La moisson nouvelle/39

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Bibliothèque de l’Action française (p. 177-181).


LA MAISON DES COLLINES




Là-bas, la-bas, au bout des terres
Au pied des monts si reculés,
Dans les lieux les plus solitaires
J’ai vu ta maison dans les blés.

J’ai vu ta maison radieuse,
Si pauvre et si riche à la fois.
Dans la plaine silencieuse
Et seule au milieu des grands bois…


J’ai vu la profonde clairière
Que tu creusas dans la forêt,
Où dans un grand jet de lumière
L’horizon immense apparaît…

Ô colon, âme de poète,
Ô grand amoureux des sommets !
Que je te loue en ta retraite !
Que ma voix te chante à jamais !

Cette simple et tranquille vie,
À l’ombre des feuillages frais,
Cette existence qu’on envie,
Nous la rêvons, toi tu la fais !


J’ai vu ta maison solitaire
Dont le toit rustique fumait,
Et le petit lambeau de terre
Où la moisson neuve germait…

Une brise tiède et légère
Passait sur les arbres tremblants ;
Entre les tiges de fougère
S’envolaient des papillons blancs…

Nul bruit. L’immense solitude
Faite de verdure et d’épis.
Et, la nuit, cette quiétude
De tous les êtres assoupis…


Oh ! ce bonheur incomparable
D’ignorer les pavés de fer ;
Les foules au cœur misérable,
Et les villes au bruit d’enfer !…

N’avoir pour tout bien que les gerbes
Qu’un modeste grenier contient,
Mais croire, au sein des champs superbes,
Que l’univers nous appartient !…

Vivre dans la plaine féconde,
Ami du buisson et du nid,
N’avoir aucun bien en ce monde,
Mais posséder tout l’infini !…


N’entendre toujours, ô merveille !
Dans une immuable clarté,
Que les murmures de l’abeille,
Et les chants de l’immensité !…