Le Cœur innombrable/Rhodocleia

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Le Cœur innombrableCalmann Lévy (p. 109-110).

RHODOCLEIA


Rhodocleia, penchée aux buissons du chemin,
Emplissait de feuillage et de haies sa corbeille,
Quand le berger Hylas lui a mordu la main
D’un baiser plus cuisant que le dard de l’abeille.

Elle a senti glisser jusqu’au fond de son cœur
L’aiguillon et le miel de la rude caresse,
Et les pas chancelants de plaisir et de peur
Elle a marché longtemps dans la luzerne épaisse.


Et quand elle est rentrée à la maison, le soir,
Son cœur était si lourd et si chaud dans sa gorge
Qu’elle a dû regagner sa couche sans s’asseoir
Autour du plat de noix, de châtaignes et d’orge.

Ce repas odorant qu’elle n’a pu manger
– Pensant que c’est ainsi que l’amour se révèle —
Rhodocleia qu’émut le baiser du berger
L’offre pieusement à Vénus immortelle…