Le Bar aux femmes nues/01

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Éditions Prima (Collection gauloise ; no 39p. 1-2).

I


J’étais entré dans ce petit théâtre, par désœuvrement, par curiosité, peut-être aussi par concupiscence, comme disaient les bons pères, au temps de mon enfance, quand je faisais des vers aux actrices pendant les heures d’études, derrière le dictionnaire latin : gradus ad Parnassum.

L’affiche du spectacle annonçait une opérette grecque, romaine ou égyptienne, avec un titre affriolant. C’était la spécialité de la maison, ces opérettes, qui faisaient recette grâce à un procédé fort simple : on y exhibait des femmes nues. Elles avaient évidemment un cache-sexe.

Il constituait, à lui seul, tout le costume. Ah ! la direction ne se ruinait pas en toilettes ! Et les frais de plateau, selon le terme de métier, s’en trouvaient considérablement réduits.

Quelle différence existait-il entre l’opérette grecque et l’opérette égyptienne ? Ça, je ne l’ai jamais très bien compris. Ces demoiselles étaient également nues dans l’une et l’autre pièce. Peut-être la coiffure changeait-elle un peu ; et aussi le nom des personnages. C’était un bien amusant petit théâtre. Il a disparu aujourd’hui, éventré par la pioche des démolisseurs.

Il y avait un petit bar adjoint au théâtre. Les actrices et les figurantes venaient retrouver, devant le comptoir d’acajou, les messieurs à qui elles faisaient de l’œil, dix minutes avant, sur le plateau. Elles étaient parfois encore en costume de scène, sous leur manteau ; c’est-à-dire qu’elles ne portaient que leur cache-sexe. En vérité le petit bar aux femmes nues était charmant.

J’y suis retourné bien souvent. J’y ai connu Marie-Louise, Yvette, Liseron, d’autres encore. J’y ai recueilli un grand nombre d’histoires et rencontré une des plus charmantes petites camarades de lit de mon existence.

Le récit de toutes ces aventures du bar et de Marie-Louise peut faire un véritable roman. Je n’ai point manqué à l’écrire pour mon divertissement particulier ; et peut-être celui des personnes qui me feront l’honneur de me lire, sur la foi du titre, avec l’espoir, ne nous faisons pas meilleurs que nous ne sommes, d’y trouver des polissonneries.