Le Buste de Charles X

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LE BUSTE


DE CHARLES X





Il est près de la Seine un asile sacré,
Où, des feux de la guerre à moitié dévoré,
Le vétéran, blanchi sous ses lauriers modestes,
De son corps chancelant vient reposer les restes ;
Où nos vieux grenadiers, que le cercueil attend,
Rajeunissent leur gloire en se la racontant,
Montrent leur sein paré du prix de leurs services
Et cinq lustres d’exploits gravés en cicatrices.
Dans ces lieux où Louis, fier de les secourir,
Bâtit à ses soldats un temple pour mourir,
Un marbre, environné d’un noble et pur hommage,
Des traits de Charles X offrait la douce image,

Et s’élevait non loin des marches de l’autel
Comme le second dieu de ce temple immortel ;
La nef se décorait de festons magnifiques,
Devant les murs guerriers, les bronzes pacifiques
Faisaient gronder leur joie et prêtaient tour-à-tour
L’accent de la victoire aux transports de l’amour.
Les uns, pour célébrer la fête de famille,
Dépouillaient de ses fleurs l’odorante charmille,
Et d’autres ombrageaient, dans le lieu solennel,
Des drapeaux de Madrid le buste paternel.

    Tout-à-coup un guerrier vers Charles X élève
Le seul bras qu’il sauva des atteintes du glaive :
« Salut, Roi chevalier, dont le marbre chéri,
» Disputant notre amour à l’airain de Henri,
» Atteste à tous les cœurs qu’un même vœu rassemble,
» Qu’il laissa sur la terre un fils qui lui ressemble !
» Salut ! ma voix est pure, un enfant des combats
» Expire pour ses Rois et ne les flatte pas,
» Des palmes du triomphe il embellit leurs fêtes,
» Pour hommage, à leurs pieds, il porte ses conquêtes ;
» Et par quelques lauriers, dans ce jour de bonheur,
» D’oser parler de toi j’ai mérité l’honneur.

» L’Espagne sur ses bords a vu tomber naguère
» Ce bras qui, désormais, me manque pour la guerre ;
» J’accompagnai ton fils aux lieux où ses succès,
» Du deuil dont se voilait le panache français,
» Vengeaient l’injuste affront et rendaient à la gloire
» Ces grands vainqueurs tombés de leur char de victoire.
» Que ne puis-je t’offrir les restes de mon sang !
» Opposant l’oriflamme aux drapeaux du Croissant,
» Jadis la France, aux bords d’où nous vient la lumière,
» Pour défendre un cercueil descendit la première ;
» Et peut-être bientôt aux mains de nos soldats,
» Usés par la victoire en plus de cent combats,
» Nos étendards iront dans la plaine olympique
» Blanchir leurs plis mouvans de sa poudre héroïque,
» Joindre une gloire à l’autre et des noms aussi beaux
» Aux grands noms que la Grèce inscrit sur ses tombeaux.
» La Grèce !  !  ! Ah ! que ton bras s’étende et la soutienne,
» Le lys n’a point cessé d’être la fleur chrétienne ;
» Au secours des chrétiens devance tous les Rois :
» Saint Louis décorait son glaive d’une croix,
» Et lorsqu’il succombait aux lieux où fut Carthage,
» De ce glaive sacré te léguait l’héritage. »

    Il dit, et balançant des lambeaux d’étendard,
On voit se ranimer, aux accens du vieillard,
Tous ces vivans débris de quarante batailles
Dont la foudre et le fer ont peuplé ces murailles :
Les vieux vainqueurs d’Arcole, autour de Charles dix,
Tendent leur main fidèle aux vainqueurs de Cadix.
Tout s’agite… Le dôme où pendent des armures
Mêle à l’airain tonnant ses belliqueux murmures.
On entend retentir les casques des héros ;
Et glissant à travers les couleurs des vitraux,
Le soleil, des hauteurs de la voûte azurée,
Darde ses longs rayons sur l’image adorée,
Comme si dans son vol quelque ange lumineux
Jetait au marbre-Roi sa couronne de feux.

    Ainsi se célébrait la fête de la France.
Ô Charle ! Et sur tes pas la divine Espérance
Veillant près d’un berceau dans ton royal séjour,
A mêlé son sourire aux pompes de ce jour.
Le fils de Caroline au fond du sanctuaire,
Car l’enfant d’un martyr devine la prière,
Vient demander au Ciel, pour prix de tes vertus,
De joindre aux tiens les jours que son père a perdus ;

Avec des cris joyeux la foule le contemple(1,
Et la fille des Rois, l’Orpheline du Temple,
S’incline et recommande, hélas ! au Dieu vivant,
Un trône par la mort visité si souvent.

    Ah ! qu’il veille ce Dieu sur un Roi juste et sage.
Nous avons vu la France inonder ton passage,
Quand nos yeux te suivaient dans ton brillant chemin
Aux traces des bienfaits échappés de ta main.
Voyage triomphal ! où la reconnaissance
Adorait Charles X et non pas sa puissance.
Tu fais de nous chérir le plus doux de tes soins,
Tu regardes d’en haut pour mieux voir nos besoins ;
Tes généreuses mains, à l’active industrie,
Dans le palais des Rois fondent une patrie.
Nos murs n’environt plus Athènes et les Césars,
Tu sais que ton Empire est celui des beaux-arts,
Et tu viens, visitant leur troupe réunie,
Féconder d’un regard les germes du génie,
Et parmi les talens mûris à sa clarté,
Ainsi qu’un astre heureux montrer la royauté(2.

    Poursuis une carrière en espoir si féconde.

Quand l’orage calmé rend le repos au monde,
Tempérant par l’amour tes pouvoirs absolus,
Ne sois pour l’Univers qu’un bon prince de plus.
Passager comme nous sur la terre où nous sommes,
Que ta gloire toujours soit d’être utile aux hommes,
Et grand par tes vertus, fais avec majesté
Du bonheur des Français ton immortalité !


Alexandre SOUMET.






NOTES.




1) Qu’il me soit permis de rappeler ici un hymne composé en l’honneur de Madame la Dauphine, et envoyé en 1810 à l’Académie des Jeux-Floraux ; la date de cette pièce de vers doit la recommander aux lecteurs.

LA JEUNE EXILÉE,
HYMNE À LA VIERGE,
COURONNÉ PAR L’ACADÉMIE DES JEUX-FLORAUX.




Ô Vierge ! astre pur du matin !
Tu vécus dans l’exil, tu connus les alarmes,
Et loin des rives du Jourdain
Le désert recueillit tes larmes.

Ainsi que toi, Vierge de paix,
On me bannit par un arrêt funeste ;
Ainsi que toi j’ai vu ce que j’aimais
Monter vers la voûte céleste.

Adieu, doux songes de l’espoir,
Bonheur d’un jour, grandeur héréditaire,
Vous avez disparu comme un rayon du soir :
L’orage a passé sur la terre.

Lieux où je reposai sur le sein maternel !
Je ne vous verrai plus ; mais mon âme attendrie,
Mon âme jusqu’au jour marqué par l’Éternel
Rêvera la douce patrie.

Heureuse la rose des champs
Qui, loin des vents jaloux, s’élève, se colore,
Et meurt une nuit de printemps
Aux bords des mêmes eaux qui la virent éclore.

Pour gémir sous un ciel nouveau,
Je pars fugitive colombe,
Je pars, et loin de son berceau
La fille de l’exil ira marquer sa tombe.

Là, j’attendrai que ma douleur
Me réunisse à tout ce que j’adore ;
Je voilerai mon front comme une jeune fleur
Qui se ferme le soir pour attendre l’aurore.




2) L’ouverture du Salon et celle du Musée Charles X, les plafonds des salles du Louvre et du Conseil-d’État, le monument de la barrière de l’Étoile, le quadrige et la statue qui doivent orner l’arc-de-triomphe de la place du Carrousel, les collections d’antiquités égyptiennes, grecques et romaines dont la France vient de s’enrichir, le tableau du Sacre, par Gérard, la Bataille de Bovines, d’Horace Vernet, et une foule de nouveaux chefs-d’œuvre exécutés par l’élite de nos peintres, attestent d’une manière éclatante la haute protection que Sa Majesté accorde aux artistes français. Nous ne devons pas oublier de dire que la plupart des travaux que nous venons de citer ont été entrepris sous la direction si active et si éclairée de M. le vicomte de La Rochefoucauld : on est sûr de rencontrer ce nom partout où les beaux-arts ont quelque illustration nouvelle à acquérir.


FIN.





IMPRIMERIE ANTHELME BOUCHER,
RUE DES BONS-ENFANS, N°. 34.