Le Cabinet des fées/Tome 33/00

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AVERTISSEMENT
DE L’ÉDITEUR.

On attribue à Mademoiſelle de Lubert, Auteur des trois premiers Contes de ce Volume, la Tyrannie des Fées détruite, Ouvrage imprimé dans le cinquième Volume du Cabinet des Fées, ſous le nom de la Comteſſe d’Auneuil. Nous ne conoiſſions point cette Comteſſe d’Auneuil ; il n’en eſt fait aucune mention dans l’Hiſtoire Littéraire des Femmes célèbres. L’Abbé de la Porte, Auteur de cette Hiſtoire, y a recueilli avec le plus grand ſoin tout ce qui eſt ſorti de la plume des perſonnes du ſexe, & cette volumineuſe compilation contient, d’une manière très-étendue, des extraits de tous leurs Ouvrages ; Madame d’Auneuil n’y eſt pas même nommée.

L’Abbé Lenglet Dufreſnoy attribue à la même Madame d’Auneuil les Chevaliers errans & le Génie familier, Féerie imprimée dans le Cabinet des Fées, tom. VI. Mais il paroit que c’eſt une erreur, car il fait une ſeconde mention du même Ouvrage, pour l’attribuer à Madame d’Aulnoy. Au ſurplus, l’Abbé Lenglet Dufreſnoy ne donne aucun autre renſeignement ſur cette prétendue Madame d’Auneuil, de ſorte que ſon exiſtence nous paroit douteuſe.

L’Abbé de la Porte attribue à Mademoiſelle de Lubert la Tyrannie des Fées détruite, on la trouve au nombre des Ouvrages de cette Dame dans la France Littéraire, & nous ne douterions pas qu’elle n’en fût l’Auteur, ſans l’intervalle conſidérable qui ſe trouve entre cette production & les autres Ouvrages de Mademoiſelle de Lubert. La première édition que nous connoiſſons de la Tyrannie des Fées détruite eſt de 1710 ; elle avoit été précédée d’une édition dont fait mention l’Abbé Lenglet Dufreſnoy, qui étoit de la fin du ſiècle dernier, les autres Ouvrages de Mademoiſelle de Lubert ſont poſtérieurs de quarante ans, & quoique nous ne conoiſſions pas préciſément l’âge de cette Auteur, morte à Paris depuis peu d’années, nous croyons difficilement qu’elle ait pu mettre au jour des Ouvrages dès 1700. En ſuppoſant que Mademoiſelle de Lubert fût alors âgée de vingt ans, elle en auroit eu plus de ſoixante lorſqu’elle a publié ſes autres Contes de Fées, choſe poſſible à la rigueur, mais peu vraiſemblable.

Quoiqu’il en ſoit, nous cédons au déſir de pluſieurs perſonnes en imprimant quelques Contes de Mademoiſelle de Lubert. On nous a reproché d’avoir trop négligé les productions d’une Demoiſelle qui a beaucoup écrit dans le genre de la Féerie, & ſi nous perſiſtons à penſer que le merveilleux dont elle a exceſſivement chargé ſes Contes, eſt trop voiſin de l’extravagance, nous ne pouvons, d’un autre côté, nous refuſer à ſatisfaire les Amateurs de ce genre, en leur donnant quelques-uns de ſes Ouvrages, À tout prendre néanmoins, les Contes de Mademoiſelle de Lubert ne ſont pas dépourvus de toute eſpèce de mérite ; ſon imagination gaie juſqu’à la folie eſt ſouvent agréable, & ſi l’on ne trouve dans ſes Contes rien qui puiſſe inſtruire ni intéreſſer le cœur, il faut convenir qu’ils ſont propres à amuſer l’eſprit, & c’eſt un des objets de ce genre de production.

Mademoiſelle de Lubert a fait imprimer huit Contes ; ſavoir : Tecſerion ou Sec & Noir ; la Princeſſe Coque-d’Œuf & le Prince Bonbon ; Lionnette & Coquerico ; le Prince Glacé & la Princeſſe Étincelante ; Blanche-Roſe ; la Princeſſe Senſible & le Prince Typhon ; la Princeſſe Couleur-de-roſe & le Prince Céladon ; la Princeſſe Camion. Nous avons choiſi trois de ces Contes qui nous ont paru les plus amuſans : nous croyons, par ce moyen, avoir ſatisfait pleinement ceux qui ont regretté de n’en avoir trouvé aucun dans ce Recueil, & n’avoir pas mérité d’ailleurs le reproche d’avoir groſſi notre Collection d’une multitude de Contes inſipides.

Mademoiſelle de Lubert vivoit à Paris fort retirée ; nous n’avons pu ſavoir la date de ſa naiſſance ; nous avons appris ſeulement qu’elle eſt morte il y a trois ou quatre ans dans un âge très-avancé. Si elle eſt Auteur de la Tyrannie des Fées détruite, imprimée avant 1700 ; en lui ſuppoſant vingt ans lorſque cet Ouvrage a paru, elle eſt morte preſque centenaire[1].


On attribue le Conte de Nourjahad qui termine ce Volume, à Madame la Comteſſe de S***. C’eſt un Roman moral dont le cadre nous paroît neuf, intéreſſant & d’une invention heureuſe ; nous croyons que nos Lecteurs nous ſauront gré d’en avoir orné notre Collection. Cet Ouvrage parut d’abord dans les Mercures d’une manière moins étendue, l’Auteur le fit imprimer enſuite tel que nous le donnons. Nous avons préféré cette dernière édition qui nous a paru plus ſoignée & plus intéreſſante.

[Ornement à insérer]
  1. Nous apprenons, depuis la rédaction de cet Avertiſſement, que Mademoiſelle de Lubert n’eſt qu’Editrice de la Tyramnie des Fées détruite ; mais l’édition qu’elle en a donnée en 1756, étoit accompagnée de changemens & d’augmentations ſi conſidérables, qu’elle en a fait, pour ainſi dire, un nouvel Ouvrage. Elle y a ajouté pluſieurs Contes qui ſont entièrement de ſa compoſition, entr’autres le Prince Curieux. La Tyrannie des Fées, que nous avons imprimée, tome VI du Cabinet des Fées, eſt conforme à l'édition de 1756.