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La législation relative aux condamnations à mort pendant la Deuxième Guerre mondiale en Suisse/4

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Ce travail, très descriptif, ne se prête guère aux grandes conclusions. Cependant, il est quand même possible de faire quelques constatations. Premièrement, en étudiant les condamnations à mort durant la Deuxième Guerre mondiale, il faut se souvenir que l'exécution capitale est encore dans les mœurs pour les délits de droit commun, bien que de façon exceptionnelle. En fait, on est dans une période où, en Suisse, cette peine est en voie de disparition. Mais, par une étrange coïncidence, alors que 1940 est la date de la dernière exécution capitale prononcée sous l'empire d'un droit cantonal, c'est aussi l'année où le Conseil fédéral établit la peine de mort en dehors du temps de guerre. Et alors que 1942 voit l'entrée en vigueur du nouveau droit pénal fédéral, exempt de la peine de mort, c'est aussi l'année des premières exécutions militaires. Dans cette perspective, les dix-sept exécutions ayant eu lieu pendant la Deuxième Guerre ne sont qu'un ultime soubresaut avant l'abolition complète de la peine de mort.

Deuxièmement, on se souviendra que la Suisse vit alors une situation de péril comme elle en a rarement connue ; rapidement encerclée de toutes parts, elle se replie et a l'impression qu'elle ne peut compter que sur elle-même. Dans ce contexte, les traîtres à la patrie pouvaient difficilement compter sur la clémence des juges, surtout quand les mots d'ordre officiels étaient " Résister " ou " Tenir ". Il est significatif, à cet égard, de voir à quel point la Suisse s'est montrée intransigeante face à l'Allemagne, en condamnant à mort certains de ses ressortissants. Mais ce fût peut-être une concession d'en condamner aussi peu ; peut-être aussi que l'on s'est arrangé pour n'avoir jamais à exécuter les condamnations prononcées contre des Allemands.

Il reste également à éclaircir le jeu des influences des différentes autorités sur la législation, et la manière de l'appliquer, concernant la peine de mort dans le droit militaire : qui a voulu cette législation d'exception ? Qui y a résisté ? Quelle fut l'opinion des membres du Conseil fédéral ? Quelles furent les positions au sein de l'armée ? Les tribunaux militaires, plus liés à l'exécutif que ne le sont en général les tribunaux civils, furent-ils l'objet de pressions ? Les réponses à ces questions pourraient apporter des éléments intéressants pour la compréhension du système helvétique en cas de crise ; en effet, si en temps normal la Suisse peut être décrite comme un pays fondamentalement démocratique, il n'en va pas de même dans les périodes troublées. La Première Guerre mondiale, avec le régime des pleins pouvoirs, avait mis la démocratie en sourdine au profit d'un régime plutôt autoritaire. Les années qui ont suivit n'avaient vu qu'un retour progressif à la normalité, excepté dans le domaine économique où s'était généralisé l'usage des arrêtés fédéraux urgents. En 1939, avec le régime des pouvoirs extraordinaires, l'exécutif fédéral se voit à nouveau investit de larges pouvoirs législatifs. André Manuel constate d'ailleurs que la Suisse se caractérise, pendant les années de guerre, par un régime plus autoritaire que celui de la plupart des autres pays, y compris de ceux qui prennent part à la guerre 70. Aux questions que nous avons posées dans cette conclusion, comme à celles que nous posions dans l'introduction de ce travail, nous essayerons de répondre dans le travail de doctorat.


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