Le Judaïsme dans la musique (trad. Trèves)

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Traduction par B. de Trèves.
Société d’Édition Muller et Cie (p. 5-30).

Le Judaïsme dans la Musique




Dernièrement, il a été question dans la « Neue Zeitschrift für Musik » de « goût artistique hébraïque ». Il est impossible qu’une pareille assertion restât sans provoquer une attaque, puis une défense. Il m’apparaît comme suffisamment important de traiter ce sujet plus à fond que ne l’a fait jusqu’à présent la critique qui ne s’en est occupée que d’une manière indirecte ou sous l’empire de la passion. Il ne sera pas question ici de trouver quelque chose de nouveau, mais d’expliquer plutôt l’impression inconsciente de recul moral que provoque, chez le peuple, la manière d’être des Juifs ; il ne s’agira pas non plus de faire vivre une idée par la force créatrice de notre imagination, mais de noter une réalité bien existante. La critique irait à l’encontre de son devoir si elle faisait autrement.

Nous passerons sous silence l’antagonisme qui peut exister entre les Juifs et nous dans le domaine de la religion ou de la politique, car notre but est de ne considérer la chose que sous le rapport de l’art et plus spécialement de la musique. D’ailleurs, au point de vue religieux, les Juifs ne peuvent plus être considérés comme étant nos ennemis et cela grâce à ceux qui, au sein même de notre religion, se sont attiré la haine populaire. En ce qui concerne la question politique, nous ne sommes jamais entrés en conflit direct avec les Juifs ; nous avons souhaité qu’il se crée un jour un royaume juif à Jérusalem, et de ce côté-là nos regrets furent réels, quand nous vîmes que M. de Rotschild préféra, en homme d’esprit qu’il est, rester le « Juif des Rois » plutôt que de devenir le « Roi des Juifs ».

Certes, là où la question politique se mue en question sociale, il n’en est plus de même ; notre sentiment inné de justice humaine nous a fait un devoir de voler au secours des Juifs persécutés et cela d’autant plus que s’éveillait en nous-mêmes une aspiration vers la liberté et l’indépendance de la société. Toutefois, même lorsque nous luttions pour l’émancipation des Juifs, nous étions davantage les défenseurs d’un principe abstrait, que celui d’un cas concret bien déterminé. Par le fait même que tout notre libéralisme était plutôt entaché de trouble, nous défendions le peuple juif sans même chercher à le connaître – et même en faisant tout pour l’éviter – et nous devons reconnaître que notre zèle à exiger l’égalité des droits pour les Juifs, avait davantage sa source dans un état de surexcitation, bien plus que dans une sympathie raisonnée ou réelle. Car, malgré toutes nos paroles et nos écrits en faveur de l’émancipation des Juifs, nous ne pouvions, à l’approche de ceux-ci, nous empêcher de témoigner une involontaire aversion.

Nous touchons ici le point capital de notre sujet. Il nous faut expliquer le pourquoi de cette répulsion involontaire que provoquent en nous les Juifs, et tenter de justifier cette antipathie qui reste, en fin de compte, plus forte en notre esprit que la tentation que nous avons de nous en libérer.

C’est encore nous illusionner en connaissance de cause, lorsque nous croyons immoral et contraire aux lois établies, que de nous laisser aller à notre aversion naturelle pour l’esprit juif. Il n’y a que fort peu de temps que nous avons compris qu’il serait plus raisonnable de nous libérer de nos suggestions afin d’examiner, dans le calme, l’objet de notre puissante sympathie afin que nous arrivions à comprendre cette aversion que nous avons pour lui, en dépit de nos illusions les plus libérales.

À notre profonde stupeur, nous fîmes alors la découverte que dans nos luttes libérales nous planions très haut dans le ciel, que nous nous battions avec les nuées, pendant que la terre, cette réalité tangible, était accaparée par un possesseur qui daignait peut-être prendre goût à nos sauts périlleux, mais qui avait surtout en vue de ne point nous dédommager de notre intervention et demeurait bel et bien l’usurpateur de nos biens. Petit à petit, le « créancier des rois » est devenu « le roi des croyants » et nous serions vraiment naïfs d’écouter sa demande d’émancipation, alors qu’en fait, c’est nous qui sommes réduits à nous libérer de la tutelle juive.

Dans l’état de choses actuel, le Juif est en fait plus qu’émancipé ; il règne et règnera aussi longtemps que l’Argent restera la Force devant laquelle se briseront tout notre travail et tous nos efforts. Ce n’est pas le lieu de rechercher ici comment cette force a été transmise aux mains des Juifs, en dépit du sort malheureux du peuple israélite et de la rudesse des conquérants germano-chrétiens. Par contre, nous devons montrer comment le goût artistique public a été livré aux mains mercantiles des Juifs, et l’impossibilité qui existe de nos jours – à moins d’un bouleversement radical – à ce qu’on puisse créer en art quelque chose de naturellement et nécessairement beau.

Ce que l’homme des temps du moyen âge ou de la Rome antique payait à ses maîtres par des tortures et des tourments, le Juif l’a converti aujourd’hui en monnaie. Mais qui remarque que ces chiffons de papier aux allures innocentes sont rouges du sang de nombreuses générations ? Ce que les héros de l’art surent arracher au démon ennemi des arts, en des siècles et des siècles de luttes, d’efforts et d’infortunes, le Juif en fait aujourd’hui un article commercial. Qui songe que les productions artistiques contemporaines, si maniérées soient-elles, sont l’aboutissant de vingt siècles d’efforts incessants ?

Pas n’est besoin de prouver la judaïsation de l’art moderne ; elle ne fait pas de doute. Il serait nécessaire de remonter très loin dans l’histoire de notre art si nous voulions en rechercher les sources. Toutefois, si ce qui nous apparaît le plus nécessaire à cette heure consiste à extirper cette tutelle juive, il faut commencer par reconnaître nos forces en vue de cette libération. Mais cette force, nous ne l’obtiendrons point d’une définition abstraite, mais bien d’une connaissance précise de ce sentiment d’aversion qui existe en nous et qui nous éloigne de tout ce qui est juif. Cette répugnance naturelle nous fournira les bases rationnelles de ce qui nous choque dans l’élément judaïque. Nous pourrons alors opposer notre pointe à ce que nous connaîtrons avec précision. Et nous réussirons ainsi à chasser le Démon du champ où il se cache dans une demi-obscurité qui est due en grande partie au zèle que nous autres, humanitaires, avions mis à l’entourer pour nous rendre sa vue moins blessante.

Le Juif, qui a un Dieu bien à lui, nous frappe à première vue par son aspect extérieur, et cela à quelque nationalité qu’il appartienne et nous nous sentons, de ce fait devant un étranger.

Involontairement, nous désirons n’avoir rien de commun avec un pareil homme. Jusqu’à cette heure, cette particularité passait pour une disgrâce pour le Juif ; nous avons dû reconnaître, à présent, qu’il s’en accommodait fort bien ; après les succès qu’il a remportés, tout ce qui le distingue de nous est pour lui un avantage de plus. Sans vouloir insister sur le côté moral de cette disgrâce physique, nous devons dire toutefois que cet extérieur purement d’ordre matériel ne saurait être reproduit par l’art. Quand la sculpture veut représenter un Juif, elle prend son modèle dans le domaine de l’imagination, en s’efforçant d’idéaliser la chose ou en lui enlevant tout ce qui constitue justement à nos yeux le type du Juif.

Jamais le Juif ne paraîtra sur une scène théâtrale ; les exceptions à cette règle sont si rares qu’elles ne font que la confirmer.

Nous ne pouvons en effet pas nous figurer un Juif représentant sur la scène tel héros ou tel amoureux, ancien ou moderne, sans qu’aussitôt nous apparaisse l’énormité et le ridicule d’une telle impropriété[1]. Et ceci est très important : nous nous trouvons dans l’impossibilité de comprendre qu’un individu puisse réaliser une manifestation artistique, et cela non à cause de tel ou tel personnage, mais parce qu’il est représentatif d’une race qui est contraire à notre propre idéal.

Une chose qui mérite toute notre attention est celle qu’exerce sur nous le Juif par sa parole, par son langage, et c’est de ce point de vue qu’il faut considérer l’influence qu’exerce le Juif sur la musique. Le Juif parle la langue de la nation où il vit de génération en génération, mais il la parle comme un étranger. Ce qui nous intéresse n’étant pas de chercher les causes de cet état de choses, nous n’avons pas à prendre parti contre la civilisation chrétienne, et à lui reprocher d’avoir condamné le Juif à sa farouche solitude, et nous n’avons pas à nous occuper des résultats de cet isolement. Qu’il nous suffise de déduire et de mettre en lumière les caractères esthétiques de ces événements.

Par le fait que le Juif parle les langues européennes, non comme un indigène, mais comme des langues apprises, il est dans l’incapacité de s’exprimer suivant l’originalité et le génie propres à chaque langue. Une langue, son expression et son développement, n’est pas le fait de quelques individus, mais doit son existence au travail de toute une communauté, et seul celui qui fait partie intégrante de cette communauté, peut prendre part à ce travail continu de création. Mais le Juif se tenait forcément en dehors de cette communauté, seul avec son Jéhovah, faisant partie d’une race dispersée et dont la langue elle-même (l’hébreu) devait rester une langue morte. Jusqu’à présent, il a été impossible aux plus grands génies de s’exprimer en poète dans une autre langue que leur langue maternelle ; et pour le Juif, toute la civilisation et tout l’art européens sont restés choses étrangères, car il n’a pas plus participé à la formation de la première qu’au développement du deuxième et il est le plus souvent resté un spectateur froid, sinon hostile. Le Juif ne peut donc, dans cette langue, faire œuvre de poète ou d’artiste : il devra se contenter d’imiter, de répéter.

D’ailleurs, l’accent purement physique du parler juif nous choque désagréablement. Malgré un contact de plus de vingt siècles avec les nations européennes, la civilisation n’est pas arrivée à faire disparaître certaines particularités d’expression et de tonalités propres au Juif.

Rien de plus désagréable pour notre oreille que le son à la fois zézayant, criard et traînard qui est à la base de la prononciation juive. De plus, le Juif a une façon tout à fait impropre d’employer notre langue, l’altération systématique qu’il fait de certains termes, certains tours de phrases qu’il emploie mal à propos ne manquent pas de provoquer en notre esprit un trouble tel que nous ne demandons plus qu’est-ce qu’il nous dit, mais comment il nous le dit.

Il est de toute importance de reconnaître ce phénomène pour nous expliquer l’impression produite sur nous par les œuvres musicales des Juifs modernes. Lorsque nous entendons un Juif parler, nous sommes blessés de rencontrer dans ses discours une absence complète de chaleur et d’humanité. La froide indifférence de son bredouillement ne tend jamais à s’inspirer des accents véhéments de la passion. Que nous nous sentions, dans une conversation avec un Juif, poussés à nous émouvoir, nous verrons celui-ci se dérober, car il est incapable de répondre sur le même ton. En aucun cas, le Juif ne s’anime dans un échange d’impressions, à moins que ne soient en jeu ou sa vanité ou ses intérêts ; et alors son animation est telle, que grâce à l’accent caricatural de son langage, il ne produit sur son interlocuteur qu’un effet de ridicule qui est loin de faire naître en nous quelque sympathie pour lui.

Certes, il nous faut admettre que dans leurs rapports entre eux et plus particulièrement dans leurs rapports familiaux, les Juifs arrivent à donner à leurs sentiments des expressions plus touchantes, mais nous ne pouvons en tenir compte ici, où il s’agit uniquement des relations que les Juifs entretiennent avec et sur nous par le commerce de la vie et des arts.

Il est donc notoire que si le Juif, ainsi que nous l’avons démontré, est incapable d’exprimer par son langage des sentiments et des idées au moyen du discours, il pourra encore moins les manifester au moyen du chant, le chant étant à proprement parler, le discours porté à son paroxysme, car la musique est par excellence le langage de la passion. Si, d’aventure, le Juif cherche à élever l’animation de son verbiage jusqu’au chant, il lui sera impossible de nous émouvoir par une excitation feinte et foncièrement ridicule et il se rendra ainsi d’autant plus insupportable. Et tout ce qui nous froissait déjà dans son langage et son physique ne réussirait, alors qu’il chante, qu’à nous mettre en fuite, si la bouffonnerie de ce spectacle ne nous retenait. Si l’on considère le chant comme l’expression la plus adéquate d’une sensibilité exagérée, mais profondément humaine, il est naturel que le Juif atteigne le plus haut degré de sa sécheresse égoïste et nous pouvons donc en déduire que dans tous les domaines de la vie artistique – en dehors de ceux mêmes qui ont le chant à leur base — on est en droit de dénier à la race juive toute possibilité d’exprimer des pensées d’art.

C’est à leur faculté de concrétion des choses que les Juifs doivent de n’avoir jamais eu d’artistes créateurs de formes plastiques. Leur œil est trop exercé à des choses plus pratiques, pour qu’il ait pu s’arrêter à la conception d’une beauté idéale des formes et des lignes. Pour mon compte, je n’ai pas connaissance qu’il ait jamais existé d’architectes ou de sculpteurs juifs. Et en ce qui concerne les peintres de race ou d’origine juive, il reste à savoir si ce sont réellement des créateurs, ou s’ils n’occupent dans ce domaine des arts que le même rang que les compositeurs juifs modernes, rang que nous allons préciser de notre mieux.

Bien qu’il fût impossible au Juif de passer à nos yeux pour un artiste, tant à cause de son aspect extérieur que de son langage, et plus encore de son chant, il n’en a pas moins réussi à s’implanter dans une forme artistique, à vrai dire celle qui est la plus répandue : la musique. Pour nous expliquer ce fait curieux, commençons par nous demander de quelle façon le Juif a pu devenir musicien.

Alors que dans les temps passés, on n’avait laissé aux Juifs comme unique profession celle qui ne demandait aucun travail : l’usure, il a été impossible, dans notre société moderne où de plus en plus l’argent est le maître de la puissance et le véritable titre de noblesse, de refuser aux Juifs l’accès des honneurs, d’autant qu’ils apportaient avec leur richesse de quoi se les procurer sans coup férir.

La civilisation moderne n’étant en fait que l’apanage des gens fortunés et y étant devenue un article de luxe qu’on pouvait se procurer commercialement, les Juifs y eurent facilement accès. À dater de cette époque, nous voyons apparaître dans notre société le Juif cultivé que nous sommes obligés de différencier d’avec le Juif commun et manquant de culture. Le Juif cultivé a épuisé tous ses efforts et s’est donné toutes les peines du monde pour se défaire des signes distinctifs de sa race. Il est même allé jusqu’à se faire baptiser, espérant que le baptême le libérerait de la tare originelle.

Il est juste de dire qu’il n’a pas recueilli, pour autant, tout le bénéfice qu’il espérait de son zèle, mais au contraire, cela en a fait l’homme le plus dur, le moins pitoyable qu’on puisse trouver et cela jusqu’au point d’anéantir en nous la sympathie que nous éprouvions pour le destin tragique de sa race.

N’ayant plus de lien avec ses anciens compagnons de douleur puisqu’il l’avait orgueilleusement rejeté loin de lui, il fut impossible au Juif cultivé de s’en créer de nouveaux dans la société où il se hissait. Seuls, ceux qui ont besoin de son argent sont en communion avec lui ; mais jamais l’argent n’a créé de liens durables entre les hommes. Le Juif cultivé se dresse donc isolé et indifférent dans une société qu’il ne comprend pas, de laquelle il ne partage ni les sympathies ni les penchants et dont l’histoire et l’évolution lui sont restées étrangères. Il a surgi néanmoins parmi ces Juifs quelques penseurs ; mais le penseur est un poète qui regarde derrière lui. Le vrai poète est seul celui qui est un prophète et dont les regards sont fixés sur l’avenir. Pour être un tel poète, il faut nourrir l’affection la plus ardente pour une communauté dont le poète partage les sentiments et qui s’exprime naturellement par son génie personnel.

Le Juif cultivé n’ayant plus de lien commun avec sa race, ne pouvant pas avoir avec la société où il vit, n’eut bientôt que faire de sa culture étudiée et payée, qui n’était plus pour lui qu’un article de luxe. Or, dans cette culture acquise figurent les arts modernes et parmi ceux-ci, celui que l’on s’assimile le mieux : la musique.

La musique qui, séparée des autres arts, a pu, grâce aux plus grands génies, acquérir une faculté d’expression intense et donner, par une synthèse nouvelle avec les autres arts, une impression touchant au sublime, reste aussi, si elle est isolée, la chose la plus ordinaire et la plus triviale qui soit.

Le Juif cultivé, placé dans la situation que nous avons indiquée, ne pourrait donc en voulant donner une interprétation d’art, qu’exprimer des choses triviales et plates, parce que son sentiment artistique n’était somme toute que futilité ou luxe. Il pouvait suivre l’instinct du moment, qui tenait ou d’un caprice ou d’une chose étrangère à l’art. Jamais rien d’impérieux, de nécessaire, de tangible ne l’inspirait. Il n’avait en vue que le besoin de parler, peu lui important de quoi il parlait, n’ayant plus en vue que la façon dont il le dirait.

Or, comme en musique, en tant qu’art absolu, les plus grands génies ont dit tout ce qu’elle pouvait exprimer, il n’est pas un art où il soit aussi facile de parler pour ne rien dire. Les principes fondamentaux une fois exprimés, on n’arrive plus qu’à faire rabâcher à la façon des perroquets qui répètent les phrases humaines, sans qu’ils y mettent la moindre expression et la moindre chaleur. Et c’est à cette interprétation d’art qu’a abouti en musique le Juif cultivé ; la seule chose qui fasse remarquer plus spécialement son imitation simiesque étant cette élocution juive dont nous avons parlé plus haut.

C’est chez le Juif inculte que peuvent le mieux s’observer les caractères particuliers du langage ou du chant juif, mais bien que le Juif cultivé tente de son mieux à s’en dépouiller, il ne peut y réussir. Il doit cette disgrâce à une hérédité d’ordre physiologique ; cependant la situation qu’il occupe dans la société y est également pour beaucoup.

Toute expression artistique de luxe a beau planer dans les rêves de notre fantaisie arbitraire, il n’en reste pas moins acquis qu’une fibre la rattache à sa base naturelle qui est l’esprit de la race. Un vrai poète, à quelque art qu’il appartienne, s’inspire toujours de l’observation sympathique de la vie, de cette vie qui se fait jour dans le peuple.

Où le Juif cultivé peut-il trouver ce peuple ? Évidemment point dans le milieu où il joue le rôle d’artiste. S’il existe quelque lien entre ce milieu et lui, ce ne peut être de par la force des choses qu’une excroissance détachée de la souche véritable et tôt appelée à disparaître dans l’indifférence générale, dont il se rendra d’autant plus compte qu’il voudra davantage descendre les échelons de cette société pour y chercher des motifs d’émotion artistique. Plus il descendra et plus cette indifférence se muera en une répugnance, car le peuple n’ayant aucun lien social l’unissant à lui, et n’étant pas limité par son intérêt, dans l’expression de ses sentiments, ne craindra pas – comme les classes riches – de témoigner au Juif sa profonde inimitié.

Rejeté par ce peuple d’une manière nettement injurieuse, le Juif cultivé se voit contraint de revenir à sa propre race, qu’il saura tout au moins mieux comprendre, qu’il ne l’a fait pour le peuple précité : c’est à cette race qu’il demandera alors une inspiration artistique. Il pensera à cette source mais n’en tirera qu’une façon de faire, et non sujet à traiter.

Il n’existe pas d’art juif, par conséquent point non plus de vie créatrice d’art. Un chercheur ne pourrait pas trouver dans la vie juive, une matière d’art d’ordre général et profondément humain ; il ne se trouverait qu’en face de la manière propre aux Juifs d’exprimer leurs sensations, manière que nous avons déjà caractérisée. Pour un musicien juif, il ne peut donc exister qu’une seule source d’art populaire juif : celui qui a cours dans les synagogues et qui a pour thème le culte de Jéhovah.

Nous sommes tout disposé à admirer en toute sincérité la noblesse des cultes religieux en leur pureté originelle, mais pour autant nous nous voyons forcé de convenir que le culte juif s’est transmis d’une façon désastreuse et fondamentalement altérée. Comme dans toute la vie du peuple juif, nous remarquons l’absence d’une vie intérieure, créatrice de renouveau ; tout est resté figé, morne, tant dans la forme que dans le fond. Exprimer une chose qui a perdu toute vitalité, qui n’est plus qu’une réalité caduque, cela correspond à un anéantissement et perd toute signification.

Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre dans une synagogue et l’on sera frappé par le grotesque que nous révèle le chant religieux. On ne sait ce qui l’emporte en nous de la répugnance, de l’horreur, ou du ridicule, lorsque nous entendons les gargouillements, les hurlements et les bourdonnements qui s’y confondent. Aucune caricature, si méchante fût-elle, ne saurait donner une impression plus repoussante du chant juif, que ce que nous voyons, en leur naïve nudité.

On a tenté, il est vrai, dans les sphères supérieures une réforme et on a voulu restaurer le chant juif dans sa pureté traditionnelle ; mais les efforts conscients et voulus de l’intelligence de certains Juifs cultivés ne purent rien tenter contre l’habitude séculaire. Ce fut là aussi un essai de haut en bas et par cela même, il fut condamné à l’impuissance finale. Or, dans ces conditions, toute tentative essayée par le Juif cultivé pour se retremper dans l’âme de son peuple afin de satisfaire à son besoin artistique, devenait vaine et il ne pouvait dans le peuple trouver le miroir de son intelligence. À la recherche du spontané, il ne trouve devant lui qu’une déformation enlaidie du réfléchi qui est son essence même.

Si pour le Juif cultivé, comme pour tout autre, le retour à l’âme populaire est quelque chose d’involontaire et d’inconscient, il est évident que l’impression qu’il en retire est tout aussi inconsciente et que celle-ci se reportera impérieusement sur ses productions artistiques et que ses créations s’en ressentiront puissamment.

De même que nos chansons et nos danses populaires ont une action sur les créateurs de notre art musical et instrumental, de même les mélismes et les rythmes des chants de la synagogue s’emparent de l’imagination musicale du Juif cultivé. Il ne peut donc comprendre dans notre production musicale, tant populaire qu’artistique, que ce qui a un trait commun ou quelque analogie avec la musique juive, et cela seul, il pourrait l’utiliser pour ses créations d’art. Certes, si le Juif avait conscience qu’il n’existe rien dans notre art, populaire ou savant, qui soit de la même essence que celui de sa race, s’il en sondait l’âme et s’il prenait conscience qu’il est pour nous un étranger, il reculerait épouvanté et ne tenterait pas une collaboration déconcertante. Mais le Juif ne peut nous connaître, volontairement ou non, il ne s’arrête qu’aux faits extérieurs et superficiels. Et trouvant dans l’apparence fortuite de certaines œuvres, une analogie plus ou moins existante, il consacre celle-ci comme si elle était l’essence même de nos créations. Aussi, lorsqu’il lui arrive de vouloir nous faire part de ses impressions artistiques, celles-ci nous paraissent froides, lointaines, indifférentes, contre-nature et déformées. Nous avons la même impression en écoutant de la musique juive que si nous entendions une poésie de Goethe récitée en jargon juif.

De même que dans ce jargon on observe une énorme indigence d’expressions à laquelle on supplée par un tohu-bohu de constructions bizarres et jetées pêle-mêle, de même le musicien juif mêle toutes les formes et tous les styles de tous les maîtres et de toute époque. Les particularités spéciales à chaque école y ont leur place dans un chaos extrêmement confus.

L’essentiel de ces compositions résidant non dans le fond, mais dans la forme, cela devient un bavardage insipide qui, pour provoquer l’attention, doit avoir nécessairement recours à des moyens d’expression tout à fait extérieurs. L’émotion intérieure, la passion vraie trouvera sa langue propre, au moment même où luttant pour se faire comprendre, elle se communique à nous. Le Juif dont nous avons parlé n’éprouvant aucune passion véritable, ne saurait donc ressentir le besoin de création artistique.

Où cette passion fait défaut, il n’est point de sérénité possible : celle-ci n’étant autre chose que la passion tempérée par la résignation. On ne trouve qu’inertie, là où la passion n’a pas précédé le calme. Cette inertie est loin d’exister dans les productions musicales juives dans lesquelles règne au contraire une fébrilité excessive, exception faite des endroits où elle fait place à un abandon complet d’idées et de sentiments.

Ce qui caractérisera donc le mieux les créations artistiques juives et cela jusqu’à la trivialité et au ridicule, sera un cachet de froideur et d’insensibilité ; par conséquent, la période historique de la musique juive de notre société peut être considérée comme celle de la stérilité complète et du déséquilibre.

À quelles productions le verrons-nous plus nettement que dans celles d’un compositeur d’origine juive, que la Nature avait pourtant pourvu de grandes qualités musicales, comme peu de musiciens en avaient eu avant lui ? Tout ce qui a pu alimenter les recherches de notre antipathie pour la nature juive, tout ce que cette nature présente de contradictions avec nous, l’incapacité dans laquelle elle se trouve, n’étant pas de notre sol, à vouloir se mêler avec nous sur ce sol et, enfin, l’impossibilité qui existe pour elle à vouloir même cultiver ses éléments propres, voilà quelles furent les origines du tragique conflit qui mit aux prises la nature et les goûts artistiques d’un musicien mort prématurément : Félix Mendelssohn-Bartholdy.

Celui-ci nous a démontré qu’un Juif, si talentueux soit-il, aurait-il la culture la plus parfaite et la plus délicate, nourrirait-il l’ambition la plus élevée et la plus légitime, ne parviendra néanmoins jamais à produire sur notre cœur et sur notre âme l’impression splendide que nous sommes en droit d’attendre de l’art et qui nous est révélée par ailleurs dès qu’un des nôtres, dès qu’un héros de notre art, descelle ses lèvres pour nous parler.

Nous laisserons à des critiques de métier qui sont imbus de la même pensée que nous, le soin de nous expliquer par des preuves tirées de l’œuvre musicale de Mendelssohn le bien-fondé de notre assertion. Il nous suffira pour le moment de rappeler qu’il nous était impossible de nous sentir émus à l’audition d’une œuvre de ce musicien puisque nous cherchions, non pas à faire défiler devant nous comme un kaléidoscope aux formes les plus variées et aux couleurs les plus vives, mais bien l’expression de sentiments parlant à notre cœur et touchant aux fibres mêmes de notre intimité et de notre humanité.

Dans ce cas précis, toute faculté créatrice faisait défaut à Mendelssohn ; aussi s’était-il vu obligé, lorsque dans l’oratorio il touchait au drame, de calquer toutes les particularités essentiellement propres à ses prédécesseurs et de prendre ceux-ci comme modèles à suivre. Et ce qui est encore plus remarquable, c’est que ce compositeur fixait de préférence son choix, pour son langage sans expression personnelle, sur notre vieux maître Bach. Or, il ne faut pas oublier que Bach forma son génie et sa langue en une période où la langue musicale était encore à la recherche d’une expression plus individuelle et plus positive. Empêtrée dans le formalisme et le pédantisme, c’est grâce à Bach que la langue musicale doit de trouver pour la première fois une expression spécifiquement humaine. Mais la langue de Bach est à celle de Mozart et de Beethoven, ce que le sphinx égyptien est à la statue grecque. De même que le sphinx égyptien tend à se défaire de sa forme animale, de même la noble figure de Bach s’efforce de se dépouiller de sa perruque. Pour soutenir qu’il n’existe d’autre différence entre la langue de Bach et celle de Beethoven que l’individualité de style et de pensée propre à chacun de ces deux maîtres, il faut toute l’incohérence et la futilité de nos contemporains. En réalité, c’est au degré de civilisation qu’est due cette différence. Elle est d’ailleurs facile à comprendre. La langue de Beethoven ne saurait être parlée que par un homme complet, puissant et chaleureux, puisqu’elle était précisément la langue d’un musicien si génial, que dépassant d’un coup le domaine de la musique absolue, il nous indiquait la voie de la fécondation de tous les arts par la musique comme étant le royaume même où elle devait régner en maîtresse absolue.

La langue de Bach, au contraire est encore trop formaliste, trop rigoureusement étroite, pour qu’elle ne puisse donner lieu à des imitations faites par un musicien adroit. L’expression individuelle n’y prédomine pas assez pour que le fonds seul nous attire, alors qu’en réalité elle est encore à se demander comment elle peut s’exprimer. Il est évident que si ce n’est pas à Mendelssohn lui-même que nous devons, de par ses efforts à exprimer par des artifices de métier éblouissants et étonnants, des choses vagues et insignifiantes, la déliquescence de notre style musical actuel, il y a néanmoins grandement contribué et a atteint le plus haut degré dans cette façon d’exprimer ses sentiments.

Beethoven, qui est le dernier en date de nos héros de la musique, s’était efforcé avec une volonté ardente et une puissance admirable, à créer des formes musicales bien nettes, bien plastiques, représentatives de ses tableaux de pure éloquence ; Mendelssohn, au contraire, fait de ces images aux contours bien définis quelque chose de vague, de fantaisiste, plein d’ombres. Notre imagination peut être excitée par leur arbitraire capricieux, mais notre désir de nous trouver en face de sentiments humains, clairement exprimés, reste forcément inassouvi. Et nous ne rencontrons l’artiste vrai que dans les passages où il a le sentiment de son incapacité et où son âme défaillante laisse parler sa résignation, faite d’une certaine noblesse et de mélancolie. Alors, Mendelssohn se représente subjectivement, mais son individualité fine et tendre est obligée de manifester son impuissance et sa faiblesse. Et c’est là, comme nous l’avons dit, que réside le côté tragiquement cruel du cas de ce compositeur ; et c’est pourquoi, si nous devons accorder dans le domaine de l’art quelque sympathie à l’individu pris en lui-même, nous ne pourrions à plus forte raison la refuser à Mendelssohn, bien que nous restions persuadés que le tragique de son cas était inhérent au compositeur, celui-ci n’en ayant pas réellement conscience.

Pourtant, Mendelssohn reste le seul compositeur Juif, éveillant en nous une pareille sympathie. Il s’est trouvé un autre compositeur Juif contemporain, et qui est universellement connu, mais il n’a en vue que de créer ses productions musicales afin d’exploiter — puisqu’on ne pouvait plus le corrompre — le goût public. Ceux qui vont dans nos théâtres modernes d’opéra ont depuis longtemps pris pour habitude d’être très peu sévères à l’égard de toute œuvre dramatique ; il en est d’ailleurs ainsi pour la généralité des productions de bon goût. Les salles de spectacle sont, dans la plupart des cas, remplies par des gens appartenant à notre bourgeoisie et qui à la base de toutes leurs actions ont comme mobile : l’ennui, Mais l’ennui ne saurait être guéri par une joie artistique. L’ennui ne s’en va pas : on n’arrive qu’à faire naître l’illusion en variant à l’infini les formes mêmes de l’ennui.

C’est cette illusion qu’a cherché à produire ce célèbre compositeur d’opéras et ce fut là sa mission artistique. Pas n’est besoin de spécifier l’emploi des moyens auxquels il s’est astreint pour atteindre son but. Il lui a suffi, et son succès en fait foi, à créer l’illusion et il a même réussi à imposer à ses auditeurs le jargon juif que nous avons déjà caractérisé plus haut[2]. Ce compositeur a recherché et employé dans ses œuvres les effets dus aux conflits sentimentaux et rien n’est plus naturel, car il est notoire que les gens qui s’ennuient se distraient volontiers aux sensations de cet ordre. Il n’y a pas à s’étonner que la chose lui ait réussi, quand on considère les raisons pour lesquelles, en de pareilles circonstances, tout doit lui réussir. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que ce compositeur illusionniste s’illusionne certainement lui-même, peut-être avec intention, ainsi qu’il le fait pour son public de blasés. Nous croyons réellement qu’il voudrait créer des œuvres d’art, mais qu’il a conscience de son impuissance. Pour sortir de ce dilemne entre vouloir et pouvoir, il écrit des opéras à l’intention de Paris, et les fait alors représenter dans le monde entier. C’est le plus sûr moyen de se faire passer à présent pour un artiste, sans avoir le moins du monde le sens artistique. Cette auto-illusion qui doit certainement être plus pénible qu’on ne le suppose, nous le ferait également apparaître sous un côté tragique ; mais le rôle joué par l’intérêt au point de vue personnel fait plutôt de ce personnage quelque chose de tragi-comique. L’impression de froideur et de profond ridicule qu’il nous produit révèle en somme les caractères distinctes du judaïsme dans la musique.

En examinant soigneusement les faits que nous avons articulés et qui nous ont été connus par la recherche de notre antipathie pour l’élément judaïque, il ressort clairement ce que nous appellerons l’incapacité musicale de notre époque. Si les deux compositeurs juifs[3] avaient porté notre musique à un plus haut degré d’épanouissement, nous devrions en toute sincérité reconnaître notre retard sur eux et l’attribuer à notre nature même. Mais ce n’est pas le cas. Bien au contraire. Notre faculté individuelle artistique, comparée aux temps passés, semble s’être avivée et être agrandie.

La stérilité réside bien plus dans notre art lui-même et dans la vie artificielle que nous lui conservons. Elle éclate plus particulièrement dans l’effort artistique d’un musicien pourtant extrêmement doué ; Mendelssohn. Par contre, le peu de valeur de notre public, son manque général de culture, ses goûts anti-artistiques sont surabondamment prouvés par le succès obtenu par le célèbre compositeur juif d’opéras dont nous avons parlé. C’est sur ces deux points principaux que doit se concentrer l’attention de ceux qui aiment notre art et c’est là-dessus que doit porter notre enquête afin d’en arriver à une conception précise. Quant à ceux qu’effraie cette recherche ou qui s’en désintéressent, ceux qui préfèrent marcher dans la vieille ornière de la routine, ils méritent d’être catalogués dans cette catégorie spéciale que nous avons appelée le « Judaïsme dans la musique ».

Il était impossible aux Juifs de s’emparer de cet art avant que celui-ci fût devenu une chose sans vie ; aussi longtemps que la musique possédait en soi une vie organique intense, c’est-à-dire jusqu’à Mozart et Beethoven, nous ne trouvions pas trace de Juifs dans la musique. Ce n’est que lorsque la vie organique de celle-ci périclita, que les éléments extérieurs prirent suffisamment d’empire pour s’en rendre maîtres et la décomposer. La chair d’un tel cadavre, grouillant de vers, peut se dissoudre, mais il n’est personne qui puisse pour autant le considérer comme une chose vivante.

La vie a fui ce corps pour aller retrouver la vie ; ce n’est que dans la vie même que nous retrouverons l’esprit artistique qui doit nous inspirer et non sur ce cadavre décomposé et dévoré par les vers.

J’ai dit plus haut que les Juifs n’avaient pas produit de véritable poète. Il est temps à présent de parler de Henri Heine.

À l’époque de Goethe et de Schiller, on ne connut pas de poète juif. Ce n’est que lorsque la poésie devint, chez nous, quelque chose de mensonger et d’hypocrite, et qu’elle ne fut plus capable de produire un véritable poète, que parut alors un Juif très doué pour la poésie et qui prit pour tâche de railler d’une façon cinglante notre indigence et notre hypocrisie jésuitique. De même, il flagella tout aussi impitoyablement ses coreligionnaires musiciens qui se prétendaient des artistes. Aucune illusion ne tint devant lui. Le démon de la négation le poussa sans trêve ; il renia tout ce qui lui parut bon à renier, mais se mentit à lui-même en se croyant un poète et reçut comme châtiment ses poésies rythmées par nos compositeurs.

Heine fut la conscience du judaïsme, de même que le judaïsme est la néfaste conscience de notre civilisation moderne.

Nous devons encore parler d’un autre Juif qui s’est fait connaître chez nous comme écrivain. Il quitta sa position spéciale de Juif et chercha auprès de nous la Rédemption. Il ne la trouva pas, mais dut reconnaître qu’il ne saurait la trouver que le jour où, nous aussi, devenus de véritables hommes, nous serions sauvés.

Mais devenir homme, correspond pour le Juif à ne plus être Juif.

C’est ce que tenta Bœrne. Son exemple prouve qu’on ne saurait trouver la Rédemption dans la quiétude, dans le bien-être ou l’indifférence.

Pour l’atteindre, il faut, au contraire, peiner ; elle nous coûte sueurs, tourments, angoisses, misère et douleurs. Prenez part, en toute loyauté, à cette œuvre rédemptrice et nous serons alors unis et tous pareils. Mais songez bien qu’une seule chose peut vous conjurer de la malédiction qui pèse sur vous : la rédemption d’Ahasvérus : l’anéantissement.

  1. À ce sujet, on peut trouver bien des choses à dire sur l’activité des acteurs juifs, par suite de certains faits récents ; je ne m’y arrêterai pas. Non seulement, les Juifs ont réussi à accaparer la scène, ils ont encore subtilisé au poète ses créations dramatiques. Un de leurs acteurs, célèbre dans les rôles de caractère, n’incarne plus du tout les personnages créés par Shakespeare, Schiller, etc., il leur substitue des créations tendancieuses de son cru, visant à l’effet, et donnant l’impression que produirait un tableau de la Crucification où le Christ, découpé, aurait été remplacé par un juif démagogue. La falsification de notre art confine au pire mensonge. C’est pour cette raison que Shakespeare et ses émules ne seront plus évoqués qu’au point de vue de leur utilisation conditionnelle au théâtre.
  2. Pour quiconque a observé la tenue insolente et l’indifférence d’une assemblée juive à sa synagogue, au cours d’un service divin en musique, il est facile de comprendre qu’un compositeur d’opéra juif ne se sente pas blessé de retrouver la même chose chez un public de théâtre et soit capable de travailler sans dégoût pour lui, car elle doit lui paraître moins inconvenante ici que dans la maison de Dieu.
  3. L’attitude adoptée à l’égard de ces deux compositeurs célèbres par les musiciens juifs, et en général par les juifs cultivés, est non moins caractéristique. Pour les partisans de Meldenssohn, ce grand compositeur d’opéras apparaît comme un épouvantail ; ils se rendent compte avec un orgueil délicat qu’il compromet le judaïsme vis-à-vis du compositeur plus raffiné, et leurs jugements sont en conséquence sans ménagement. En revanche, les partisans de ce compositeur sont plus circonspects sur le compte de Mendelssohn, en considérant avec plus d’envie que d’animosité la fortune qu’il a réalisée dans un monde musical « plus élevé ». À un troisième tiers, formé de ceux qui continuent de composer, il semble préférable d’éviter tout scandale parmi eux, afin de ne pas se compromettre et de voir leur production musicale faire son chemin sans éveiller l’attention ; les succès indiscutables du grand compositeur d’opéras sont en conséquence dignes d’attention pour eux, et cela serait vrai, s’il n’y avait beaucoup à admettre et à accepter comme « argent comptant ». Les juifs sont en vérité trop bien avisés pour méconnaitre au fond ce qu’il en est quant à eux.