La flamme qui vacille/01/10

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Éditions Édouard Garand (p. 12-13).

X

UN MOIS DE RÊVE


Dès ce jour où leur promesse fut échangée, la vie, pour les deux amoureux, passa avec la rapidité d’un songe heureux. Ils faisaient ensemble de beaux projets dont le premier, qui était que leurs fiançailles fussent bénies en la chapelle du vieux manoir de Kerlegen, se réalisa bientôt.

Tandis que Julien Merville visitait les curiosités, les monuments et les musées de la Ville-Lumière, Cécile faisait les démarches nécessaires pour avoir un congé de trois semaines, ce qu’elle obtint sans difficulté.

Et, un beau jour, les jeunes gens, chaperonnés par la digne Madame Coubès, partirent pour la Bretagne. Tandis que les deux dames s’installaient au Manoir, Anne-Marie eût vite préparé chez elle un logement convenable pour le jeune capitaine.

Quelques jours après leur arrivée, le vieux prêtre qui avait instruit Cécile vint, dans une cérémonie intime, bénir les fiancés.

Malgré le souhait exprimé par Madame Merville, Cécile insista pour que la date du mariage ne fût pas reculée jusqu’à la cessation des hostilités.

Imitant en cela beaucoup de jeunes filles françaises, elle voulait au contraire hâter leur union, affirmant qu’elle n’aimerait jamais un autre que son fiancé et que si le malheur le frappait, elle voulait entièrement partager ses souffrances.

Julien obtint toutefois qu’on fixât le mariage à sa prochaine permission, qui arriverait vraisemblablement au printemps.

On était alors en novembre, mais la température est clémente sur les côtes de Bretagne, où l’influence du Gulf Stream atténue la rudesse des vents marins. Aussi les jeunes gens purent-ils faire de délicieuses promenades, perdus dans leurs songes heureux.

Hélas ! les heures semblaient des minutes, les jours, des heures et bientôt vint le moment de la séparation, séparation bien cruelle, puisqu’à cette triste époque, on ne savait jamais, en se quittant, quand l’on se reverrait, ni même si on se retrouverait jamais.

Cécile et sa tante accompagnèrent le capitaine jusqu’à Paris, où elles devaient d’ailleurs retourner, et, après un morne souper d’adieu. Julien la laissa, confiante en lui, certes, mais le cœur déchiré de tristesse et d’angoisse.

Quant à lui, il dut secouer son chagrin. Il était redevenu le soldat qui va rejoindre son unité.