La prétendue Chronique de Maribas le Chaldéen

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LA

PRÉTENDUE CHRONIQUE

DE MARIBAS LE CHALDÉEN,

PAR J.-B. CHABOT[1].

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Au moment où je rédigeai ma Notice sur les mss. syriaques de la Bibl. nat.[2], je me proposai de publier le petit texte, contenu dans le ms. 306, intitulé : Extraits de la Chronique de Maribas le Chaldéen. Peu de temps après, M. Carrière me demanda de lui laisser ce texte (qu’il supposait alors être l’œuvre de l’Arménien Mar Abas Katina) pour en faire l’objet d’une communication au Congrès des Orientalistes de Paris, en 1897. Au moment du Congrès, M. Carrière me montra une transcription arabe du texte caršouni divisée par paragraphes, accompagnée d’une traduction, et comparée d’une façon continue avec les deux éditions de l’abrégé arménien de la Chronique de Michel le Syrien. Il était alors arrivé à constater de si étroits rapports entre Maribas et Michel, qu’il paraissait prématuré, disait-il, de publier le premier sans avoir le texte authentique du second entre les mains. Enfin, après la publication du texte de Michel, il me déclara à plusieurs reprises qu’il croyait inutile d’éditer celui de Maribas. M. Carrière avait raison.

Quiconque a examiné rapidement le texte publié ici-même[3] par M. Macler a pu juger de l’étroite parenté des deux documents. Mais l’introduction que l’éditeur nous a donnée n’a pas éclairci l’origine de la prétendue chronique de Maribas. Un examen très attentif de ce texte, comparé avec celui de Michel le Syrien, m’a permis d’arriver à une conclusion que je crois pouvoir, sans témérité, proposer comme définitive. C’est celle-ci : La prétendue chronique de Maribas le Chaldéen[4] est une compilation récente et maladroite, uniquement composée d’extraits de la version caršouni de la Chronique de Michel le Syrien, tirés du ms. même qui est aujourd’hui au British Museum (Orient. 4402)[5]. L’attribution de ces extraits à un certain Maribas est purement fantaisiste.

Un fait qui frappe tout d’abord, c’est qu’il n’y a aucun passage de la Chronique qui n’ait son parallèle dans celle de Michel, au moins quant au sens, et souvent textuellement. M. Macler a indiqué la correspondance pour la plupart des cas ; on peut donc facilement rapprocher les deux textes. Mais les passages mêmes qui n’ont pas été notés par M. Macler se retrouvent aussi dans Michel. Ainsi, pour le § 8, voir p. 20 de mon édition (traduction) ; pour le § 17, comp. p. 78 ; § 24, comp. p. 86 ; § 44 et 45, comp. p. 115 et 118 ; § 75, comp. p. 156 ; § 77, comp. p. 188 (et non pas 192) ; § 79, comp. p. 205.

Si l'on prend la peine de rapprocher quelques passages, on s’aperçoit facilement que les phrases de Maribas sont souvent un résumé du texte de Michel, et il devient dès lors évident que le texte de Michel a servi de base au compilateur. Au reste, l’hypothèse contraire devait être écartée par le fait que Michel, qui cite habituellement ses sources avec soin, ne nomme pas une seule fois Maribas dans toute sa Chronique.

Ce premier point admis, on peut se demander si Maribas a résumé le texte syriaque de Michel ou bien la traduction arabe. À priori, la première hypothèse semble admissible, car une forme comme ܠܢܝܢܘܣ pour ܢܝܢܘܣ (§ 9) paraît bien provenir d’une construction syriaque primitive ; des erreurs de date comme ١٨٠١ pour ١٠٨١, ٢٠٩٣ pour ٠٩٣ (§ 78) ne peuvent s’expliquer que si l’on suppose que le compilateur avait sous les yeux les lettres syriaques ܐܦܐ,iܢܝܓܨ (lu ܒܝܓܨ). Cependant, c’est la seconde hypothèse qui est la vraie : Maribas a résumé la traduction arabe de Michel, et il l’a résumée sur le ms. caršouni qui est actuellement au British Museum. D’abord, en ce qui concerne les dates, il n’y a aucune difficulté à l’admettre, car dans le ms. de Londres toutes les dates sont écrites en lettres syriaques et ne sont pas habituellement accompagnées de leur équivalent en chiffres arabes. Ensuite, un certain nombre d’anomalies et d’erreurs qui se trouvent dans le texte de Maribas sont exactement les mêmes dans les passages correspondants du ms. de Londres. Je ne les citerai pas toutes, mais j’en rapporterai des exemples suffisamment nombreux pour permettre au lecteur le plus scrupuleux de se former une conviction sur ce point. Je suivrai l’ordre des paragraphes établis par M. Macler.

§ 4. « Du Déluge à Abraham, 1,081 ans (ms. ١٧٠١ pour ١٠٨١), et d’Adam à Abraham, 3,000 ans. » La date 1081 (au lieu de 1082) est particulière à Michel, qui cite Andronicus. Quant au chiffre 3,000 au lieu de 3,337 (du texte syr. de Michel), il s’explique par le fait que, dans la version caršouni, le nombre est écrit « trois mille 337 ». L’abréviateur maladroit a négligé la partie écrite en chiffres.

Au § 9, la forme que j’ai déjà citée ܠܢܝܢܘܣ (avec le ܠ conservé du syriaque) pour « Ninive » est également dans la version caršouni de Michel.

Le § 11, sur lequel il n’y a rien à dire, est un de ceux qui montrent bien le procédé d’abréviation employé par le compilateur. À ce point de vue, il mérite d’être comparé au texte syriaque.

Au § 13, les mots « à la suite de son père », qui n’ont pas de sens, s’expliquent facilement si l’on admet que l’auteur avait sous les yeux le texte caršouni qui porte ܠܐܪܐܒܝܗ « en Arabie », et qu’il a lu ܐܬܐ ܐܒܝܗ.

§ 25. Le nom du roi des Mèdes, Cyaxare, est étrangement défiguré : « Ṭouknṭos » ܛܘܟܢܛܘܣ ; on lit dans la version caršouni de Michel ܛܘܟܣܢܛܘܣ. Le compilateur a omis simplement une lettre.

Aux §§ 26 et 27, au lieu de ܢܒܟܬܢܨܪ, Neboukatnaṣar, on a simplement ܒܟܬܢܨܪ, Boukatnaṣar. On trouve la même orthographe aux mêmes passages de la version caršouni de Michel.

La singulière méprise du § 30, « Darius qui se nomme Assuérus », s’explique facilement si l’on admet que le copiste abrégeait maladroitement le texte de Michel, qui porte (p. 105) : « Xerxès, fils de Darius, c’est-à-dire Assuérus. »

Au § 35, la leçon ܠܣܘܢܛܝܢܘ, avec le ܠ préposition, présente la même anomalie que ܠܢܝܢܘܣ, (au § 9). Elle est aussi dans le caršouni[6].

Au § 39, on lit fautivement ܐܘܪ[ܝܦܘܣ] au lieu de Epiros, et ܡܘܪܝܐ pour Médie ; ܚܒܫܗ̈ (Abyssinie) répond ici au syriaque ܣܒܐ, Saba. Ces trois particularités se trouvent dans la version caršouni de Michel.

Au § 41, on se demande ce que M. Macler a pu entendre par ces mots : « la prophétie de Daniel sur le Kîš à dix cornes » ; le texte du ms. porte distinctement ܟܒܫ le bélier à dix cornes ».

§ 42. Au lieu de « Balous », le texte syr. de Michel a ܦܐܠܘܣ (Pella), mais la traduction caršouni a ܒܐܠܘܣ, comme Maribas. Dans ce même paragraphe, chez Maribas, le nom d’Apamée est incomplet ; on lit ܘܐܘ suivi d’un petit espace blanc. Ceci s’explique par le fait que dans la traduction caršouni de Michel le mot est estropié ; il est écrit : ܘܐܘܡܦܝܐ.

La double mention de la traduction des Septante, §§ 28 et 65, se trouve également à deux endroits différents chez Michel (p. 123 et 118).

Le résumé des doctrines de Platon, au § 44, est identique, à quelques mots près, dans le ms. caršouni et dans Maribas. Une telle concordance dans la version d’un texte difficile ne peut guère s’expliquer autrement que par un emprunt direct.

Les § 46 à 54 sont presque incompréhensibles, si on ne les examine pas avec le contexte d’où ils ont été tirés (Michel, trad., p. 118-120).

Il est à noter que le texte résumé dans ces paragraphes est un chapitre de la Chronique de Jacques d’Édesse (écrite en 706) qui n’est conservé que dans Michel, car l’unique ms. connu de la chronique est en partie mutilé pour ce chapitre[7].

Il est impossible de s’arrêter à l’hypothèse que le prétendu Maribas ait puisé directement à l’œuvre de Jacques d’Édesse, si l’on considère l’orthographe fautive des noms propres, qui est la même que dans la version caršouni de Michel. Ainsi, au § 53, nous trouvons ܝܪܬܐܘܚܢ, orthographe qui est celle du ms. caršouni de Michel, au lieu de ܦܪܬܐܘܚܢ ; après ܡܐܪܐ, il y a dans Maribas un petit espace blanc, et dans la version de Michel on lit ܡܐܪܐܓܢܚ (Margiane)[8].

Au § 64, la mention de l’an 8 d’Auguste est une inexactitude pour l’an 10. La même faute se trouve dans le texte et la traduction de Michel. Dans ce même paragraphe, la mention de l’an 186 des Grecs est une faute, mais qui ne tombe pas sur le chiffre, et elle s’explique par le fait que l’abréviateur copiait le texte caršouni de Michel qui porte : ܡܠܥܒ ܩܦܘ « la 186e Olympiade »[9].

Au § 69, dans l’énumération des sectes juives, la sixième commence par l’espace blanc d’un mot : c’est qu’à cet endroit le caršouni porte : ܐܠܣܐܕܣ ܠܠܡܬܢܙܪܝܢ ; ce mot, qui répond au syr. ܢܙܪ̈ܝܐ « les Naziréens », n’a pas été compris du traducteur, et celui-ci l’a laissé en blanc.

Au § 75, au lieu des stèles de la reine Hélène d’Adiabène (ܐܣܛܐܠܣ est le mot employé dans la traduction syriaque d’Eusèbe et dans le texte de Michel), Maribas nous parle des tours (ܐܒܪܐܓ) ; c’est précisément le mot employé mal à propos par la traduction caršouni. La note que ces stèles se trouvaient « en particulier » à Jérusalem ne se rencontre que dans la traduction de Michel (le texte dit : « aussi à Jérusalem »).

Au § 77, dont le texte doit être comparé à Michel, p. 188 (et non pas 192), l’abréviateur a substitué « l’empire des Turcs « (ܐܠܐܬܪܐܡ) à celui des Arabes, qui est mentionné dans le texte syriaque et caršouni. Nous voilà donc ramenés, par des arguments de critique interne, au xie siècle au plus tôt, pour l’époque de la rédaction de la Chronique de Maribas le Chaldéen, si l’on n’admet pas qu’elle est une compilation.

Le § 82 est particulièrement à noter pour le sujet qui nous occupe, quoique l’abréviateur n’ait pas compris le texte qu’il avait sous les yeux. Le nom des dieux sidéraux y est accompagné de sa traduction arabe : « Ariès qui est Mirîkh, Hermès qui est ‘Outarid, Zeus qui est Mouštari, Belti qui est Zaharat, Chronos qui est Zaḥal. » Or cette interprétation, qui ne se trouve pas dans le texte syriaque de Michel, se lit précisément dans le ms. caršouni. — Il en est de même des formes ܠܠܐܪܒܥܗ̈ ܠܠܬܠܐܬܗ̈.

Le § 83 est ainsi conçu : « Les Latins (ܐܠܠܐܬܝܢ) commencèrent à faire des tableaux et des sculptures sur les murs pour les faire voir ; ensuite, ils se mirent à les adorer » ; si on l’envisage dans son contexte, entre les §§ 84 et 86, il est de toute évidence que nous avons ici une déformation intentionnelle d’un texte de Théodoret, cité par Michel à la même place. Pour ma part, je ne puis m’expliquer cette déformation d’un passage très clair, sans supposer chez l’auteur l’intention de faire allusion aux querelles des Iconoclastes.

À ces arguments qui paraissent assez convaincants, je puis ajouter encore les observations suivantes :

Le ms. qui contient la prétendue Chronique de Maribas a été écrit en 1889, par un moine jacobite nommé ‘Abd al-Aziz, à Mossoul (cf. la clausule du ms. syr. no 312). Or, le ms. de Londres contenant la version en caršouni de la Chronique de Michel a été acheté à Mossoul, en 1890, par M. Budge[10]. ‘Abd al-Aziz a donc pu facilement l’avoir, et, de fait, l’a eu entre les mains. Lui-même nous en fournit les preuves. Dans le ms. 306 de Paris, immédiatement avant le texte attribué à Maribas, au folio 70 vo, il donne un extrait de 15 lignes qui débute ainsi : ܬܐܪܝܟ ܡܢ ܡܟܬܒ ܙܒܢ̈ܐ ܐܠܕܝ ܠܒܛܕܝܟ ܡܝܟܐܝܠ ܥܢ ܕܝܪ ܡܐܪ ܚܢܢܝܐ ܐܠܕܚ ܗܘ ܕܝܪ ܐܠܙ ܥܦܪܐܢ. ܟܢܝܐܢ ܕܝܪ ܡܐܪ ܚܢܢܝܐ ܦܚ ܣܢܗ̈ ܐܩܕ ܝܘܢܐܢܝܗ̈

Ce passage se trouve dans la Chronique de Michel, au livre XII, chap. v[11]. Comme on ne connaît à Mossoul aucun ms. du texte syriaque, et qu’on n’y possède plus de traduction arabe de Michel depuis que le ms. Orient. 4402 a été apporté au British Museum[12], c’est ce dernier, selon toute vraisemblance, que notre copiste a eu entre les mains.

Cette assertion est confirmée par l’examen du ms. de Londres lui-même. Le premier feuillet a été perdu ; le texte commence au même point que dans notre ms. syriaque[13] ; mais ce feuillet perdu a été suppléé par un nouveau feuillet en papier très moderne, portant au verso 22 lignes d’écriture dont les douze premières, en syriaque[14], forment le titre ainsi libellé[15] :

ܐܝܼܠ ܐܝܼܠ ܠܐܝܠܝ ܘܿܪܐ ܐܢܼܐ. ܟܪ ܡܫܪܐ ܐܢܼܐ ܠܡܟܼܬܒ ܟܬܒܐ ܪܡܟܬܒܢܘܬ ܙܒܢ̈ܐ ܕܣܝܼܡ ܘܡܛܟܣ ܠܡܪܝ ܡܝܼܟܐܝܠ ܪܒܐ ܦܛܕܝܕܟܐ ܕܣܘܪ̈ܚܐ. ܕܟܢܫܗ ܘܩܛܦܼܗ ܡܢ ܟܬܒ̈ܐ ܕܡܼܿܪܝܒܐܣ ܟܠܪܝܐ[16]. ܘܣܘܩܪܛܝܣ ܘܬܐܘܕܥܕܝܛܘܣ[17] ܘܝܘܚܢܢ ܐܦܣܩܘܦܐ ܕܐܣܝܐ. ܘܙܒܪܝܐ ܡܠܝܼܠܝܐ ܘܐܢܕܪܘܢܝܩܘܣ. ܘܛܝܡܬܐܘܣ ܦܐܣܩܘܦܐ ܕܐܠܟܘܢܕܪܝܐ ܘܕܝܘܢܢܘܣܝܘܣ ܬܠܡܚܼܪܝܐ. ܘܝܥܩܘܿܒ ܐܘܪܗܝܐ. ܘܒܪܨܠܝܒܚ. ܘܐܒܝܦܢܝܘܣ[17]. ܘܐܝܘܢܢܝܣ ܘܫܪܟܐ ܕܐܒܗ̈ܬܐ ܡܠܦ̈ܢܐ ܒܚܝܼܪ̈ܐ. ܟܿܠܚܪ ܗܪ ܡܢܗܘܢ ܟܬܼܒ ܗܿܘ ܡܕܡ ܕܗܘܼܐ ܒܙܒܢܗ ܘܒܐܬܪܗ ܘܣܛܪ ܀

Si l’on compare l’énumération des auteurs donnée ici avec celle de la version arménienne abrégée[18] qui paraît avoir conservé le titre complet, ou même avec celle de la préface de la Chronique syriaque de Bar Hébréus, qui est empruntée à Michel, on est frappé de l’arbitraire avec lequel cette notice est rédigée, et en particulier de l’omission du nom d’Eusèbe, qui est cité à chaque instant par Michel, et de l’addition de celui de Maribas, qui n’est pas cité une seule fois. Mais toutes les difficultés disparaissent si l’on compare l’écriture de ce feuillet additionnel avec celle des différents manuscrits copiés par ‘Abd al-Aziz. Certaines particularités graphiques, notamment dans la forme des lettres ܛ et ܨ, montrent que ‘Abd al-Aziz est l’écrivain de ce feuillet et par conséquent l’inventeur du prétendu Maribas, nom sous lequel il a mis une compilation maladroite dont il est lui-même l’auteur, ou tout au moins le copiste ; car l’on peut, à la grande rigueur, admettre que ‘Abd al-Aziz a seulement recopié un résumé fait par un autre scribe, mais toujours dans les conditions que j’ai indiquées, c’est-à-dire sur le ms. caršouni de Michel, qui est aujourd’hui au British Museum[19].

Il n’y a donc plus d’hypothèse à établir pour l’identification de Maribas le Chaldéen : ce personnage n’a existé que dans l’imagination du compilateur de sa prétendue Chronique, Pourquoi celui-ci a-t-il choisi ce nom inconnu pour placer sous son autorité son indigeste compilation ? Lui seul pourrait nous l’apprendre.

Dans le ms. 306, immédiatement après la prétendue Chronique de Maribas, on trouve (fol.  77 ro-82 vo) des Extraits de la Chronique de Jacques d’Édesse (ܡܢ ܟܬܐܒ ܬܐܪܝܟ ܝܥܩܘܒ ܐܠܪܗܐܘܝ). Ces extraits sont, comme les précédents, de purs emprunts faits au ms. caršouni de Michel. Ils commencent par l’énumération des rois persans (Michel, trad., t. I, p. 256) et se terminent par la mention de l’invasion des Turcs qui fait suite à celle de l’avènement de Haroun ar-Rašid :

ܘܒܥܪܗ ܗܐܪܘܢ ܠܪܫܝܕ ܐܒܢܗ. ܫܢܗ̈ ܐܫܣܐ (١٣٢١) : ܣܢܗ̈ ܐܠܐ (١٠٣١) ܡܣܝܚܝܗ̈ : ܣܢܗ̈ ܬܥ (١٩٧٠) ܗܐܓܪ ܛܗܪܘܐ ܡܢ ܒܠܐܕ ܠܫܡܥܐ ܠܝܗ̈ ܐܬܪܐܟ ܫܪܩܝܗ̈

La concordance (inexacte) entre ces différentes dates est précisément celle qui est indiquée par Michel. Le XVe livre de sa Chronique, consacré à l’invasion des Turcs, débute ainsi (p. 571 de mon ms.) :

ܡܐܡܪܐ ܕܝܗ ܡܫܪܝܢܢ ܡܢ ܫܢܬ ܐܫܣܐ ܕܝܘ̈ܢܝܐ ܕܐܝܬܝܗܿ ܫܢܬ ܐܠܐ ܕܡܪܢ ܘܫܢܬ ܬܠ[20] ܕܡܠܟܘܬܐ ܕܛܝ̈ܝܐ.

Nous avons de nouveau la preuve que notre compilateur se sert de Michel. Nous avons aussi celle de son ignorance, puisqu’il nous présente comme extraits de la Chronique de Jacques d’Édesse, mort en 708, des fragments qui vont jusqu’à l’an 1031. J’ajouterai que, au cours de ces fragments, il témoigne de son peu d’habitude de la chronologie ; c’est ainsi qu’il traduit les chiffres ܐܣܓ, ܐܥܓ, ܐܦ, ܐܦܚ, par ١٢٠٣, ١٧٠٣, ١٨٠٠, ١٨٠٨, au lieu de ١٠٢٣, ١٠٧٣, ١٠٨٠, ١٠٨٨[21]. On comprendra d’après cela que cette seconde compilation n’a pas plus de valeur que la première ; ce serait vraiment abuser de la patience des lecteurs et de l’hospitalité du Journal asiatique que d’en donner ici le texte et la traduction, comme j’en avais eu d’abord l’intention.

  1. Communication faite à la Société asiatique le 13 mai 1904.
  2. Cf. Journ. as., sept.-oct. 1896, p. 253.
  3. Journ. as., mai-juin 1903, p. 491 et suiv.
  4. L’expression de ܟܠܕܝܐ « chaldéen » était déjà faite pour inspirer des doutes ; dans son sens antique, le mot ne pouvait désigner qu’un très ancien auteur païen originaire de la Chaldée ; dans son sens moderne, il est adopté par les nestoriens convertis au catholicisme pour se distinguer des autres confessions chrétiennes qui se servent de la liturgie syriaque (jacobites, maronites, syriens, nestoriens), et son usage ne remonte pas au delà du xvie siècle.
  5. Voir une description sommaire de ce ms. dans le Journ. as., nov.-déc. 1896, p. 523 et suiv.
  6. Cette forme n’est pas susceptible de la correction que propose M. Macler, en ܣܩܢܛܝܢܘ = Σκηνίται. Il s’agit des Saunites dont s’emparèrent les Romains (Σαυνιτῶν Ἀράβων ἐκράτησαν ; Eusebii Chron., ann. 1697).
  7. Voir la nouvelle édition de la Chronique de Jacques d’Édesse, par M. Brooks, dans les Chronica minora (p. 279) ; t. IV, 3e sér., des écrivains syriens dans le Corpus Script. Christ. oriental.
  8. Le texte du § 60 est presque inintelligible en dehors de son contexte ; on voit par celui-ci que le « Temple » dont il s’agit en ce passage n’est pas celui de Jérusalem, mais bien celui qu’Onias avait établi à Héliopolis, en Égypte.
  9. La note ajoutée par M. Macler au § 67 nous paraît hors de propos. Il s’agit des hérétiques appelés Nicolaïtes. « Étymologie fantaisiste, dit-il, Νικόλαος est la transcription de בלעם ». Quel que soit le sens du mot Νικόλαος, cela n’empêche qu’il soit parfaitement exact que les Nicolaïtes furent ainsi appelés du diacre Nicolas. En outre, Νικόλαος n’est nullement la transcription de Bile‘am ; en supposant qu’ils aient un sens analogue, ce qui est loin d’être prouvé, il n’y aurait pas plus de rapport étymologique entre ces deux mots qu’entre démocratique et populaire, par exemple.
  10. M. Nau a imprimé dans le Journ. as., 1896, II, p. 527, n. 2, que M. Bruno Meissner avait publié une liste des patriarches jacobites d’après le ms. de Londres, dans la Wiener Zeistschr. für die Kunde des Morg., de 1884 ; mais c’est inexact, il faut lire 1894.
  11. Dans mon ms., p. 488-189 ; dans la trad., t. II, p. 20.
  12. C’est du moins ce qui m’a été assuré par divers correspondants intelligents et instruits, et notamment par feu Mgr Khayyath, patriarche des Chaldéens, qui a bien voulu faire rechercher pour moi, pendant plusieurs années, soit le texte, soit la traduction de Michel, à partir du moment où Mgr Raḥmani s’abstint de répondre aux lettres qui lui furent adressées par la Société asiatique pour lui rappeler ses engagements relativement à la publication de la Chronique. Comme j’avais été l’intermédiaire des négociations entre ce prélat et la Société, je me crus quelque peu obligé de réparer la déception causée par le manque de parole d’un évêque dont j’avais fait les plus grands éloges ; et, lorsque je fus enfin en possession d’une copie de la Chronique de Michel, je m’empressai de l’offrir à la Société qui n’a pas cru à ce moment pouvoir se charger de sa publication.
  13. Exactement au mot ܐܢܝܢܘܣ (l. 2), le traducteur ayant négligé les trois mots de la première ligne, qui ne donnaient pas de sens par eux-mêmes. J’ai suppléé le début, dans mon édition, d’après la version arménienne qui a conservé assez fidèlement le texte de Michel dans les premières pages, la concision du récit ne permettant guère de l’abréger dans cette partie.
  14. Pour les dix lignes suivantes, écrites en caršouni, ‘Abd al-Aziz s’est inspiré du début de la Chronique de Bar Hébréus.
  15. Je garantis l’exactitude du texte suivant que j’établis avec une photographie du ms. sous les yeux. Dans les quatre lignes publiées par M. Nau dans le Journ. as. (nov.-déc. 1896, p. 524), il y a cinq fautes de copiste.
  16. Dans le ms. 306 : ܪܡܼܿܪܝܼܟܰܣ ܟܰܠܕܳܝܐ.
  17. a et b Sic ms.
  18. Voir ce texte en tête de ma traduction de Michel, t. I, p. 1 ; dans la traduction de Langlois, ou dans celle de Dulaurier (Journ. as., 1848).
  19. Ce scribe avait un goût spécial pour les résumés ; le même ms. 306 débute (fol. 3-62) par un Abrégé, en caršouni, des deux Chroniques de Bar Hébréus.
  20. Le compilateur a lu ܬܥ au lieu de ܬܠ.
  21. C’est sans doute pour cela que, dans la Chronique de Maribas, au § 50, il a laissé en blanc la date 560 écrite exactement dans le ms. ܢܣ ; il n’a pas su traduire ces deux chiffres qui, pour lui, devaient signifier 50 + 60. Nous avons ici encore un indice de l’époque récente de la compilation. De nos jours, les Syriens évitent l’emploi des lettres ܨ,ܦ,ܥ,ܣ,ܢ pour 500, 600, 700. 800, 900 ; ils leur substituent des combinaisons ܬܪ,ܬܩ, etc.