Leçons élémentaires de chimie/13

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CHAPITRE XIII

CHLORE, Cl


42. Caractère du chlore.

Le chlore est un gaz reconnaissable à sa couleur jaune verdâtre (chloros, vert) et à son odeur désagréable.

43. Propriétés du chlore.

I. ACTION SUR L’ORGANISME

Il attaque les organes de la respiration, détermine une toux qui peut être suivie de crachements de sang et même de mort ; son contrepoison est le lait.

II. SOLUBILITÉ

Le chlore est très soluble dans l’eau ; il est souvent commode d’employer sa dissolution ou eau de chlore, à la place du chlore gazeux.

Fig. 47. — Combustion de l’arsenic dans le chlore.
Fig. 47. — Combustion de l’arsenic dans le chlore.

III. COMBUSTIONS DANS LE CHLORE

Le chlore se combine à un très grand nombre de corps pour former des chlorures, et souvent avec dégagement de chaleur et de lumière. On étend à ces réactions le mot de combustions.

1° Le phosphore s’enflamme dans le chlore sec, sans qu’il soit nécessaire de le chauffer ; il se forme en même temps des fumées blanches de chlorure de phosphore.

2° Projetons de l’antimoine ou de l’arsenic réduits en poudre dans un flacon de chlore (fig. 47). Chaque parcelle devient incandescente, tombe, et risquerait de briser le verre si, avant l’expérience, on n’avait pris la précaution de mettre une couche de sable dans le flacon.

3° Chauffons une spirale de cuivre attachée à un bouchon et descendons-la dans un flacon de chlore. Le cuivre devient incandescent, et le chlorure de cuivre tombe en gouttelettes sur du sable.

44. Action du chlore sur l’hydrogène.

La principale propriété du chlore est son action sur l’hydrogène.

1° Il agit sur l’hydrogène libre. — Remplissons deux flacons identiques, l’un de chlore, l’autre d’hydrogène, et renversons le premier sur le deuxième. Les deux gaz se combinent et forment de l’acide chlorhydrique ; si on verse dans les flacons de la teinture bleue de tournesol, elle rougit ; or l’hydrogène n’a pas d’action sur la teinture de tournesol et nous verrons que le chlore la décolore. Si les flacons étaient exposés au soleil, la combinaison se ferait si vite que le dégagement brusque de chaleur occasionnerait leur rupture ; lorsqu’on veut réaliser cette expérience, on place les flacons à l’ombre et on dirige sur eux, et de loin, les rayons solaires à l’aide d’un miroir.

2° Il décompose des corps contenant de l’hydrogène. — Introduisons dans un flacon de chlore un papier buvard imprégné d’essence de térébenthine qui est un carbure d’hydrogène. Le chlore forme avec l’hydrogène de l’acide chlorhydrique ; le papier s’enflamme et le charbon se dépose sur les parois.

I. POUVOIR OXYDANT DU CHLORE

Le chlore, à la lumière, décompose l’eau. Une dissolution de chlore se transforme peu à peu en une dissolution d’acide chlorhydrique

H2O + 2 Cl = 2 HCl + O.

On se rendra compte de cette transformation en ajoutant de la teinture bleue de tournesol qui rougit. On conserve l’eau de chlore dans des flacons entourés de papier noir.

Le chlore, prenant l’hydrogène de l’eau, laisse libre l’oxygène qui peut oxyder certains corps. En présence de l’eau, le chlore agit donc comme oxydant.

Blanchiment des toiles. — Cette propriété est utilisée pour le blanchiment des toiles. La matière qui colore les toiles neuves est insoluble dans l’eau et ne peut être enlevée par lessivage ; la toile humide est soumise à l’action du chlore, la matière colorante s’oxyde et brunit, mais elle est devenue soluble.

II. POUVOIR DÉSINFECTANT DU CHLORE

L’acide sulfhydrique H2S, qu’on appelle encore hydrogène sulfuré, est un gaz délétère reconnaissable à son odeur d’œufs pourris, qui se dégage des fosses d’aisances, bouches d’égouts, etc. — Le chlore prend l’hydrogène de ce gaz et le détruit

H2S + 2 Cl = 2 HCl + S.

Versons en effet de l’eau de chlore dans une dissolution d’acide sulfhydrique, l’eau se trouble et peu à peu du soufre très divisé se dépose au fond du verre. Cette action est utilisée pour désinfecter. Le chlore détruit non-seulement l’acide sulfhydrique, mais encore l’ammoniaque, gaz composé d’azote et d’hydrogène, et d’autres gaz dangereux contenant de l’hydrogène.

III. POUVOIR DÉCOLORANT DU CHLORE

Le chlore enlève l’hydrogène des matières organiques colorantes ; il les désorganise, elles perdent leur couleur. Versons de la teinture de tournesol, du vin, dans des flacons de chlore ; ces liquides sont décolorés.

Applications : Le chlore est employé dans l’industrie pour décolorer la pâle à papier. Il décolore l’encre à écrire, mais pas l’encre d’imprimerie ; aussi on l’emploie pour enlever les taches d’encre sur les livres. Dans un flacon de chlore, nous introduisons un papier sur lequel sont tracés des caractères à l’encre d’imprimerie et des caractères à l’encre ordinaire : les premiers restent intacts, les seconds s’effacent, mais ils prennent une teinte jaune. L’encre ordinaire est fabriquée avec un sel de fer et des noix de galle (excroissances produites sur les feuilles du chêne par la piqûre d’un insecte) ; la matière organique que contiennent les noix de galle est altérée, le sel de fer prend, sous l’influence du chlore, la teinte de la rouille. Cette teinte s’efface si on lave avec de l’acide chlorhydrique étendu, puis à grande eau, pour enlever le chlorure de fer soluble formé. L’encre d’imprimerie est colorée par du charbon, corps que le chlore n’attaque pas.

45. Sources du chlore.

On n’utilise guère le chlore gazeux ; la dissolution, quoique plus commode, s’altère facilement. On se sert plutôt soit d’une poudre blanche, à forte odeur de chlore, qu’on appelle improprement chlore dans le commerce, soit d’eau de Javel. Le premier de ces corps est fabriqué en faisant passer un courant de chlore dans une bouillie claire de chaux. Sous l’action du gaz carbonique de l’air, le produit obtenu laisse dégager du chlore ; le dégagement est plus rapide en versant sur la poudre un acide quelconque, du vinaigre par exemple. L’eau de Javel est un composé analogue, mais dans lequel le calcium est remplacé par du potassium.

46. Préparation du chlore.

Le chlore existe dans la nature à l’état de chlorures dont le plus répandu est le chlorure de sodium ou sel marin. Avec le chlorure de sodium, on fabrique l’acide chlorhydrique appelé quelquefois esprit de sel, en raison de sa provenance. L’acide chlorhydrique sert à préparer le chlore, en séparant l’hydrogène du chlore, au moyen d’un corps oxydant, le bioxyde de manganèse. Celui-ci se décompose, fournit de l’oxygène qui se combine avec l’hydrogène pour former de l’eau. La moitié du chlore se dégage, l’autre moitié se combine au manganèse et donne du chlorure de manganèse

4 HCl + MnO3 = Cl2 + MnCl2 + 2 H2O.
Fig. 48. — Préparation du chlore.
Fig. 48. — Préparation du chlore.

On introduit dans un ballon le bioxyde de manganèse et la dissolution d’acide chlorhydrique (fig. 48). Puisqu’il se forme de l’eau dans la réaction, et que le chlore est soluble dans l’eau, il faut dessécher le gaz ; on emploie pour cela le chlorure de calcium, corps solide, blanc ; on en met des fragments dans une éprouvette à pied munie de deux ouvertures. Le gaz arrive par l’ouverture inférieure et sort par l’orifice supérieur. On ne peut recueillir le chlore ni sur la cuve à eau, ni sur la cuve à mercure. Il est soluble dans l’eau et il transforme le mercure en un corps solide blanc, le chlorure de mercure, dont on peut constater la formation en versant un peu de mercure dans un flacon de chlore. Le chlore est plus lourd que l’air, on le recueille par déplacement d’air ; on fait arriver le tube de dégagement dans des flacons desséchés par du chlorure de calcium. Le chlore tombe dans les flacons, dont il chasse progressivement l’air ; on voit que les flacons sont pleins, quand ils ont dans toute leur hauteur la teinte verte du chlore ; on les bouche avec des bouchons de verre usés à l’émeri.