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La république sans républicains

La bibliothèque libre.
Administration de la Librairie Générale Illustrée (p. 25-26).


LA RÉPUBLIQUE SANS RÉPUBLICAINS


Air : T’en souviens-tu ?




Vous qui longtemps avez dans nos églises,
À Dieu chanté : « Sauve notre Empereur ! »
Qui conspirez au milieu de nos crises,
Au grand soleil, sans reproche et sans peur,
Amis zélés du fameux plébiscite,
Qui de la France êtes les assassins,
Malheur à vous ! voici qu’on décapite
La République sans républicains !


Vous qui, voyant la patrie expirante.
Êtes venus, parricides enfants,
Aux jours de deuil ouvrir sa main mourante,
Arrachant l’or de vos doigts triomphants.
Tremblez ! on dit tout bas, dans les provinces,
Que le trône a porté trop de Caïns :
Pour marche-pieds vous n’aurez pas, ô Princes,
La République sans républicains !


Votre heure fuit, aveugles fanatiques
D’un passé mort, du culte d’un faux dieu,
Dans nos cités, promenez vos reliques ;
Pour asservir, mettez la France en feu !…
Quatre-vingt-neuf est là qui vous regarde…
— N’oubliez pas d’emporter vos Rodins,
Quand, avec vous, s’enfuira sans cocarde,
La République sans républicains.

Ô Christ ! divin révolutionnaire
Qui le premier prêchas la loi d’amour,
Du fouet sacré chasse le mercenaire :
Le temple encore est le nid du vautour !
Du lieu béni, tabernacle de l’âme,
Maître, combats avec les publicains ;
Poursuis ton œuvre — et toi, Peuple, proclame,
La République des républicains.


Eugénie GUINAULT.


Paris, 1876.