La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Jugement des critiques

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(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 2296-2297).

JUGEMENT

DES CRITIQUES LES PLUS HABILES ET DES INTERPRÈTES LES PLUS SAVANTS DU PROTESTANTISME SUR LA VULGATE


1. Louis de Dieu, si versé dans la connaissance des langues orientales, comparant la Vulgate avec les traductions latines du Nouveau Testament faites par Bèze et par Érasme, dit : « Si j’affirme que l’auteur de la Vulgate, quel qu’il soit, est un savant et un très savant homme, je ne croirai pas avoir mal jugé. Il a des défauts, je l’avoue, il a aussi ses barbarismes ; mais je ne puis nier que j’admire partout sa bonne foi et son jugement, même dans les endroits où il paraît barbare (1). » Cet auteur ne s’est pas borné à cet aveu ; dans ses remarques tant sur l’Ancien que sur le Nouveau Testament, il appuie souvent la Vulgate et la défend contre ceux qui l’attaquent,

2. Grotius, rendant raison du motif qui l’a porté à choisir la Vulgate pour en faire le fond de ses notes sur l’Ancien Testament, dit : « J’ai toujours beaucoup estimé cette version, non seulement parce qu’elle ne renferme rien de contraire à la saine doctrine (nulla dogmata insalubria continet), mais encore parce que son auteur est plein d’érudition (2). »

3. Paul Fage traite de demi-savants et d’impudents tous ceux qui osent mal parler de cette version : « Non est ergo temere nata Vulgata editio, ut quidam scioli stulte et impudenter clamitant (3). »

4. Drusius loue le concile de Trente d’avoir donné à la Vulgate la sanction de son autorité, « parce que, dit-il, les versions nouvelles ne sont pas meilleures que cette ancienne, et qu’elles ont peut-être de plus grands défauts (4). »

5. Thomas Hartwel Horne, quoique n’ayant pas une grande autorité parmi les critiques, peut d’autant mieux être invoqué en faveur de la Vulgate, qu’étant anglican, son jugement n’est pas suspect, et qu’il parle d’après l’opinion commune de ses coreligionnaires. Cet écrivain dit donc que, « bien que la Vulgate ne soit ni inspirée, ni infaillible…, il est cependant reconnu qu’elle est en général une version fidèle, qu’elle rend assez souvent le sens des Écritures avec plus d’exactitude que les versions plus modernes…, et que, par conséquent, elle ne doit en aucune manière être négligée dans la critique biblique (5). »

6. W. Gesenius, mort en 1842, était assurément l’hébraisant le plus habile de l’époque ; eh bien, ce savant philologue, malgré ses préjugés dogmatiques et son rationalisme si prononcé, combat très souvent les significations de mots hébreux et les interprétations données, soit par toutes les autres versions, soit par les commentateurs et les hébraïsants anciens et modernes, pour maintenir les sens assignés aux mots et aux phrases du texte original par l’auteur de la Vulgate. On n’a pour s’en convaincre qu’à parcourir son Thésaurus linguæ hebrææ et chaldææ Vet. Test.

7. Br. Walton reconnaît qu’on doit faire grand cas de la Vulgate (magni faciendam), tant pour son antique et son long et universel usage dans l’Occident, que pour le savoir (doctrinam) et la fidélité (fidelitalem) de l’interprète Jérôme, que les plus savants protestants (protestantium doctissimi) proclament avec reconnaissance comme ayant bien mérité de l’Église… Puis, après avoir cité comme défenseurs de cette version, Bèze, Andrews, Fage, Louis de Dieu et Casaubon, il ajoute : « Ces témoignages prouvent assez clairement que les protestants les plus savants, bien qu’ils n’accordent pas à la Vulgate une autorité souveraine, et qu’ils ne l’égalent pas aux sources primitives, en la déclarant exempte de toute erreur, ils ne la méprisent pas ; ils lui rendent, au contraire, l’honneur qui lui est dû. C’est pourquoi nous l’avons insérée dans noire édition de la Bible, laissant de côté les traductions latines qui ont été faites de nos jours, d’après des manuscrits hébreux et grecs très récents, et auxquelles, à cause de leur nouveauté même, nous n’avons pas dû convenablement donner une place parmi les versions que leur antiquité rend vénérables (1). »

J.-B. Glaire.

  1. (1) Notæ ad Evangelia, passim.
  2. (2) Præfat. annotationum in Vet. Test.
  3. (3) Præfat. ad collat. translat. Vet. Test.
  4. (4) Loca difficilia Pentateuchi.
  5. (5) An Introd. to the critical study and Knowledge of the holy Scriptures, vol. II, part. I, page 239. Eighth édition.
  6. (1) Polyglotte, prolegom. X.