des puissances étrangères et les punit plus sévèrement que celles qui s’adressent à des résidents étrangers. Son article 201, § 3, dispose : « Toute infraction commise par un individu envers des fonctionnaires étrangers sera punie en suivant l’ordre de classement des fonctionnaires indiqué à l’article 63. La partie lésée ou son mandataire a seule qualité pour porter plainte ».

Les puissances sont autorisées, si elles ne veulent pas nommer de consuls en Corée, ou si elles n’en ont pas nommé dans tous les ports ouverts, à confier les intérêts de leurs nationaux aux consuls d’un État tiers (traité avec la France, art. 2, § 4). Cette mesure est d’une application fréquente dans tous les pays.

Mais le traité entre l’Italie et la Corée contient une disposition curieuse : « En cas d’absence du consul ou de celui qui le remplace, les sujets italiens en Corée et les sujets coréens en Italie pourront s’adresser au directeur des douanes locales qui protégera leurs intérêts conformément aux règlements en vigueur » (art. 2, § 4).

On peut rapprocher cette clause des stipulations des anciens traités conclus au moyen-âge par les républiques italiennes de Pise, de Gênes, de Venise, avec les souverains arabes du nord de l’Afrique. Dans ces actes, un rôle important était dévolu au fonctionnaire de la douane ; il était chargé notamment de statuer sur les différends qui pouvaient s’élever entre les marchands étrangers et les indigènes[70].

Les mêmes causes ont ont produit ici les mêmes effets : les fonctionnaires de la douane, en rapports constants avec les étrangers, étaient plus aptes que n’importe quels fonctionnaires indigènes à soutenir leurs intérêts qui sont surtout commerciaux. De plus, certaines considérations de fait doivent être invoquées pour la Corée : dans ce pays, le service des douanes est une des branches des douanes impériales chinoises dirigées depuis de longues années par un fonctionnaire anglais. Le chef des douanes coréennes a été jusqu’ici un Anglais et tous les commissaires des douanes étaient de nationalité européenne ou américaine. Ils étaient donc qualifiés pour protéger les intérêts des étrangers contre l’arbitraire des autorités locales.

Les consuls étrangers sont chargés de désigner un représentant pour suivre les débats qui se déroulent devant les tribunaux coréens, et dans lesquels un de leurs nationaux est intéressé.

Dans les nombreux cas où ils doivent communiquer avec les autorités indigènes pour les affaires de leur service, les consuls étrangers sont obligés, par suite de leur ignorance de la langue coréenne, d’avoir recours à des interprètes. Un des inconvénients de ce système, c’est que ces agents offrent peu de garanties relativement à l’exactitude et à la sincérité de leurs traductions. Dans l’Empire ottoman, cette considération avait poussé les puissances étrangères, qui se trouvaient aux prises avec les <ref follow="p37">de la douane jugeait les procès des marchands étrangers contre les indigènes, ainsi que ceux qui s’élevaient entre étrangers de nationalité différente. À défaut de consul, il était compétent dans les procès intentés par des indigènes contre des chrétiens. En cas de délit commis par un Arabe contre un chrétien, il poursuivait la réparation due à la victime. Lors du décès d’un marchand étranger, en l’absence de consul ou de marchands de sa nation, il prenait les biens sous sa sauvegarde pour les remettre aux ayants droit (Mas-Latrie, Relations et commerce de l’Afrique septentrionale avec les nations chrétiennes au moyen-âge, 1886, p. 336-337). — V., à titre d’exemple, le traité entre Venise et Tunis du 12 mai 1317, art. 3 (Mas-Latrie, Traités de paix et de commerce, etc., concernant les relations des chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale au moyen-âge, 1865, p. 217) ; le traité entre Venise et Tunis du 30 mai 1438, art. 3 (Mas-Latrie, op. cit., p. 251). — Ces obligations des fonctionnaires de la douane n’étaient pas spéciales à l’Afrique du Nord. Ainsi, un privilège commercial accordé à Venise par l’Empereur des Mogols et de la Perse, Abou-Saïd, du 22 déc. 1320, porte : « Qu’en toutes les parties de votre Empire où nos Vénitiens vendront leurs marchandises, le Gouvernement et les préposés de la douane du lieu soient tenus de les défendre, de les protéger, de les aider, et semblablement de veiller à ce qu’ils soient payés de ce qu’ils auront vendu ». Mas-Latrie, op. cit., Suppl., 1875, p. 11. mêmes difficultés, à employer deux systèmes : ou bien recruter un corps d’interprètes nationaux instruit dès l’enfance dans la connaissance des langues orientales, ou bien couvrir de leur protection les interprètes indigènes pour les soustraire à l’influence du gouvernement local[71].

En Corée, où l’on n’a recours qu’à des interprètes indigènes, cette dernière garantie fait défaut. Mais le Code pénal punit les traductions infidèles dans son article 201, § 4, ainsi conçu : « Sera puni de cinq ans de travaux forcés l’interprète qui n’aura pas fidèlement traduit les discours à transmettre dans une audience accordée par Sa Majesté à un étranger. — Si le cas est grave, l’interprète sera puni de la strangulation. Sera puni de trois ans de travaux forcés l’interprète qui n’aura pas traduit fidèlement dans une audience accordée par un ministre ».

Pour l’arrestation des criminels, les autorités locales et les autorités consulaires doivent se prêter un mutuel appui :

1o Les autorités coréennes doivent arrêter et remettre aux consuls étrangers, sur leur requête, leurs nationaux prévenus de crimes ou de délits et les marins déserteurs (traité avec la France, art. 3, § 10). Elles doivent également arrêter et remettre aux consuls étrangers ceux de leurs nationaux qui commettraient des crimes ou des délits dans l’intérieur, ou qui voyageraient sans passeport (art. 4, § 6). Elles ont les mêmes droits à l’égard des étrangers prévenus de contrebande ou de tentative de ce délit (art. 6, § 2).

2o Les consuls étrangers doivent faire arrêter et remettre aux mains des autorités locales tout Coréen, prévenu d’une infraction aux lois de son pays, qui se serait réfugié dans une maison occupée par un étranger ou à bord d’un navire de commerce étranger. Ils peuvent, de plus, autoriser dans ce but les agents de l’autorité locale à pénétrer dans les immeubles de leurs nationaux ou à bord d’un navire de commerce de leur pays (art. 3, § 9).

Les traités ne parlent que des navires de commerce. Pour les navires de guerre, en effet, c’est au commandant et non au consul qu’il appartient, sous sa responsabilité, de livrer ou de refuser de livrer les coupables réfugiés à son bord.

Enfin, au cas de naufrage d’un navire étranger sur les côtes de Corée, le consul intéressé, prévenu par l’autorité locale, prend, de concert avec elle, les dispositions nécessaires pour le sauvetage de la cargaison et du navire et pour le rapatriement des passagers et de l’équipage.

§ 3. — Rapports des consuls étrangers avec leurs nationaux.

Dans les pays d’Extrême-Orient comme dans ceux d’Orient, les étrangers sont placés sous l’administration de leurs consuls, hors du contrôle des autorités locales. Cela ne veut pas dire que les étrangers ne soient pas tenus au respect des lois et des usages du pays où ils résident.

Dans les traités avec la Corée, notamment, on prévoit certains cas où les fonctionnaires indigènes ont le droit d’arrêter les étrangers. Mais toute violation des lois ou des traités est réprimée par le consul, seul compétent dans ce cas. De même, les contraventions aux règlements municipaux des concessions sont punies par l’autorité consulaire.

Les consuls étrangers en Corée ont ainsi à l’égard de leurs nationaux toutes les attributions reconnues aux consuls dans les pays de Capitulations. Nous n’entrerons pas dans le détail de ces attributions dont l’exposé a été fait par tous les auteurs qui ont étudié la condition des étrangers dans l’Empire ottoman[72]. Ce qui est moins connu, c’est l’extension de ces pouvoirs aux pays d’Extrême-Orient, et nous en dirons quelques mots à propos de la Corée.

Les principales attributions des consuls dans les pays hors chrétienté sont relatives à la juridiction consulaire et au droit de haute police.

Pour la France, c’est le décret du 16 décembre 1889[73] qui a étendu à la Corée les dispositions législatives organisant la juridiction consulaire dans les Échelles du Levant. Ces dispositions sont l’édit de juin 1778[74], la loi du 28 mai 1836[75] pour certains articles seulement, la loi du 8 juillet 1852[76] en partie, et la loi du 28 avril 1869[77].

En matière civile, le tribunal consulaire est composé du consul et de deux assesseurs choisis parmi les Français notables de sa résidence ; le consul peut même juger seul, en cas d’impossibilité de constituer le tribunal par l’adjonction de deux notables.

Le tribunal consulaire statue en dernier ressort jusqu’à 3.000 francs en matière personnelle et mobilière. L’appel de ses jugements est porté devant l’une des deux chambres de la Cour d’appel de l’Indo-Chine siégeant à Saïgon (Décr., 17 mai 1895, art. 25 ; décr., 8 août 1898, art. 3)[78].

Le recours en cassation contre les jugements en dernier ressort n’est possible que pour excès de pouvoir.

En matière répressive, le consul juge seul comme juge de police les contraventions commises par les Français en Corée. Les délits sont déférés au tribunal consulaire constitué comme en matière civile. L’appel des jugements de police correctionnelle est porté devant l’une des deux chambres de la Cour d’appel de l’Indo-Chine, siégeant à Saïgon.

Les crimes sont jugés par les deux chambres réunies de la Cour de l’Indo-Chine, siégeant à Saïgon, dans les conditions prescrites par la loi du 28 mai 1836.

Quant aux peines applicables, ce sont les peines portées par les lois françaises, avec cette modification que, lorsque l’emprisonnement est prononcé en matière correctionnelle ou de police, cette peine peut être convertie en une amende spéciale, calculée à raison de 10 francs au plus par jour d’emprisonnement.

Les consuls peuvent encore prononcer certaines amendes fixées par le traité entre la France et la Corée et par les arrêtés municipaux[79]. Les règlements qu’ils font pour la police de leurs nationaux sont, d’autre part, sanctionnés par un emprisonnement de cinq jours au plus et une amende de 15 francs au maximum, qui peuvent être prononcés cumulativement ou séparément (L. 28 mai 1836, art. 75).

Les consuls de France en Corée sont, de plus, investis du droit de haute police conféré aux représentants de la France dans les Échelles du Levant par les articles 82 et 83 de l’édit de 1778. Ils ont, par suite, le droit d’expulser et de renvoyer en France ceux de leurs nationaux pour lesquels ils jugeraient cette mesure nécessaire au maintien des bonnes relations avec la puissance territoriale. Le baron Anatole Lemercier, rapporteur au Corps législatif de la loi du 8 juill. 1852, s’exprimait ainsi sur ce pouvoir : « C’est dans ces pays lointains où peuvent se réfugier les individus les plus remuants et les plus déconsidérés, fuyant pour ainsi dire le mépris de leurs concitoyens, qu’il est surtout urgent de permettre à nos agents diplomatiques ou consulaires d’expulser ceux de nos nationaux qui pourraient porter atteinte à la réputation de notre patrie ou troubler la bonne harmonie de nos relations avec les habitants de ces contrées si étrangères à nos mœurs et à nos habitudes[80] ».

La loi du 8 juill. 1852 a apporté un correctif au droit d’expulsion tel qu’il est appliqué en Orient. L’exercice de ce droit en Extrême-Orient est subordonné à la condition que le Français sera renvoyé directement en France. En cas d’urgence, et s’il y a impossibilité absolue de le renvoyer dans son pays, il peut être embarqué sur bâtiments nationaux ou étrangers pour être dirigé, suivant les circonstances, sur l’un des établissements français dans les Indes ou dans l’Océanie, ou sur un lieu de station navale française (art. 17).

Les juridictions consulaires anglaises et américaines en Orient et en Extrême-Orient sont organisées sur un type bien différent des autres juridictions consulaires étrangères. Sans entrer dans le détail de leur organisation, nous en rappellerons les grandes lignes.

Pour l’Angleterre, la législation applicable aux sujets anglais en Corée est le Foreign jurisdiction act de 1890[81] et les Orders in Council, du 9 mars 1865[82], du 13 mai 1869[83], du 30 avril 1877[84], d’août 1878[85], de 1881[86], du 26 juin 1884[87], du 9 sept. 1884[88], du 3 avril 1886[89], du 3 août 1886[90], du 9 mai 1892[91], du 18 août 1892[92], du 7 août 1894[93], du 24 oct. 1904[94] et du 11 févr. 1907[95], auxquels il faut ajouter les règles relatives aux Cours consulaires britanniques en Chine et au Japon du 4 mai 1865.

Au premier degré, les Cours provinciales, composées du consul, juge unique, siègent au chef-lieu de la circonscription consulaire avec l’assistance de jurés ou d’assesseurs dans certains cas ; elles ont une juridiction civile et criminelle.

Les appels contre leurs décisions sont portés devant la Cour suprême de Shanghaï au-dessus de 25 livres, Dans les autres cas, les Cours provinciales peuvent autoriser l’appel lorsqu’il leur semble fondé et la Cour suprême a le même droit. En matière criminelle, l’appel des décisions des Cours provinciales devant la Cour suprême est possible dans certains cas.

La Cour suprême, bien qu’ayant son siège à Shanghaï, peut se transporter dans les différentes résidences consulaires de Chine et de Corée, lorsque cette mesure est nécessaire. La Cour suprême connaît des appels des Cours provinciales, et elle a en outre une juridiction propre en matière civile et criminelle. Lorsqu’elle prononce la peine de mort, la sentence doit être confirmée par le ministre de la Grande-Bretagne en Chine.

En matière civile, ses arrêts peuvent être déférés au Conseil privé lorsque l’objet du litige dépasse 500 livres. En matière criminelle, l’appel au Conseil privé n’existe qu’à titre exceptionnel et par permission spéciale de ce Conseil.

La juridiction consulaire des États-Unis en Extrême-Orient a été réorganisée par la loi du 30 juin 1906. Au premier degré, les Cours consulaires, composées du consul, juge unique, et siégeant dans les villes et ports ouverts où des consuls américains sont accrédités, connaissent, au civil, des procès où la demande ne dépasse pas 500 dollars et, au criminel, des cas où la peine n’excède pas une amende de 100 dollars et un emprisonnement de soixante jours, ou l’une de ces deux peines seulement. Une Cour de justice spéciale pour la Chine a été créée par la loi de 1906 : cette Cour siège alternativement à Shanghaï, à Canton, à Tien-Tsin, à Han-Kéou, à des périodes fixes annoncées à l’avance et au moins une fois par an dans chacune de ces villes ; elle a en outre la faculté de siéger, pour des affaires spéciales, dans d’autres lieux autorisés par les traités et où se trouve un consulat des États-Unis. Cette Cour spéciale a une double compétence : 1o elle connaît au premier degré des affaires civiles et criminelles qui excèdent la compétence des Cours consulaires ; l’appel de ses décisions est porté devant une Cour de circuit d’appel des États-Unis spécialement désignée (la United States Circuit Court of Appeals of the ninth judicial Circuit) ; 2o elle statue sur l’appel des décisions rendues par les Cours consulaires de Chine et de Corée dans les limites de leur compétence.

Tel est le système en vigueur devant les juridictions consulaires anglaises et américaines d’Extrême-Orient et spécialement en Corée[96].

Nous n’entrerons pas dans l’exposé de la législation des autres pays relative à leur juridiction consulaire en Extrême-Orient. Nous n’avons pris la France, l’Angleterre et les États-Unis qu’à titre d’exemples, à raison de la différence qui caractérise les systèmes appliqués par ces puissances.

§ 4. — Régime des concessions étrangères.

En Corée comme en Chine, les étrangers possèdent dans les ports ouverts des quartiers spéciaux appelés concessions ou settlements, où ils sont groupés sous la juridiction de leurs consuls.

Ce régime spécial, qui a de grandes similitudes avec la situation privilégiée que les villes commerçantes de la Méditerranée possédaient dans les principautés franques d’Orient au moyen-âge, a une origine fort ancienne, car, dès le XVe siècle, l’établissement des Japonais à Fousan présentait le caractère d’une concession.

En 1443, le roi de Corée, par une convention avec le seigneur de Tsousima, avait autorisé les Japonais à faire le commerce dans trois ports du Royaume[97], mais ceux-ci, après avoir terminé leurs affaires, devaient retourner à Tsousima. Peu à peu, les Japonais étant restés en Corée, le gouvernement s’était efforcé de réglementer leur présence sur le territoire : en 1460, le Roi remit un sceau à un résident japonais et lui conféra le titre d’administrateur de tous les Japonais dans les trois ports. Mais l’établissement d’étrangers au sud de la Corée donna lieu à des troubles par suite de l’hostilité des indigènes ; en 1512, le gouvernement ne laissa aux Japonais que la factorerie de Fousan où ils furent enfermés et étroitement surveillés[98].

L’établissement des Japonais à Fousan s’était transformé avec le temps et il était devenu une véritable colonie, restant, jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, le seul point de contact permanent entre les Coréens et les étrangers.

Le traité signé entre le Japon et la Corée en 1876 accorda aux sujets du Mikado l’ouverture à leur commerce de deux ports, en plus de Fousan, où ils pouvaient louer des maisons à des indigènes, ainsi que des terrains sur lesquels il leur était permis d’élever des constructions. Dans ces porte, un fonctionnaire japonais était autorisé à résider pour protéger ses nationaux. Si quelque difficulté s’élevait entre les sujets des deux puissances, ce fonctionnaire devait s’entendre avec les autorités locales pour la régler (Traité du 27 févr. 1876, art. 4 et 8).

C’est dans les traités postérieurs conclus par la Corée avec les autres puissances que le régime des concessions s’est développé. Le gouvernement coréen a autorisé l’établissement de concessions dans toutes les villes et dans tous les ports ouverts au commerce étranger. Lorsqu’une concession étrangère est autorisée, les fonctionnaires locaux commencent par fixer, d’accord avec les consuls, l’emplacement de la concession, sa délimitation et son aménagement ; le gouvernement coréen se charge ensuite d’acheter les terrains aux propriétaires du sol et de les aménager ; il est remboursé de ces frais par privilège sur le produit de la revente.

Les étrangers peuvent alors acheter des terrains ou en louer dans les limites de la concession et y construire des maisons ou des magasins, à la charge de payer une taxe représentative de l’impôt foncier (Traité avec la France du 4 juin 1886, art. 4, §§ 2 et 3).

Le gouvernement concède gratuitement à chaque concession un cimetière exempt d’impôts et taxes de toute nature (art. 4, § 5).

Nous n’avons pas à étudier ici le régime des concessions dans les rapports de la souveraineté territoriale et des puissances étrangères. Une étude de cette nature trouverait plus naturellement sa place dans un exposé de la condition des étrangers en Chine à raison de l’importance des concessions étrangères dans ce pays[99].

Remarquons seulement qu’il y a délégation de certains droits de la souveraineté locale aux représentants des États dont les nationaux occupent les concessions. Il en est ainsi du droit de police.

Pour le droit d’administration, la délégation est imparfaite, un représentant des autorités coréennes ayant sa place dans les municipalités. Quant au droit de juridiction, son abandon à l’égard des étrangers ne résulte pas de l’octroi des concessions, puisque, dans l’Empire ottoman, où les étrangers peuvent résider partout, nous constatons un semblable abandon de la part de l’État. De plus, le gouvernement coréen n’a pas abandonné sa juridiction sur ses propres sujets : il a stipulé dans le traité avec les États-Unis que les indigènes qui résideraient à l’intérieur des concessions continueraient à être administrés par le gouverneur coréen (Traité avec les États-Unis, art. 7)[100].

De ces constatations, on peut conclure qu’en Corée comme en Chine, le gouvernement, en accordant une certaine autonomie aux concessions étrangères, n’a pas entendu renoncer à ses droits de souveraineté sur le territoire occupé par elles : il a seulement délégué l’exercice de quelques-uns d’entre eux aux puissances étrangères[101].

Pour confirmer cette opinion, on peut faire remarquer que c’est le gouvernement coréen qui s’est chargé de l’expropriation des terrains nécessaires à l’établissement des concessions, tandis que, dans les cessions à bail consenties par la Chine, c’est l’État cessionnaire qui est chargé de remplir cette formalité (V. notamment la convention du 6 mars 1898, entre l’Allemagne et la Chine, pour la cession à bail de Kiao-tcheou, art. 5 ; la convention des 9-11 avril 1898 entre la France et la Chine, pour la cession à bail du territoire de Kouan-tcheou-Ouan, art. 3 ; la convention du 1er juill. 1898, entre la Grande-Bretagne et la Chine, pour la cession à bail de Weï-haï-Weï, § 8)[102] ; que la Corée, comme la Chine d’ailleurs dans les concessions qu’elle a accordées, continue à percevoir par le soin de ses fonctionnaires une redevance annuelle sur les terrains occupés, à titre de compensation pour l’impôt foncier (Traité avec la France, art. 4, § 3) ; enfin, que les Coréens coupables d’infractions aux lois de leur pays, qui se réfugient dans une maison occupée par un étranger, c’est-à-dire la plupart du temps sur une concession étrangère, doivent être arrêtés et livrés aux autorités locales par les soins du consul (art. 3, § 9), tandis que les mêmes faits, se produisant sur un territoire cédé à bail, donnent lieu à extradition (V. la convention entre la Chine et la France relative au territoire de Kouan-tcheou-Ouan, art. 6).

Le régime des concessions, qui a pris en Chine une grande extension, puisque certaines concessions étrangères, comme celles de Tien-Tsin et de Shanghaï, forment de véritables villes, n’a pu recevoir le même développement en Corée à raison du petit nombre d’étrangers qui y sont établis.

Aussi ne compte-t-on pas de concessions internationales dans tous les ports et villes ouverts. On peut à cet égard diviser les localités ouvertes à l’étranger en quatre catégories :

1o Celles qui ne possèdent pas de concessions étrangères. Ce sont les villes de Séoul et de Hpyeng-Yang.

2o Celles qui ne possèdent qu’une concession étrangère. Il en est ainsi des ports de Fousan et de Gensan, où il n’existe qu’une concession exclusivement japonaise et de la ville de Kieung-Heung à la frontière de Sibérie, où il n’y a qu’une concession russe.

3o Celles qui ont une concession internationale. C’est le cas des ports de Kounsan, de Mokpo, de Tchinnampo et de Syeng-Tjin.

4o Celles qui ont à la fois une concession internationale et des concessions étrangères affectées à une seule nationalité. C’est ce qui a lieu à Tehemoulpo et à Masampo. Dans chacun de ces ports, il existe trois concessions étrangères, d’abord une concession internationale et, de plus, à Tchemoulpo des concessions japonaise et chinoise, tandis qu’à Masampo il y a une concession japonaise et une concession russe[103].

Les concessions accordées à une seule puissance, qu’elles soient japonaises, chinoises ou russes, n’ont rien de particulier. Elles consistent dans le groupement des nationaux sur un territoire déterminé sous l’administration de leur consul qui est assisté d’un conseil municipal élu par les résidents de sa nationalité[104].

Il est plus intéressant d’étudier l’organisation d’une concession internationale qui réunit des étrangers appartenant à des nationalités différentes et, par suite, soumis à des lois et à des juridictions différentes. Il a fallu en pareil cas un accord entre les consuls et les autorités coréennes pour établir un règlement de la concession qui fût applicable à tous les étrangers.

Le règlement de la concession internationale de Tchemoulpo est du 3 oct. 1884[105] ; il a subi quelques modifications en 1902[106]. Celui des concessions internationales de Tchinnampo et de Mokpo est du 16 oct. 1897[107].

D’après le règlement de Tchemoulpo, que nous prendrons pour exemple, le gouvernement coréen, après avoir délimité, d’accord avec les consuls, l’emplacement de la concession, a exproprié les immeubles appartenant à des indigènes qui se trouvaient sur cet emplacement. Il s’est chargé de construire et d’entretenir à ses frais les quais et la jetée, et de tracer et d’établir les rues et voies publiques de la concession.

Le conseil municipal s’est chargé de son côté d’entretenir les rues et les canaux, d’éclairer et de nettoyer les rues, d’organiser et d’entretenir une police sur le territoire de la concession, ainsi que de pourvoir aux autres dépenses municipales sur ses ressources propres.

Les nationaux des puissances à traités qui ont accepté le règlement municipal sont seuls autorisés à acquérir et à posséder des terrains dans la concession. Le gouvernement coréen a le même droit et il peut y élever des bâtiments pour ses services publics ; mais les terrains possédés par lui sont soumis comme les autres aux règlements municipaux et ils contribuent aux dépenses de la concession dans la proportion des autres terrains de la même catégorie[108].

Les terrains qui n’ont pas une destination publique ont été vendus aux étrangers et les titres de propriété, après avoir été enregistrés par le gouvernement coréen, ont été délivrés aux acquéreurs, le gouvernement en conservant un duplicata. Toute cession de terrain doit être passée devant le consul du cédant ; l’acte de cession est produit par le cessionnaire à son consul, qui informe le gouvernement coréen de l’opération.

Lorsqu’un propriétaire de terrain quitte la Corée sans avoir pris ses dispositions pour exécuter les obligations prescrites aux propriétaires, et en particulier le paiement des impôts, les autorités coréennes peuvent rentrer en possession de ce terrain à tout moment dès que la rente annuelle et la taxe dues respectivement au gouvernement et à la municipalité, ainsi que les impôts établis sur ce terrain, sont restés impayés pour plus d’un an. Les autorités coréennes mettent alors l’immeuble aux enchères. Sur le prix de la vente, elles remboursent le gouvernement et la municipalité de l’arriéré des rentes et des taxes, se couvrent des frais de la vente et versent l’excédent au consul du propriétaire du terrain.

D’après les traités passés par la Corée avec les autres puissances, les concessions sont administrées par un conseil municipal dont la composition est déterminée après entente entre les autorités coréennes et les autorités étrangères (traité avec la France, art. 4, § 3).

Le règlement de Tchemoulpo a fixé la composition du conseil municipal de la façon suivante : le conseil se compose d’un fonctionnaire coréen, le Kam-ni, des consuls des puissances à traités dont les gouvernements ou les nationaux sont propriétaires de terrains dans la concession, et de trois propriétaires fonciers élus par les autres (art. 6, modifié en 1902)[109].

Le conseil municipal a le pouvoir de régler ses propres attributions et celles de ses fonctionnaires et agents, et de faire des règlements sur les matières suivantes : police des cabarets, délivrance des autorisations, imposition et perception de taxes sur ceux-ci ; suppression des maisons de jeu, des maisons d’opium et des maisons mal famées ; réglementation de la circulation ; réglementation et autorisation des barques, portefaix et véhicules de louage à l’intérieur de la concession ; mesures destinées à prévenir les dangers résultant de l’érection de constructions dangereuses ou inflammables ou de l’exercice de professions nuisibles ou préjudiciables à la salubrité publique, à l’intérieur de la concession ; mesures pour empêcher l’encombrement des voies publiques ; mesures pour préserver la santé et la décence publiques (art. 6).

Par application de l’article 4, § 7 des traités avec les puissances étrangères, d’après lequel les étrangers sont soumis aux règlements municipaux, de police ou autres, établis de concert par les autorités coréennes et étrangères et sont passibles de peines à prononcer par leur consul, le règlement de la concession internationale de Tchemoulpo stipule que la violation des arrêtés municipaux sera punie d’une amende de 25 dollars au maximum, et que cette peine sera prononcée par le consul de la nation à laquelle appartient le contrevenant (art. 6).

La municipalité possède une force de police pour maintenir l’ordre sur la concession et pour assurer l’exécution de ses arrêtés. Elle administre la concession et possède un budget alimenté : 1o par les amendes prononcées pour contraventions aux règlements municipaux (art. 6 du règlement) ; 2o par le reliquat de la vente des terrains situés dans les limites de la concession (traité avec la France, art. 4, § 3) ; 3o par la portion de la redevance annuelle fixée d’accord entre les autorités coréennes et les consuls étrangers à payer par les propriétaires de terrains et qui a le caractère d’impôt municipal (id.) ; 4o par les taxes spéciales que le règlement municipal l’autorise à percevoir (art. 6 du règlement) ; 5o par la taxe additionnelle que le règlement autorise la municipalité à imposer sur les terrains et les maisons proportionnellement à leur valeur, en cas d’insuffisance des ressources municipales pour pourvoir aux dépenses de la concession (art. 4 du règlement)[110].

V

Conclusion.

Tel est l’ensemble des droits et des devoirs des étrangers en Corée. Leurs droits peuvent paraître des privilèges exorbitants si on les apprécie au point de vue du droit public des nations occidentales. Ils constituent au contraire des garanties indispensables au maintien des bonnes relations entre la Corée et les États étrangers si l’on tient compte de la situation des étrangers dans les pays asiatiques.

Il faut souhaiter que les principes sur lesquels sont fondés les traités avec la Corée gouvernent longtemps encore les relations des États étrangers avec cette puissance. Il est d’ailleurs peu probable qu’il en soit autrement. D’une part, le Japon, en établissant son protectorat sur la Corée, a donné aux puissances ayant des intérêts en Corée, l’assurance que la nouvelle situation de la Corée n’affecterait en quoi que ce soit ni l’exécution, ni la validité des traités alors en vigueur dans l’Empire[111]. D’autre part, à moins d’une annexion qui serait en contradiction avec les engagements solennels du Japon, les nations occidentales ont des raisons sérieuses pour ne pas accepter de modifications à la situation actuelle et pour ne pas renoncer à leurs privilèges[112].

Le peuple coréen, par son indolence, a montré qu’il était. totalement incapable d’entrer de lui-même dans la voie des réformes. Quant au Japon, qui a assumé la tâche de lui servir d’éducateur, ses tentatives nombreuses ont jusqu’ici échoué.

Les Japonais n’ont réussi qu’à soulever contre eux la haine de la population, et l’œuvre des réformes en Corée n’a pas avancé. Aujourd’hui qu’ils ont les mains libres dans la péninsule, garderont-ils plus de ménagements qu’autrefois ? Les derniers événements et les révoltes qu’a suscitées l’occupation militaire de la Corée font craindre qu’il n’en soit rien. Dans ce cas, les privilèges des Occidentaux, fondés sur le défaut de garanties de la part de l’administration et de la justice coréennes, devront subsister jusqu’au jour, peut-être éloigné, où une amélioration sérieuse se sera produite[113].

Il ne faut pas oublier d’ailleurs que le Japon lui-même, aujourd’hui maître des destinées de la Corée, n’a été admis que depuis quelques années au régime du droit commun des nations occidentales. Jusqu’en 1900 les étrangers y possédaient le privilège d’exterritorialité. Ce n’est qu’à la suite de tentatives nombreuses et toujours repoussées jusqu’aux dernières années du XIXe siècle, que cet État a obtenu la renonciation des puissances étrangères aux immunités dont jouissaient leurs nationaux. La façon dont le Japon a quelquefois usé, vis-à-vis des Occidentaux, de ses droits de souveraineté recouvrés, a justifié, jusqu’à un certain point, les inquiétudes manifestées par ceux qui s’opposaient à l’abandon des privilèges résultant des anciens traités. C’est une raison de plus pour qu’on n’accorde pas, sans une expérience assez longue, la même faveur à un pays sous le protectorat japonais[114].




    supposant un complice étranger, il peut arriver qu’il échappe à toute répression si sa loi nationale ne punit pas l’adultère ; dans ce cas, il n’y aura pas égalité dans le châtiment.

  1. V., pour plus de détails sur le protectorat du Japon en Corée, notre article : la situation internationale de la Corée, dans la Revue gén. de dr. internat. public, 1906, p. 40 et s.
  2. Écho de Chine des 11 et 18 févr. 1903 ; Crémazy, Le Code pénal de la Corée, p. 143. V. aussi W. Rockill, Notes on some of the laws, customs and superstitions of Corea, 1891 ; Wilkinson, The Corean government, Shanghaï, 1897 ; Villetard de Laguérie, La Corée indépendante, russe ou japonaise, Paris, 1898, p. 188 et s. ; Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t.  7, p. 678 et s.
  3. Un Français, M. Crémazy. Le Code pénal coréen a été promulgué par un décret publié dans la Gazette officielle de Séoul du 29 mai 1905.
  4. Ces traductions, ainsi que toutes celles que nous donnerons du Code pénal coréen, sont empruntées à l’excellent ouvrage de M. Crémazy, Le Code pénal de la Corée, Séoul, 1904, in-4o ; Texte complémentaire du Code pénal de la Corée, Paris, 1906, in-4o.
  5. Fauvel, La Corée, dans le Correspondant du 10 février 1904, p. 446 et s.
  6. V. le P. Piolet, Les missions catholiques françaises au XIXe siècle, t.  III, p. 385 et s.
  7. Cordier, Histoire des relations de la Chine avec les puissances occidentales, t.  I, p. 265 et s., 391 et s. ; M. Courant, La Corée et les puissances étrangères (Ann. des sciences polit., 1904, p. 253 et s.). Le chef de l’escadre américaine envoyé devant Séoul en 1871 reçut du gouvernement coréen la note suivante qui montre bien l’état d’esprit des Coréens à l’égard des étrangers : « La nation coréenne a vécu quatre mille ans, satisfaite de sa civilisation propre et sans éprouver aucun besoin d’en changer. Nous restons paisiblement chez nous et ne sommes jamais allés déranger les autres peuples : pourquoi venez-vous troubler notre tranquillité ? Votre pays est situé à l’Occident, le nôtre se trouve à l’Extrême-Orient ; des milliers de milles nous séparent ; quelle est la raison qui vous a fait franchir sur l’Océan une distance aussi considérable ?… Si vous désirez vous emparer d’une partie de notre territoire, sachez que nous ne le souffrirons pas ; n’auriez-vous même que l’intention de vous mettre en relation avec nous, cela ne peut pas être non plus ». Chaillé-Long-Bey, La Corée ou Tchosen, Paris, 1894, in-4o (Annales du Musée Guimet, t.  XXVI, 1re partie), p. 11.
  8. V. Corea, the hermit nation, par William Elliot Griffis, 1882.
  9. De Martens, Nouv. rec. de traités, 2e série, t.  III, p. 511.
  10. L’art. 10 de ce traité est ainsi conçu : « Tout sujet japonais résidant dans l’un des ports ouverts de Corée qui commettrait quelque infraction contre un sujet coréen sera puni par les autorités japonaises. — Tout sujet coréen qui commettrait quelque infraction contre un sujet japonais sera puni par les autorités coréennes. — Les coupables seront punis par application des lois de leur pays respectif. — La justice sera administrée avec équité et impartialité par chacune de ces autorités ». Ce n’est que depuis le mois de juillet 1899 que le régime des Capitulations ne s’applique plus au Japon. Mais, avant cette date, le Japon a signé des traités avec des États asiatiques dans lesquels il a réservé à ses consuls le privilège de juridiction sur leurs nationaux. V. traités avec la Chine du 21 juill. 1896, art. 20 et s. (Rev. gén. de dr. internat. public, 1898, p. 290) ; avec le Siam du 28 févr. 1898, art. 1 du Protocole annexé (id. 1898, p. 875).
  11. De Martens, Nouv. rec. de traités, 2e série, t.  15, p. 798.
  12. De Martens, op. cit., 2e série, t.  10, p. 473.
  13. De Martens, op. cit., 2e série, t.  10, p. 576.
  14. De Martens, op. cit., 2e série, t. 13, p. 619.
  15. De Martens, op. cit., 2e série, t.  15, p. 807.
  16. Archives diplomatiques, 2e série, t.  31, p. 12.
  17. De Martens, op. cit., 2e série, t.  20, p. 429.
  18. Archives diplomatiques, 3e série, t.  81-82, p. 45.
  19. De Martens, op. cit., 2e série, t.  31, p. 379 ; Archives diplomatiques, 3e série, t.  88, p. 132.
  20. La Corée a aussi signé un traité avec la Chine le 11 septembre 1899. Enfin le Japon, en vertu des droits que lui reconnaît le traité de protectorat du 17 novembre 1905, a stipulé pour la Corée dans ses rapports avec la Chine. V. l’accord annexé au traité sino-japonais du 22 déc. 1905, art. 10 et 11 (le Temps du 13 janv. 1906).
  21. Le total des étrangers se décomposait ainsi par nationalités.

    Anglais 
     110
    Allemands 
     50
    Américains 
     230
    Français 
     95
    Chinois 
     3.500
    Japonais 
     19.200
    Russes 
     70
    Belges, Hollandais et divers 
     40

    (Écho de Chine du 11 févr. 1903). Quant aux Japonais, le nombre de leurs résidents s’est élevé dans des proportions considérables depuis la guerre avec la Russie.

  22. On peut remarquer que si les Capitulations étaient, à l’origine, des actes unilatéraux, concession gracieuse des Sultans aux Princes chrétiens, elles n’ont plus aujourd’hui ce caractère depuis le traité du 25 juin 1802 qui les a confirmées. Telle est du moins l’opinion générale. V. cependant Arminjon, Origines, sources et nature du droit des Capitulations ottomanes (J. dr. int. pr., 1905, p. 133 et s., 556 et s.).
  23. « In the China and Japan orders in Council and in this order, the expression British subject shall include a British protected person in so far as by treaty, capitulation, grant, usage, sufferance, or other lawful meaus, Her Majesty has jurisdiction in relation to such persons in China, Japan and Corea respectively ». Order in council pour la Chine, le Japon et la Corée de 1884, article 2 (Hertslet, A complete collection of the treaties and conventions between Great Britain and the foreign Powers, t.  XVII, p. 286).
  24. C’est une différence avec les pays d’Orient où les employés des Consulats, drogmans, cawas, janissaires, jouissent de la protection à titre temporaire et personnel dans des conditions déterminées (V. pour la Turquie, Capitulations françaises de 1740, article 47 ; Règlement d’août 1863 ; — pour le Maroc, Règlement du 19 août 1863 entre la France et le Maroc ; Convention de Madrid du 3 juill. 1880, articles 2 et s.) et où, dans un de ces pays, le Maroc, certains agents des particuliers, les censaux, bénéficient également de la protection étrangère (V. Règlement du 19 août 1863 entre la France et le Maroc ; Convention de Madrid de 1880, article 10).
  25. Dauge, De la condition juridique des étrangers et de l’organisation judiciaire au Siam (J. dr. intern. pr., 1900, p. 462 et s.).
  26. Dauge, op. cit., p. 463.
  27. Rivier, Principes du droit des gens, t.  1, n. 124, p. 544.
  28. V. notamment, au point de vue de la juridiction, la loi allemande du 7 avr. 1900 sur la juridiction consulaire, dont l’article 2 porte : « Sont soumis à la juridiction consulaire : … 2o les étrangers dans la mesure où leur statut les met sous la protection allemande en vertu ou par suite d’une ordonnance du chancelier de l’Empire… » (Ann. de législ. étr., 1900, p. 78).
  29. À l’exception cependant du Japon, comme nous l’avons vu.
  30. Dauge, op. cit., p. 466.
  31. Dans le but de faciliter notre exposé, nous citerons toujours le traité avec la France pour les dispositions communes à tous les traités.
  32. Sur la religion coréenne, V. Élisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t.  7, p. 671 et s. ; Bourdaret, Religion et superstitions en Corée, Lyon, 1904, broch. in-8o.
  33. C’est donc à tort qu’on a prétendu que la liberté religieuse fut sanctionnée pour la première fois dans le traité avec la France. V. Fauvel, La Corée dans le Correspondant du 10 févr. 1904, p. 471. V. aussi, Piolet, Les missions catholiques françaises au XIXe siècle, t.  3, p. 407 et s.
  34. V. Hamilton, Korea, Londres, 1904, p. 261 et s.
  35. Dislère et de Mouy, Droits et devoirs des Français dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient, n. 223, p. 196.
  36. Le système de la limitation des ports accessibles aux étrangers, sauf dans le cas de force majeure résultant de la tempête, ne se retrouve plus actuellement qu’en Extrême-Orient. Il a cependant été usité au Moyen-âge dans les rapports des chrétiens et des Arabes de l’Afrique du Nord. Les traités fixaient en effet limitativement les ports où les étrangers pouvaient débarquer leurs marchandises et faire le commerce. Ces ports étaient en général ceux où le gouvernement local avait établi des bureaux de douane, de telle sorte que cette mesure avait surtout un caractère fiscal ; elle avait pour but de faire payer au Trésor les droits qui lui étaient dus. Mas-Latrie, Relations et commerce de l’Afrique septentrionale avec les nations chrétiennes au Moyen-âge, p. 187 et s. V. notamment le traité du 15 nov. 1186, entre la République de Pise et Abou-Yousouf-Yakoub, calife Almohade qui, dans son article 3, déclare les ports de Ceuta, Oran, Bougie et Tunis seuls ouverts au commerce. Mas-Latrie, Traités de paix et de commerce, etc…, avec les Arabes de l’Afrique septentrionale au Moyen-âge, p. 29.
  37. Les chiffres de la population dans les ports ouverts sont tous antérieurs à la guerre russo-japonaise.
  38. V. sur les ports ouverts, Hamilton, op. cit., p. 170 et s. ; Smith, European settlements in the Far East, Londres, 1900, p. 48 et s. ; Georges N. Curzon, Problems of the Far East, Londres, 1894, p. 88 et s. ; Catellani, I « settlements » europeie i privilegi degli stranieri nell’Estremo Oriente, 2e partie : Sviluppo dei « settlements » e loro ordinamento giuridico, Venise, 1903, p. 57 et s. ; Madrolle, Chine du Nord et de l’Ouest et Corée, Paris, 1904 : la Corée, par M. Courant, p. 20 et s.
  39. V. l’augmentation progressive du commerce extérieur de la Corée depuis 1899, dans le Bulletin du Comité de l’Asie française, 1904, p. 399. V. aussi, Asakawa, The russo-japanese conflict, Westminster, 1904, p. 19 et s. ; Pierre Leroy-Beaulieu, Les Japonais en Corée et en Mandchourie, dans l’Economiste français du 22 sept. 1906, p. 422.
  40. Depuis la guerre russo-japonaise, les Russes jouissent également en Corée du traitement de la nation la plus favorisée en vertu de l’art. 2, § 2 du traité de paix de Portsmouth du 27 août-5 sept. 1905, signé entre le Japon et la Russie, et qui est ainsi conçu : « Il est convenu que les sujets russes en Corée seront traités exactement de la même manière que les sujets ou citoyens des autres puissances étrangères, c’est-à-dire qu’ils seront placés sur le même pied que les sujets ou citoyens de la nation la plus favorisée ». Rev. gen. de dr. intern. public, 1905, Documents, p. 19.
  41. Le lis est une mesure coréenne qui équivaut à 500 mètres.
  42. Crémazy, Le Code pénal de la Corée, p. 30.
  43. Korea Review, éditée à Séoul, 1901, p. 355, 363.
  44. Sur les intérêts étrangers en Corée avant la guerre, V. Hamilton, op. cit., p. 148 et s. ; Putnam Weale, The Re-shaping of the Far East, Londres, 1905, t.  2, p. 1 et s. ; spécialement sur les concessions de mines, V. Crémazy, op. cit., p. 158. Sur les intérêts japonais en Corée, V. Hamilton, op. cit., p. 156 et s. ; Putnam Weale, op. cit., t.  2, p. 25 et s. ; Asakawa, op. cit., p. 23 et s. Depuis la guerre, et surtout depuis l’établissement du protectorat japonais en Corée, il s’est produit une véritable invasion de colons nippons dans la péninsule. Le Gouvernement japonais évaluait approximativement leur nombre à 80.000, et l’on serait plus près de la vérité en estimant à 150.000 au moins les Japonais actuellement établis en Corée, V. Bulletin du Comité de l’Asie française, 1906, p. 363. V. aussi, Les Japonais en Corée, dans le Temps du 23 juin 1906 ; L’occupation japonaise, dans le Temps du 5 janv. 1907 ; Fusan et l’occupation japonaise, dans le Supplément du Temps du 24 janv. 1907 ; Pierre Leroy-Beaulieu, Les Japonais en Corée et en Mandchourie, dans l’Économiste français du 22 sept. 1906, p. 421.)
  45. Un traité conclu avec le Japon le 13 août 1904 a autorisé les Japonais & faire le commerce sur les côtes et dans les eaux intérieures de la péninsule. Il est conclu pour quinze ans, mais il peut prendre fin plus tôt, par consentement mutuel, au cas où la marine marchande coréenne viendrait à se développer. M. Courant, La vie politique en Extrême-Orient (1904-1905), dans les Annales des sciences politiques, 1905, p. 823. V. le texte anglais de ce traité dans la Revue de droit international (japonaise) ; 1906, t.  4, n. 8. — D’autre part, le traité conclu entre la Chine et le Japon, le 22 déc. 1905, contient un article 11 ainsi conçu : « Les gouvernements japonais et chinois s’engagent à ce que, dans tout ce qui se rapporte au commerce de frontière entre la Mandchourie et la Corée, le traitement de la nation la plus favorisée soit accordé, réciproquement ». V. le Temps du 13 janv. 1906.
  46. « À l’avenir, tout officier consulaire japonais résidant dans l’un des ports coréens ouverts, aura la faculté de se rendre, par les routes qui y conduisent, sur les points où il aura appris qu’un navire japonais était en perdition ou avait fait naufrage, mais il devra, au préalable, donner avis de son départ à la préfecture de la province dans laquelle il résidera ». De Martens, Nouv. rec. gen. de traités, 2e série, t.  3, p. 514.
  47. De Martens, Nouv. rec. gen. de traités, 2e série, t.  13, p. 594.
  48. De Clercq, Rec. des traités de la France, t.  7, p. 413.
  49. Georges N. Curzon, op. cit., p. 102.
  50. Il résulte de ces différentes clauses que le Gouvernement coréen peut toujours s’opposer au voyage des étrangers dans l’intérieur, en refusant de viser les passeports délivrés par les consuls. Deux catégories d’étrangers seules ont le droit de circuler librement sur tout le territoire de l’Empire, les agents diplomatiques et consulaires et les étrangers qui voudraient voyager dans l’intérieur dans un but scientifique, le Gouvernement s’engageant dans les traités à leur donner « aide et assistance ».
  51. L’impôt foncier en Corée est établi sur les bases du registre cadastral, qui renferme la liste de toutes les propriétés foncières du district classées en six catégories, d’après la fertilité du terrain. L’unité d’impôt est le mek : c’est l’impôt payé par 10.000 mètres carrés de terre cultivée. Il est perçu par le magistrat du district. À côté de cet impôt, il existe encore l’impôt des maisons, qui est de $0,60 par maison. Il est perçu en bloc par village et réparti entre les habitante par le chef du village selon l’importance des habitations. Crémazy, op. cit., p. 154.
  52. Les droits de douane perçus par les douanes maritimes impériales, qui étaient de 1.097.217 yen en 1900, se sont élevés en 1903 à 1.481.004 yen. Le yen est une monnaie japonaise ayant cours légal en Corée, et qui vaut environ 2 fr. 59. Crémazy, op. cit., p. 147.
  53. V. Féraud-Giraud, De la juridiction française dans les Échelles du Levant, t.  1er, Introduction, p. 29 ; Pélissié du Rausas, Le régime des Capitulations dans l’Empire ottoman, t.  1er, p. 18 et s. V. aussi pour le Siam, Niel, Condition des Asiatiques sujets et protégés français au Siam, Paris, 1907, p. 4, note 2.
  54. La même clause se retrouve dans tous les autres traités.
  55. Cette attribution de compétence est conforme aux résolutions votées par l’Institut de droit international dans sa session de Munich en 1892 (art. 3). Annuaire de l’Institut de droit international, t.  6, p. 280.
  56. V. Pélissié du Rausas, op. cit., t.  1er, p. 449 et 450 ; Mandelstam, La justice ottomane dans ses rapports avec les puissances étrangères, dans la Rev. gen. de dr. intern. public, 1907, p. 65 et s., 86 et s.
  57. V. en ce sens dans l’Empire ottoman, Cour suprême d’Autriche, 8 janv. 1884 (J. dr. int. pr., 1888, p. 282) ; 5 mai 1896 (Ibid., 1898, p. 178). V. aussi, Salem, Les étrangers devant les tribunaux consulaires et nationaux en Turquie (J. dr. int. pr., 1891, p. 803). Comp. Aréopage, sect. A, 1900, n. 10 (J. dr. int. pr., 1904, p. 449) et la note de M. Politis.
  58. Sirey, Lois annotées, 1861, p. 7. — V. Dauge, De la condition juridique des étrangers en Chine (J. dr. int. pr., 1905, p. 854 et s.), qui expose comment, à raison de l’insuffisance des dispositions des traités, on a été amené en Chine à créer des cours mixtes (p. 855-856) ; Scie (Ton-Fa), Condition des étrangers en Chine, dans la Rev. de dr. intern. privé et de dr. pénal intern., 1906, p. 118 et s. ; Catellani I, « settlements » europei e i privilegi degli stranieri nell’Estremo Oriente, 1re partie : I privilegi degli stranieri, Venise, 1902, p. 21-28.
  59. Sirey, Lois annotées, 1860, p. 18.
  60. Sirey, Lois annotées, 1857, p. 165. V. pour l’application de cette disposition, Niel, op. cit., p. 102 et s.
  61. Un auteur très compétent dans les questions des rapports des puissances occidentales avec les États asiatiques a cependant vivement critiqué ce système en établissant qu’il est surtout favorable à l’État asiatique. Dans les juridictions mixtes, dit-il, le consul étranger avait une influence prépondérante dans le tribunal et par suite son ressortissant jouissait du maximum de protection. Avec le système nouveau de la personnalité des lois et des juridictions, l’étranger demandeur, qui doit porter son action devant le magistrat indigène, l’est beaucoup moins, bien que son consul surveille l’action du tribunal. V. Catellani, op. cit., 1re partie, p. 32.
  62. V. la Rev. de dr. int. privé et de dr. pén. intern., 1905, p. 804, et Rev. gen. de dr. intern. public, 1904, p. 459, note. V. aussi Niel, op. cit., p. 106 et s.
  63. Dans l’Empire ottoman, lorsque la victime est un indigène, un usage, qui n’est pas constant, s’est établi que la juridiction nationale de l’inculpé est compétente, mais cela n’a pas été sans protestation du Gouvernement ottoman et sans efforts de sa part pour reconquérir le droit de juridiction. Les Capitulations attribuent en effet formellement compétence aux autorités locales : c’est ce qui résulte notamment du texte de l’art. 65 de la Capitulation française de 1740. V. sur la pratique actuellement suivie, L. Renault, Étude sur le projet de réforme judiciaire en Égypte, dans le Bull. de la soc. de législ. comp., 1875, p. 261 ; Dislère et de Mouy, op. cit., n. 104 et s., p. 91 et s. ; Catellani, op. cit., 1re partie, p. 52-53 ; Rep. gén. alph. du dr. fr., vo Échelles du Levant, n. 256 et s. V. aussi Pélissié du Rausas, Une question de compétence consulaire, dans la Rev. de dr. intern. privé et de dr. pén. intern., 1906, p. 288 et s. ; L’affaire Joris, dans la même Revue, 1906, p. 379 et s. ; Politis, Les Capitulations et la justice répressive ottomane à propos de l’affaire Joris, dans la même Revue, 1906, p. 663 et s. ; Salem, De la compétence des tribunaux ottomans pour juger les étrangers qui commettent en Turquie un acte délictueux envers un sujet ottoman, dans le J. dr. int. pr., 1906, p. 75 et s. — Les traités avec la Corée, en tranchant expressément la question dans le sens de la compétence des juridictions consulaires, ont évité toute difficulté. V. Catellani, op. cit., 1re partie, p. 33-45.
  64. Korea Review, 1901, p. 26, 119.
  65. Korea Review, 1901, p. 26.
  66. Le délit d’adultère peut donner lieu à certaines difficultés. L’article 534 du code pénal coréen déclare que la femme coupable est punie de la même peine que son complice, et le complice est puni de 90 coups de bâton. En
  67. Le récent traité du 13 août 1904 entre le Japon et la Corée, relatif au commerce et à la navigation sur les côtes de Corée, dispose également que les contraventions aux stipulations du traité seront jugées par les consuls japonais (art. 8).
  68. Art. 10 : « Au cas de naufrage d’un navire appartenant à une nation étrangère avec laquelle la Corée n’a pas de traité encore, le consul du Japon se chargera de faire rapatrier l’équipage et ledit officier ne pourra refuser de se charger de ce soin ».
  69. Depuis la guerre russo-japonaise et l’établissement du protectorat japonais en Corée qui en a été la conséquence, les légations étrangères à Séoul ont été supprimées et l’exequatur aux consuls étrangers résidant en Corée est donné à Tokio. V. le rapport de M. Deschanel à la Chambre des députés sur le budget des affaires étrangères de l’exercice 1908, Journ. off. du 19 déc. 1907, doc. parlem., Chambre, annexe n. 1230, p. 1342.
  70. Chez les Arabes de l’Afrique septentrionale au moyen-âge, le directeur de la douane était le protecteur de toutes les affaires des chrétiens dans leurs rapports avec les indigènes ; il suppléait même quelquefois les consuls dans les propres affaires de leur nation. Aussi le traducteur chrétien d’une pièce arabe de 1200 rend-il le titre de ce fonctionnaire par les mots : rector omnium christianorum qui veniunt in tota provincia de Africa. Parmi ses attributions, le directeur
  71. V. Francis Rey, La protection diplomatique et consulaire dans les Échelles du Levant et de Barbarie, p. 250 et s.
  72. V. Féraud-Giraud, De la juridiction française dans les Échelles du Levant et de Barbarie ; Pélissié du Rausas, Le régime des capitulations ; Rep. gén. alph. du dr. fr., vo Echelles du Levant, etc.
  73. Birey, Lois annotées de 1891-1895, p. 64.
  74. Isambert, Rec. gén. des anc. lois franç., t.  25, p. 333.
  75. Sirey, Lois annotées de 1836, p. 302.
  76. Sirey, Lois annotées de 1852, p. 144.
  77. Sirey, Lois annotées de 1869, p. 382.
  78. La loi du 28 avril 1869 avait attribué à la Cour de Saïgon les appels des jugements des tribunaux consulaires en Extrême-Orient, et le décret du 17 mai 1895, réorganisant la justice en Cochinchine et au Cambodge, avait indiqué ces appels au nombre de ceux dont la Cour devait connaître. Le décret du 8 août 1898 a réorganisé à nouveau la justice dans les possessions françaises d’Extrême-Orient : il a créé une Cour d’appel unique pour toute l’Indo-Chine, composée de trois chambres, dont une siège à Hanoï et les deux autres à Saïgon, en conservant les attributions spéciales de l’ancienne Cour de Saïgon.
  79. V. infra, p. 46.
  80. Moniteur universel du 24 juin 1852, Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin, p. 963, 2e col.
  81. Annuaire de législation étrangère, 1890, p. 68.
  82. Hertslet, A complete collection of the treaties and conventions between Great Britain and the Foreign Powers, t. XII, p. 281.
  83. Hertslet, op. cit., t. XIII, p. 622.
  84. Hertslet, op. cit., t. XIV, p. 243.
  85. Hertslet, op. cit., t. XIV, p. 246.
  86. Hertslet, op. cit., t. XV, p. 97.
  87. Hertslet, op. cit., t. XVII, p. 286.
  88. Hertslet, op. et loc. cit.
  89. Hertslet, op. cit., t. XVII, p. 298.
  90. Hertslet, op. cit., t. XVII, p. 300.
  91. Hertslet, op. cit., t. XIX, p. 148.
  92. Hertslet, op. cit., t. XIX, p. 150.
  93. Hertslet, op. cit., t. XIX, p. 466.
  94. Statutes, Regulations and Orders, 1904, p. 193.
  95. London Gazette, 1907, p. 1189.
  96. Pour plus de détails sur l’organisation des juridictions consulaires anglaises en Extrême-Orient et pour les règles qui leur sont communes avec les juridictions consulaires anglaises d’Orient, V. Yves Rioche, Les juridictions consulaires anglaises dans les pays d’Orient, Paris, 1904 ; du même auteur, Les juridictions consulaires anglaises dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient, dans cette Revue, 1905, p. 841 et s. ; Burge’s Commentaries on colonial and foreign laws, nouv. éd. par Alexander Wood Renton et George Grenville Phillimore, Londres, 1907, t. 1er, p. 321 et s. — Pour les juridictions consulaires américaines d’Extrême-Orient, V. Frank E. Hinckley, American consular jurisdiction in the Orient, Washington, 1906.
  97. C’étaient les ports de Tjyei-hpo, Pou-san et Yem-hpo.
  98. La concession où devaient habiter tous les résidents japonais était enfermée dans une enceinte dont les portes étaient gardées par des soldats coréens. Le commandant de la concession était chargé de faire observer les règlements japonais et coréens, qui étaient inscrits sur une planche devant la porte de la concession. On ne pouvait entrer dans la concession que si l’on était muni d’une passe, et il était interdit d’en sortir sans l’autorisation du commandant. Les résidents japonais ne pouvaient dépasser le ruisseau qui coulait devant la concession, et il leur était interdit, sous peine de bastonnade, d’entrer en rapport avec des Coréens pour d’autres motifs que l’achat quotidien des provisions de bouche. Toutes relations privées et tous entretiens entre Japonais et Coréens sur des matières étrangères au trafic étaient interdits et châtiés comme la divulgation d’affaires officielles. Il était défendu aux Japonais de se quereller avec les Coréens, et il leur était au contraire recommandé de traiter les indigènes avec les plus grands égards. Il était également interdit de vendre des armes ou des objets prohibés. Les peines applicables aux Japonais et aux Coréens coupables de contraventions aux règlements étaient exécutées devant la porte de la concession. M. Courant, Un établissement japonais en Corée, dans les Annales coloniales, 1904, p. 353 et s., 372 et s., 395 et 8., 421 et s.
  99. V. pour la Chine, Dauge, De la condition juridique des étrangers en Chine, J. dr. int. pr., 1905, p. 851 et s. : Guerlet, Étude des divers procédés d’action politique des puissances en Chine, Paris, 1907, p. 49 et s.
  100. « … Et il est expressément convenu que les terrains ainsi acquis dans les ports ouverts de Corée restent toujours partie intégrante du Royaume et que tous les droits de juridiction sur les personnes et les propriétés dans ce rayon restent confiés aux autorités de Corée, sauf dans la mesure qui a été expressément abandonnée par ce traité ». Au moyen-âge, l’abandon de la souveraineté par le gouvernement local était plus complet, les consuls ayant le droit de juridiction sur tous les habitants de la concession. V. pour les principautés franques de Syrie et pour le royaume de Chypre, Francis Rey, op. cit., p. 73 et s., 92 et s.
  101. V. Dislère et de Mouy, Droits et devoirs des Français dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient, n. 335 ; Catellani, op. cit., 2e partie, p. 71, 82 et s., 145 et s. ; Rioche, L’organisation juridictionnelle sur les concessions européennes de Shanghaï, dans cette Revue, 1906, p. 395, note 2 ; Guerlet, op. cit., p. 62 et s.
  102. Guerlet, op. cit., p. 82. 99, 108 ; Archives diplomatiques, 1899, t. 1er, p. 213.
  103. Crémazy, op. cit., p. 141-142. V. aussi Korea Review, 1901, p. 12 et s.
  104. V. l’arrangement du 17 mai 1902, entre la Corée et le Japon, concernant la concession japonaise de Masampo (de Martens, Nouv. rec. gen. de traités, 2e série, t. XXXI, p. 345). — On peut remarquer à cet égard que la tendance actuelle en Extrême-Orient est aux concessions nationales accordées séparément à chaque puissance. V. Catellani, op. cit., 2e partie, p. 31.
  105. Hertslet, op. cit., t. XVIII, p. 300. Il est reproduit en appendice par Catellani, op. cit., 2e partie, p. 158 et s. V. aussi, Hamilton, op. cit., p. 17-18.
  106. Foreign relations of the United States, 1902, p. 733 et s.
  107. Foreign relations, 1898, p. 478 et s.
  108. Les terrains de la concession ont été divisés en quatre classes d’après leur valeur, et l’impôt qui les frappe est plus ou moins élevé selon la classe à laquelle ils appartiennent.
  109. D’après l’ancien article 6, le conseil municipal comprenait : 1o un fonctionnaire coréen de rang convenable ; 2o les consuls des puissances à traités dont les sujets ou citoyens sont propriétaires dans la concession ; 3o trois propriétaires fonciers élus par les autres. Sur la proposition du ministre de Russie à Séoul, M. Pawlow, qui fit remarquer que les gouvernements étrangers, qui étaient propriétaires dans la concession sans que leurs nationaux le fussent, n’étaient pas représentés au conseil municipal, on apporta à l’article 6 une légère modification qui donna satisfaction aux demandes du représentant de la Russie. Dans les autres concessions internationales de Corée, la composition du conseil municipal est fixée par l’article 14 du règlement aux termes duquel : « Le conseil municipal se compose de : 1o le Kam-ni ou un fonctionnaire coréen d’un rang convenable ; 2o les consuls locaux ; 3o trois membres au plus élus par les propriétaires fonciers ». Foreign relations, 1902, p. 733 et s.
  110. Comp. le règlement municipal de la concession française de Shanghaï du 14 avril 1868, Dislère et de Mouy, op. cit., p. 396 et s.
  111. Communication de M. Takahira, ministre du Japon à Washington, à M. Adee, faisant fonctions de secrétaire d’État des États-Unis, du 30 août 1904, Foreign relations, 1904, p. 438. L’art. 2 du traité du 17 nov. 1905 a confirmé cette déclaration en disposant que « le gouvernement du Japon s’engage à veiller à la mise à exécution des traités actuellement existants entre la Corée et les autres puissances ».
  112. Au mois de juillet 1907, sous la pression du Japon, l’Empereur de Corée a abdiqué et a été remplacé sur le trône par son fils Yi-Siok ; celui-ci a signé, le 25 juill. 1907, une nouvelle convention avec le Japon qui accentue la mainmise du gouvernement de ce pays sur la Corée.
  113. Constatons, à l’honneur du Japon, que le gouvernement de ce pays paraît avoir pris sa tâche au sérieux. D’un document officiel, publié à Séoul en janvier 1907, il résulterait que le Japon a abordé avec énergie l’œuvre des réformes en Corée : construction de routes et de chemins de fer, adduction d’eau potable dans les villes, création d’hôpitaux, organisation de l’instruction publique, réorganisation de la police, de l’administration, de la justice, des finances, encouragements à l’agriculture, au commerce et à l’industrie, telles sont les principales réformes et améliorations que le Japon, depuis 1904, aurait entrepris d’apporter en Corée. V. Administrative Reforms in Korea, H. I. J. M’s Residency general, Seoul, January 1907, 1 broch. de 19 pages, Hodge et Co, printers.
  114. Telle paraît être l’intention des gouvernements intéressés. M. A. Gervais écrivait à ce sujet, dans son rapport à la Chambre des députés sur le budget des affaires étrangères pour l’exercice 1906 : « L’établissement du protectorat japonais ne signifie pas l’abandon ipso facto de notre droit de juridiction exterritoriale en Corée. Il est à présumer au contraire que nous maintiendrons aussi longtemps que possible ce privilège ». Journal officiel du 21 décembre 1905, doc. parlem., Chambre, annexe no 2661, p. 1142.