Le Bolide du 14 mai, les Aérolithes et les Etoiles filantes

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REVUE SCIENTIFIQUE

LE BOLIDE DU 14 MAI 1864.
LES AEROLITHES ET LES ETOILES FILANTES.

Le 14 mai dernier, M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, étant à la campagne, près de Gisors, aperçut à huit heures du soir un bolide très brillant. On le voyait vers le sud ; il marchait de l’ouest à l’est, et n’était élevé que de 15 à 20 degrés au-dessus de l’horizon, sous lequel il disparut bientôt. Ces sortes de météores sont assez fréquens ; mais celui-ci devait avoir un retentissement particulier. Dès le lendemain en effet, toutes les feuilles du sud-ouest de la France nous apprenaient qu’il avait été vu à la même heure depuis Paris jusqu’aux Pyrénées, et un grand nombre de lettres adressées à l’Académie des Sciences décrivaient toutes les circonstances du phénomène. C’était, à n’en pas douter, un grand événement météorologique. L’enquête qu’il appelait a été faite avec un soin consciencieux par M. Daubrée, que ses études antérieures désignaient naturellement à l’honneur de cette mission, et qui était doublement autorisé à l’entreprendre par sa qualité de membre de l’Institut et de professeur au Muséum. Grâce aux documens qu’il a publiés et aux recherches qu’il a provoquées, nous savons aujourd’hui, de cet accident mémorable, tout ce que l’observation pouvait nous apprendre.

Puisque les villes de Gisors et de Paris ont vu le météore briller vers le sud, c’est dans cette direction qu’il fallait aller demander des détails sur les circonstances qui en avaient accompagné l’apparition. En effet, en interrogeant les habitans de la zone qui comprend Laval, Le Mans, Blois, Tours et Bourses, on apprit que ces villes avaient été tout à coup, à la même date et à huit heures du soir, inondées d’une lumière vive, et que de nombreux promeneurs, attirés par une belle soirée de printemps, avaient à la fois, comme à Paris, suivi des yeux un même globe de feu gros comme la moitié de la lune. Il laissait derrière lui une traînée lumineuse qui peu à peu se fondit en une trace blanche, semblable à un nuage allongé.

À toutes ces stations, le bolide se montre encore vers le sud ; c’est donc plus bas qu’il faut aller le chercher. Si, pour n’oublier aucun intermédiaire, nous recueillons en passant les récits de Napoléon-Vendée, de Poitiers, de Saint-Amans, etc., il devient évident que nous approchons du phénomène, car d’une part la grandeur du météore est plus considérable, et d’un autre côté il semble plus élevé dans le ciel : cela s’explique par la rotondité de la terre, et se remarque toutes les fois qu’on approche peu à peu d’une montagne ou d’une côte éloignée. Continuant donc de marcher vers le sud, nous arrivons sur la ligne qui passe à Saintes, à Angoulême et à Tulle ; là nous apprenons une circonstance nouvelle et caractéristique : le globe, qui parait encore plus élevé au-dessus de l’horizon, a éclaté tout à coup en projetant des étincelles dans toutes les directions, et cette explosion, comme celle d’une fusée d’artifice, a terminé l’apparition. Pour que rien ne manque à la ressemblance, un nuage blanc, immobile, arrondi et longtemps persistant, est resté au-dessus de l’espace où la dislocation finale s’était opérée.

Nous arrivons enfin au siège même du phénomène, à une ligne à peu près droite qui part de Nérac et se dirige, un peu au sud d’Agen et de Montauban, vers les villages de Nohic et d’Orgueil. C’est par le zénith de cette ligne que le météore a passé. Les habitans le voyaient au-dessus de leur tête, plus gros que la lune. Il paraissait animé de mouvemens d’oscillation ou de rotation ; il lançait derrière lui des étincelles très vives et comme un jet de vapeurs blanches semblable à la fumée qui dans nos foyers s’échappe en sifflant des tisons surchauffés. Quand l’explosion finale eut lieu, une immense et splendide gerbe de feu projeta des fragmens dans tous les sens ; un nuage se forma, et tout disparut, au dire de la plupart des témoins. Deux d’entre eux cependant affirment avoir vu le météore, dépouillé de son éclat, continuer sa route comme un globe rouge sombre qui acheva de s’éteindre en s’éloignant. Après un intervalle de temps variable suivant la position occupée par les observateurs, et qui, noté avec soin par chacun d’eux, s’étend de quatre-vingts secondes à cinq minutes, on entendit un bruit sourd, mais très intense, comparable à une décharge d’artillerie ou au roulement du tonnerre. Ce n’était point une détonation unique comme celle qui retentit après l’explosion d’une fusée, c’était un bruit longtemps continué, comme s’il avait été produit en chacun des points où le bolide s’est successivement trouvé, et qu’il fût arrivé à l’oreille après des temps différens à cause des distances inégales qu’il avait à parcourir. Cette circonstance mérite d’être remarquée.

La division du météore était à peine terminée, et le bruit qui en est la conséquence cessait de retentir, quand survint un dernier phénomène qu’il était facile de prévoir, une averse abondante de pierres météoriques. On les a vues tomber au-dessous du point où l’explosion s’était faite, dans un étroit espace compris entre les villages de Mont-Bequi, Campsas, Nohic et Orgueil. Elles arrivaient obliquement de l’ouest vers l’est, par l’effet naturellement combiné de leur vitesse primitive et de la pesanteur, et elles arrivaient chaudes : un paysan se brûla, voulant ramasser l’une de ces pierres tombée dans son grenier, et on remarqua que le gazon où elles s’étaient arrêtées avait été jauni par ce contact. La surface en était recouverte d’un enduit noir ressemblant au vernis que tout le monde a pu remarquer sur les briques trop cuites, ce qui démontre que ces pierres avaient éprouyé dans l’air une fusion superficielle, fusion que d’ailleurs on a pu reproduire après coup en les réchauffant dans la flamme d’un chalumeau. Et comme il a fallu, pour le faire, les chauffer jusqu’au rouge blanc, on est obligé d’admettre qu’elles avaient atteint au moins cette température avant la chute.

Comme ces pierres viennent du ciel, on éprouve une première curiosité qui est bien naturelle, on veut savoir quelle en est la composition chimique, et c’est presque avec chagrin qu’on apprend qu’elles ne diffèrent en rien des matières terrestres. La météorite d’Orgueil a été analysée par M. Cloez : elle est noire, molle, se pétrit presque ; elle trace des lignes comme un crayon ; elle contient du sulfure de fer magnétique en petits cristaux qui brillent au milieu de la masse. Elle renferme 5 pour 100 de charbon : c’est ce corps qui lui donne sa couleur. La présence du charbon dans les aérolithes avait déjà été constatée ; mais elle y est tellement rare qu’on n’en citait que trois exemples avant celui qui nous arrive aujourd’hui. Il n’y est point à l’état libre ; il est combiné avec de l’hydrogène et de l’oxygène, et, chose bien singulière, il constitue un composé pour ainsi dire identique avec la tourbe, qui se forme dans nos marais par la décomposition des végétaux aquatiques. Quant à l’origine à cette place de cette matière curieuse, il est clair qu’elle est et que peut-être elle restera toujours ignorée. Enfin M. Cloez a trouvé dans la météorite nouvelle une grande quantité de sels solubles qui servent de ciment pour réunir et faire adhérer la masse, de façon qu’étant plongée dans l’eau elle se délite et tombe au fond du vase. Ainsi les pluies vont désagréger sur le sol les fragmens que l’on n’a pas recueillis, et le globe aura acquis, sans en garder la moindre trace, ces parcelles empruntées peut-être à d’autres mondes.

Tous ces détails, plus pittoresques que scientifiques, suffisent pour nous donner l’idée générale du phénomène ; mais ils ne nous apprennent absolument rien touchant sa nature, son origine et sa marche. Une foule de questions se présentent à l’esprit, et pour les résoudre on sent qu’il faut avant tout tracer dans le ciel le trajet suivi par le bolide, ou, comme disent les savans, la trajectoire qu’il a parcourue. M. Daubrée a confié cette partie du travail au commandant Laussedat, professeur à l’École polytechnique, dont la spécialité en ces sortes de matières est légitimement acquise, et qui s’est aussitôt mis à l’œuvre.

Pour faire comprendre la possibilité d’une semblable recherche, prenons un exemple simple. Imaginons un fil télégraphique tendu parallèlement au cours de la Seine, à une certaine hauteur au-dessus des maisons qui la bordent. Un observateur qui se tiendrait la nuit sur la rive droite le verrait se projeter vis-à-vis de certaines étoiles situées du côté du midi, pendant qu’une personne placée sur le quai opposé apercevrait la silhouette noire du même fil vers le nord, en face d’étoiles différentes. Il est certain que les rayons visuels qui partent des yeux de chaque observateur pour aboutir de chaque côté aux étoiles observées se croisent au-dessus de la Seine sur le fil lui-même, et que, si on pouvait dessiner ou calculer la position de ces étoiles, on dessinerait ou on calculerait aisément la ligne de rencontre des rayons visuels, c’est-à-dire le fil. Rentrés chez eux, ces deux observateurs peuvent se communiquer leurs remarques, et mesurer sur une sphère céleste la direction et la hauteur des étoiles en question, vues du lieu qu’ils occupaient et à l’heure de l’observation. Ils auront ainsi la direction et l’inclinaison des rayons visuels. Cela fait, ils marqueront sur une carte de Paris les stations qu’ils ont occupées tous deux ; de là ils mèneront dans la direction des rayons visuels des lignes qui se rencontreront en des points situés sur la trace du fil à des hauteurs qu’il est aisé de calculer, et qui feront exactement connaître la position de ce fil télégraphique dont nous avons supposé l’existence.

Il est évident que l’on peut faire sur la traînée lumineuse dessinée au milieu du ciel par la course d’un bolide les mêmes observations que sur un fil établi à demeure, et tracer ensuite sur une carte la série des points qu’il a parcourus, ainsi que la hauteur de ces points au-dessus du sol. Or il s’est trouvé très heureusement que trois témoins instruits, MM. Lajous à Rieumes, Lespiault à Nérac, et Pauliet à Montauban, avaient signalé d’une façon fort précise les étoiles au milieu desquelles avait passé le bolide, le point précis où il s’était enflammé, et celui où il avait éclaté ; c’est grâce à leurs observations que M. Laussedat a réussi à reconstituer la trajectoire de ce météore. Une circonstance fortuite, mais précieuse, lui a offert une première confirmation de son travail. Un des correspondans, qui se trouvait à Ichoux, dans les Landes, avait vu le globe tomber verticalement, comme le ferait une pierre abandonnée à la pesanteur. Cette illusion venait de ce que la trajectoire était précisément dans un plan vertical passant par l’œil de l’observateur ; or il se trouva que la courbe tracée sur la carte par M. Laussedat rencontre en effet le village d’Ichoux. Voici encore un autre genre de vérification plus délicat et plus complet. Le tracé graphique assigne pour lieu de l’explosion un point situé au-dessus de Nohic, à 15 ou 20 kilomètres de hauteur. C’est là que le bruit le plus intense a dû se produire, et c’est de ce point qu’il s’est propagé en rayonnant jusqu’aux stations circonvoisines, à des distances que l’on put déterminer aisément. Comme le son parcourt 340 mètres par seconde, il fut également très facile de calculer le temps qu’il avait dû mettre pour arriver, ou l’intervalle qui s’était écoulé entre la vue de l’explosion et la perception du son. D’un autre côté, presque tous les observateurs avaient, malgré la surprise, apprécié approximativement la durée de cet intervalle, et l’on put comparer leurs évaluations aux résultats prévus par le calcul. La concordance des chiffres ayant été à peu près complète, nous ne pouvons plus garder aucun doute sur l’exactitude des résultats qu’il nous reste à faire connaître.

Le bolide venait certainement d’espaces inaccessibles à nos sens ; mais quand il a commencé à luire, il se trouvait à une hauteur de 50 kilomètres au-dessus du sol. Ce premier point mérite de nous arrêter. On ne connaît pas la hauteur exacte où se termine la couche d’air qui nous enveloppe ; mais on sait par l’expérience, aussi bien que par le raisonnement, que l’atmosphère est de plus en plus raréfiée à des hauteurs de plus en plus grandes, et qu’à 50 kilomètres la pression est réduite à un millième de ce qu’elle est au niveau de la mer. Le bolide était donc déjà plongé dans notre atmosphère quand on a commencé à l’apercevoir ; ensuite il a continué sa course en se rapprochant du sol jusqu’à 16 ou 20 kilomètres, c’est-à-dire jusqu’à quatre ou cinq lieues, à peu près quatre fois la hauteur du Mont-Blanc. C’est alors qu’il était au-dessus de Nohic et qu’il a éclaté.

C’est l’air qui est le véhicule du son ; à mesure que l’on s’élève et qu’il se raréfie, les bruits perdent de leur intensité. Dans le célèbre voyage qu’ils firent en ballon, Gay-Lussac et Biot s’étonnaient de la faiblesse de leur voix, et constataient que le bruit d’un coup de pistolet ressemblait, à 8 kilomètres d’altitude, au bruit d’un coup de fouet. On ne s’est jamais élevé jusqu’à 20 kilomètres ; mais on sait que la pression y est réduite au dixième, et que tous les bruits doivent être affaiblis suivant une proportion bien plus considérable encore que dans l’exemple cité tout à l’heure. Or, puisque l’explosion de notre bolide a pu se faire entendre jusqu’à vingt lieues de distance, il faut qu’elle ait été produite sur une masse et avec une intensité qui nous donnent une première appréciation de la grandeur du phénomène. Cette appréciation se confirme d’une autre manière : la plupart des observateurs ont comparé la grosseur du bolide à celle de la lune. Il y a peut-être un peu d’exagération dans cette assertion ; mais, tout en la réduisant comme il convient, on peut se demander quelle devait être la grandeur réelle du globe enflammé pour qu’il eût, de la distance où il était observé, la dimension apparente de la lune. On trouve aisément qu’il avait de 400 à 500 mètres de diamètre. À ce compte, il était de quatre à cinq fois aussi gros que la cathédrale de Paris, et l’on ne peut se défendre d’une certaine appréhension rétrospective en songeant aux habitans de Montauban :

Nous l’avons cette nuit, madame, échappé belle,
Un monde près de nous a passé tout du long…

À ces graves résultats, les calculs de M. Laussedat ajoutent un sujet d’étonnement plus sérieux. Comme on a observé les lieux et les momens précis de l’apparition et de l’extinction du bolide, il a été possible de calculer l’espace qu’il parcourait pendant chaque seconde : on a trouvé 20,000 mètres ou cinq lieues. Que chacun veuille bien se représenter une distance de cinq lieues entre deux localités qui lui soient familières, la distance de Paris à Versailles par exemple, et qu’il se figure être transporté de tout cet espace pendant la durée d’un battement du cœur ; il appréciera ainsi la vitesse de notre bolide, et reconnaîtra qu’elle est hors de proportion avec celles qu’il nous est donné de produire ou d’observer sur notre sol. Si nous voulons en trouver qui lui soient comparables, ce n’est pas sur la terre, c’est dans le ciel qu’il faut aller les chercher. Là, tous les astres se déplacent avec une vélocité inouïe ; le globe terrestre lui-même, qui fait le tour du soleil pendant le cours d’une année sidérale, est entraîné à raison de 30 kilomètres par seconde. La météorite d’Orgueil marchait avec une rapidité comparable. À ce signe seul, il nous est déjà possible de présumer qu’elle nous venait des espaces planétaires, et qu’en effet c’était un astre véritable dont nous allons essayer de tracer l’histoire ; mais, comme ce que nous avons à dire est le résultat d’études antérieures, communes à tous les astéroïdes de la même nature, il convient de sortir de l’exemple particulier que nous avions choisi et d’élever le sujet en le généralisant.

On rencontre en beaucoup d’endroits des masses malléables presque entièrement composées de fer qui contrastent avec la nature de toutes les roches voisines et qui sont identiques entre elles. Partout où on les rencontre, une tradition conservée par les habitans nous apprend qu’elles sont tombées du ciel. L’une d’elles, qui est fort célèbre et dont le Muséum de Paris possède un fragment, a été trouvée par Pallas, en Sibérie. La plus grosse paraît être celle qui se voit à la source du Fleuve-Jaune. Elle a 15 mètres de hauteur ; les Mongols, qui l’appellent le Rocher du Nord, racontent qu’elle est tombée à la suite d’un météore de feu. Les plus nombreuses ont été trouvées au Chili, dans le désert d’Atacama, où elles forment deux amas distincts dans des espaces fort resserrés, gisant à terre, à demi enfoncées comme au moment où elles sont tombées, et tellement abondantes qu’on les apportait autrefois au port de Cobija, et qu’on les exploitait pour ferrer les mules. Outre le fer, ces masses contiennent du nickel ; elles sont assez malléables pour qu’on les puisse forger aisément, et il n’est pas douteux que les habitans de l’ancien monde les aient employées à leurs besoins avec la même facilité que l’or. C’est ce qui en explique à la fois la rareté dans nos contrées et l’abondance dans les déserts de l’Amérique. Le docteur Wollaston a démontré cette conjecture tout récemment en analysant des couteaux dont se servaient les Esquimaux de la baie de Baffin, et, comme ils contenaient du nickel, il en a judicieusement conclu qu’ils provenaient de fers tombés du ciel. Il est en effet probable que telle est l’origine commune de ces diverses masses ; cependant on n’en connaît qu’une seule chute authentique qui eut lieu en 1751 à Hradschina, près d’Agram. Mais, laissant de côté ces traditions incertaines, nous trouvons dans l’histoire de nombreux récits d’événemens semblables à celui d’Orgueil. Le plus ancien des aérolithes connus est tombé en Crète en 1478 avant Jésus-Christ. Les prêtres de Cybèle le conservaient dans leur temple comme une personnification de cette déesse, et dans l’antiquité chaque nouvelle chute était naturellement attribuée aux dieux. Les annales chinoises, fort bien tenues sur cette matière, abondent en récits de bolides dont la description s’appliquerait, sans y rien changer, au météore d’Orgueil. Un auteur, nommé Ma-touan-li, en a donné un catalogue circonstancié où l’on voit que les Chinois s’occupaient de cette question bien avant notre ère. Cladni a tenté la même entreprise pour l’Europe et a fait connaître les localités et les dates de plus de deux cents chutes authentiques. Aucun temps, aucun pays n’a été exempté de ces accidens, toujours observés avec curiosité, racontés avec empressement et souvent exploités par la crédulité.

Les sociétés savantes, on doit le dire à leur honneur, ont exigé des preuves positives avant d’admettre, comme étant réelles, les pluies de pierres météoriques. L’Académie des Sciences était si peu favorable à cette croyance qu’elle déclarait en 1769 qu’une pierre ramassée au moment de sa chute par plusieurs personnes qui l’avaient suivie des yeux jusqu’au moment où elle touchait le sol n’était pas tombée du ciel. La résistance de l’opinion publique dura jusqu’en 1802. À cette époque, une abondante pluie de pierres ayant été observée à Laigle, l’Académie saisit l’occasion qui lui était offerte de s’éclairer sur ce sujet et donna à Biot, alors le plus jeune de ses membres, la mission d’ouvrir une enquête sévère. C’était l’homme le mieux choisi pour une si délicate fonction et le plus capable de faire partager sa conviction. Il rapporta des pierres toutes identiques entre elles, dont quelques-unes avaient été recueillies par lui-même ; il fit de son voyage un récit plein d’élégance, et la cause fut jugée. Les plus habiles chimistes, parmi lesquels il faut citer Laugier, Thénard et G. Rose, firent l’analyse des aérolithes, où ils trouvèrent des caractères communs. On imagina des systèmes : les uns croyaient que les aérolithes étaient lancés par les volcans de la lune, qui sont éteints ; les autres firent intervenir l’électricité, qui est le deus ex machina de toutes les questions non résolues ; quelques autres ont affirmé que c’étaient des fragmens de planètes et de comètes écrasées par une collision mutuelle. Enfin on finit par où l’on aurait dû commencer, on observa, et le nombre des personnes qui se sont dévouées à ce pénible travail est aujourd’hui très considérable. Nous citerons parmi les plus distinguées M. Haidinger, un des membres de l’académie de Vienne, le père Secchi, directeur de l’observatoire du Collège-Romain, et le professeur Heis, de Munster, qui apporte dans ces questions autant de persévérance que de talent. En Angleterre, une commission de savans s’est attribué le devoir de recueillir et de provoquer les observations ; elle compte parmi ses membres MM. Glaisher, Brayley, Prestwich, Alex. Herschel et Baden Powel. Tous les ans, elle publie le programme des recherches qu’elle croit les plus utiles à tenter, et le résumé, avec commentaires, de celles qui ont été exécutées. Dans cette liste déjà longue, il faut encore comprendre M. Schmidt à Athènes, M. Poey à La Havane, et enfin un homme qui s’est acquis en France, à cette occasion, une sorte de célébrité, M. Coulvier-Gravier.

Dès que l’on vit des savans aussi nombreux se consacrer à cette étude, on put prédire que l’histoire des météorites allait se constituer peu à peu ; c’est en effet ce qui est arrivé, et nous allons en raconter les principaux traits. Quand la dimension en est considérable, les bolides affectent les caractères qui ont signalé l’apparition du 14 mai : même éclat, même traînée d’étincelles suivies d’un nuage persistant, souvent une explosion, et enfin, quoique plus rarement, une chute d’aérolithes. On en voit de toutes les grandeurs ; à mesure qu’ils sont moins gros, l’étendue de la course est plus petite, l’explosion devient plus rare, et la traînée s’affaiblit. Enfin, sans démarcation spécifique et par degrés insensibles, on arrive aux simples étoiles filantes. La nature, l’origine et les lois de celles-ci doivent donc être soigneusement étudiées, et les conclusions qu’on en tirera s’appliqueront à celles qui, par exception, sont assez grosses pour constituer des bolides.

On sera peut-être étonné d’apprendre que ces étoiles filantes, qui présentent au premier aspect l’image de l’irrégularité la plus désespérante, obéissent néanmoins dans leur ensemble à des lois de périodicité bien démontrées. On a découvert ces lois en observant pendant un grand nombre de nuits consécutives et en prenant au bout de chaque année le nombre moyen d’étoiles qui ont filé dans chaque heure successive, depuis le soir jusqu’au matin : c’est ce que l’on nomme le nombre horaire, et en laissant de côté certaines nuits exceptionnelles dont nous parlerons tout à l’heure, on trouve que ce nombre augmente progressivement depuis 6 heures du soir jusqu’à 3 heures du matin, pour diminuer ensuite jusqu’au jour, et probablement, pendant le jour, jusqu’au soir suivant. On voit en effet 6 étoiles entre 6 et 7 heures, 10 entre minuit et une heure, 17 de 2 à 3, et on retombe à peu près à 13 entre 6 et 7 heures du matin.

En faisant ces observations, on n’a pas tardé à reconnaître que toutes les nuits ne sont pas identiques entre elles, et que celles des 10, 11 et 12 août sont tellement riches en étoiles filantes, que l’on compte jusqu’à 110 apparitions pendant une heure. Cette recrudescence à cette époque a été constatée depuis le commencement du siècle par un très grand nombre d’observateurs, et, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’elle paraît avoir existé de toute antiquité. On en a trouvé la preuve dans ces annales chinoises dont j’ai déjà parlé, et qui ont été compulsées par Edouard Biot. Elles signalent particulièrement, pendant les années 830, 833 et 835, un maximum considérable qui eut lieu vers la fin du mois de juillet, cette date étant comptée d’après le calendrier grégorien ; mais on sait que l’axe terrestre, au lieu de conserver dans l’espace une direction invariable, décrit, comme l’axe d’une toupie, un cône qui se complète en 25,868 années. Il en résulte que le moment des équinoxes change, et qu’aux mêmes dates successives, d’année en année, la terre prend dans son orbite des positions progressivement différentes. Or, en tenant compte de cette circonstance, on a trouvé qu’au moment où les Chinois observaient les maxima des années 830, 833 et 835, la terre occupait dans son orbite la position qu’elle prend aujourd’hui au 10 août, quand le maximum se reproduit ; la régularité de ce phénomène est ainsi démontrée par une longue période d’observations. En y regardant de plus près, et en observant tous les ans, on a trouvé que ce maximum est sujet à des mouvemens de hausse et de baisse. En 1800, au 10 août, on ne comptait que 59 étoiles par heure ; on en trouva 110 en 1848. Dix ans après, en 1858, le nombre horaire était tombé à 38, et depuis cette année on le voit se relever progressivement. Il y a peut-être une loi de périodicité dans ces mouvemens d’oscillation, comme il y en a dans un autre maximum signalé par Olbers et observé par lui le 12 novembre 1799. Il était extrêmement riche à l’origine, mais il a diminué peu à peu jusqu’à disparaître pour se relever progressivement ensuite et reprendre son éclat primitif en 1833, où l’on compta 130 étoiles par heure. À partir de cette année, il a diminué et s’est éteint de nouveau : mais, comme l’intervalle entre les deux premières apparitions était de 34 ans, on en attend une troisième pour 1867.

En voyant ces recrudescences se présenter toujours aux mêmes époques, il faut admettre de toute nécessité que la terre, entraînée dans l’espace, rencontre aux mêmes points de sa route des bancs de corpuscules disséminés dans le vide planétaire. On a fait sur ce point une hypothèse ingénieuse et tout à fait séduisante. On a supposé que ces astéroïdes sont répandus sur le contour circulaire d’un immense anneau qui aurait le soleil pour centre, le long duquel ils marcheraient l’un à la suite d’un autre, chacun accomplissant individuellement, comme une petite planète, une révolution régulière autour du soleil. Ce grand banc serait traversé par la terre à l’époque du 10 août, et c’est alors qu’on verrait circuler dans notre atmosphère tous ceux des corpuscules qui passeraient dans notre voisinage. Une circonstance encore mal déterminée, mais généralement accusée par tous les observateurs, vient augmenter le degré de vraisemblance de cette hypothèse ; on a remarqué qu’au 10 août la plus grande partie des étoiles filantes semblent venir d’un même point du ciel. On n’a pas pu s’accorder sur la situation réelle de ce point, que les uns placent dans Céphée, les autres dans Cassiopée ou dans le Bélier ; mais quelle qu’elle soit, cette trace commune que suivent les étoiles filantes au 10 août serait le chemin que les corpuscules parcourent, dans l’anneau qui les contient, pendant une révolution autour du soleil. J’ai quelque crainte de raconter un roman, et je ne puis cependant passer sous silence les résultats que vient d’annoncer M. le professeur Twinning, et dont je lui laisse la responsabilité. Suivant cet auteur, le grand anneau de corpuscules possède un diamètre à peu près égal à celui de l’orbite terrestre, sur lequel il est incliné de 96 degrés ; il a une épaisseur de 2 à 5 millions de lieues, et il est composé de 300,000 milliards de corpuscules, qui font autour du soleil leur révolution en 281 jours. En supposant que chacun d’eux ait 1 mètre de rayon, et qu’on les réunisse tous pour en former une seule sphère, elle aurait à peine le dixième du volume de la terre. Je ne crois pas, je le répète, que nous soyons aujourd’hui en demeure d’affirmer des nombres si précis ; mais ce qu’on peut prédire avec certitude, c’est qu’il suffira de continuer les observations pour constituer des théories où la réalité remplacera l’imagination.

Pour y arriver, il faudra d’abord calculer les trajectoires des météores filans. Ce travail est commencé depuis longtemps pour les bolides. Comme ils fournissent une longue course et qu’ils sont vus par un grand nombre de personnes, on recueille toujours assez de documens sur leur apparition pour calculer les conditions de leur marche. C’est ce qu’on vient de faire pour la météorite d’Orgueil, c’est ce qu’on avait déjà fait, avec plus de précision peut-être, pour d’autres météores analogues. M. Petit, directeur de l’observatoire de Toulouse, a prouvé depuis longtemps que ces globes enflammés décrivent des hyperboles, sortes de trajectoires qui se prolongent à l’infini. L’an dernier, au 4 mars 1863, un bolide, qui avait éclaté sur la Mer du Nord, et qu’on avait observé de diverses localités en Angleterre et en Belgique, fut calculé par M. Heis ; il avait aussi une trajectoire hyperbolique : les hauteurs initiale et finale étaient de 174 et de 23 kilomètres, et la vitesse de 63. Le professeur Newton a aussi exécuté quelques déterminations analogues, et tout récemment M. Alex. Herschel communiquait à la Société royale une liste de onze bolides dont les orbites étaient déterminées. Dans tous ces cas bien étudiés, on a acquis la certitude que ces apparitions sont causées.par de véritables astéroïdes, venus des espaces célestes, qui pénètrent dans l’atmosphère, où ils décrivent des hyperboles, et qui sont emportés avec des vitesses comparables à celles des planètes elles-mêmes.

La question offrait plus de difficultés pour les simples étoiles filantes ; mais un instrument nouveau venait au secours des astronomes : c’était le télégraphe électrique. M. Heis en fit le premier usage entre Munster et Herbersthal en 1851. Deux observateurs établis à ces stations examinaient simultanément la même portion du ciel ; quand une étoile filante apparaissait, ils se prévenaient télégraphiquement, et les signaux coïncidaient quand c’était la même étoile qu’ils avaient vue tous les deux. Alors ils notaient avec soin le chemin qu’elle avait paru suivre à travers les constellations, et cela suffisait pour qu’on pût, après coup, calculer sa trajectoire. C’est la méthode déjà expliquée pour le bolide de Montauban. Dix ans après, entre Rome et Civita-Vecchia, le père Secchi recommença la même étude par le même procédé, qu’il croyait nouveau. Un grand nombre de personnages illustres assistaient à ces expériences, qui réussirent à prouver une seconde fois, comme elles l’avaient fait une première, que les étoiles filantes sont, à la dimension près, de véritables bolides lancés dans l’espace à raison de plusieurs kilomètres a la seconde et venant s’illuminer dans l’atmosphère.

J’avais besoin d’entrer dans ces divers développemens avant d’expliquer comment les corpuscules cosmiques s’échauffent tout à coup jusqu’à se fondre et jusqu’à se volatiliser. La théorie que je vais exposer est une œuvre successive à laquelle ont concouru divers savans. Dès 1868, sir John Herschel en dessinait les premiers linéamens dans la Revue d’Edimbourg ; M. Haidinger en développa ensuite les principales conséquences, en 1861, devant l’Académie des Sciences ; mais c’est seulement en 1863 que M. Reinholds Reichenbach soumit à un calcul rigoureux les principes admis, par ses devanciers. Ces travaux nous permettent de faire théoriquement l’histoire des globes filans ; on va voir à quel degré elle se conforme aux faits observés.

Aussitôt qu’un bolide, avec l’énorme vitesse qu’il possède, vient à rencontrer l’atmosphère, il éprouve tout d’abord une résistance qui ralentit sa marche, résistance très considérable à cause de la rapidité de la course : elle, peut se calculer, et, d’après M. Reichenbach, elle suffirait pour éteindre presque complètement, après dix secondes, la vitesse d’un boulet que l’on aurait lancé à raison de 100 kilomètres à la seconde. Supposons qu’un bolide ait perdu seulement un centième de sa vitesse par cette cause, il aura nécessairement engendré une quantité de chaleur qu’on peut calculer avec certitude, et qui est employée à échauffer soit ce bolide lui-même, soit l’air qui l’entoure. Or M. Reichenbach nous apprend qu’elle suffirait pour élever la température de 75,000 degrés, en supposant qu’elle ne se dissipe pas par le rayonnement, et de 5,000 degrés seulement, si on admet qu’elle s’échappe aussitôt après avoir été produite. L’échauffement réel est donc compris entre 5,000 et 75,000 degrés, et il dépasse considérablement tout ce que nous pouvons artificiellement produire. Dans ces conditions, le bolide fond, et la surface se revêt de ce vernis vitreux caractéristique des pierres tombées. Non-seulement il fond, mais à 5,000 degrés le fer et le charbon brûlent en projetant de tous les côtés des étincelles brillantes, et toutes les substances connues se réduisent en vapeurs incandescentes. La météorite paraîtra donc enflammée, et sera suivie d’une traînée de feu qui lui donnera l’aspect des fusées. Cette traînée s’éteindra ensuite, mais les matières qui lui ont donné naissance, restant suspendues dans l’atmosphère, y laisseront un nuage persistant.

Si elle est de petite dimension, c’est le cas ordinaire, la pierre brûle en totalité : on voit une étoile qui file, se réduit en fumée, et tout est fini ; quand elle est plus grosse, elle dure plus longtemps et fournit une plus longue course, dans laquelle il faut la suivre. Elle chasse devant elle les couches d’air qu’elle rencontre, qui se compriment, s’échauffent et deviennent incandescentes. Par une raison contraire, il se fait en arrière un vide où l’air antérieur se précipite en contournant la surface, et la météorite se trouve enveloppée d’une atmosphère de gaz et de vapeurs enflammés. Cette circonstance vaut qu’on s’y arrête, car elle est de nature à diminuer nos appréhensions. Ce n’est pas la partie solide, mais l’atmosphère embrasée des bolides qui nous illumine tout à coup ; c’est elle qui atteint de si grandes dimensions, et le noyau qui nous demeure caché est incomparablement plus petit. Cette atmosphère a toutes les apparences de la menace, mais elle se dissipe aussitôt que la vitesse diminue. Voilà comment l’histoire n’a point eu de catastrophes à enregistrer, comment les fragmens sont presque toujours minimes, et comment enfin des apparences redoutables aboutissent à de petites réalités.

Pendant que le bolide comprime l’air, celui-ci résiste, et, par réaction, presse sa face antérieure. Si nous voulons avoir une évaluation approchée de cette force, examinons ce qui se passe pendant les ouragans. Quand ils arrivent à leur plus terrible intensité, ils atteignent une vitesse de 40 mètres à la seconde, et ils exercent sur toute surface d’un pied carré qui leur est opposée une poussée égale à 38 livres. Cette poussée resterait la même, si, par un simple changement des conditions relatives, on lançait avec la même vitesse une météorite d’un pied carré dans un air immobile ; mais, si au lieu de 40 on lui fait parcourir 40,000 mètres, la poussée croît dans une proportion énorme. M. Reichenbach nous apprend qu’elle atteint 700 atmosphères à une hauteur de 18 kilomètres au-dessus du sol. Il n’y a que le fer qui puisse résister à un pareil effort sans être écrasé. Or ces conditions ressemblant beaucoup à celles de la météorite d’Orgueil, il faut admettre qu’elle éprouvait une pression comparable, et c’est pour cela qu’elle a tout à coup volé en éclats, comme le fait une pierre lancée qui rencontre une muraille. Au moment même où s’opérait cette dislocation, toute la fantasmagorie de l’atmosphère embrasée s’évanouissait, et l’on put enfin toucher du doigt, non sans étonnement, la cause ridicule d’un si grand tapage : une cinquantaine de pierres pesant en tout 20 livres ! Toutes petites qu’elles sont, elles nous apportent des enseignemens précieux et de plusieurs sortes. Venues du ciel, elle nous apportent la matière qui circule entre les étoiles et qui vraisemblablement les compose ; elles nous apprennent que, dans ses confins les plus éloignés, le monde matériel est bâti avec des matériaux identiques à ceux que nous rencontrons sur la terre. On a beaucoup et très justement admiré la méthode qui permet à M. Kirchhoff d’analyser le soleil ; il n’est que juste de faire remarquer qu’on trouve dans les météorites les métaux qui composent cet astre, et qu’on y rencontre en outre le charbon, le chlore et l’ammoniaque, qui échappent à l’analyse spectrale.

Si, par un concours de circonstances malheureusement peu probable, une de ces pierres venait à tomber aux pieds d’un physicien préparé à l’examiner séance tenante, elle lui révélerait un autre mystère. Nous savons que la température diminue à mesure qu’on s’éloigne du sol, et qu’elle doit être très basse dans les espaces célestes ; mais nous ignorons absolument jusqu’à quel degré thermométrique elle s’abaisse. Les aérolithes pourraient nous l’apprendre. Il y en a qui sont presque entièrement composées de fer, celles-là conduisent bien la chaleur, et le réchauffement énorme qui en a fondu la surface ayant la possibilité de se propager à l’intérieur, ils arrivent à la terre comme des boulets rougis ; on ne peut rien en conclure. Il n’en est pas de même pour les aérolithes terreux, qui transmettent lentement la chaleur à travers leur masse ; leur surface extérieure seule s’échauffe pendant la durée très courte de leur trajet à travers l’atmosphère, et le froid qu’elles conservent à leur centre revient peu à peu vers la surface après la chute. On a remarqué en effet que des pierres tombées récemment au Pendjab gelaient les mains des personnes qui voulaient les relever. Or c’est cette température du centre des grosses masses météoriques qu’il faudrait pouvoir mesurer, car c’est celle des espaces interplanétaires où elles ont voyagé avant d’arriver sur le sol. Celui qui aura le bonheur de faire cette découverte aura apporté à l’astronomie physique un des résultats qu’il lui importe le plus de connaître.

Je viens d’exposer les travaux que la science sérieuse avoue ; me per-mettra-t-on d’indiquer d’un mot les fantaisies que le public protège et que les savans repoussent ? On a fait aux étoiles filantes l’honneur d’affirmer qu’elles président aux changemens de temps, ou au moins qu’elles, les font prévoir ; c’est à elles qu’on essaie d’en appeler en dernier ressort après avoir inutilement invoqué tous les astres du ciel, planètes, lune et comètes. Consultée, l’Académie a répondu que cette influence n’est point démontrée, — réponse polie. — D’un autre côté, les astronomes autorisés, MM. Heis et Secchi, dont la compétence ne peut être niée, affirment qu’une pareille indication donnée par les corpuscules célestes est absolument controuvée. Le public fera donc bien de se mettre en garde contre des prédictions sans précision, aussi souvent infirmées que justifiées par l’événement. Cette réserve faite, tout le monde encourage M. Coulvier-Gravier à persévérer dans l’étude qu’il a commencée des étoiles filantes, et même à publier ses observations, car il se pourrait bien qu’une discussion scientifique en fît sortir des conséquences sérieuses, qu’elles contiennent probablement et qu’il n’a pas su y découvrir.


J. JAMIM.