La taverne du diable/Comment Miss Tracey se venge

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Éditions Édouard Garand (22 Voir et modifier les données sur Wikidatap. 67-72).

XVI

COMMENT MISS TRACEY SE VENGE


Aux miliciens qui gardaient l’entrée de la taverne Cécile avait demandé Lambert.

L’un d’eux, lui indiquant une porte dans la salle encore à demi pleine de fumée, avait répondu :

— Là !… Cécile alla à cette porte qui était celle de la cuisine. Elle ne vit là personne. Elle remarqua que le feu de la cheminée se mourait. Puis elle vit deux autres portes closes toutes deux. Vers laquelle aller ?… Après une seconde d’hésitation elle marcha vers l’une d’elles, mais cette porte s’ouvrit avant qu’elle y arrivât, et dans le cadre de la porte apparut le visage défait de Miss Tracey.

Il se produisit comme un choc invisible entre les deux jeunes filles.

— Ah ! c’est vous ! fit Cécile avec une sorte d’effroi, tant elle redoutait maintenant la fille du tavernier. Je cherche le lieutenant Lambert, ajouta-t-elle.

Miss Tracey sourit et répondit.

— Il est là-haut… mais il est blessé !

— Blessé ! fit avec inquiétude Cécile. Est-ce gravement ?

Peut-être ! répondit Miss Tracey. Mais vous arrivez bien à point : il m’envoyait vous chercher.

— En ce cas, vite ! conduisez-moi auprès de lui !

Miss Tracey esquissa un sourire mystérieux… un sourire que ne comprit pas Cécile qui, toute confiante, suivit la jeune anglaise qui venait de dire seulement :

— Venez !

Cécile pénétra dans une pièce au fond de laquelle était un escalier de service qui conduisait aux étages supérieurs, dans cette partie de la taverne qui servait au logement du tenancier, de sa fille et des gens de service. Mais depuis que la ville était menacée d’une surprise ou d’une attaque par les Américains, John Aikins avait renvoyé tout son monde.

Miss Tracey conduisit Cécile au premier étage et la fit entrer dans une chambre obscure, étroite et sans fenêtre. Cette chambre était inhabitée. Mais avant que Cécile n’eût le temps d’exprimer sa surprise ou sa défiance, la fille du tavernier referma violemment la porte qu’elle verrouilla à l’extérieur, laissant Cécile seule et prisonnière.

Cécile poussa un faible cri d’émoi.

— Ah ! ah ! mademoiselle Cécile, ricana Miss Tracey à travers la porte, vous êtes bien prise, n’est-ce pas ? Je vous conseille de faire vos adieux au monde, votre dernière heure a sonné !

Et la fille du tavernier, exultante de joie terrible, descendit rapidement à la cuisine, alluma un flambeau et se rendit dans la cave. Puis elle commença un travail mystérieux. D’une caisse elle tira de la paille d’emballage, qu’elle disposa en un tas vers le centre de la cave ; sur cette paille elle jeta quelques fagots, et par-dessus les fagots elle se mit à empiler des caisses vides jusqu’au plancher supérieur. Ceci fait, elle prit son flambeau et alluma la paille qui pétilla légèrement, puis s’enflamma tout à fait. Miss Tracey s’écarta de quelques pas et, immobile, son flambeau à la main, elle regarda avec un sourire vague les flammes s’enrouler lentement autour des fagots, puis, peu à peu s’élever, lécher les caisses, crépiter, et enfin atteindre le plancher supérieur. Et chose curieuse, Miss Tracey n’avait plus l’air d’avoir toute sa raison : elle regardait ce brasier comme un enfant s’amuse autour d’un petit feu de feuilles mortes. À la voir ainsi, tranquille, souriante à demi, on eût pensé qu’elle s’imaginait que ce feu allait s’éteindre dès que les caisses auraient été consumées. Mais bientôt la chaleur des flammes plus vivaces mit des rougeurs vives sur ses joues, ces flammes, maintenant, commençaient de courir de solive en solive comme si elles eussent cherché une voie pour s’élever plus haut. La cave s’emplissait peu à peu de fumée. Alors la jeune fille tressaillit longuement. Elle jeta un dernier et rapide coup d’œil vers les flammes qui se répandaient et attaquaient maintenant avec une fureur croissante les solives poussiéreuses et les planches du parquet supérieur, et se dirigea vivement vers le soupirail que nous connaissons. Là, elle éteignit son flambeau, s’accota contre le mur et, avec un sourire singulier à ses lèvres, elle se remit à regarder l’incendie qu’elle venait d’allumer.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lorsque Cécile se vit renfermée dans cette chambre obscure, sans fenêtre, sans autre issue que la porte verrouillée à l’extérieur, une terrible épouvante l’empoigna. Cécile était brave… mais brave lorsqu’elle possédait des moyens de défense. Mais là, elle demeurait impuissante contre l’inconnu. Et les paroles prononcées par Miss Tracey n’étaient pas pour la rassurer :

— …votre dernière heure a sonné !

Alors, obéissant à l’instinct, elle se mit à appeler Lambert, car elle croyait que le lieutenant était dans la taverne, qu’il l’entendrait et qu’il viendrait à son secours. Tout d’abord, elle n’appela que faiblement, comme si l’écho de sa propre voix lui eût fait peur. Mais aucune réponse n’arrivait à son appel. Les seuls bruits qu’elle entendait étaient les échos lointains et affaiblis de la bataille entre les Américains et la garnison de la ville.

Dans l’intérieur même de la taverne, nul bruit.

Cécile se mit à appeler plus fort, puis de toute la puissance de sa voix elle cria :

— Lambert ! Lambert !

Elle se tut, frémissante. Sous ses pieds un coup de feu venait d’éclater.

Elle écouta, presque haletante.

Or, comme nous le savons, Lambert, avait entendu l’appel de la jeune fille, au moment même où il venait de percer d’une balle l’œil gauche du major américain. Mais aussi l’appel de Cécile avait été entendu d’une autre personne, et cette personnes c’était le major Rowley.

Rowley, Lymburner et Aikins s’étaient réfugiés dans une chambre du dernier étage pour y attendre le résultat de la bataille. Ils faisaient naturellement des souhaits pour le succès des armes américaines, car ils savaient à quels châtiments ils étaient voués, si les Américains rataient leur entreprise, et s’ils tombaient au pouvoir de Carleton. Or, pendant qu’ils épiaient, pour ainsi dire, le combat qui se livrait dans la ville entre les forces ennemies, Rowley entendit une voix de femme qui lui parut lancer des appels de détresse. Cette voix venait de l’étage inférieur. Curieux, il sortit de la chambre où il s’était renfermé avec ses deux complices, marcha vers l’escalier et prêta l’oreille. Cette fois il reconnut la voix de Cécile appelant Lambert. Il sourit avec une joie infernale et descendit l’escalier pour se trouver bientôt devant la porte de la chambre où était enfermée Cécile. Naturellement, très intrigué, Rowley se demanda comment la jeune fille se trouvait enfermée là. Il remarqua de suite que la porte était verrouillée par dehors. Mais avant de tirer le verrou il écouta encore, se demandant si Cécile était seule ou avec une autre personne.

Cécile, surprise par le coup de feu entendu, demeura un moment immobile et muette, puis encore elle appela :

— Lambert ! Lambert !…

La minute d’après elle entendit qu’une main tirait le verrou de sa porte. Une joie insensée fit tourbillonner son esprit, et elle s’élança vers la porte en criant :

— Lambert !

La porte s’ouvrit à l’instant même… mais ce n’était pas Lambert qui apparaissait là, debout sur le seuil ; c’était Rowley qui grimaçait un sourire cupide et atroce !

À cette apparition, Cécile jeta un cri de désespoir, elle recula, glissa sa main droite sous sa mante, tira un pistolet dont elle s’était munie, le braqua rapidement sur le major et fit feu !

Rowley tomba la gorge percée de part en part, avant même qu’il n’eût prononcé une parole, fait un geste. Il s’écrasa lourdement sur le seuil de la porte, gronda une sourde imprécation de rage, vomit un flot de sang et demeura inanimé.

Cécile ne perdit pas de temps : elle enjamba le cadavre, se jeta dans le corridor et gagna l’escalier pour descendre. Sur le palier elle s’arrêta net avec un geste de stupeur et d’effroi. Dans cet escalier montait une fumée noire et âcre percée de temps à autre de fugitives lueurs rouges. En bas elle entendait un sinistre crépitement, et elle comprit que la taverne était en feu.

Devant le danger terrible qui la menaçait encore, Cécile frémit d’indicible épouvante. Que faire ?

Elle courut à l’escalier supérieur… Mais monter plus haut, ce n’était pas échapper au danger ! Elle vit à sa gauche une porte. Elle ouvrit cette porte et aperçut un long couloir percé de fenêtres aux volets clos. Ce couloir longeait la maison sur sa longueur jusqu’à l’extrémité opposée, où elle aperçut une fenêtre dont le volet avait été à demi poussé. Le couloir était désert. Mais la fumée l’envahissait déjà. Cécile referma la porte et se dirigea vers l’extrémité opposée. Sous elle, dans la partie inférieure de la taverne, elle entendait le grondement de l’incendie qui semblait prendre des proportions terribles. Elle saisit, comme retentissant dans les alentours de la taverne, des clameurs indistinctes. Bien qu’elle eût refermé la porte du couloir, elle fut surprise de voir la fumée s’épaissir autour d’elle. Elle passait devant des portes ouvertes ou fermées ; ces portes ouvraient sur des chambres. Puis elle arriva devant un corridor transversal, au fond duquel était un large escalier : c’était, comme le pensa la jeune fille, l’escalier qui communiquait avec la grande salle de la taverne. Alors elle comprit d’où venait la fumée qui emplissait déjà le couloir : le feu faisait rage dans le grand escalier et les flammes atteignaient maintenant le premier étage.

Prise d’affolement Cécile s’élança dans une course échevelée vers la fenêtre où s’arrêtait le couloir. La fumée commençait de l’oppresser. Elle ouvrit violemment la fenêtre, repoussa le volet en entier et se pencha dehors.

La neige tombait maintenant par gros flocons si épais que Cécile ne pouvait voir le sol en bas. Vaguement pouvait-elle distinguer la masse sombre du cap qui se dressait à quelques pas de la taverne. Mais elle entendait des cris, des appels, des bruits d’artillerie et de fusillade. À tout hasard, elle lança un appel au secours.

Avait-elle été entendue ?… Elle le pensa : tout à coup elle aperçut en bas des êtres agités qui couraient çà et là, mais sans pouvoir les reconnaître à travers le rideau de neige qui tombait. Deux de ces personnes, elle le remarqua, s’étaient un moment arrêtées sous sa fenêtre et l’avaient regardée une seconde. Puis elle avait entendu ce mot anglais :

— Wait !…

Les deux inconnus avaient de suite disparu.

Deux minutes s’écoulèrent. Cécile, avec une joie extrême, vit les deux personnes revenir avec une échelle qu’elles appliquèrent sous l’appui de la fenêtre. À présent, pour éviter d’être étouffée par la fumée qui sortait en colonnes de sa fenêtre, Cécile était obligée de tenir sa tête penchée au dehors, et elle sentait derrière elle l’incendie prendre des proportions gigantesques. Aussi s’empressa-t-elle de saisir l’échelle. Elle s’y engagea bravement, elle manqua de s’évanouir de joie.

Mais cette joie se changea vite en une nouvelle terreur, lorsqu’elle se sentit saisir par des bras inconnus qui la serrèrent comme un étau, tandis que d’autres bras et d’autres mains la bâillonnaient et lui ligotaient les pieds. Puis elle sentit encore qu’on l’emportait dans une course rapide vers des lieux inconnus.

Toutefois, Cécile savait à quels ennemis elle avait affaire, car elle avait entendu la voix de Miss Tracey donner cet ordre, après qu’elle eut été bâillonnée par un capuchon serré contre sa bouche :

— Vite, Jack, emporte-la !…

C’était bien Miss Tracey qui donnait ainsi cet ordre. Lorsqu’elle fut assurée que le feu qu’elle avait allumé dans la cave de la taverne ne s’éteindrait pas, lorsqu’elle fut certaine qu’en moins de quinze minutes toute la bâtisse serait la proie des flammes, la fille du tavernier sortit de la cave par le soupirail.

Quand elle fut dehors, elle entendit des cris :

— Le feu ! le feu ! le feu !

Au travers du brouillard de neige, elle vit du monde accourir vers la taverne. Elle sourit : elle savait que ceux qui voudraient éteindre l’incendie arriveraient trop tard. Et ne voulant pas se mêler à la foule dans la crainte d’y rencontrer des ennemis, elle se glissa en arrière du bâtiment et de là gagna un hangar voisin du cap. Elle voulait contempler son œuvre de destruction, elle voulait repaître ses yeux de la bonne vengeance qu’elle accomplissait en brûlant Cécile Daurac. Mais elle ne savait pas que Lambert était dans la taverne, elle le pensait retourné au combat avec Dumas, Peut-être eût-elle regretté son œuvre si elle avait su Lambert dans la maison en feu. Mais ignorait-elle que son père, Lymburner et Rowley étaient tous trois renfermés dans une chambre du dernier étage ?… Il faut le croire, en effet, puisque Miss Tracey n’avait pas revu les trois traîtres après le court combat qui s’était livré entre les officiers américains et les miliciens de Dumas. Elle pouvait penser qu’ils s’étaient retirés dans une maison du voisinage en attendant que le sort eût décidé des événements. Il faut donc croire que Miss Tracey pensait Cécile seule dans la bâtisse, et cela lui suffisait puisque c’était toute sa vengeance.

Du hangar où elle était en observation elle semblait calculer mentalement le progrès de l’incendie. Toute la façade de la taverne était maintenant la proie des flammes, et par les fenêtres de côté et de l’arrière la fumée commençait à s’échapper. Cinq minutes encore, pensa la jeune fille avec une joie intense, et Cécile Daurac sera entourée d’un formidable brasier ; car Cécile se trouvait enfermée dans la partie opposée du bâtiment et dans une chambre située un peu à l’arrière.

Mais elle tressaillit violemment tout à coup en voyant un volet du premier étage s’ouvrir et par la fenêtre une tête de femme se montrer.

Cécile !…

Ce fut un grondement terrible qui s’échappa du cœur fielleux de Miss Tracey et de ses lèvres tremblantes !

Mais non ce n’était pas possible !…

Comment aurait-elle pu s’échapper de la chambre où elle l’avait enfermée ?

La fille du Tavernier crut faire un rêve !

Mais le cri d’appel jeté par Cécile lui prouva qu’elle était bien éveillée.

L’instant d’après Miss Tracey vit deux hommes, qu’elle reconnut pour des matelots, faire le tour de la taverne, puis s’arrêter sous la fenêtre de Cécile, regarder, puis repartir, et revenir avec une échelle peu après.

Miss Tracey jeta une imprécation et s’élança vers les sauveteurs de la jeune canadienne.

Elle arriva au moment où Cécile s’engageait dans l’échelle. Miss Tracey reconnut l’un des deux hommes. Elle se pencha à son oreille et lui dit à voix ardente et basse :

— Jack, cent livres sterling si tu veux m’obéir !

— Ordonnez, miss ! répondit le matelot.

— Peut-on compter sur ton camarade ?

— Comme sur moi-même, répondit le matelot.

Rapidement Miss Tracey souffla à l’homme quelques instructions. Cécile pendant ce temps descendait lentement l’échelle branlante.

Le matelot cligna de l’œil à la fille du Tavernier en signe d’intelligence, et attendit Cécile, après avoir dit quelques mots à son compagnon.

Miss Tracey se retira un peu à l’écart.

L’instant d’après, Cécile, qui se croyait hors de tout danger, était bâillonnée, ligotée et emportée.

Deux minutes ne s’étaient pas écoulées que par la même fenêtre d’où était descendue Cécile Daurac qu’une face horriblement contractée par l’épouvante apparut. C’était Lymburner, et derrière lui apparaissait la figure non moins épouvantée de John Aikins.

Lymburner, en voyant l’échelle, la saisit et s’y engagea. John Aikins voulut le suivre de suite, mais le marchand l’arrêta :

— Laisse-moi descendre d’abord… Cette échelle est trop fragile… Damned !…

Lymburner, tremblant et agité, secouait l’échelle au point de la faire glisser. Le vertige de la peur le saisit. Il jeta un juron :

— Hold it !… Damned Aikins !…

John Aikins appliqua ses deux mains sur l’échelle pour la retenir en place.

Or, pendant que Lymburner descendait, une fenêtre de l’arrière avait été ouverte, et par cette fenêtre était apparue la figure livide de Jean Lambert. Il avait vu Cécile emportée par un inconnu, et au travers de la neige qui ne cessait de tomber par gros flocons il avait cru distinguer la silhouette de Miss Tracey. Car Lambert était arrivé à la fenêtre par où Cécile était descendue juste au moment où elle était bâillonnée et ligotée. Il allait à son tour s’élancer dans l’échelle, lorsque derrière lui retentit un cri d’épouvante. Il se retourna, mais il ne put rien voir dans l’épaisse fumée qui emplissait le couloir. Puis tout à coup il fut bousculé par deux hommes qui lui passèrent sur le ventre, et au même instant il entendit la voix de Lymburner et celle d’Aikins. Vivement il rampa à une fenêtre percée dans le mur qui faisait vis-à-vis avec la muraille du cap, l’ouvrit et se pencha à l’extérieur pour respirer, car il étouffait déjà.

À ce moment l’incendie était tellement avancé qu’on l’entendait rugir de toutes parts et dominer même les bruits de la bataille au loin. De temps à autre on entendait un craquement sinistre, et il sembla à Lambert que les murs du bâtiment oscillaient. Il eut alors la pensée que tout l’édifice allait s’écrouler… Lymburner n’était encore qu’à moitié chemin entre la fenêtre et le sol, et il y avait là Aikins prêt à s’engager à son tour dans l’échelle. Lambert n’hésita pas : devant lui, ou mieux sous ses yeux il y avait une hauteur d’environ quatre mètres. Quatre mètres !… bah ! il avait déjà accompli un saut plus dangereux que celui-ci. Et puis, il y avait en bas une épaisse couche de neige. Il se glissa par la fenêtre, se suspendit au bout des bras, ses doigts crispés sur l’appui de la fenêtre, puis se laissa tomber. Il roula dans la neige, un peu étourdi, mais sans mal. Il se releva aussitôt et s’élança dans le sentier qui longeait le cap du côté de Près-de-Ville.

Lambert n’avait pas fait dix pas qu’il entendit un craquement épouvantable derrière lui… Il ne s’arrêta pas, il comprenait que la taverne s’écroulait ; mais maintenant il savait que Cécile courait un autre danger et il n’avait pas de temps à perdre.

Au moment où Lymburner touchait le sol, tout le bâtiment en flammes s’abattait. Il n’eut que le temps de faire un bond en arrière pour ne pas être atteint de madriers et de planches qui tombaient de tous côtés. Alors un immense tourbillon de flammes et de fumée s’était élancé vers le ciel.

Alors, seulement Lymburner pensa à Aikins qui n’avait pu descendre à temps l’échelle.

— Poor Aikins ! murmura Lymburner, deux minutes de plus, et il était sauvé lui aussi ! Mais ce n’est toujours pas ma faute… damned !

Des miliciens, des matelots, des artisans entouraient peu à peu le brasier.

Lymburner crut prudent de ne pas se montrer, il se faufila entre des baraques du voisinage et disparut.

Dans la haute-ville et la basse les bruits de guerre s’étaient tus. De toutes parts les cloches lançaient des carillons joyeux. Les clameurs qu’on entendait ne ressemblaient plus à des clameurs de détresse ou d’épouvante, elles ressemblaient à des cris de joie !…