La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Évangile selon saint Marc (Introduction)

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(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 2413-2415).


LE

SAINT ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST

SELON SAINT MARC

Séparateur

INTRODUCTION


Bien des savants distinguent S. Marc, l’évangéliste, de Jean Marc, parent de Barnabé. Le Bréviaire romain ne tranche pas la question ; mais communément on admet l’identité. D’après les Actes, Jean ou Jean Marc était lié avec S. Pierre avant de se lier avec S. Paul. C’est chez la mère de ce disciple que le prince des Apôtres, au sortir de la prison d’Hérode, trouve les chrétiens réunis. Cette circonstance fait supposer que Jean Marc n’était pas sans fortune, ni probablement sans instruction. Il est vraisemblable que S. Pierre l’aura pris pour son interprète, selon le mot du prêtre Jean dans Papias, ou plutôt pour son secrétaire, comme le dit S. Jérôme, après que ce jeune disciple se fut séparé de S. Paul. De là le nom d’Evangile de Pierre, donné par Tertullien à sa composition. S’il n’est pas nommé Jean, mais simplement Marc, comme évangéliste et compagnon de S. Pierre, c’est sans doute qu’il avait pris ce nom latin en entrant dans l’empire, et qu’il n’était pas connu autrement à Rome et parmi les Gentils. S. Luc nous avertit que c’est un surnom. Il a pu aller en Egypte quelques années après la venue de S. Pierre à Rome, y fonder l’Eglise d’Alexandrie, puis se retrouver à Rome pendant la première captivité de S. Paul et à Ephèse pendant la seconde. S. Pierre l’appelle son fils. Son Evangile, composé peu de temps après celui de S. Matthieu, dut être présenté à l’Eglise par le prince des Apôtres, comme objet de foi et livre inspiré.

Si l’on s’en rapporte aux caractères de sa composition, l’auteur du second évangile était originaire de Judée, contemporain des Apôtres, et disciple de S. Pierre ; il a écrit pour les Gentils, spécialement pour les Romains, sans autre souci que d’unir l’exactitude et la précision à la brièveté et à la simplicité.

1o L’auteur était Juif d’origine et contemporain des Apôtres. — On distingue sa nationalité, à ses nombreux hébraïsmes, à ses citations syrochaldéennes et à la connaissance qu’il montre des usages de la Judée. On reconnaît un contemporain des Apôtres aux particularités de ses récits. Ils sont vifs, précis, circonstanciés, comme devaient l’être ceux des premiers témoins de la vie du Sauveur. Il ne néglige aucun détail. Il indique nettement les moindres particularités de temps, de lieux, de nombre, de personnes, d’altitude, de disposition. Par exemple, il remarque que Jaïre était chef de synagogue, que la femme du pays de Chanaan était une grecque syrophénicienne, que l’aveugle de Jéricho s’appelait Bartimée, fils de Timée, que le crime de Barabbas était le meurtre, que Joseph d’Arimathie était membre du sanhédrin, et Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus. Il rapporte même en langue syrochaldéenne certaines paroles de Notre Seigneur. Plusieurs pensent qu’il parle de lui-même dans le récit de la Passion, sans se nommer, comme fait aussi S. Jean et peut-être S. Luc.

2o Il était particulièrement attaché à S. Pierre. — Il expose avec la plus grande précision les faits qui concernent cet Apôtre, ceux dont il a été l’auteur ou le témoin. Là où les autres évangélistes nomment les apôtres en général, S. Marc désigne S. Pierre séparément et tout d’abord, par exemple dans la guérison de sa belle-mère, dont il indique le jour, dans la résurrection de la fille de Jaïre, dans la prédiction de la ruine de Jérusalem, dans les recommandations du Sauveur ressuscité. Une autre remarque, faite par S. Chrysostome, c’est qu’il nomme S. Pierre dans les circonstances les plus propres à l’humilier, quand Notre Seigneur lui dit : « Retire-toi de moi, Satan », quand il s’endort au Jardin des Olives, quand il renie son Maître, tandis qu’il ne dit rien de sa marche sur les eaux près de Tibériade, ni des prérogatives que Notre Seigneur lui accorde en récompense de sa foi et de son amour. Du reste, S. Marc rapporte les actions de Notre Seigneur avec plus de soin que ses discours ; il semble surtout frappé des prodiges qu’il opérait et de l’empire qu’il exerçait sur les possédés. Cette particularité, en le distinguant de S. Matthieu, lui donne un rapport de plus avec le prince des Apôtres, qui se montre toujours préoccupé de la pratique. C’est ce qui a fait dire que cet Evangile n’était que la réalisation du programme tracé par S. Pierre au Cénacle et le développement des paroles dans lesquelles le même Apôtre a résumé la vie de l’Homme-Dieu : « Il a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux que le démon tourmentait. »

3o Il écrivait pour tous les Gentils, quoique spécialement pour les Romains. — C’est la principale raison pour laquelle il s’appuie rarement sur l’Ancien Testament et ne le cite presque pas. Il ne présente pas le Sauveur comme Messie, mais comme souverain du monde : il ne l’appelle pas Fils de David, mais Fils de l’homme ou Fils de Dieu, comme S. Jean qui destinait aussi son écrit aux Gentils, Il omet, comme lui, les généalogies et l’adoration des Mages, qui intéressaient spécialement les Juifs et commence son récit par la prédication de l’Evangile. Il ne nomme pas une seule fois la Loi ; il ne dit pas l’abomination « dans le sanctuaire, » mais « où elle ne doit pas être ». Dans le récit de la Passion, il passe sous silence le voile du temple déchiré, le tremblement de terre et le brisement de la pierre, qui ne se pouvaient constater qu’à Jérusalem. Il explique les usages juifs, dont il fait mention, il évalue les pièces grecques en monnaies latines, et traduit les termes araméens qu’il insère dans son récit, tandis qu’il n’explique aucune des expressions latines qu’il fait entrer dans ses phrases grecques, etc. Il prend soin de dire que le Jourdain est un fleuve, et que le mont des Oliviers est en face du temple. Il avertit que les Sadducéens ne croient pas à la résurrection, que les Pharisiens jeûnent fréquemment, que les Juifs immolent l’Agneau pascal le premier jour des Azymes, qu’ils sont en possession de remettre en liberté un prisonnier à Pâques. Les quatre paraboles qu’il reproduit ont rapport à la prédication de l’Evangile, à l’établissement de l’Eglise et à la vocation des Gentils. Enfin il désigne Alexandre et Rufus comme fils de Simon de Cyrène, et l’on sait par S. Paul qu’ils étaient venus s’établir à Rome.

4o Son écrit est rédigé comme un simple mémorial. — On n’y remarque aucune tendance spéciale, soit apologétique, soit polémique. S. Jérôme dit que S. Marc n’a fait qu’un abrégé de l’Evangile, Papias qu’il s’est borné à mettre par écrit les prédications de S. Pierre. S. Augustin l’appelle pedissequus Matthæi « le suivant de S. Matthieu, » et Bossuet le plus divin des abréviateurs. Cependant S. Marc ne se borne pas à résumer, ou bien ce qu’il résume est plutôt l’histoire du Sauveur que le livre de S. Matthieu. En certains endroits, il change l’ordre suivi par son devancier ; en d’autres, il rafraîchit ses tableaux en les complétant par de nouveaux traits ; par exemple, dans la guérison de l’hémorrhoïsse, dans la délivrance des possédés Géraséniens, dans le récit de la mort de S. Jean-Baptiste. Encore qu’il n’ait pas plus de vingt-sept versets dont on ne trouve pas l’équivalent dans S. Matthieu ou dans S. Luc, on lui doit cependant une parabole, deux guérisons miraculeuses, celles du sourd-muet de la Décapole et de l’aveugle de Bethsaïde, et un des incidents de l’arrestation du Sauveur, auquel l’évangéliste semble ne pas être étranger.

5o Pour le style. S. Marc est net, précis, serré, mais sec et négligé. Il aime à employer dans ses récits le langage direct, et à remplacer le passé par le présent. Il affectionne les diminutifs. Il répète souvent les mêmes idées et les mêmes termes, soit à dessein pour en renforcer le sens, soit par négligence, comme et, qui reparaît à tout moment, de nouveau, et aussitôt, qu’on trouve neuf fois dans le premier chapitre.

Ainsi les caractères intrinsèques du second évangile justifient pleinement la croyance de l’Eglise sur l’origine et sur l’auteur de ce livre. (L. Bacuez.)