Leçons sur le calcul des fonctions/Leçon 22

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LEÇON VINGT-DEUXIÈME.

(Continuation de la Leçon précédente.)
Méthode des variations, déduite de la considération des fonctions.

La méthode des variations, fondée sur l’emploi et la combinaison des caractéristiques et qui répondent à des différentiations différentes, ne laissait rien à désirer ; mais cette méthode ayant, comme le Calcul différentiel, la supposition des infiniment petits pour base, il était nécessaire de la présenter sous un autre point de vue pour la lier au Calcul des fonctions c’est ce que j’ai déjà fait dans la Théorie des Fonctions ; mais je vais reprendre ici cet objet, pour le traiter d’une manière plus directe et plus complète.

Lorsqu’une fonction donnée de plusieurs variables et de leurs dérivées ne satisfait pas aux conditions que nous avons trouvées dans la Leçon précédente, elle ne peut pas avoir une fonction primitive, à moins qu’il n’y ait des relations établies entre ces variables, de manière qu’il n’y reste qu’une seule variable indéterminée ; et les questions de maximis et de minimis dont il s’agit ici consistent à trouver des relations telles que la fonction primitive qui en résultera soit un maximum ou un minimum entre des limites données, c’est-à-dire entre des valeurs données de la variable qui demeurera indéterminée.

On voit d’abord que cette question dépend nécessairement de ce que la fonction primitive ne puisse avoir lieu sans une relation entre les variables ; car si elle pouvait être une fonction déterminée des différentes variables et de leurs dérivées, elle ne serait plus susceptible que des maxima ou minima du genre ordinaire, relativement à chacune des variables et de leurs dérivées considérées comme des variables particulières.

Considérons donc une fonction quelconque de que nous désignerons par et que nous supposerons n’avoir point de fonction primitive dans l’état où elle est ; pour qu’elle en ait une, il faudra supposer et, pour que la fonction primitive qui en résulte, et que nous dénoterons par soit un maximum ou un minimum entre des limites données qui répondent à des valeurs données de il faudra qu’en faisant varier tant soit peu la fonction la valeur de a fonction prise entre ces limites diminue dans le cas du maximum, et augmente dans le cas du minimum.

Supposons que l’expression de soit, en général, une fonction de et que nous représenterons par et qui soit telle qu’elle devienne lorsque

La fonction deviendra aussi une fonction de et et, pour qu’elle soit un maximum ou un minimum, il faudra qu’en donnant à une valeur quelconque très petite, et supposant d’ailleurs la composition de la fonction arbitraire par rapport à elle ait une valeur moindre dans le cas du maximum, et plus grande dans le cas du minimum que lorsque Si l’on développe cette fonction suivant les puissances de elle deviendra

en indiquant par des points les fonctions, dérivées par rapport à dans lesquelles il faut faire, après la dérivation, comme on l’a vu dans la Leçon IX.

Ainsi l’accroissement de à raison de la quantité sera exprimé par les termes

et il faudra pour le maximum que la somme de ces termes ait une valeur négative, et pour le minimum que sa valeur soit positive, étant une quantité quelconque très petite et indépendante de

On a prouvé dans la Leçon citée qu’on peut toujours donner à une valeur assez petite pour que le premier terme surpasse la somme de tous les suivants ; d’où il suit qu’alors l’accroissement de aura le même signe que le terme mais il est visible que ce terme change de signe avec la quantité qui n’y est qu’à la première dimension ; donc il est impossible que l’accroissement de soit constamment positif ou négatif en donnant à des valeurs quelconques très petites, à moins que le premier terme du développement de ne disparaisse, ce qui donne d’abord la condition qui est, comme l’on voit, commune aux maxima et aux minima.

Cette condition étant remplie, l’accroissement de se réduira à

et, par un raisonnement semblable à celui que nous venons de faire, on pourra prouver aussi que le premier terme devra être positif ou négatif pour que la variation soit positive ou négative ; mais, ce terme étant multiplié par le carré de il est clair que son signe sera indépendant de et ne dépendra que de celui de la quantité laquelle devra donc être toujours négative dans le cas du maximum, et positive dans le cas du minimum ; ce qui contient le caractère qui distingue les maxima des minima.

Telle est la théorie générale des maxima et minima que nous avons cru devoir rappeler ici pour ne rien laisser à désirer.

Dans les questions ordinaires, la quantité qui doit être un maximum ou un minimum, est une fonction donnée de et les dérivées sont prises par rapport à alors l’équation devient et donne la valeur de ensuite le signe de distingue le maximum du minimum.

Dans les questions dont il s’agit ici, la fonction n’est donnée que par sa fonction dérivée la fonction est l’inconnue, et les dérivées sont censées prises par rapport à la quantité qu’on suppose contenue dans la fonction Ainsi la difficulté consiste à déduire ces dérivées de la fonction donnée

Or, étant lorsque devient deviendra

en dénotant, comme plus haut, par des points les fonctions dérivées par rapport à dans lesquelles on fait ensuite de sorte que ces fonctions deviennent de simples fonctions de qui peuvent même avoir une valeur quelconque, parce que la composition de la fonction est supposée arbitraire par rapport à

Ainsi, en prenant les fonctions dérivées par rapport à il est clair que deviendra pareillement

et deviendra de même

et ainsi de suite.

Faisant ces substitutions à la place des quantités dans la fonction donnée et développant ensuite les puissances de cette fonction deviendra

et, par la théorie des fonctions dérivées exposée dans les premières Leçons, il est facile de conclure que la quantité qui, étant multipliée par forme le premier terme du développement, sera la fonction dérivée de en supposant constant et des variables indépendantes, dont les fonctions dérivées soient respectivement De même sera sa fonction dérivée du second ordre, prise relativement aux mêmes variables, et en supposant que soient les fonctions secondes de et ainsi de suite.

Nous appellerons en général variations du premier ordre, du second, etc., ces dérivées marquées par des points et relatives à la quantité dans lesquelles cette quantité est supposée nulle. Ainsi sera la variation du premier ordre de sera la dérivée ordinaire de cette variation, sera la variation du second ordre de et ainsi de suite. De même, seront les variations du premier ordre, du second ordre, etc., de et seront aussi les variations du premier ordre, du second ordre, etc., de Et pour former ces variations, on suivra les mêmes règles que pour les fonctions dérivées ordinaires.

Ainsi, en faisant

on aura, suivant la notation employée dans ces Leçons,

Il est visible que cette fonction est la même chose que celle que nous avons désignée par au commencement de la Leçon précédente, en changeant seulement en parce que nous avons supposé alors que l’accroissement de était représenté simplement par

Maintenant, puisque est supposé la fonction primitive de en faisant quelle que soit la fonction elle le sera aussi en faisant Dans ce cas, nous avons vu que devient

et devient

de sorte que, comme peut être une quantité quelconque, il faudra que les variations soient respectivement aussi les fonctions primitives des variations ainsi on aura

La condition du maximum ou minimum consiste donc en ce que la fonction primitive de soit nulle, quelle que soit la valeur de Or si, pour plus de simplicité, on représente la valeur de par la formule

et qu’on emploie relativement aux dérivées de les transformations qu’on a enseignées au commencementde la Leçon précédente, relativement aux dérivées de dans l’expression de et dont l’objet est de réduire à des fonctions dérivées exactes tous les termes qui contiennent des dérivées de on aura cette transformée

où l’on voit que tous les termes, à l’exception de ceux qui forment la première ligne, sont des fonctions dérivées exactes, de sorte que leurs fonctions primitives sont connues et déterminées, quelle que soit la quantité au contraire, les termes de la première ligne étant tous multipliés par ne peuvent avoir de fonction primitive, à moins qu’on ne donne à la variation des valeurs particulières. Donc, comme cette variation doit demeurer indéterminée, il sera impossible que la fonction primitive de devienne nulle, à moins que la première ligne de l’expression de ne disparaisse, ce qui donnera l’équation indépendante de

C’est l’équation qui contient la relation nécessaire entre les variables et pour l’existence du maximum ou minimum, et que nous appellerons équation générale du maximum ou minimum. En Géométrie, c’est l’équation de la courbe qui jouit de la propriété de maximum ou minimum. Il est facile de voir que cette équation sera en général de l’ordre si la fonction proposée est de l’ordre c’est-à-dire si elle contient la dérivée de sorte que son équation primitive en et contiendra constantes arbitraires.

La première ligne de la valeur de ayant disparu, on aura, en prenant la fonction primitive de

la quantité étant une constante arbitraire.

Cette fonction ayant maintenant une valeur déterminée, pour que cette valeur soit nulle entre les limites données, il faudra que la différence des valeurs qui répondent à ces limites soit nulle.

Désignons par et les valeurs de qui répondent à la première et à la seconde limite, dans lesquelles aura des valeurs données, et représentons de la même manière les valeurs des autres quantités dans ces limites ; on aura cette équation particulière aux limites savoir

à laquelle on devra satisfaire comme aux équations pour les maxima et minima du genre ordinaire ; et les conditions qui en résulteront serviront à déterminer les constantes arbitraires que la valeur de en pourra admettre.

Si les valeurs de étaient supposées données aux deux limites, alors il est visible que les variations et seraient nulles à la fois ; par conséquent l’équation, ayant lieu d’elle-même, ne donnerait aucune condition à remptir.

Si au contraire aucune de ces valeurs n’était donnée, alors il faudrait égaler séparément à zéro tous les coefficients de ces mêmes variations, ce qui donnerait autant d’équations relatives à chacune des deux limites.

Mais il arrive le plus souvent que les valeurs de et de ses dérivées aux deux limites ne sont ni toutes données ni toutes arbitraires, mais qu’il y a entre elles des relations données par la nature du problème. Alors il faudra, par le moyen de ces relations, réduire les variations dans les deux limites au plus petit nombre possible, et égaler à zéro les coefficients de celles qui demeureront indéterminées.

L’équation générale

que nous venons de trouver pour le maximum ou minimum de la fonction primitive de est, comme l’on voit, la même que celle que nous avons trouvée dans la Leçon précédente pour l’existence de cette fonction, indépendamment d’aucune relation entre les variables.

On voit maintenant la raison de cette identité des formules par la conformité des opérations analytiques dans les deux cas.

Il est d’ailleurs évident que, lorsque la fonction est d’elle-même une dérivée exacte, sa fonction primitive est une fonction déterminée de qui doit alors être rapportée aux deux limites, de manière que l’équation

ne doit plus donner de relation entre et et par conséquent doit se vérifier d’elle-même.

C’est par cette considération qu’Euler a trouvé le premier cette même équation, ou plutôt l’équation équivalente

pour la condition de l’intégrabilité de la formule Condorcet a observé ensuite que, si la formule était intégrable, il fallait que la variation le fût aussi ; et de là il a conclu que les équations

de condition pour l’intégrabilité devaient être les mêmes que les équations entre les variables pour les maxima et minima. Notre analyse ne doit rien laisser à désirer sur cet objet.

Nous avons supposé jusqu’ici que la variation de était nulle ; c’est ce qui a toujours lieu lorsque les limites sont fixes ; mais, comme dans la plupart des cas les limites sont variables, il est bon de voir ce que doit donner la variation de

Pour cela, il suffit de considérer que, la fonction étant censée une fonction de si l’on fait croître de l’accroissement de sera, comme on l’a vu dans les premières Leçons,

Or par l’hypothèse ; donc

et ainsi de suite.

Donc, pour avoir l’accroissement de dans ce cas, il suffira d’ajouter respectivement aux variations les termes Ainsi, comme il faudra ajouter à la valeur de trouvée dans l’hypothèse où ne varie pas le terme

Mais, comme la variation de influe aussi sur celle de en tant que cette quantité est fonction de il faudra, dans ce cas, retrancher de celle-ci ce qui est dû à la variation de dont nous venons de déterminer l’effet total sur les variations de

En effet, on a vu ci-dessus que, étant lorsque devient devient Or, devenant en même temps devient par là

De la même manière, qui est aussi fonction de deviendra

et deviendra

Donc l’accroissement total de sera exprimé par

où l’on voit que sont les variations totales de dans le cas où l’on a égard à la variation de

Désignant, pour un moment, ces variations par pour les distinguer des variations qui ont lieu lorsque est nul, on aura

donc

et, prenant les dérivées par rapport à

Ce sont les valeurs qu’il faudra substituer à la place de \overset{.}{y},\overset{.}{y}\,',\overset{.}{y}\,,\ldots dans la variation prise en regardant comme invariable. Donc, si l’on a égard à la variation de l’expression de trouvée ci-dessus deviendra, en mettant simplement au lieu de

Ainsi les termes de la transformée, qui seront multipliés par les variations et sans être des dérivées exactes, seront simplement

d’où l’on voit que l’équation générale

trouvée d’après la seule variation de satisfait en même temps à la variation de Donc cette variation n’influera que sur l’équation aux

limites dans laquelle il faudra ajouter à la valeur de le terme et y changer en

On peut parvenir au même résultat d’une manière moins simple, mais plus directe, en considérant immédiatement les variations de et de ses dérivées.

Pour cela, il faut d’abord dépouiller la fonction de la supposition de pour pouvoir tenir compte des variations de ce qui se fait en substituant, comme on l’a vu dans les Leçons précédentes, au lieu de au lieu de et ainsi de suite, en multipliant la fonction par pour qu’elle puisse être la fonction dérivée de

Soit, pour abréger,

il faudra dans substituer à la place de moyennant quoi cette quantité deviendra fonction de et l’on aura la dérivée

qui se réduit à

et la variation

Ainsi tout consiste à trouver les valeurs des variations

Or, étant on aura

à cause de

On peut faire ici et l’on aura simplement

De même, étant on aura

Mais la valeur de donne

donc, faisant cette substitution, et supposant ce qui est permis ici, il viendra

On trouvera de la même manière et ainsi de suite.

et ainsi de suite.

Par ces substitutions, la variation deviendra

Or on a trouvé ci-dessus

d’ailleurs donc, faisant ces substitutions et supposant ici on aura simplement

C’est la valeur complète de la variation de déduite des variations de et de et de leurs dérivées.

Mais on a vu qu’il faut mettre à la place de donc on aura à substituer à la place de dans les formules données plus haut ; donc, mettant ici la valeur de qu’on vient de trouver, et oloservant que

on aura, en faisant le même résultat auquel on est parvenu ci-dessus par une autre voie.

Au reste, en regardant la quantité comme une fonction de et de leurs dérivées on pourra traiter les variations de comme on a fait celles de

Dans ce cas, la fonction étant représentée par

on trouverait les termes

à ajouter à la variation et, en désignant ces termes par la formules

on parviendrait, par des opérations relatives à la variation et analogues à celles qu’on employées pour la variation à la transformée

De sorte que la partie de la valeur de qui ne serait pas une dérivée exacte serait

Lorsque est censée une fonction de et qu’on peut par conséquent faire nous venons de voir que la variation simultanée de et de donne, pour la partie de qui n’est pas une dérivée exacte, la formule

Il faut donc alors que la formule précédente coïncide avec celle-ci, et que l’on ait par conséquent

D’où l’on voit que l’équation

que donnerait la variation de est toujours équivalente à l’équation

qui provient de la variation de

En effet, nous avons déjà trouvé par une, autre voie, dans la Leçon précédente, que ces équations ont toujours lieu à la fois.

Un des avantages du calcul des variations est de pouvoir faire varier indistinctement les indéterminées ou et leurs différentielles ; et l’identité des équations du maximum ou minimum, déduites de l’une et de l’autre de ces variations, a été un des premiers résultats de ce calcul auquel les anciennes méthodes n’auraient pu conduire. Mais les démonstrations qu’on en a données dans le second et le quatrième Volume des Mémoires de Turin[1] sont moins directes que celle qui se déduit des formules qui représentent cette double variation, et que nous venons d’exposer d’après Euler. Voyez le Tome III de son Calcul intégral.

Considérons maintenant le problème dans toute sa généralité, et d’abord, soit, comme ci-dessus,

on aura

Soit, de plus, pour abréger,

La variation dans le cas où ne varie pas, sera

où les termes qui ne sont pas sous la forme de fonctions dérivées doivent s’évanouir, ce qui donne d’abord, comme on l’a vu, l’équation générale

Ensuite, à cause de on aura la variation de

et l’équation aux limites sera

Si l’on veut que varie en même temps que on changera en et l’on ajoutera à le terme

Supposons, en second lieu, que la fonction proposée contienne une troisième variable avec ses fonctions dérivées on fera, relativement à cette variable, des opérations analogues à celles qu’on a employées pour la variable et la valeur de en supposant invariable, se trouvera composée de deux parties semblables, l’une relative à l’autre relative à

Ainsi, en supposant

et conservant les expressions de on fera, de plus,

et l’on aura sur-le-champ

Les termes qui ne sauraient être des fonctions dérivées exactes, tant que et ont des valeurs arbitraires, doivent être détruits, ce qui donnera d’abord l’équation générale

à laquelle on satisfera de différentes manières, suivant que les variables et seront indépendantes l’une de l’autre, ou qu’elles seront liées entre elles par des relations données.

On aura ensuite, en prenant les fonctions primitives, à cause de l’équation

c’est la valeur qu’il faudra substituer dans l’équation aux limites

Si l’on veut que varie aussi, on changera et en et l’on ajoutera à le terme

Reprenons l’équation S’il n’y a aucune relation donnée par les conditions du problème entre et leurs variations seront indépendantes l’une de l’autre, et l’on ne pourra vérifier l’équation dont il s’agit qu’en faisant séparément

deux équations qui serviront à déterminer et en fonctions de

Mais, si les variables et étaient liées par une équation de condition entre que nous représenterons par

il faudrait tirer de cette équation la valeur de en et et la substituer dans l’expression de mais, pour faire usage de l’équation il suffit d’avoir le rapport entre les variations et et pour cela, il n’y a qu’à considérer que, la relation entre les quantités devant subsister aussi dans l’état varié, l’équation

devra avoir lieu aussi en y mettant au lieu de et au lieu de et quelle que soit la quantité D’où et de ce qui a été démontré dans les premières Leçons, il est facile de conclure que les dérivées de cette équation, relatives aux variations de devront avoir lieu aussi. De sorte que l’équation de condition donnera les équations variées

Or, en regardant comme invariable, on a

puisque l’algorithme des variations est le même que celui des dérivées.

Ainsi on aura l’équation

d’où l’on tire le rapport de à lequel, étant ensuite substitué dans l’équation du maximum ou minimum, donnera celle-ci

qui, étant combinée avec l’équation de condition servira à déterminer les valeurs de et en

Nous avons supposé dans le calcul précédent que ne variait pas. Si l’on voulait tenir compte des variations de on aurait, à la place de l’équation celle-ci

Or l’équation de condition donnerait d’un côté l’équation dérivée

et de l’autre l’équation variée

substituant dans celle-ci la valeur de tirée de la précédente, on aura

Et cette équation, combinée avec l’équation ci-dessus, donnera également l’équation

On voit par là, en général, que la variation de n’influe que sur l’équation aux limites, et nullement sur l’équation générale du maximum ou minimum.

Supposons maintenant, pour embrasser le problème dans toute son étendue, que l’équation de condition entre contienne aussi les dérivées de et de et soit en général de la forme

on tirera de là l’équation variée

laquelle, en n’ayant égard qu’aux variations de se développera ainsi :

Comme les dérivées de ne paraissent dans cette équation que sous la forme linéaire, il est possible d’en déduire l’expression de en employant la méthode des multiplicateurs et prenant successivement les fonctions primitives ; mais de cette manière on entre dans des calculs longs et compliqués, et il est beaucoup plus simple d’employer les multiplicateurs, de la manière dont on a usé dans la Mécanique analytique, qui est toute fondée sur le calcul des variations.

On se contentera donc de multiplier le premier membre de cette équation par un coefficient indéterminé et de l’ajouter à l’expression précédente de la variation en ayant soin en même temps de transformer tous les nouveaux termes de manière que les fonctions dérivées des variations et ne se trouvent que dans des fonctions dérivées exactes, comme on l’a pratiqué à l’égard des termes de la valeur de On aura ainsi une nouvelle expression de dans laquelle on pourra maintenant traiter les variations de et de comme indépendantes, à raison de l’indéterminée

Soient, pour abréger,

Les termes à ajouter à l’expression de la variation seront

Donc, puisqu’on peut maintenant regarder les variations et comme indépendantes, on aura d’abord, par les principes posés ci-dessus, les deux équations générales du maximum ou minimum

entre lesquelles il faudrait éliminer l’indéterminée et l’équation résultante, combinée avec l’équation de condition, donnera les valeurs de et en

Ensuite la variation deviendra

valeur qu’on substituera dans l’équation aux limites

Si l’on veut avoir égard en même temps à la variation de on ajoutera à le terme et l’on changera les quantités et leurs dérivées en et dans les dérivées de celles-ci.

Il faudrait, à la rigueur, dans ce cas, ajouter à la valeur de le terme d’après les formules trouvées plus haut pour la valeur complète de la variation de Ce terme se transforme en mais il disparaît ici en vertu de l’équation Il faudrait néanmoins le conserver si l’équation de condition n’était donnée que par l’équation variée

Dans l’équation aux limites, on pourra regarder aussi les variations et ainsi que leurs dérivées, comme indépendantes, à moins que la nature du problème ne donne aussi des conditions particulières aux limites.

Supposons, par exemple, que l’on ait une ou plusieurs équations de condition entre les quantités rapportées aux deux limites, c’est-à-dire entre les quantités et que le maximum ou minimum ne doive avoir lieu que parmi les fonctions qui, prises entre les limites données, satisfont à ces conditions ; il faudra que les mêmes équations subsistent dans l’état varié, c’est-à-dire en y mettant à la place de par conséquent on aura aussi les variations de ces équations, comme nous l’avons déjà vu plus haut.

Désignons par

une de ces équations de condition ; elle donnera l’équation variée

On multipliera cette équation et les autres semblables par des coefficients indéterminés et on les ajoutera à l’équation des limites données ci-dessus, après quoi on pourra traiter toutes les variations

comme indépendantes, et égaler à zéro chacun de leurs coefficients, ce qui donnera autant d’équations particulières aux limites qu’il y aura de ces variations. On satisfera ensuite à ces équations par le moyen des coefficients arbitraires et des constantes arbitraires qui entreront dans les expressions de en

À l’égard des variations il est bon de remarquer que, la fonction étant donnée par une équation dérivée, si cette équation est de l’ordre par rapport à les valeurs de correspondantes à une valeur donnée de seront arbitraires et devront être déterminées par les conditions du problème. Ainsi, en rapportant ces valeurs à la première limite, il faudra regarder les quantités comme des fonctions données de donc les variations seront aussi données en fonctions de multipliées par les variations Alors les variations qui se rapportent à la seconde limite, seront absolument indéterminées, et il faudra les faire évanouir en égalant leurs coefficients à zéro.

On pourrait demander que la fonction donnée par l’équation de condition fût elle-même un maximum ou un minimum. Il n’y aurait alors qu’à supposer et par conséquent

On aurait donc dans ce cas

Donc

Les équations générales du maximum ou minimum seraient donc simplement

On aurait ensuite

L’équation servira à déterminer la variable et l’équation combinée avec l’équation donnée donnera la valeur de en Soit la plus haute dérivée de qui entre dans cette équation ; l’équation sera linéaire et de l’ordre par rapport à la valeur de contiendra donc autant de constantes arbitraires et linéaires aussi, qui serviront à faire évanouir les variations dans l’équation des limites ; les variations étant censées données par la nature du problème, comme nous venons de le remarquer.

Il faudra donc déterminer ces constantes de manière que l’on ait

et l’on remplira ces conditions en faisant simplement

et de plus

Ceci revient à la solution donnée dans le Tome IV des Mémoires de Turin[2].

En général, soit une fonction quelconque des variables , et de leurs dérivées d’un ordre quelconque, à l’exception de dont la dérivée soit supposée l’unité ; et soient des équations de condition entre ces variables et leurs dérivées, dont le nombre ne surpasse pas celui des variables diminué de deux unités, afin qu’il reste des relations indéterminées entre les mêmes variables.

Le problème de maximis et minimis, dont il s’agit ici, consiste à déterminer ces relations de manière que la fonction primitive de devienne un maximum ou un minimum entre des limites données, correspondantes à des valeurs données de

Pour le résoudre de la manière la plus générale, on cherchera les variations des fonctions dues aux variations de et désignant ces variations par on considérera la formule

dans laquelle sont supposées des variables indéterminées.

On fera sur cette formule les transformations enseignées plus haut, par lesquelles les fonctions dérivées des variations ne paraissent plus que dans des termes qui sont des fonctions dérivées exactes. Elle deviendra ainsi de la forme

Et l’on aura d’abord les équations générales

qui, étant combinées avec les équations de condition

serviront à déterminer les variables

Ensuite, faisant

on aura l’équation aux limites à laquelle on devra satisfaire, indépendamment des variations

Et, pour tenir compte de la variation de il n’y aura qu’à changer en et ajouter à la valeur de le terme

Comme la nature du problème peut fournir aussi des équations de condition entre les variables rapportées à ces limites, désignons par ces équations de condition, de manière que soient des fonctions données de

On formera les équations variées dues aux variations de chacune des quantités on ajoutera ces équations multipliées par les coefficients indéterminés à l’équation aux limites.

On aura ainsi l’équation

dans laquelle on égalera séparément à zéro le coefficient de chacune des variations dont il s’agit.

Ces formules servent à répondre à toutes les questions où l’on cherche des maxima ou minima absolus. Voyons aussi comment on y peut rappeler les questions où l’on ne demande que des maxima ou minima relatifs, c’est-à-dire dans lesquelles la fonction primitive d’une fonction donnée ne doit être un maximum ou un minimum entre des limites assignées, qu’autant que les fonctions primitives d’autres fonctions données auront des valeurs données entre les mêmes limites.

Soit la fonction donnée dont la fonction primitive doit avoir une valeur déterminée entre les limites assignées. Supposons que soit cette fonction primitive, en sorte que l’on ait l’équation La condition dont il s’agit consiste en ce que la quantité doit avoir une valeur donnée ; par conséquent, sa variation devra être nulle, ce qui donne l’équation aux limites

Pour introduire cette condition dans la solution générale du problème de maximis et minimis, je regarde l’équation comme une équation de condition, et je la traite comme les équations de condition Je multiplie par un coefficient variable et indéterminé la variation et j’ajoute à la formule générale j’ai

Le terme se transforme en ceux-ci : et, comme ces termes sont les seuls qui contiennent la variable la variation donnera d’abord l’équation d’où l’on tire étant une constante arbitraire.

Ensuite l’autre partie qui est une dérivée exacte, donnera dans l’expression de le terme et dans l’équation aux limites les termes à cause de Mais on a, par les conditions du maximum ou minimum relatif, Donc la valeur de ne recevra aucun changement.

Il n’y aura donc que la variation qui devra être ajoutée à la formule générale, ce qui revient à substituer à la place de la fonction la fonction et à chercher les conditions du maximum ou minimum absolu de la fonction primitive de étant une constante quelconque arbitraire.

On trouverait de la même manière que si la fonction primitive de ne devait être qu’un maximum ou minimum relatif, en supposant que les fonctions primitives de et de aient des valeurs déterminées, la question se réduirait au maximum ou minimum absolu de la fonction primitive de et étant des constantes arbitraires.

Ce résultat s’accorde, comme l’on voit, avec celui qu’Euler avait trouvé par la considération des variations des ordonnées successives dans les courbes.

Telles sont les formules générales pour la solution des problèmes de maximis et minimis qui dépendent de la méthode des variations, et l’on voit que ces formules s’étendent à tous les cas ; mais dans chaque cas particulier, au lieu d’y appliquer ces formules, il sera quelquefois préférable d’opérer directement sur les fonctions proposées, en suivant la marche que nous venons de tracer.

Quant à la manière de distinguer les maxima des minima, et même de s’assurer de leur existence, nous avons vu qu’elle dépend des variations du second ordre ; mais nous n’entrerons pas dans un détail qui nous mènerait trop loin ; on peut voir d’ailleurs ce que nous avons dit là-dessus dans la Théorie des fonctions[3]. Nous remarquerons seulement qu’en prenant la variation du second ordre de la fonction il sera inutile d’avoir égard aux variations du second ordre de la variable parce que, les termes affectés de dans l’expression de étant les mêmes que ceux affectés de dans ces termes doivent disparaître par les conditions du maximum ou minimum, quelle que soit la valeur de ou de Ainsi on aura, pour la variation du second ordre, les mêmes formules que dans l’endroit cité, en changeant seulement aussi en et par conséquent les mêmes résultats.

Pour ne rien laisser à désirer sur cette matière, nous dirons encore un mot des maxima et minima qui dépendent des fonctions de plusieurs variables. La première question de ce genre a été résolue par la méthode des variations, dans le second Volume des Mémoires de Turin[4]. Il s’agissait de trouver, parmi toutes les surfaces courbes qui sont terminées par le même périmètre, celle qui est la plus petite possible problème qui est, par rapport aux surfaces, ce que les problèmes dont on vient de traiter sont par rapport aux lignes.

En nommant l’ordonnée perpendiculaire aux deux abscisses et et qui est censée fonction de ces deux-ci, et désignant par des traits séparés par une virgule fonctions dérivées de prises par rapport à et comme on l’a fait dans la Leçon XIX, la grandeur ou la quadrature de la surface est exprimée par la double fonction primitive de la formule

prise d’abord par rapport à une seule des variables et ensuite par rapport à l’autre, en substituant pour la première sa valeur donnée par l’équation du contour de la surface. Ainsi le problème con-

siste à trouver la fonction de et qui rendra cette double fonction primitive un maximum ou un minimum.

Pour le rendre plus général, nous supposerons qu’on demande de rendre un maximum ou un minimum la double fonction primitives d’une fonction donnée de

Désignons cette fonction par de manière que l’on ait

et soit la double fonction primitive de qui doit devenir un maximum ou un minimum. Il faudra, par les principes établis ci-dessus, que sa variation soit nulle. Or, donc, prenant les variations, Si l’on dénote de même par des traits placés au bas les fonctions primitives, ainsi qu’on l’a indiqué dans la Leçon XIII, on pourra passer de l’équation précédente à celle-ci qui est inverse, par laquelle on voit que le problème consiste à rendre nulle la double fonction primitive de la variation

Or on a, en prenant les variations de et de ses dérivées,

formule que nous représenterons, pour plus de simplicité, par

On fera dans cette formule les transformations employées plus haut, par lesquelles les dérivées de la variation ne se trouvent que dans des termes qui sont des dérivées exactes.

Ainsi le terme se changera en le terme se changera en et ainsi des autres, en conservant la position des virgules qui séparent les traits relatifs aux variables et

De cette manière on aura la transformée

On voit d’abord ici qu’il est impossible que la double fonction primitive de devienne nulle, quelle que soit la variation à moins que les termes affectés simplement de ne disparaissent ; ce qui donne d’abord l’équation générale du maximum ou minimum

La première ligne de l’expression de étant effacée, si l’on prend maintenant les doubles fonctions primitives de part et d’autre, on aura

Comme il n’y a plus ici que des fonctions primitives simples, chacune d’elles se rapporte uniquement à une des variables en regardant l’autre de ces variables comme déterminée par l’équation qui donne la courbe des limites entre lesquelles le maximum ou minimum doit avoir lieu.

Le cas le plus simple est lorsque le contour de la surface représentée par l’équation en est supposé tout à fait donné et invariable. Alors les variations de et de ses dérivées sont nulles relativement à la courbe de ce contour, et par conséquent aussi dans toute l’étendue des fonctions primitives simples de la variation et la condition de se trouve remplie d’elle-même.

L’équation du maximum ou minimum sera donc, en substituant les valeurs de

qu’on voit être du genre de celles que nous avons considérées dans les Leçons XIX et XX, et dont les équations primitives contiennent des fonctions arbitraires.

Les cas plus compliqués se résoudront par des considérations analogues à celles que nous avons faites sur les problèmes ou l’on ne cherche que des fonctions d’une variable.

Pour donner maintenant quelques applications des méthodes et des formules que nous venons d’exposer, nous prendrons d’abord le problème le plus simple de ce genre, qui consiste à trouver la ligne la plus courte entre des termes donnés. En supposant que la ligne cherchée soit toute dans un même plan, et prenant pour ses coordonnées, la longueur de la ligne sera exprimée en général par la fonction primitive de l’expression qui, étant représentée par ou donnera

Ainsi l’équation générale du maximum ou minimum sera

Ensuite on aura

et l’équation aux limites sera

L’équation générale donne tout de suite

d’où l’on tire

et étant deux constantes arbitraires ; ce qui est l’équation générale, de la ligne-droite.

Si les deux extrémités de la ligne étaient données, on aurait et par conséquent l’équation aux limites aurait lieu sans aucune condition.

En général, l’équation aux limites se réduira à

de sorte que, si la ligne cherchée devait être terminée

des deux côtés ou d’un seul par des lignes perpendiculaires à l’axe des les variations seraient toutes les deux, ou une seulement, arbitraires dans l’un et l’autre cas, l’équation aux limites donnerait et par conséquent ce qui réduit la ligne la plus courte à une droite parallèle à l’axe.

Si la ligne la plus courte devait être terminée de part et d’autre par deux lignes données droites ou courbes, il faudrait alors tenir compte dans l’équation aux limites des variations de et à la fois. Il faudra donc mettre dans l’expression de à la place de et y ajouter le terme On aura ainsi

et, réduisant,

L’équation aux limites étant si l’on suppose que les deux limites soient indépendantes l’une de l’autre, on aura séparément et et par conséquent

Soit maintenant

l’équation de la ligne qui-forme la première limite ; elle donnera l’équation variée

mais elle donne aussi l’équation dérivée

de sorte que la combinaison de ces deux équations produira celle-ci

Il faut remarquer, à l’égard de cette équation, que les variations sont censées les mêmes que celles que nous avons désignées ci-dessus par parce que ce sont les variations des coordonnées à la première limite ; mais la dérivée n’est pas la même que la dérivée quoiqu’elles se rapportent toutes les deux au même point ; car celle-ci se rapporte à la ligne la plus courte, et exprime la tangente de l’angle que la tangente à cette ligne faitavec l’axe ; au lieu que l’autre se rapporte à la ligne qui sert de limite, et exprime de même la tangente de l’angle que la tangente à cette ligne fait avec le même axe. Nous désignerons cette dérivée par et, appliquant le chiffre au bas de chaque lettre pour la rapporter à la première limite, l’équation précédente deviendra

Telle est l’équation de condition qui doit avoir lieu entre les variations et ainsi, substituant dans l’équation

de la première limite la valeur de 0 tirée de l’équation précédente, on aura

et par conséquent

Or, et étant les tangentes de deux angles, on sait que la tangente de la différence de ces angles est exprimée par la formule donc, puisque ici le dénominateur devient nul, et par conséquent la tangente infinie, il s’ensuit que la différence des deux angles dont il s’agit sera égale à un angle droit.

D’où il est aisé de conclure que les deux lignes, celle qui doit être la plus courte et celle qui forme sa première limite, doivent se couper à angles droits.

Et, comme l’équation à la seconde limite est tout à fait semblable à l’équation pour la première, on trouvera nécessairement le même résultat relativement à la seconde limite ; c’est-à-dire que la ligne la plus courte devra aussi couper à angles droits la ligne qui formera la seconde limite.

On satisfera à ces conditions par le moyen des équations

et des constantes arbitraires ce qui n’a aucune difficulté.

Supposons maintenant, pour donner plus de généralité au problème, qu’on demande la ligne la plus courte, sans la condition qu’elle doive être toute dans le même plan ; en prenant pour les trois coordonnées, dont deux et sont censées fonction de la troisième on aura la fonction dont la primitive exprimera la longueur de la ligne cherchée et devra par conséquent être un minimum.

Faisant donc

on aura

formule qui, par les principes établis, se transforme en celle-ci

d’où l’on tire, pour l’équation générale du minimum,

et ensuite, pour l’équation aux limites,

Supposons d’abord que la ligne la plus courte ne soit assujettie à aucune condition dans toute son étendue ; il faudra alors que les variations et demeurent indéterminées, ce qui donnera les deux équations

d’où l’on tire

et étant des constantes arbitraires ; et comme il s’ensuit que et auront des valeurs constantes qui, étant désignées par et donneront tout de suite

et étant aussi des constantes arbitraires.

Ces deux équations font voir que la ligne cherchée est une droite dont la position est arbitraire.

Il faut maintenant considérer l’équation aux limites, laquelle, si l’on suppose les deux limites indépendantes l’une de l’autre, se partage tout de suite en ces deux-ci

savoir,

équations qui auront lieu d’elles-mêmes, si les deux extrémités de la ligne sont supposées données de position, parce qu’alors les variations des ordonnées et seront nulles dans ces deux points.

Mais, si la ligne la plus courte doit être comprise entre deux lignes données, alors il faudra, comme nous l’avons fait plus haut, tenir compte des variations des coordonnées à l’une et à l’autre de ses extrémités.

Pour cela, il faudra d’abord ajouter à la valeur de le terme et y changer en même temps et en On aura ainsi, à cause de après les réductions,

et les deux équations aux limites deviendront

Supposons que la première limite soit une courbe dont les deux équations soient

la première de ces équations donnera, comme nous l’avons vu plus haut, l’équation variée

et la seconde donnera de même

Tirant de ces deux équations les valeurs de et et les substituant dans la première des deua équations ci-dessus, on aura

et, comme la variation doit demeurer indéterminée, il en résultera cette équation de condition pour la première limite

à laquelle on satisfera par le moyen d’une des constantes arbitraires l’autre devant être indéterminée par l’équation de condition de la seconde limite, laquelle sera de même

Mais, si l’on veut savoir ce que ces équations représentent, il n’y a qu’à se rappeler que, dans la théorie du contact des courbes, on démontre qu’en regardant les dérivées de et comme constantes, les deux équations

et sont aussi des constantes par rapport à et représentent la ligne droite qui touche la courbe de la première limite ; et que de la même manière les deux équations

représentent la ligne droite qui touche au même point la ligne la plus courte, et étant aussi des constantes par rapport à et

Or, dans l’application de l’Analyse à la Géométrie, on démontre que les deux droites représentées par ces équations, si elles se coupent, font entre elles un angle dont le cosinus est

(voyez les feuilles de l’Analyse de Monge). Donc puisque, dans le cas présent, le numérateur de cette expression devient nul, il s’ensuit que l’angle des deux droites sera droit ; par conséquent, il faudra que la ligne la plus courte coupe à angles droits la courbe qui forme la première limite.

On parviendra de la même manière à une conclusion semblable pour l’autre limite. D’où il résulte que la ligne la plus courte qu’on puisse mener entre deux courbes quelconques est toujours la droite qui coupera ces courbes à angle droit. Ce théorème est connu depuis longtemps et se démontre de différentes manières ; mais aucune n’est aussi directe que celle que fournit l’analyse précédente.

Mais, si, au lieu d’une simple ligne, il y avait une surface pour servir de limite à la ligne la plus courte, désignant par

la surface de la première limite, elle donnerait cette équation variée

qu’il faudrait combiner avec l’équation de la première limite trouvée ci-dessus,

Substituantdans l’équation précédente la valeur de tirée de celle-ci, on aura

d’où, à cause que les variations doivent demeurer indéterminées, on tire ces deux-ci :

auxquelles il faudra satisfaire par deux des constantes arbitraires de la ligne la plus courte.

On trouvera deux équations semblables pour la seconde limite, si elle est aussi formée par une surface donnée.

Pour voir maintenant ce que signifient ces équations, on remarquera que l’équation de la surface

donne la dérivée

dont la primitive, en regardant les coefficients de comme constants, savoir

représente le plan tangent à cette surface, comme on le sait par la théorie des courbes, étant une constante arbitraire par rapport à

Substituons dans cette équation les valeurs de et tirées des deux équations trouvées ci-dessus ; elle deviendra, en la divisant par qui est regardée ici comme constante,

D’un autre côté, on sait que cette équation représente aussi un plan perpendiculaire à la droite dont les équations seraient

(voyez les feuilles citées), les quantités et étant regardées ici comme constantes, ainsi que et Donc, puisque ces équations sont celles de la tangente à l’extrémité de la ligne la plus courte, que nous regardons en général comme une courbe quelconque, il s’ensuit que les deux équations données plus haut expriment que la ligne la plus courte doit rencontrer la surface donnée à angles droits.

Et, comme la même conclusion aurait lieu aussi pour l’autre limite, si elle était formée par une surface, il en résulte que la ligne la plus courte entre deux surfaces données sera encore la droite qui rencontre ces surfaces à angles droits.

Jusqu’ici nous n’avons cherché que la ligne la plus courte parmi toutes les lignes possibles qu’on peut mener entre des points, ou des lignes, ou des surfaces données ; problème que la simple Géométrie peut résoudre, parce qu’on sait que dans un plan la ligne la plus courte est la ligne droite. Mais, si l’on demande en général la ligne la plus courte sur une surface quelconque donnée, le problème dépend alors essentiellement de la méthode des variations, et les formules trouvées ci-dessus s’y appliquent avec la même facilité.

Soit

l’équation de la surface donnée ; elle donnera l’équation variée

laquelle étant combinée avec l’équation générale du maximum ou minimum trouvée plus haut,

produit celle-ci

pour l’équation de la ligne la plus courte sur la surface donnée. Ensuite on aura l’équation aux limites

dans laquelle on a en général

et, si l’on veut avoir égard aussi à la variation de on aura

comme on l’a trouvé plus haut.

Il faudrait ici substituer pour sa valeur tirée de l’équation variée

Mais, en faisant abstraction de la surface, l’expression précédente de conduit directement aux mêmes conclusions qu’on a trouvées plus haut relativement aux limites, c’est-à-dire que la ligne la plus courte tracée sur la surface donnée devra aussi couper à angles droits les courbes qui lui serviront de limites.

À l’égard de la nature de la ligne la plus courte sur une surface, elle jouit d’une propriété particulière et caractéristique, par laquelle on peut la déterminer indépendamment de la considération du minimum c’est que ses rayons osculateurs sont tous perpendiculaires à la surface. En effet, il est clair que cette ligne doit être celle suivant laquelle se dirigera un fil tendu sur la surface donnée, et il est facile de concevoir, en même temps, que le fil tendu ne peut être en équilibre qu’autant que la pression résultante de la tension, et dont la direction est suivant le rayon osculateur, sera perpendiculaire à la surface. Pour voir comment la propriété dont il s’agit résulte de l’équation trouvée pour la ligne la plus courte, nous remarquerons d’abord que l’équation du plan tangent à la surface représentée par l’équation

est, comme on l’a vu plus haut,

les fonctions étant regardées comme constantes ; ainsi que la quantité

Nous remarquerons ensuite que, si l’on représente par

l’équation du plan du cercle osculateur d’une ligne à double courbur, il faut que cette équation et ses deux dérivées, prime et seconde, aient lieu en prenant les coordonnées du plan pour celles de la courbe donnée, et en regardant dans la formation des dérivées les coef-

ficients comme constants ; c’est ce qui résulte de la théorie du contact des courbes exposée dans la Théorie des Fonctions[5].

On aura donc ainsi les deux équations dérivées, dans lesquelles

La dernière donne et, cette valeur étant substituée dans la précédente, on aura

Nous remarquerons de plus qu’il suffit que le plan du cercle osculateur soit perpendiculaire au plan tangent la surface, pour que le rayon osculateur soit perpendiculaire à la surface, parce que ce rayon est nécessairement perpendiculaire à la courbe tracée sur la surface.

Or on démontre encore dans l’application de l’Analyse à la Géométrie (voyez les feuilles déjà citées) que la condition pour que deux plans représentés par les équations

se coupent à angles droits, est renfermée simplement dans l’équation

L’équation de la surface

donne aussi l’équation dérivée

d’où l’on tire

Cette valeur, substituée dans l’équation précédente, donnera celle-ci

laquelle, en substituant les valeurs de et trouvées ci-dessus, devient

Or, si l’on divise le coefficient de dans cette équation par étant on a la dérivée de et de même le coefficient de divisé par devient la dérivée de comme il est facile de s’en assurer par le calcul. Donc, en divisant toute l’équation par elle pourra se mettre sous la forme

qui est la même que celle de l’équation que nous avons trouvée pour la ligne la plus courte.

Clairaut a remarqué le premier, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1733, que, quelle que soit la figure de la Terre, la ligne qu’on y tracerait en plantant continuellement des piquets perpendiculaires à l’horizon, de manière qu’ils soient effacés les uns par les autres, comme on l’a pratiqué dans la description de la perpendiculaire à la méridienne de Paris, aurait la propriété d’être la ligne la plus courte entre tous ses points. Ainsi la détermination de cette ligne dépend de l’équation générale qu’on vient de trouver.

En supposant que la Terre soit un sphéroïde de révolution, si l’on prend l’axe des pour l’axe de la Terre, dont le centre soit l’origine des coordonnées, et qu’on nomme l’ordonnée de la courbe des méridiens, on aura

Donc, si

est l’équation de cette courbe, elle deviendra celle de la surface du sphéroïde, en y substituant pour et, à cause de

on aura

de sorte que l’équation de la ligne la plus courte sur le sphéroïde deviendra

laquelle est du second ordre, mais dont la primitive du premier ordre est

étant une constante quelconque. Cette équation, combinée avec l’équation suffira pour construire la courbe.

Ce problème est traité avec heaucoup de détails dans le quatrième Volume des Ouvrages de Jean Bernoulli.

Le problème de la ligne la plus courte conduit naturellement à celui de la surface de la moindre étendue. Nous avons déjà vu plus haut que l’on a alors

laquelle étant comparée à la formule

donne

et de là résulte l’équation générale

Cette équation, en effectuant les dérivations indiquées, se réduit à

or, en prenant successivement les dérivées par rapport à et à on trouve

de sorte qu’en multipliant l’équation précédente par et substituant les valeurs de on aura après les réductions

Et, si l’on aime mieux employer la notation proposée à la fin de la Leçon XIX, on aura, pour l’équation de la moindre surface,

Monge et Legendre ont trouvé, par des méthodes ingénieuses, l’équation primitive de cette équation du second ordre ; mais la forme sous laquelle elle se présente la rend peu susceptible d’applications utiles. (Voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1787.)

Pour donner encore un autre exemple, nous reprendrons le problème si connu de la brachistochrone, ou ligne de là plus vite descente ; mais nous la considérerons dans un milieu résistant comme une fonction quelconque de la vitesse.

Soient les abscisses dirigées verticalement de haut en bas, et par conséquent les ordonnées horizontales. Si l’on nomme la force constante de la gravité, le carré de la vitesse et la fonction de la vitesse qui est proportionnelle à la résistance, les principes de la Mécanique donnent l’équation

pour la détermination de et le temps, qui-doit être un maximum ou un minimum, est exprimé par la fonction primitive de l’expression

En comparant ces formules aux formules générales, on aura

et la fonction qui, étant égalée à zéro, donne l’équation de condition, sera

On aura donc

Et de là

Ensuite on aura l’équation variée

et par conséquent

De là on aura

D’après ces valeurs, on aura les équations générales

et l’équation aux limites

en faisant

et, si l’on veut tenir compte de la variation de on aura

Les deux équations générales se réduisent à celles-ci

dont la première a pour primitive

étant une constante arbitraire.

Il faudra substituer dans celle-ci la valeur de irée de la seconde ; ensuite il faudra éliminer par le moyen de l’équation de condition

et l’équation résultante en et sera celle de la courbe cherchée.

Comme représente le carré de la vitesse et que l’équation en est du premier ordre, la valeur de tirée de l’équation primitive de celle-ci, contiendra une constante arbitraire qui dépendra de la vitesse initiale imprimée au mobile.

On peut donc regarder la valeur de à la première limite, comme une fonction donnée des coordonnées initiales et Ainsi, dénotant cette fonction par la caractéristique on aura la condition

Le cas du vide n’a aucune difficulté ; car, en faisant on aura l’équation

n’entre pas.

Ensuite on a

En rapportant cette équation à la première limite, on a

Ainsi la valeur complète de sera

Or l’équation en donne

équation qui, par la substitution de la valeur de devient celle de la cycloïde ordinaire.

Soit, pour abréger,

le problème général dépendra de ces trois équations du premier ordre,

Si l’on prend la dérivée de on a

d’où l’on tire

cette valeur étant substituée dans la seconde équation ci-dessus, on aura

mais la troisième donne

substituant cette valeur dans la dernière équation après l’avoir multipliée par elle se réduira à

Or on a

et la première équation donne

donc l’équation qu’on vient de trouver deviendra

dont la primitive est

et, si l’on substitue encore ici pour sa valeur tirée de la première équation, on aura

Ainsi l’on a la valeur de qu’on substituera dans l’expression de de la première équation ; et il ne s’agira plus que de combiner cette équation avec la troisième pour en éliminer

Considérons maintenant l’équation aux limites

supposons, ce_qui est le cas le plus ordinaire, que les deux limites soient indépendantes l’une de l’autre ; on aura séparément

Or, en faisant dans l’expression de donnée plus haut les substitutions nécessaires, on a

Cette expression, en mettant pour sa valeur et réduisant, devient

est mis pour comme on l’a employé ci-dessus, de sorte qu’en substituant encore à la place de sa valeur donnée par la première équation, on aura plus simplement

Cette valeur de devra donc être nulle aux deux limites.

Pour la première limite, nous avons vu ci-dessus que l’on a en général donc, prenant les variations, on aura

de sorte que l’équation donnera celle-ci :

Pour la seconde limite, on aura aussi équation dans laquelle, la variation demeurant indéterminée, il faudra la faire évanouir en égalant à zéro son coefficient Ainsi l’on aura la condition qui servira à déterminer la constante arbitraire de la valeur de trouvée plus haut. Cette condition donne

d’où l’on tire

de sorte que l’expression complète de sera

d’où l’on aura

valeur qu’il faudra substituer dans l’équation à la première limite.

À l’égard de l’équation de la seconde limite, elle sera simplement, à cause de

Cette équation est tout à fait semblable à celle que nous avons trouvée dans le premier exemple, et d’où nous avons conclu que la ligne la plus courte devait couper à angles droits la ligne qui forme la seconde, limite. Ainsi la même conclusion doit avoir lieu pour la ligne de la plus vite descente, quelle que soit la loi de la résistance du milieu.

Revenons à la première limite. En substituant dans l’équation de cette limite pour sa valeur, elle devient

Maintenant, si l’on désigne par la dérivée de l’ordonnée de la courbe qui forme la première limite, on aura, comme on l’a vu dans le premier-exemple, l’équation Donc, si l’on substitue dans l’équation précédente, au lieu de sa valeur la variation demeurera arbitraire, et il faudra vérifier l’équation en égalant à zéro le coefficient de ce qui donnera


équation à laquelle on satisfera par le moyen d’une des constantes arbitraires.

Supposons, ce qui est le cas le plus simple, que la vitesse initiale soit donnée indépendamment du lieu de départ ; on aura alors à une constante ; donc

const.,

et par conséquent

et l’équation précédente deviendra

Dans cette équation, exprime la tangente de l’angle que fait avec l’axe des la tangente à la courbe de la première limite, dans le point où elle est rencontrée par la ligne de la plus vite descente, et exprime la tangente de l’angle que fait avec le même axe la tangente à cette même ligne au point de la seconde limite ; et il suit de cette équation, comme nous l’avons vu dans le premier exemple, que la différence de ces deux angles doit être égale à un angle droit. Donc il faudra que la tangente à la courbe de la première limite soit perpendiculaire à la tangente à la ligne de la plus vite descente au point de la seconde limite ; et, comme nous avons déjà vu que cette tangente doit être perpendiculaire à celle de la courbe de la seconde limite, on en conclura que, dans le cas dont il s’agit, la courbe de la plus vite descente devra rencontrer les deux courbes des limites dans des points où les tangentes soient parallèles entre elles.

Mais, si l’on veut que la vitesse initiale soit toujours celle que le corps acquerrait en tombant d’un même point donné, nommant la hauteur de ce point au-dessus de l’axe horizontal des ordonnées on aura pour la hauteur due à la vitesse initiale dont est le carré ; et les principes de la Mécanique donneront

Donc

et de là

ce qui réduira l’équation de la première limite à celle-ci :

laquelle montre, comme on l’a vu dans le premier exemple, que la ligne de la plus vite descente doit couper aussi à angles droits la ligne qui forme la première limite.

On avait trouvé ces mêmes résultats pour la ligne de la plus vite descente dans le vide. (Voyez le quatrième Volume des Mémoires de Turin[6] et les Mémoires de l’Académie des Sciences pour les années 1767 et 1768. L’analyse précédente fait voir que les conditions relatives aux limites sont indépendantes de la résistance.

Si, au lieu de la courbe de la plus vite descente, oh demandait celle où la vitesse acquise serait un maximum, il faudrait rendre la quantité un maximum, et l’on aurait le cas où nous avons vu que les équations générales se réduisent simplement à savoir

équations qu’il faut combiner avec l’équation en

La première a pour primitive

et, si l’on opère sur ces trois équations comme on l’a fait dans le cas précédent, on parviendra de la même manière à l’équation

qui donne la valeur de ensuite les deux dernières équations ci-dessus donneront la vitesse et la fonction en d’où dépend la fonction cherchée.

À l’égard des limites, on aura dans le cas dont il s’agit, en faisant varier à la fois

formule qui, en substituant les valeurs de et de et réduisant, devient

Et, si l’on substitue encore dans celle-ci les valeurs de et de tirées des deux dernières équations primitives, on aura enfin

de sorte que les deux équations aux limites et deviendront

La vitesse initiale, dont est le carré, doit être donnée ; si on la suppose indépendante du lieu du départ, sera une quantité constante dont la variation sera par conséquent nulle ; donc Alors la première équation se réduira à

Pour la seconde, comme rien ne détermine la valeur de il faudra queson coefficient soit nul, et qu’il donne et condition par laquelle on déterminera, la valeur de la constante arbitraire

Cette équation deviendra ainsi

Si les deux points extrêmes de la courbe étaient donnés, les variations de seraient nulles, et les deux équations seraient satisfaites d’elles-mêmes.

Mais, si la question est de trouver la ligne par laquelle le corps partant d’une courbe donnée, et arrivant à une autre courbe donnée, acquiet la plus grande vitesse, nommant, comme plus haut, et les tangentes des angles que les tangentes à ces courbes font avec l’axe aux deux extrémités de la ligne cherchée, on aura, ainsi qu’on l’a vu dans le premier exemple,

et ces équations, étant combinées avec les deux précédentes, donneront

d’où l’on peut conclure que les tangentes aux deux courbes des limites doivent être parallèles entre elles, comme dans la courbe de la plus vite descente.

Ces exemples peuvent suffire pour montrer l’usage de nos formules générales, et surtout des équations aux limites qui n’étaient pas connues avant le Calcul des variations, et sans lesquelles on n’aurait que des solutions incomplètes.


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  1. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 335, et t. II, p. 37.
  2. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 37.
  3. Œuvres de Lagrange, t. IX.
  4. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 335.
  5. Œuvres de Lagrange, t. IX.
  6. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 37.