La défense des Vosges dans la vallée de la Meurthe/6

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VI

Le lendemain matin 10, le 2e bataillon du Jura cantonné à Anould se voyait assailli par deux compagnies du 5e régiment badois et un peloton de dragons, commandés par le major Rœder. Posté derrière les haies sur l’emplacement actuel de la gare il résista deux heures durant.

Des francs-tireurs établis de l’autre côté de la Meurthe, au Belrepaire, essayèrent bien de corser la résistance ; mais ils étaient bientôt contraints de se replier sur Fraize, tandis que les mobiles se retiraient vers Ban-sur-Meurthe, par le mamelon de La Roche.

Les notes inédites du colonel Perrin nous fournissent des détails sur le petit combat d’Anould. Citons le rapport du colonel Montravel : « Aujourd’hui vers 11 heures j’ai été prévenu par nos avant-postes qu’une reconnaissance prussienne de deux compagnies remontait la vallée de la Meurthe, se dirigeant sur Clefcy. Le combat s’engagea à la barrière d’Anould ; nos troupes cédèrent le terrain, mais, une fois entrées dans les défilés, elles tinrent bon. Après 2 heures de lutte l’ennemi a battu en retraite. Je n’ai eu personne de tué, quelques blessures légères seulement. L’ennemi en fuyant a laissé quelques hommes sur le terrain. »

Le bataillon du Doubs expédié de Gérardmer au secours des combattants arriva à Gerbépal quand tout fut fini, et repartit.

Relatant ce combat d’Anould, un journal local ajoutait que l’ennemi avait incendié la maison du sieur Marchal, aubergiste, retenu prisonnier pendant le pillage de son habitation, mais une lettre rectificative de M. Marchal lui-même, apprend que sa maison fut brûlée accidentellement, le 12, après l’entrée des Prussiens, qui, ajoute la lettre, « n’ont manifesté aucune intention de représailles à Anould. »

Le 1er bataillon du Jura retourna de Plainfaing cantonner au Valtin. Le temps était mauvais et les hommes exténués ; vers le soir le commandant Le Pin résolut de réintégrer Gérardmer, mais en chemin lui parvenait l’ordre d’occuper à nouveau Le Valtin. « Ce fut le signal d’une débandade générale, un grand nombre d’hommes s’enfuirent à Gérardmer chercher des vivres, et on ne regagna le Valtin qu’avec un bataillon réduit de près de moitié. Cependant avec bien des peines on réussit à cantonner ce noyau et à placer des grand’gardes, il fallut encore détacher dans la vallée de Clefcy deux compagnies pour appuyer le 2e bataillon moralement bien ébranlé.

À l’extrême gauche, le même jour, la légion bretonne abandonnait le Mont-Repos et se repliait sur Bruyères. Le lendemain soir les deux compagnies Bourras quittaient les postes du Haut-Jacques et le Haut de Sauceray pour se replier sur Brouvelieures.

Cependant tandis que Verder avec le gros de ses troupes arrivait à Rambervillers ; le 11, la division badoise reprenait sa marche dans la vallée de la Meurthe. Après Nompatelize, elle avait occupé les positions suivantes : 1re brigade d’infanterie : 3e régiment de dragons, 2 batteries à Étival et aux environs. 2e brigade : 1er régiment de dragons du corps et 2 batteries entre Étival et Saint-Dié. 3e brigade : 2e régiment de dragons, artillerie divisionnaire et batterie à cheval à Saint-Dié.

Le 11, en trois colonnes, la division se remettait donc en marche ; la 1re brigade (colonel Bayer) par le Haut-Jacques s’engageait dans la vallée des Rouges-Eaux qui était libre ; mais elle était bientôt arrêtée par la légion Bourras dont la 10e compagnie (capitaine Gérard) formait l’avant-garde. Après le combat de Brouvelieures et l’héroïsme des soldats de Bouras ; elle occupait Bruyères le même soir[1].

Le même jour, la 3e brigade (général La Roche Starkenfels) franchissant le Plafond, arrivait à La Houssière, la 2e (général de Degenfeld}) se dirigeait sur Corcieux.

D’abord elle cantonne à Anould, le Souche, le Paire, la Hardalle, Déveline, Clefcy, Belrepaire.

« La pauvreté de ces villages ne permettant pas de nourrir tant de monde, les troupes durent réquisitionner au loin dans toutes les directions, jusqu’à Fraize, et le vol et le pillage suppléèrent plus d’une fois à l’insuffisance de la réquisition[2]. »

Ainsi le 11 octobre au soir, la division badoise tenait les trois principales entrées de la vallée de la Vologne.

Le général Cambriels avait toujours son quartier général à Champdray, appuyant sa droite sur sa 1re brigade, en avant de Gérardmer, qui occupait le Valtin, le haut de Clefcy (55e de marche) le Saut-des-Cuves (2 bataillon du Doubs), Gerbépal (1 bataillon du 32e de marche), Beauménil, Helpelmont, Haut-Pré, Gadimont (58e de marche). La 2e brigade avait reculé jusqu’à la Neuveville.

Le 12, la retraite déjà commencée, se dessina franchement, sur Remiremont et le Thillot.

Le 14 octobre, la petite armée des Vosges était en sûreté, à portée du canon de Belfort. Cette retraite du Général Cambriels fut-elle un excès de prudence ? Non certes, étant donné le peu de solidité de ses troupes et les difficultés de ravitaillement. Elle fit échouer le plan de Verder qui tentait d’envelopper nos troupes, elle sauva d’une ruine certaine ces premiers et braves combattants qui défendirent l’entrée des Vosges et qui allaient grossir la véritable armée de l’Est, pour achever de combattre, vainement hélas, l’invasion qui s’avançait prudemment à travers la France.

Georges Flayeux.
FIN
  1. Voir le combat de Brouvelieures dans l’ouvrage du lieutenant Wolowski.
  2. Les Vosges en 1870, p. 100.