La nouvelle aurore/Deuxième partie/3

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Traduction par Teodor de Wyzewa.
Perrin (p. 194-208).

CHAPITRE III

I

Ce fut à une scène bien émouvante qu’assista monsignor Masterman quelques mois plus tard, — émouvante par le contraste de sa tranquillité extérieure et de l’énorme importance de sa signification intime.

Le cardinal et lui étaient venus passer deux ou trois jours dans la maison de lord Southminster, sur la côte du comté de Kent, afin d’attendre là les dernières nouvelles du grave débat engagé au Parlement touchant le projet d’expulsion des socialistes. On craignait un soulèvement violent pour le soir du vole décisif ; et le cardinal avait pensé que son absence de Londres pourrait être utile, en empêchant une démonstration particulièrement animée à Westminster. Son intention était de revenir à Londres, si le projet était voté, dès le lendemain.

La situation était d’une gravité exceptionnelle. Une opposition tout a fait inattendue s’était manifestée aussitôt que le projet de loi avait été déposé. Tout le monde savait, en vérité, ce que cette opposition avait d’artificiel ; mais elle était si savamment machinée que l’on avait fini par se demander si elle ne risquait pas d’affecter le vote final de la Chambre des Communes. Quant à la Chambre Haute, celle-là était à peu près unanime en faveur du projet, et déjà il y avait eu quelques démonstrations bruyantes devant les fenêtres de la salle où elle s’assemblait.

L’opposition était artificielle, en ce sens que ses agissements se trouvaient ordonnés à la manière d’une figuration de théâtre, — et l’on savait bien que la plupart des meneurs étaient des Allemands : mais la foule qu’ils avaient réussi à entraîner était devenue si grande que des symptômes d’hésitation s’étaient fait sentir parmi les députés, et même chez quelques-uns des membres les plus en vue du ministère. Deux fois aussi des troubles populaires de mauvais augure avaient accueilli des apparitions publiques du roi, que l’on connaissait comme un très chaud partisan du projet de loi. Et tout cela, naturellement, avait été rendu sensible aux autorités ecclésiastiques avec plus de force que l’on pouvait le soupçonner du dehors. Il y avait eu des lettres de menaces ; à plusieurs reprises la voiture du cardinal avait été arrêtée ; une douzaine de prêtres notoires avaient été molestés dans les rues. Des meetings et réunions de toute espèce s’étaient multipliés, à tel point qu’un moment était arrivé où il semblait que le cardinal et le premier ministre se trouvassent désormais seuls pour persister à vouloir le vole complet de la loi. Non pas que personne, parmi les ministres ou la majorité de la Chambre, se résignât à l’abandon définitif ; mais un parti s’était formé en faveur de son ajournement, et l’on espérait que, le projet ainsi renvoyé à plus tard, ses défenseurs auraient beaucoup plus de peine à le faire réussir. D’autre part, il est vrai, quelques parlementaires obstinés affirmaient que, précisément en raison de la situation critique des catholiques allemands, l’occasion était bonne, pour l’Angleterre, de franchir le dernier pas ; que toute hésitation ne manquerait pas d’être prise pour un signe de faiblesse, et que l’ajournement du projet marquerait une avance considérable de la cause des socialistes.

Cependant le ministre avait résolu d’exiger un vote décisif ce soir-là ; et les hôtes de lord Southminster songeaient que trois ou quatre issues différentes pouvaient se produire. D’abord, il était possible que le projet de loi fût voté, si les chefs parvenaient à ranimer la confiance dans l’âme de leurs suivants. En second lieu, la loi pouvait être rejetée, si la panique s’étendait. Ou bien encore la loi pouvait passer avec une faible majorité, et, dans ce cas, il était à craindre qu’un long délai s’écoulât avant la soumission du projet voté à la signature royale. En quatrième lieu, enfin, les catastrophes les plus graves étaient à redouter si la foule, assemblée devant le palais du Parlement et grossie d’heure en heure, réussissait à envahir la salle des séances.

La maison de lord Southminster n’a pas besoin d’être décrite ici. C’est assurément l’une des résidences seigneuriales les plus connues du royaume. Pas un guide qui ne consacre au moins quelques pages au vénérable château, et quelques lignes aussi au pittoresque petit village historique qui l’avoisine, avec son petit port de bateau de pêche.

C’était dans la salle à manger intime du rez-de-chaussée que l’homme qui avait perdu sa mémoire se trouvait assis, ce soir-là, en compagnie d’une demi-douzaine d’autres convives. D’un côté de la pièce, une porte s’ouvrait sur les salons réservés à l’usage de la famille, tandis qu’une autre porte conduisait dans le vieux hall du château, et qu’une troisième donnait accès aux cuisines.

Lord Southminster était un homme encore jeune, mais qui déjà s’était fait une réputation éminente par ses discours dans la Chambre Haute. Petit-fils d’un grand seigneur qui s’était converti au catholicisme sous le règne d’Edouard VII, il montrait une sollicitude sincère pour les intérêts de la cause religieuse. Monsignor l’avait rencontré plusieurs fois déjà, et éprouvait une sympathie profonde pour cet élégant jeune homme à la chevelure blonde au visage rasé, avec de grands yeux tout illuminés d’une flamme secrète.

Il y avait eu un moment de silence après que la vieille lady Southminster et sa sœur s’étaient levées de table ; et, du reste, monsignor avait été frappé de voir avec quel soin, durant tout le dîner, les convives avaient semblé éviter toute allusion aux événements décisifs qui se passaient dans la capitale.

Cinq ou six fois pourtant, depuis que l’on s’était mis à table, l’un des secrétaires du lord était entré avec un télégramme qu’il avait déposé devant son maître ; sur quoi la conversation s’était un moment arrêtée, et tout le monde avait pris connaissance de la feuille jaune.

Les nouvelles n’avaient pas été, jusque-là, très rassurantes. La première dépêche, partie de Londres à huit heures et demie, annonçait que l’un des chefs de la majorité avait été arrêté par la foule et sérieusement blessé, au moment où il allait pénétrer dans la salle des séances. Une autre dépêche, dix minutes après, disait : « Quatre grands bateaux aériens sont en route, venant d’Allemagne ; le gouvernement a doublé le cordon des aériens militaires. » Puis une troisième dépêche : « La foule augmente énormément. Le premier ministre a commencé son discours devant une salle bondée. » Les télégrammes suivants contenaient des résumés du discours, et le dernier ajoutait que l’on avait de plus en plus de difficulté à entendre l’orateur, en raison de l’effroyable bruit qui venait du dehors.

Maintenant, une demi-heure avait passé sans que l’on reçût d’autres nouvelles.

Monsignor leva les yeux sur la belle et vénérable horloge surmontant la cheminée ; puis son regard rencontra celui de son hôte.

— Voilà qu’il est neuf heures et demie ! dit lord Southminster.

Le vieux cardinal, à son tour, redressa la tête. Il n’avait rien dit depuis longtemps, mais d ailleurs n’avait laissé voir aucun signe d’inquiétude.

— À quel moment pensez-vous que le vote aura lieu ? demanda-t-il.

— Pas avant minuit. Trois coups de canon seront tirés, comme je l’ai déjà dit à Votre Éminence, aussitôt que la loi aura été votée. Ainsi nous connaîtrons la nouvelle avant même que mon secrétaire ait eu le temps de traverser le hall.

Et puis, de nouveau, il y eut un silence.

Au dehors, la nuit était merveilleusement calme. Pas d’autre bruit que le choc régulier des brisants contre la jetée du petit port.

Monsignor se reprit à considérer les visages qui l’entouraient. En face de lui était assis le jeune lord lui-même, revêtu du costume ordinaire de sa classe, avec l’insigne de son rang brillant comme une étoile sur sa poitrine. Ses traits n’exprimaient qu’une attention contenue : nulle trace d’agitation ni même d’impatience. À sa droite était assis le vieux cardinal, vêtu d’écarlate. Il se souriait gravement à soi-même, et ses lèvres remuaient de temps à autre ; l’une de ses mains jouait avec une coquille de noix restée sur son assiette. Les trois autres convives, en vérité, laissaient voir beaucoup plus d’émotion. Le vieux général Hartington, — qui pouvait se rappeler la manière dont ses parents l’avaient jadis mené à Londres pour assister aux fêtes du couronnement de Georges V, — s’adossait sur sa chaise, les sourcils froncés. Pendant le dîner, il s’était montré particulièrement expansif ; mais depuis quelque temps sa loquacité semblait tarie. Le chapelain du château ne tenait pas en place, se retournant à chaque instant vers la porte ; et enfin un personnage aux cheveux gris, un cousin du lord, qui occupait d’importantes fonctions dans le service des aériens de l’État, demeurait immobile et muet,les yeux perdus dans le vide.

Soudain le fonctionnaire se releva et alla vers la fenêtre.

— Eh ! bien, Jack ? lui demanda son cousin.

— Rien ! Je veux simplement regarder un peu le temps qu’il fait.

Mais son mouvement avait rompu la réserve du groupe.

— Si la chose ne se décide pas ce soir, dit brusquement le jeune lord, Dieu seul sait ce qui peut arriver !

— Oh ! tout sera fini ce soir, dit tranquillement le cardinal, toujours sans relever les yeux.

— Mais pourtant, cette demi-heure écoulée sans nouvelles ! murmura lord Southminster.

Il se releva, a son tour, et courut vers le hall.

— Ainsi, Votre Éminence se croit en état de nous rassurer ? demanda le fonctionnaire.

— J’espère fermement que le projet de loi sera voté, répondit le vieillard. Mais je ne sais pas encore de quel prix il faudra le payer.

— Votre Éminence parle-t-elle de chez nous ou d’ailleurs ? demanda vivement le chapelain.

— Chez nous et ailleurs, mon père.

Au même instant, le jeune lord revint, refermant la porte derrière soi.

— On ne répond pas à nos questions, dit-il d’une voix inquiète. Nous essayons d’entrer en rapports avec un autre bureau.

Monsignor comprenait que quelque chose de grave devait s’être passé. Il savait que le château de Southminster se trouvait en communication de télégraphie sans fil avec le grand bureau central du Square du Parlement, et que cette impossibilité d’obtenir une réponse ne pouvait s’expliquer que par un accident imprévu.

De nouveau, il y eut un silence. Puis, le cousin du lord, qui était resté debout devant la fenêtre, se retourna et revint vers la table.

— Eh ! bien, Jack ? demanda le lord.

— Je viens de compter au moins huit ou neuf aériens, dit-il. Cela est tout à fait inaccoutumé.

— Et dans quel sens ?

— Trois de ce côté, et au moins cinq du côté de Londres.

Monsignor n’osa pas demander une explication. Mais il sentit que l’atmosphère d’inquiétude s’était encore accrue dans la petite pièce.

Le général se leva.

— Southminster, dit-il, je vais aller faire un tour au dehors. Qui sait si l’on ne pourra pas, au moins, voir quelque chose ?

— En ce cas, lui dit le lord, je vous conseille d’aller au fond du parc. Il y a là, sur une terrasse, une vieille tour à signaux. Peut-être, en effet, y apprendrez-vous quelque chose ?

Monsignor, lui aussi, s’était relevé. Son agitation grandissait de minute en minute, bien qu’il sût à peine pourquoi.

— Est-ce que je pourrai venir avec vous ? demanda-t-il au général. Et Votre minence voudra-t-elle m’excuser ?

II

Les deux hommes traversèrent en silence le grand hall, faiblement éclairé. Au-dessus de leurs têtes, parmi les poutres saillantes du plafond, pendaient les anciennes bannières familiales ; un grand feu flambait dans la cheminée ; et sous la tribune des musiciens, à l’autre extrémité du hall, s’ouvrait le bureau du secrétaire du lord.

Dans ce bureau, où monsignor pénétra un moment avec sou compagnon, le secrétaire était assis, leur tournant le dos, devant un instrument qui n’était pas sans ressemblera un orgue d’autrefois. Une longue rangée de touches blanches et noires s’étalaient en face de lui ; et sur les deux côtés se voyaient une douzaine de pédales. Au-dessus de l’appareil, un panneau de verre servait à protéger une large feuille blanche ; et tandis que monsignor regardait distraitement celle-ci, il eut l’impression d’un mouvement singulier, comme si de petites étincelles bleues venaient danser sur la feuille. Mais il s’était résigné depuis longtemps à ne pas essayer de comprendre la machinerie moderne, de telle sorte qu’il devinait simplement que les touches devaient être là pour envoyer des messages, et la feuille blanche pour en recevoir.

— Avez-vous des nouvelles ? demanda brusquement le général.

Le secrétaire ne fit pas signe d’avoir entendu la question. Ses mains se mouvaient régulièrement sur l’appareil, et tout son être paraissait profondément absorbé.

Une longue minute s’écoula avant que le jeune homme se retournât enfin vers ses visiteurs, après avoir tiré de l’appareil une bande de papier comme celles qu’il avait déjà apportées à son maître.

— Cela vient du bureau de Rye, messieurs, dit-il d’un ton bref. Eux aussi, ils ont perdu toute communication avec le bureau de Londres. Voilà tout ce que je sais ! Il faut que j’aille bien vite porter ceci à lord Southminster.

Les deux visiteurs s’éloignèrent sans parler ; et ce fut seulement hors du château, tandis qu’ils s’avançaient lentement dans une des vieilles allées du parc, que monsignor prit timidement la parole.

— Vous savez que je suis très ignorant de toutes choses ! dit-il. Pensez-vous que la situation soit vraiment très grave ? Je croyais que les socialistes anglais avaient à jamais perdu leur crédit ?

— Oui, certes, en un sens. Je veux dire qu’à présent, chez nous, comme dans tous les pays à l’exception de l’Allemagne, les socialistes ne forment qu’une minorité impuissante. Mais si toutes ces minorités se réunissaient pour agir de concert, leur action risquerait de devenir très sérieuse. Or, comme vous savez, le ministère a présenté son projet de loi à l’improviste, précisément afin d’empêcher une telle concentration des forces ennemies. Mais, sans doute, les socialistes avaient prévu la chose : car le fait est qu’ils semblent avoir commencé depuis des mois à se préparer.

— Et si les socialistes échouent ?

— En ce cas, ils se rassembleront en Allemagne pour y livrer leur dernier combat. Mais vous savez tout cela mieux que moi, monsignor !

— Je sais beaucoup de menus détails çà et là, reconnut le prélat, mais j’ai toujours encore de la peine à les combiner. C’est que j’ai eu à traverser une étrange maladie…

— Oh ! oui, en effet, je l’avais oublié !

Ils suivaient maintenant un chemin de ronde qui longeait le mur extérieur du paie, du côté de la falaise. Des fenêtres pratiquées dans le mur, de temps à autre, laissaient apercevoir la mer, un immense abîme sombre sous le ciel brumeux.

Soudain le vieux militaire s’arrêta, et se tourna vers son compagnon.

— Voyez-vous, monsignor, dit-il, je ne voudrais pas l’avouer à tout le monde ! Mais à vous je puis bien dire que nous sommes en un moment très critique. Ces socialistes sont beaucoup plus forts que nous l’avions supposé. Leur organisation est absolument parfaite. Est-ce que vous connaissez quelqu’un d’entre eux ?

— J’ai rencontré Hardy.

— Eh ! bien, voilà précisément un homme très remarquable, et d’autant plus à craindre ! Ils reprirent leur promenade, et n’échangèrent plus aucune parole jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus sur la plate-forme d’une ample tour ronde, où l’on avait coutume d’allumer, jadis, les feux de joie. Là, une figure s’avança vers eux, les salua, et parut attendre.

— Hein ? Qu’est-ce que c’est ? demanda le général.

— Le poste d’observation, monsieur. Nous avons l’ordre d’observer les lumières de Rye. Pendant que le général et ce serviteur du lord continuaient de causer, le prêtre s’éloigna d’eux et vint s’accouder au parapet de la plate-forme. Il voyait à ses pieds les lumières du village, et une autre masse de lumières brillait là-bas, désignant l’emplacement de Rye. Là-bas aussi, sans doute, des yeux épiaient anxieusement l’horizon ; là-bas aussi l’on sentait que de grands intérêts étaient en jeu, si vastes et si inconnus que tout l’avenir du monde en pouvait dépendre. Puis le regard de monsignor se retourna vers l’intérieur des terres ; de ce côté, il ne vit que ténèbres s’étendant à l’infini. Mais par degrés, à mesure que ses yeux s’accoutumaient à l’atmosphère nocturne, ils commençaient à distinguer, vers le nord, une faible lueur marquant les limites de l’énorme capitale. Le général s’approcha de lui.

— Vous ne voyez toujours rien ? demanda-t-il.

— Absolument rien.

— Nous pouvons maintenant redescendre dans le parc.

Dans le passage couvert du chemin de ronde, le général se remit à parler de la crise. Mais un brusque sursaut de son compagnon l’arrêta au milieu d’une phrase :

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.

— Il m’a semblé voir, là-bas… Tenez, voici la seconde lumière ! murmura monsignor.

Tous les deux attendirent, la tête penchée dans l’embrasure de l’étroite fenêtre.

Et bientôt, pour la troisième fois, une mince raie blanche se dessina sur l’horizon lointain, monta dans le ciel comme une fusée de feu d’artifice ; et avant que la fusée eût eu le temps d’éclater en une pluie d’étincelles, voici que s’éleva dans l’air le fracas assourdissant d’une triple détonation ! Dès l’instant suivant, une porte claqua derrière les deux promeneurs, dans la cour du château ; et ce fut un torrent de voix et de pas précipités. Une foule de serviteurs débouchaient joyeusement de tous les coins de la vénérable demeure, profondément immobile et muette l’instant d’auparavant.

La loi venait d’être votée par la Chambre des Communes.

III

Deux heures plus tard, monsignor se trouvait assis, en compagnie du cardinal, dans la chambre de ce dernier. Le vieillard passait à son confident, l’une après l’autre, à mesure qu’il avait achevé de les lire, les feuilles que lui apportait le secrétaire du lord. Une autre série de ces feuilles, au même instant, était lue à haute voix par lord Southminster dans le hall du château.

Les trois coups de canon avaient réveillé tout le monde ; et la population entière du village était accourue au château pour apprendre les nouvelles.

Monsignor lisait avec une attention extrême, s’efforçant de ne laisser échapper aucun des détails du rapport. Tout se trouvait noté là : de quelle manière la foule s’était rassemblée, la difficulté qu’avaient eue les membres attardés du Parlement à pénétrer dans le palais de Westminster, et l’impossibilité pour la police de tenir tête à l’émeute, et la prise d’assaut du bureau de télégraphe sans fil par une bande organisée, dont les meneurs, presque tous Allemands, avaient enfin été arrêtés. Puis c’était le discours du premier ministre, reproduit en entier, jusqu’à cette scène inoubliable où la Chambre entière s’était levée, épouvantée sous l’effrayante rumeur du dehors.

Soudain le cardinal se redressa, sa lecture achevée. Les deux dernières feuilles restaient dans sa main, appuyée sur la table.

— Eh ! bien, Éminence, voici donc l’affaire heureusement terminée ! — dit monsignor Masterman, un peu surpris de la mine soucieuse de son vénéré chef.

— Oui, oui, terminée, ou plutôt commencée, car c’est seulement à présent que va s’engager la dernière bataille !… Et maintenant, monsignor, il faut que je vous dicte des lettres. Auriez-vous la bonté de préparer le phonographe ?

Au même instant, un grand bruit s’éleva d’en bas, dans le hall, un mélange confus de cris de joie et d’applaudissements.