La région de l’Abitibi : terres à coloniser/05

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Département de la colonisation, des mines et des pêcheries (p. 13-15).

Le climat



La légende de l’Abitibi glaciale a fait son temps. L’expérience des six années passées nous a permis de constater que le climat de cette région ne diffère pas sensiblement de celui du bas-Québec. Les gelées d’automne n’y sont pas plus hâtives, et il ne saurait être question maintenant de ces gelées d’été qui effrayèrent les premiers colons.

Le seul inconvénient pour le moment, c’est que le printemps y est un peu plus tardif que dans la vallée du Saint-Laurent. Il est, néanmoins permis de supposer que cet inconvénient disparaîtra peu à peu à mesure que les défrichements s’étendront.


COLONS DES RANGS III, IV, V ET VI DU CANTON DE FIGUERAY RÉUNIS À L’ENDROIT OÙ DOIT ÊTRE BÂTIE L’ÉGLISE DE LA FUTURE PAROISSE DE FIGUERAY. Monseigneur Latulipe vient d’en marquer le site — 26 juin 1918.

C’est que du déboisement des terres découlent trois effets absolument incontestables : un printemps plus hâtif, un été plus long et plus chaud et un automne plus tardif et moins brusque. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’Abitibi ? On objecte que les vents du nord qui soufflent dans cette région seront toujours une cause de refroidissements. Mais chose curieuse à constater, c’est que les eaux de la mer d’Hudson et de la Baie James en particulier sont loin d’être aussi froides, que celle du lac Temiscaming, à la même saison. Si les vents sont si frais, ce n’est donc pas uniquement parce qu’ils viennent du nord, mais c’est surtout parce qu’ils s’imprègnent d’humidité en traversant ces milliers d’acres de forêts, qui retiennent à leurs pieds la neige jusqu’à la mi-juin et qui d’un bout à l’autre de l’été repoussent tous les efforts du soleil, pour arriver au sol. Il y a là un courant d’air froid qui circule constamment de la terre à l’atmosphère, et de l’atmosphère à la terre. Sans aucun doute, ces vents du nord perdront sensiblement leur fraîcheur lorsque les forêts auront disparu pour faire place à des champs cultivés, et la région de l’Abitibi ne sera pas seule à en bénéficier mais aussi le bas de la province de Québec, où l’on souffre beaucoup des refroidissements subits causés par les vents du nord.

Un autre fait qui a lieu sous ces latitudes et qu’on ne saurait passer sous silence, c’est la rapidité avec laquelle la végétation s’y déploie. Les jours y étant très longs, les nuits d’été sont très courtes et chaudes, de sorte qu’il n’y a pas d’arrêt dans la végétation.

« Après un séjour de six mois dans la région de l’Abitibi », dit M. Arthur Lepage, arpenteur-géomètre, « je suis revenu enchanté des richesses et des avantages de cette région comme territoire de colonisation. C’est un endroit où le colon trouvera tous les avantages désirables et plus nombreux peut-être qu’en aucun autre dont on parle comme devant attirer les colons. J’ai vu et parcouru les plaines de l’Ouest que j’ai fort appréciées, mais le territoire de l’Abitibi me parait préférable à l’Ouest canadien pour le colon pauvre, accoutumé aux durs travaux de défrichement. En effet dans l’Abitibi vous avez un climat tempéré, le colon a des terres très fertiles, du bois, de la pêche et de la chasse en abondance, de l’eau potable, excellente à boire partout, et les nombreux cours d’eau et les lacs procurent des communications toutes faites avec le Transcontinental et divers points de distribution.

« Je sais que le public entretient l’idée que la région de l’Abitibi est en plein dans le nord et partant que le climat en est dur et froid à l’extrême ; c’est là une erreur que je me fais un devoir de rectifier. En effet, cette partie de la région de l’Abitibi traversé par le Transcontinental est sous la même latitude que celle des comtés de Matane, Rimouski et Lac Saint-Jean. Le climat, en autant que j’ai pu le juger, est superbe sous le rapport sanitaire, l’air en étant sec. Il est tempéré comme celui des comtés que je viens de citer, et je suis d’opinion que lorsque les terres en seront défrichées comme elles le sont dans la vallée du Lac Saint-Jean et dans les comtés de Matane et de Rimouski, alors le climat de l’Abitibi sera plus agréable, plus chaud qu’il ne l’est actuellement, et, je crois, préférable à celui de Matane et de Rimouski parce qu’il n’y a pas dans l’Abitibi ces vents du nord-est qu’on a que trop souvent dans la partie est de la vallée du Saint-Laurent. »

Dans tous les cas, l’expérience des dernières années a prouvé au delà de toute évidence, que les légumes de toute espèce arrivent à leur pleine maturité dans la région de l’Abitibi. À la première exposition agricole de cette région tenue à Amos, le 19 octobre 1916, les produits exposés ont fait l’admiration des visiteurs. On y voyait des tomates, des betteraves, des carottes, des navets, des choux, des concombres, des


VILLAGE DE SENNETERRE (Nottaway) — 1918

pommes de terre superbes ; du blé, de l’orge, de l’avoine de fort belle

apparence.

C’est dire que le climat de l’Abitibi ne le cède en rien à celui du reste de la province.