Le Capital/Au citoyen Maurice Le Châtre
Au citoyen Maurice La Châtre
Cher citoyen,
J’applaudis à votre idée de publier la traduction de « Das Kapital » en livraisons périodiques. Sous cette forme l’ouvrage sera plus accessible à la classe ouvrière et pour moi cette considération l’emporte sur toute autre.
Voilà le beau côté de votre médaille, mais en voici le revers : La méthode d’analyse que j’ai employée et qui n’avait pas encore été appliquée aux sujets économiques, rend assez ardue la lecture des premiers chapitres, et il est à craindre que le public français toujours impatient de conclure, avide de connaître le rapport des principes généraux avec les questions immédiates qui le passionnent, ne se rebute parce qu’il n’aura pu tout d’abord passer outre.
C’est là un désavantage contre lequel je ne puis rien si ce n’est toutefois prévenir et prémunir les lecteurs soucieux de vérité. Il n’y a pas de route royale pour la science et ceux-là seulement ont chance d’arriver à ses sommets lumineux qui ne craignent pas de se fatiguer à gravir ses sentiers escarpés.
Recevez, cher citoyen, l’assurance de mes sentiments dévoués.