Lausanne à travers les âges/Vie à Lausanne/02

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Collectif
Librairie Rouge (p. 192-195).
Vie à Lausanne


II


Les sociétés savantes, sociétés de musique, sociétés d’étudiants, etc.

Plusieurs sociétés savantes ont leur siège à Lausanne. Les principales sont : la Société vaudoise des sciences naturelles, la Société vaudoise de médecine, la Société d’histoire de la Suisse romande, la Société vaudoise de théologie, la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie. Ces associations se recrutent principalement dans le monde des professeurs et des professions libérales. Elles fournissent à leurs membres l’occasion de se rencontrer et de discuter les problèmes qui les préoccupent. Dans chaque société, il y a quelques membres actifs, qui sont généralement à la brèche, et un grand nombre d’auditeurs, qui, par leurs cotisations, facilitent d’utiles publications et répandent au dehors les informations qu’ils ont reçues de leurs collègues. Ces sociétés élèvent le niveau intellectuel et moral d’une ville en sortant leurs membres du terre à terre de l’existence et de la poursuite des intérêts matériels, et en leur apprenant à envisager les questions d’une manière plus objective. En 1890 a été fondée la Société académique pour créer un lien entre le public et l’Université.

Les problèmes sociaux sont étudiés par la Société vaudoise d’Utilité publique, fondée en 1826 par Frédéric-César de la Harpe, Ch. Monnard, F. Pidou, D.-A. Chavannes, L. Vulliemin, A. Gindroz, le doyen Bridel et le Dr Levade. C’est à son initiative que l’on doit la création de la Société d’histoire de la Suisse romande, de la Colonie agricole de Serix, de la Société de bienfaisance de Lausanne, de la Société pour la répression de la mendicité, les Asiles pour jeunes filles du Châtelard et de Begnins, la Société pour la protection des animaux, l’Etablissement des sourds-muets, la Caisse d’épargne et de prévoyance, les premières écoles enfantines, les bains Haldimand, le Comité de patronage des détenus libérés, etc.

Les arts plastiques sont représentés à Lausanne par la Société des Beaux-Arts, qui organise des expositions, et par la Société vaudoise des ingénieurs et des architectes, qui discute les problèmes à l’ordre du jour, sur lesquels le public demande à être éclairé. C’est ici le lieu de rappeler le grand développement qu’a pris la photographie ; non seulement des professionnels, mais aussi de très nombreux amateurs[1] s’adonnent à cet art ; plusieurs d’entr’eux ont rendu des services à la science. Ils ont pour organe une société, le Photo-Club, et deux périodiques. Les sociétés de musique sont très nombreuses et en progrès : les Suisses romands qui paraissaient jadis réfractaires à ce genre d’art sont entrés résolument dans la lice aujourd’hui, et c’est avec un vif plaisir que l’on a vu tout récemment les chanteurs vaudois remporter de brillants succès et figurer au premier rang au concours fédéral de Zurich. Ces sociétés sont nombreuses ; bornons-nous à citer : le Frohsinn, l’Union chorale, l’Orphéon, le Chœur d’hommes, le Chœur mixte lausannois, fondé pour l’exécution avec orchestre des grandes œuvres des maîtres, les sociétés de Chant sacré, l’Union instrumentale, l’Harmonie lausannoise, l’Orchestre symphonique, le Corps de musique de la ville, la Chorale des pompiers, la Castillane, la Choralia, etc.

Chapelle des Terreaux (1890).

Les grandes exécutions musicales représentent des efforts énormes, des sacrifices de temps considérables et une discipline très sévère. Les sociétés qui les entreprennent méritent d’être encouragées ; quelques-unes reçoivent-elles des subsides communaux.

Les jeunes gens qui s’enrôlent sous leurs bannières y trouvent l’occasion de développer les meilleurs côtés de leur nature ; le temps consacré à l’art est autant d’arraché aux dissipations qui assaillent la jeunesse. C’est en proposant à un peuple des buts supérieurs, bien plus que par des mesures coercitives, que l’on fait progresser la moralité publique.

Lausanne, étant avant tout une ville d’études et d’éducation, doit faire des sacrifices pour développer l’art musical ; il y a un intérêt vital à ce qu’elle possède un Orchestre symphonique capable de donner des concerts classiques. La construction d’une « Tonhalle » depuis longtemps demandée, est indispensable si l’on veut que les virtuoses de marque s’arrêtent à Lausanne. Il faut, pour cela, une grande salle qui soit autre chose qu’une salle de spectacles et indépendante du théâtre, les soirées musicales ne pouvant pas être subordonnées aux représentations dramatiques. On peut espérer que ce rêve, depuis longtemps caressé, sera bientôt réalisé. On entrevoit, en effet, la construction prochaine, sur le prolongement de la terrasse de Montbenon, d’un Casino avec une petite salle de concerts, une salle pour banquets et bals, et un vaste hall. Les petits chevaux et autres divertissements malsains n’y seront pas admis. Cet établissement pourra servir pour des bazars de charité, pour des expositions de peintures, et des réceptions, lorsque des congrès scientifiques se réuniront dans notre ville, etc. Un Orchestre symphonique y sera attaché et y donnera journellement des concerts, soit en plein air, si la température le permet, soit dans le hall. Ce Casino constituera une attraction pour les étrangers, et sera une source d’agréments pour les Lausannois. L’initiative est partie des maîtres d’hôtel. Si d’autre part, on construit la grande salle pour concerts et réunions de sociétés sur la place de la Riponne, ainsi que la proposition en est faite au Conseil communal, Lausanne n’aura rien à envier à cet égard à Zurich ou à Genève.

A côté des sociétés de musique viennent se ranger les sociétés d’étudiants. La doyenne est celle de Belles-Lettres (casquette verte), fondée par Monnard en 1806 et dont on célèbre cette année le centenaire ; puis celle de Zofingue (casquette blanche), dont la section vaudoise fut fondée en 1820. Ces deux sociétés possèdent, à la Cité et près de Montbenon, des immeubles où se tiennent leurs séances ; l’Helvétia (casquette amarante) a été fondée à la suite des événements politiques de 1847-1848, elle s’est, dans la suite, fusionnée avec Zofingue, sous le nom de Nouvelle Zofingue, puis chacune des Sociétés a repris son indépendance, et la Société de l’Helvétia s’est reconstituée à Lausanne en 1859. La Société de la Stella (casquette blanche avec étoile bleue), fondée en 1857, se recrute parmi les élèves de l’Ecole d’ingénieurs. La Société de la Germania (casquette noire) groupe les étudiants de nationalité allemande. La Lémania (casquette orange) est le centre de ralliement des étudiants catholiques. Suivant une vieille tradition académique, qui remonte au temps de Théodore de Bèze[2], les étudiants ont l’habitude de donner chaque année, des représentations dramatiques qui obtiennent toujours un grand succès, surtout auprès des jeunes filles, dont les fraîches toilettes et les figures épanouies donnent, ces jours-là, à notre théâtre, un aspect très riant. Tous les jours de la semaine, les étudiants ont l’habitude, à la sortie des cours à midi, de se rendre sur la place de Saint-François, pour y faire ce qu’ils appellent des « bords, » ou bien pour former des groupes et discuter à perte de vue avec enjouement ; leurs casquettes aux vives couleurs donnent alors à la vieille place de Saint-François un aspect très animé. Deux autres sociétés : La Muse et la Société littéraire, qui se recrutent parmi les jeunes commerçants, se sont inspirées de l’exemple des étudiants et rivalisent de zèle avec eux. Ces amateurs, sans porter ombrage aux professionnels de l’art dramatique, ne sont pas sans leur causer quelque préjudice, car ils ont une clientèle bienveillante de parents, d’amis et de membres honoraires qui leur permet de faire régulièrement salle comble.

Église de Saint-François, restaurée de 1894 à 1904.

Le goût des plaisirs a toujours été très vif à Lausanne, déjà au temps des évêques. Si ce que l’on appelle le « monde élégant » ne joue plus la comédie comme au temps de Voltaire et ne donne plus autant de bals qu’il y a quarante ans, par contre les réunions des sociétés d’étudiants, des sociétés de chant, de musique, de gymnastique, de tir et autres analogues, ainsi que les repas de noces qui ont lieu dans les hôtels se terminent généralement par des sauteries où règne la plus franche gaîté et qui se prolongent fort avant dans la nuit. On peut évaluer à une centaine par an les permissions que la police est appelée à donner pour les bals privés[3] (En 1905 exactement 121). Les bals publics qui se donnent dans certains établissements pour la classe ouvrière, et que fréquentent beaucoup les Italiens, sont plus nombreux encore, on en compte plus de cent cinquante par an. (166 en 1905.)

  1. Au nombre des amateurs éclairés qui ont fait progresser l’art de la photographie, mentionnons Adrien de Constant, ancien officier au service de France (1806 — † — 1876)
  2. Vers 1550 le réformateur Théodore de Bèze fit jouer aux étudiants de Lausanne une tragédie en vers de sa composition intitulée Abraham sacrifiant, qui a été jouée de nouveau à Lausanne, trois siècles et demi plus tard, en février 1906, par des étudiants de Genève cette fois.
  3. C’est-à-dire auxquels ne prennent part que les membres d’une société déterminée.