Le Château de Bonaguil en Agenais/Texte entier

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Imprimerie et Lithographie Agenaise (p. Ill.).


LE
CHÂTEAU DE BONAGUIL
EN AGENAIS

DESCRIPTION ET HISTOIRE
PAR
PHILIPPE LAUZUN
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES, LETTRES ET ARTS D’AGEN,
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ARCHÉOLOGIE, ETC.

TROISIÈME ÉDITION
Entièrement refondue et augmentée
AGEN
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE AGENAISES

1897
Tous droits réservés
TIRÉ À MILLE EXEMPLAIRES

Toute reproduction, méme partielle, de cet ouvrage, est rigoureusement
interdite par l’auteur
.

AVANT-PROPOS

Lorsque, il y a longtemps déjà, je visitai pour la première fois le château de Bonaguil, ce remarquable spécimen de l’architecture militaire française au moyen-âge était à peine connu. Les gens seules du pays et des localités avoisinantes en parlaient comme d’une merveille. Mais leurs dires trouvaient au loin peu d’échos.

On prétend que lorsque Mérimée fut chargé, en 1835, par le gouvernement de Juillet d’inspecter les monuments historiques du Midi de la France, il ne rencontra personne à Villeneuve-sur-Lot, chef-lieu cependant de l’arrondissement, qui pût lui indiquer la route de Bonaguil.

C’est que, il faut bien le dire, cette route n’existait pas, du moins jusqu’au château. Et je me souviens que, lors de ma première visite, je dus avec mes compagnons de voyage descendre de voiture dans la vallée de la Thèze et suivre, pendant plus de trois kilomètres, un chemin de piétons, dont les côtés, très pittoresques il est vrai, ne parvenaient point à nous céler le déplorable état.

L’ouverture de la voie ferrée d’Agen à Périgueux, toute récente alors, et, depuis, la création de nouvelles routes ont singulièrement rapproché les distances, si bien qu’il est fort possible aujourd’hui d’accomplir, dans une même journée et sans fatigue aucune, cette charmante excursion.

Séduit par la grandiose beauté des ruines qui se dressaient devant moi, je n’eus qu’un désir, celui d’en connaître l’histoire ; puis, une fois connue, de faire part du résultat de mes recherches à tous ceux qui avaient le culte du passé. J’y fus amené par un ensemble de circonstances, qu’on me permettra de rappeler sommairement ici.

Deux écrivains seulement avaient, jusqu’à ce jour, parlé de Bonaguil. Il est vrai que dans ses Essais statistiques et historiques sur le 4e arrondissement de Lot-et-Garonne, M. Auguste Cassany-Mazet ne cite le château que pour en raconter la légende, ne faisant allusion ni à son style, ni à son histoire[1]. Beaucoup plus importante au contraire est la page que venait de lui consacrer Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire d’architecture[2]. Mais encore faut-il, ainsi qu’on va le voir, ne la lire qu’avec la plus extrême circonspection.

J’aurais été impardonnable si, me faisant illusion sur ma complète ignorance alors en matière architectonique, je n’eusse considéré comme un impérieux devoir de demander une audience à Viollet-le-Duc. Elle me fut accordée. Je frappai donc, non sans quelque émotion, à la porte de son hôtel, rue de Laval prolongée ; et, après lui avoir exposé le but de ma visite et exprimé le désir que j’avais de faire sortir de l’oubli un des plus beaux châteaux de la région que j’habitais, je gravai profondément dans ma mémoire les précieux conseils que l’illustre maître voulut bien me donner.

Présenter le château de Bonaguil comme un des premiers et des plus intéressants monuments de l’architecture militaire en France dans la seconde moitié du XVe siècle, et insister sur ce point qu’il fut bâti d’un seul jet, dans un très court espace de temps, sous l’empire d’idées nouvelles en matière de fortification défensive, telle est la thèse que Viollet-le-Duc m’engagea vivement à développer, me fournissant de nombreuses preuves à l’appui, et que lui-même du reste avait soutenue, en décrivant sommairement ce même château au tome III de son Dictionnaire d’Architecture.

Quant au plan qu’il en donne et que je lui demandai la permission de reproduire dans ma monographie, il m’avoua en toute sincérité qu’il était absolument défectueux. L’architecte de Bordeaux, homme distingué cependant, qu’il avait chargé du soin de le relever, s’en était acquitté avec beaucoup trop de précipitation, et, dans son dessin, avait commis de grossières erreurs[3]. On comprend quels durent être les regrets de Viollet-le-Duc, lorsque, son volume imprimé, il vint pour la première fois à Bonaguil et constata lui-même combien le plan qu’il avait publié était inexact. Aussi me conseilla-t-il de ne pas m’en servir, et, si je le pouvais, de le relever à nouveau.

De l’histoire du château, sur laquelle je me permis également de l’interroger, il me déclara qu’il n’en savait pas le premier mot. Tout ce qu’il put me dire, en me congédiant, c’est que, épris de plus en plus de ces merveilleuses ruines, alors en vente, il avait été sur le point de les acheter et de devenir ainsi le dernier châtelain de Bonaguil. Mais la distance de Paris ainsi que ses multiples occupations l’avaient empêché à son très grand regret de donner suite à ce désir.

Il me restait à écrire, sinon l’histoire proprement dite du château, du moins celle de ses seigneurs.

En dehors de la famille de Fumel qui le possédait au moment de la Révolution, nul encore ne put m’apprendre quels avaient été autrefois les propriétaires de Bonaguil. Une ligne de l’Inventaire-sommaire des Archives départementales de Lot-et-Garonne, dont les premières feuilles étaient à peine imprimées, relatant un acte de justice passé pour Antoine de Roquefeuil, seigneur de Bonaguil[4], me mit sur la bonne voie. J’appris en effet bientôt que les Roquefeuil de Caslelnau, en Quercy, avaient, les premiers, possédé la seigneurie de Bonaguil et qu’en outre Monsieur Léopold Limayrac, alors conseiller général du canton de Castelnau-de-Monratier, amassait les matériaux nécessaires pour écrire l’histoire de cette dernière baronnie. Je me mis en rapports avec lui ; et ce fut avec une parfaite bonne grâce qu’il me communiqua toutes les pièces, trouvées jusque là par lui, qui confirmaient en tous points mes premiers renseignements.

Muni de ce mince bagage archéologique et historique, je n’hésitai pas à publier aussitôt ma première édition (1867), dont le but, je l’ai déjà dit, était de faire connaître au plus vite le château de Bonaguil. Ce but fut pleinement atteint. Depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui les visiteurs n’ont cessé d’affluer à Bonaguil.

Les minutieuses recherches que je fis dans la suite, aussi bien à Paris, à la Bibliothèque nationale, au Cabinet des Titres, aux Archives nationales, etc., que dans la plupart des Archives départementales de la région, à Agen et à Bordeaux notamment, me permirent de réunir peu à peu, sinon de nombreux, du moins d’intéressants documents relatifs à l’histoire de Bonaguil. J’avais en outre toujours le regret d’avoir inséré à la fin de ma première monographie, et cela malgré son avis, quoique cependant avec son autorisation, le plan si défectueux de Viollet-le-Duc. Je n’attendais qu’une occasion pour le remplacer. Elle se présenta en 1882.

À cette époque, en effet, après une visite à Bonaguil, Monsieur Gout, architecte du Gouvernement, obtint de la Commission des Monuments Historiques une allocation de dix mille francs, en vue, non pas de restaurer, mais de nettoyer simplement le château et de consolider les parties les plus en ruines. Les travaux furent rapidement menés, grâce au zèle et à l’intelligente activité de son collaborateur Monsieur S. Buzy, architecte, qui consacra trois mois entiers à effectuer ces réparations, en même temps qu’avec le plus grand soin il relevait pour la première fois le plan du château.

Revu et terminé par M. P. Gout, ce plan, dont l’original est actuellement déposé dans les cartons de la Commission des Monuments Historiques à Paris, me fut très obligeamment prêté par ses auteurs, afin que je pusse en obtenir une réduction photographique. J’en profitai pour refaire en entier mon premier travail, et, à l’appui d’une description archéologique complète du château, pour l’annexer à la fin de ma deuxième édition (1884). On a pu se rendre facilement compte, depuis, combien y sont fidèlement reproduits les moindres détails, qui, au point de vue architectonique, peuvent présenter quelque intérêt.

Ne pouvant faire mieux, hommage que je me plais à rendre une fois de plus à Messieurs Gout et Buzy, c’est ce plan que j’insère aujourd’hui à la fin de ma troisième édition.

Cette édition s’imposait. La deuxième est épuisée depuis plus d’un an ; et le château de Bonaguil ne cesse d’être le rendez-vous des excursionnistes, comme aussi un lieu de pèlerinage, toujours suivi, pour les archéologues et les artistes. Les générations nouvelles auront-elles enfin plus de goût, plus de respect que les précédentes pour nos vieux monuments, contemporains de nos gloires nationales ? J’en ai le ferme espoir, les efforts, tentés depuis plus de cinquante ans par tant de maîtres illustres, ne pouvant, ne devant pas rester plus longtemps infructueux.

Quand Monsieur L. Limayrac me prêta si obligeamment ses premières notes, il se demandait s’il aurait jamais le temps de terminer le volumineux ouvrage qu’il avait entrepris. Député du Lot à l’Assemblée Nationale de 1871, il ne put que bien après, alors que les déboires de la politique l’eurent rendu à la vie privée, continuer ses recherches sur la baronnie de Caslelnau. Il a eu, avant de mourir, la consolation de les mener à bonne fin. Sa remarquable étude sur la baronnie de Castelnau de Monratier[5], très fidèle, très documentée, me permet d’ajouter aujourd’hui quelques nouvelles pages à l’histoire de Bonaguil. Le récit du siège notamment, ou plutôt de la prise de possession à main armée, que ce château eût à soutenir en 1656 et que nous ignorions tous deux avant 1883, offrira un intérêt de plus à la partie historique.

En tête de ce nouveau travail, je crois devoir reproduire également les deux héliogravures de Monsieur P. Dujardin, qui ornaient ma deuxième édition. On ne saurait trop en effet admirer ces majestueuses ruines, qu’elles soient vues de la vallée, à trois cents mètres environ au sud-ouest, alors qu’elles présentent au soleil couchant les reflets dorés de leurs tours principales, ou qu’on les contemple du côté du sud, dressant dans l’azur du ciel, avec le donjon au milieu, leurs têtes découronnées, en même temps qu’elles font ressortir les particularités principales de leur nouveau système de défense.

Mon dernier mot sera pour remercier mes lecteurs, qui, depuis trente ans, n’ont pas craint de me prendre comme guide dans leurs promenades à travers ce dédale, souvent inextricable, de salles, de tours, de fossés, de courtines, mettant sous leur sauvegarde, ou plutôt sous celle de leurs fils, cette troisième édition, qui, très certainement, sera la dernière.

Valence-sur-Baïse, 19 mars 1897.
LE

CHÂTEAU DE BONAGUIL
LE

CHÂTEAU DE BONAGUIL

I
TOPOGRAPHIE

Situé à l’extrême limite du département de Lot-et-Garonne, dont il fait partie, et de celui du Lot, le château de Bonaguil appartient au canton de Fumel. Au nord-est de cette dernière ville, il en est éloigné de six kilomètres à vol d’oiseau. Il dépend, avec l’humble village dont il domine superbement les misérables huttes, recouvertes de chaume ou de pierres plates du pays, de la commune de Saint-Front. Le château seul, ainsi que nous le verrons, a été acheté par la commune de Fumel.


Bonaguil est aujourd’hui le centre d’une paroisse de deux cents âmes environ, comprise dans le diocèse d’Agen. Longtemps dépourvue de titulaire, elle a été maintes fois desservie par le curé de Couvert, petit hameau au bas duquel on passe, lorsque l’on prend la route de la vallée, et qui se trouve dans le département du Lot, à quinze cents mètres avant d’arriver au château.

Deux routes mènent actuellement de Fumel à Bonaguil. L’une, la plus longue, mais jusqu’à ce jour la plus carrossable, ne sort pas du département de Lot-et-Garonne. Elle se dirige en quittant Fumel vers le nord, suit pendant sept kilomètres le faîte des coteaux qui bordent la rive gauche de la jolie vallée de la Lémance, bifurque vers l’est à la jonction du chemin de Las Treilles et de Saint-Front, et descend, pendant près de trois kilomètres au sud, une gorge, boisée de pins, de chênes, de noyers, de châtaigniers séculaires, qui la font des plus pittoresques. Elle aboutit directement à la cour d’honneur du château.

L’autre, plus courte de trois kilomètres, beaucoup plus riante et que nous recommandons aux visiteurs de prendre de préférence, malgré son état encore inachevé, suit, toujours en sortant de Fumel, la route de Cahors jusqu’à Condat, remonte en cet endroit la vallée de la Thèze jusqu’un peu au delà de la limite du département du Lot, pénètre dans ce département durant trois kilomètres, passe sous le village de Couvert aux pierres rougies par le temps, et arrive au bas du château do Bonaguil, où elle rentre dans le département de Lot-et-Garonne. Car, bâti sur un haut promontoire, le château est comme le sommet d’un cône renversé dont les deux côtés, formés par les deux ruisseaux qui se joignent à ses pieds, dessinent la limite de ce département.

Bien que son histoire et surtout celle de ses seigneurs se rattachent plus particulièrement aux annales du Quercy et du Rouergue, adminislrativemcnt Bonaguil a de tout temps appartenu à la Sénéchaussée de l’Agenais. Les plus vieux titres l’indiquent, et Expilly écrit au xviiie siècle que « Bonaguil forme une paroisse et une juridiction comprise en « Guienne, dans l’Agenais, diocèse et élection d’Agen, Parlement et Intendance de Bordeaux. » On y comptait, à cette époque, quarante-six feux[6].

L’orthographe du nom de Bonaguil se présente dans les anciens actes avec de nombreuses variantes. C’est par les noms de Bonegails, Bonneguil, Bonnaguil qu’il est désigné, quelquefois aussi par ceux de Bonnanguille, de Bourneguil et de Bornequil[7].

Le pays est des plus pittoresques. Le château s’élève à la presque extrémité d’une étroite vallée, encaissée dans toute sa longueur entre de sombres coteaux, très larges à leur base, arrondis à leur sommet, que les habitants du pays désignent sous le nom de Montagnes de Bonaguil et dont les chaînes se continuent au loin dans la direction du Périgord et du Quercy. Le bas est tapissé de vignes. Les noyers et les châtaigniers vers le milieu, les chênes, les buis et les bruyères au sommet, ombragent partout ce pays, dont la terre rouge, couverte le plus souvent de grosses pierres, offre un aspect inhospitalier et sauvage. Le minerai s’y trouve avec assez d’abondance ; et on voyait, il y a peu de temps encore, dans les clairières, les paysans le recueillir, soit au moyen de la bêche, soit par des puits peu profonds. Aujourd’hui que l’industrie du fer chôme et que, des nombreuses forges de la contrée, celles de Fumel et de Cuzorn sont les seules allumées, cette ancienne source de richesse du pays n’est plus exploitée par les habitants avec le même succès.

En revanche, la culture agricole y a pris, depuis quelques années, un sensible développement. De nombreux champs, naguère incultes, ont été défrichés sur les plus basses pentes des coteaux. Quant au lit de la vallée, il est très fertile, arrosé par le Riou de Bonaguil, petit ruisseau qui prend sa source à droite et à gauche du château et dont les eaux limpides et argentées se déroulent en gracieux festons pour aller alimenter la rivière de la Thèze, affluent du Lot à Condat.

GÉOLOGIE ET BOTANIQUE

Notre devoir, en terminant ces quelques notions sur la topographie de la contrée, est d’appeler l’attention des spécialistes sur la richesse géologique de ce coin nord-est du département. C’est à Fumel, à trente mètres environ, au sud de la chaussée, qu’apparaissent pour la première fois, dans le Lot-et-Garonne, les terrains jurassiques, par l’étage kimmeridgien, un des derniers étages de la période secondaire[8]. C’est lui qui, dans sa partie supérieure, présente ces bancs de ciment de qualité exceptionnelle, que l’on exploite avec tant de succès à Condat, à Libos, à Sauveterre de Fumel et à Blanquefort. Immédiatement au-dessus et beaucoup plus étendus cette fois, on rencontre les calcaires crétacés, toujours de l’époque secondaire, caractérisés par l’étage cénomanien, qui, bien que faisant partie des terrains dits crétacés supérieurs, se superpose directement ici à l’étage kimmeridgien, dernier étage des terrains jurassiques. Ces calcaires crétacés, qui sont exploités également à Sauveterre et aux environs et qui fournissent d’excellente chaux, se retrouvent partout très puissants dans le canton de Fumel, sauf, dit M. Combes, dans la commune de Condesaygues. Ils existent sûrement à Bonaguil, à quelque profondeur au-dessous du château. Il est même permis de se demander si ce n’est pas sur un de ces calcaires crétacés, plutôt que sur un des calcaires de l’époque tertiaire (Éocène moyen ou miocène), que reposent directement les assises du château. On sait que l’étage cénomanien se distingue par ses alternances de grès, d’argile, de lignites et par son calcaire à couleur jaune et grise, tantôt marneux et tantôt aréneux[9] Du reste, dans ses cartes hydro-géologiques du département de Lot-et-Garonne, M. Lacroix, ancien ingénieur en chef du département (1867-68), n’hésite pas, dans la coupe D de sa deuxième feuille, à placer immédiatement le château de Bonaguil sur le terrain crétacé (étage cénomanien). Le coteau le plus rapproché qui le domine au nord est à l’altitude de 202 mètres.

Enfin, nous croyons utile de prévenir les botanistes qu’ils trouveront, soit à Bonaguil même, soit le long de la vallée de la Thèze et du riou de Bonaguil, ou encore dans la partie boisée qui longe si piltoresquement la route des coteaux, des plantes qui ne naissent que dans cette contrée du département de Lot-et-Garonne, ce qui dénote une fois de plus chez elle, au point de vue géologique, une importance toute particulière[10].

II
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Tel qu’il se présente dans ses grandes lignes et que nous le voyons encore aujourd’hui, le château de Bonaguil date de la seconde moitié du xve siècle. C’était l’opinion de Viollet-le-Duc, basée autant sur le caractère architectural de ses diverses constructions que sur l’ensemble de ses dispositions défensives. Il est incontestable, en effet, que le but de son architecte a été de le défendre par et contre les armes à feu, principalement l’artillerie, dont les progrès incessants allaient amener en architecture militaire toute une révolution.

Mais il existait un château de Bonaguil, bien avant cette époque.

Déjà, dans notre deuxième édition nous le taisions pressentir. Les actes d’hommage rendus, tout le cours du xve siècle, par les seigneurs de Roquefeuil-Blanquefort, s’ils ne confirment pas l’existence du château proprement dit, relatent du moins celle d’une seigneurie de Bonaguil.

L’acte si important, récemment découvert, de la prise de possession de l’Agenais, en 1271, par le sénéchal de Carcassonne au nom du Roi de France est venu jeter un jour nouveau sur cette question obscure. Il mentionne, en effet, pour le baillage de Tournon, à côté des châteaux de l’Estelle, de Fumel, de Cuzorn, de Blanquefort, de Saint-Front et de Las Treilles, le château de Bonaguil, « Castrum de Bonegails » [11]

Ce premier château de Bonaguil devait être à cette époque nouvellement construit ; car, dans la série des actes d’hommages, rendus, douze ans auparavant, au comte de Toulouse, Alphonse de Poitiers, par les principaux seigneurs de l’Agenais (1259), il n’est point cité. Il est vrai que cette série ne donne pas un dénombrement complet de toutes les seigneuries de la région, beaucoup de hauts barons de l’Agenais, possesseurs d’autres terres dans les régions circonvoisines, ayant pu rendre hommage ailleurs que dans ce pays. Néanmoins il est permis de conclure qu’une construction militaire, refuge, motte féodale, tour de garde, château, fut élevée ou existait même déjà à Bonaguil dès le milieu du xiie siècle.

Maintenant, est-il possible de déterminer exactement toutes les parties du château actuel qui remontent à cette lointaine époque ? Nous ne le pensons pas. Bien téméraire en effet serait celui qui, se basant sur la différence des appareils, des assises, des liaisons, des reprises, des mortiers, prétendrait reconnaître partout les plus anciens fragments du château et affirmer qu’ils datent de telle ou telle époque.

Seul, le donjon semble faire exception. Car, si le haut, remanié et fortifié, porte tous les caractères du xve siècle, il est impossible, ainsi que nous le prouverons plus au long quand, dans notre description détaillée de chaque pièce, nous serons arrivé à ce corps de logis, de ne pas attribuer à ses assises inférieures, à la presque totalité de sa façade extérieure orientale et à toute la partie nord, représentée sur notre plan par la salle k’’, une date beaucoup plus reculée. Là se voit, en effet, inébranlable, à côté de bien d’autres preuves que nous énumérerons plus tard, ce bel appareil moyen, si fort usité en France du xiiie jusqu’au milieu du xive siècle, dont les solides cubes de pierre, de forme rectangulaire presque carrée, contrastent si étrangement avec l’appareil de la courtine e, qui relie le donjon à la grosse tour et à toute la partie occidentale.

Partant de là, faut-il voir dans toute la partie du levant, comme d’aucuns l’ont prétendu, c’est-à-dire dans le corps de logis occupé sur notre plan par les deux longues salles j et j’, les deux tours j1 et j2 et la cour h, un premier château, le château du xiiie siècle, qu’aurait abrité et défendu le donjon placé au-dessus ? Bien que là encore on retrouve dans les fondements, sur tout le parcours du mur j et j’ qui sépare ces salles de la cour h, le même appareil bien caractéristique du xiiie siècle, toute cette partie du levant du château, moins bien construite et moins bien appareillée, nous paraît au contraire, sinon contemporaine de tout le corps de logis occidental, comme semble l’indiquer l’élégante fenêtre à meneaux du premier étage de la salle j’, pareille à celles de la grosse tour, peut-être même postérieure. En tous cas, la tour j’, bâtie en mauvais appareil et même en simple moellon, accuse tous les caractères du xvie siècle, c’est-à-dire, au point de vue de la construction, de l’époque de décadence. Il en est de même des trois salles z, z’ et z’’, ajoutées après coup, postérieures par suite au reste du château.

Nous dirons donc, pour nous résumer sur cette question controversée des diverses époques de construction de Bonaguil : 1o qu’il existait un château de Bonaguil en 1271 ; 2o que de ce château, sur lequel l’histoire ne nous fournit aucun renseignement, il ne reste plus que de rares débris, à peine visibles, sauf toutefois la majeure partie du donjon ; 3o que ce premier ouvrage fut remanié au xive siècle, puis complètement englobé au xve siècle dans de nouvelles et vastes constructions ; 4o enfin, que le château actuel, moins quelques raccords postérieurs, du xvie siècle, fut bâti d’un seul jet, dans un laps de temps relativement très court, conformément à l’opinion de Viollet-le-Duc, laquelle concorde avec les documents historiques que nous reproduirons au chapitre suivant, notamment le passage très-important de la vieille chronique du xvie siècle, retrouvée par M. L. Limayrac, et d’après lequel aucun doute ne saurait plusexister.


Au xve siècle, en effet, ainsi que l’explique si magistralement l’auteur du Dictionnaire raisonné de l’architecture française au moyen-âge, un changement complet s’opère dans la manière de bâtir les châteaux et de les protéger, changement que Bonaguil, tant par son système de défense que par la méthode raisonnée qui a présidé à son élévation, fait parfaitement comprendre. Au dire du savant archéologue, il présente le type le plus parfait que nous possédions en France de ce genre de construction[12]

La fin du xiie et principalement le commencement du xiie siècle furent la grande époque des châteaux féodaux, celle où les hauts barons, s’érigeant partout en maîtres indépendants, élevèrent ces magnifiques demeures, qui aux qualités premières de forteresses très difficiles à prendre joignaient souvent celles de grandioses résidences. Les châteaux de Coucy, de Montargis dans le Nord, ceux de Chalusset, de Najac, dans le Centre, etc., en offrent les exemples les plus frappants.

Jusqu’à ce moment, il est difficile d’assigner une date précise aux constructions plus anciennes, du moins en ce qui concerne notre région du Sud-Ouest. Car si Viollet-le-Duc et avant lui M. de Caumont, dans leurs descriptions des châteaux d’Arqués, de la Roche-Guyon et du Château-Gaillard, les présentent comme des spécimens de l’architecture militaire du xie et du xiies, faisant remonter leur origine et leur système de défense aux invasions Normandes, ils ne citent aucun monument de cette époque sur le sol de la Guienne et de la Gascogne.

Dans son magnifique ouvrage, La Guienne militaire, M. Léo Drouyn, reprenant la question, n’ose guère se prononcer, lui non plus, avant le milieu du xiiie siècle. Il nous décrit bien dans sa remarquable Introduction une série d’ouvrages défensifs, refuges, mottes, retranchements cnlourés de palissades, qui tiennent beaucoup plus du camp romain ou des anciennes villas gallo-romaines que du château franc ou normand, et qui constituent, à n’en pas douter, dans nos régions les premiers châteaux-forts des époques mérovingienne et carolingienne. Mais l’absence de documents, comme le manque de jalons, l’empêchent avec juste raison de se prononcer sur la date exacte de leur première existence.

En ce qui concerne l’histoire des châteaux de l’Agenais au xiiie siècle, le plus ancien et le plus précieux document est la série d’actes d’hommages, déjà signalée par nous, rendus, en 1259, à Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse. Le rôle en parchemin de dix mètres de longueur, conservé aux Archives Nationales, à Paris, donne la mention de soixante-un châteaux-forts, chiffre qui s’augmente de près du double dans le Saisimentum et les hommages postérieurs, rendus en 1286-1287 au roi d’Angleterre. Si bien qu’on peut affirmer qu’il y avait en Agenais, à la fin du xiiie siècle, une centaine de châteaux-forts.

Mais quelles dispositions présentaient-ils ? Sur quel plan étaient-ils bâtis ? Quels modes particuliers de défense offraient-ils aux assaillants ? S’il en reste encore quelques-uns debout, ruinés en grande partie ou remaniés du tout au tout, plus de la moitié a été complètement rasée. Il est donc bien difficile aujourd’hui de les reconstituer et de préciser[13],

Certes, on peut affirmer que les plus anciens, élevés en plaine, sur les bords des rivières et que les pentes abruptes des rochers ne gênaient en rien, affectaient la forme quadrangulaire, forme qui remontait à la période romaine, avec quatre tours d’angle, ou plus encore sur le pourtour des courtines, si le besoin s’en faisait sentir. Dans la Gironde, les châteaux de Budos, de Villandraut, de Roquetaillade, nés avec le xive siècle, sont de véritables modèles de ce genre de construction[14].

Peu de châteaux de l’Agenais présentent cette forme quadrangulairo. Les principaux sont l’ancien château de Nérac[15] et ceux de Duras, de Caslelnoubel, de Gahuzac, d’Escandaillac. Encore ne datent-ils que de la fin du xive ou même du commencement du xve siècle. En revanche, les châteaux-forts de Sauveterre[16], de Blanquefort, de Fumel, de Montpezat, de Madaillan[17], de Clermont, de Caumont, de Montgaillard, de Xaintrailles[18], etc., dont quelques-uns, plus ou moins ruinés, sont encore debout, mais dont beaucoup ont disparu, et qui dataient presque tous, ainsi que nous l’apprend l’acte précité de 1259, du milieu du xiiie siècle, offraient les formes les plus diverses, soumis qu’ils étaient aux exigences du terrain sur lequel ils reposaient et forcés par suite d’en adopter les capricieux contours.

Tout différents au contraire se présentaient sur le sol Gas-

con, à la fin de ce même xiiie siècle, à l’époque où surgissaient de tous côtés ces villes neuves, désignées depuis sous le nom de bastides, ces châteaux de forme particulière, ignorés de MM. de Caumont et de Viollet-le-Duc, et qu’un des premiers, croyons-nous, nous avons signalés sous le nom générique de Châteaux Gascons[19]. Tous sur plan rectangulaire, ils ne renferment à l’intérieur qu’un vaste corps de logis, une seule grande pièce, partagée quelquefois en deux par un mur de refend, hermétiquement fermée au rez de chaussée, sauf la porte cintrée très haute, éclairée au premier étage par des meurtrières en croix pattée et ajourée seulement au deuxième par d’élégantes fenêtres géminées à arcatures trilobées. Deux tours d’angle carrées, situées à leurs extrémités soit diagonalement, soit sur la même façade, défendent cescurieuses petites forteresses, échelonnées de part et d’autre de la frontière de l’Armagnac et du Condomois, depuis la vallée du Gers, à l’est, jusqu’aux Landes, à l’ouest, la plupart datées (1270-1290) et qui avaient pour objectif de surveiller la marche des troupes en terrain ennemi, ne servant guère au début que de corps de garde et de postes d’observation.

Ce genre de constructions militaires, tout à fait spécial à la frontière Armagnacaise, devient de plus en plus rare au fur et à mesure qu’on s’en éloigne. Vers le sud, dans la région Pyrénéenne, le type est différent. Donjon carré sur le milieu, dominant l’enceinte rectangulaire et flanqué de tours d’angle également carrées, tel est le genre qu’offrent, vers le commencement du xive siècle, les châteaux de Montespan, de Lespugue, de Beaucens, de Mauvezin, etc.[20]. Tandis que, au nord, sur les bords de la Garonne, de la Gironde, du Drot, de la Dordogne, du Lot, nous retrouvons le type des grands châteaux féodaux, tels que Madaillan, Montpezat, Dolmayrac, Caumont, Langoiran, Duras, Beynac, etc., qui se rapprochent le plus possible, à cette époque, de celui des autres châteaux de France, dont le plus grandiose, on le sait, est celui de Pierrefonds (1390-1420).

Nous ne passerons pas en revue, dans ce rapide exposé, les moyens si nombreux et si divers d’attaque et de défense, employés au cours de ces siècles guerriers du moyen-âge. Ce sujet a été traité d’une façon trop magistrale par MM. de Caumont, Viollet-le-Duc, Quicherat, pour que nous ayons la prétention de rien ajouter après eux. En décrivant les diverses parties du château, nous nous appliquerons d’ailleurs à faire ressortir l’importance des innovations du moment. Qu’il nous suffise de dire ici que le grand mouvement national de la première moitié du xve siècle, dont le résultat fut l’expulsion définitive des Anglais, arrêta un moment le développement de l’architecture militaire en France, la noblesse préférant alors combattre en plein champ qu’abritée derrière les remparts de ses forteresses. Aussi notre pays ne possède-t-il que peu de châteaux bâtis à cette époque.

Il fallut le retour à une période relativement plus calme et surtout une nouvelle adaptation des armes à feu, pour permettre aux hauts barons de réparer les brèches que le temps, plus que les Anglais peut-être, avait faites à leurs demeures seigneuriales, et leur ouvrir les yeux sur les dangers quelles avaient désormais à courir.

L’artillerie, en effet, dont la première apparition en France date de la bataille de Crécy, avait sensiblement progressé. Employée tout d’abord en rase campagne, la royauté, et avec elle, les communes se l’approprièrent bientôt, comprenant qu’elles pouvaient s’en servir utilement contre les donjons détestés des seigneurs. Ce n’est que lorsque ces derniers, au cours de la Ligue du Bien public notamment, virent peu à peu tomber ces courtines qui les avaient abrités si longtemps, qu’ils se rendirent à l’évidence et cherchèrent à se servir à leur tour des nouveaux engins comme moyen de défense[21]

Les dernières luttes de la féodalité expirante contre la Royauté, ou bien une querelle de seigneur à seigneur, ou encore un différend entre baron et vassaux révoltés, furent les seules causes qui firent surgir de terre les quelques forteresses de cette période. C’est précisément alors, et pour ce dernier motif, que fut construit le château de Bonaguil.

Ainsi que nous l’avons écrit, il offre le type, rare en France, du château bâti d’une seule venue. L’absence de raccords dans toute la partie occidentale, l’emploi du même appareil et du même mortier, les assises régulières de ses murailles, la même épaisseur de ses tours d’angle, aussi bien à l’est qu’à l’ouest, sauf bien entendu la grosse tour beaucoup plus importante, les deux lignes de meurtrières à feux rasants, tant celle des tours que celle plus basse des boulevards, qui suivent toutes deux parallèlement la déclivité du terrain des côtés sud-ouest, sud et sud-est ; toutes ces raisons capitales, et bien d’autres encore qui apparaîtront, au fur et à mesure que nous entrerons dans les détails, militent victorieusement en faveur de la thèse de la reconstitution entière et complète du château dans la deuxième partie du xve siècle.

Malgré l’inexactitude du plan qui lui fut envoyé et qui a pu influer défavorablement sur sa manière d’apprécier certains détails, Viollet-le-Duc a donc, cette fois encore, deviné juste, quand, ignorant totalement les documents historiques qui viennent confirmer son opinion, il a écrit que le château de Bonaguil datait de la seconde moitié du xve siècle. Il ne s’est pas trompé davantage en reconnaissant que l’architecte avait eu surtouten vue les nouvelles armes de guerre etavait cherché à les adapter à sa magnifique construction. « Toutefois, ajoute-t-il, bien que préoccupés principalement de l’artillerie à feu, les constructeurs de cette époque n’abandonnent pas l’ancien système consacré par un trop long usage pour être mis brusquement de côté ; mais ils le modifient dans les détails ; ils étendent les défenses extérieures et ne songent pas encore à placer du canon sur les tours et courtines. » Ils se bornent, comme à Bonaguil, à l’établir sur la grande plateforme, sur les deux boulevards, peut-être même sur la terrasse du donjon, et ils en garnissent le bas des tours, de manière à en défendre les approches et à battre au loin les dehors.

Par là, nous sommes amené à écrire la description détaillée du château, heureux si, dans ses multiples détours, nous pouvons être de quelque utilité à nos lecteurs et leur faire comprendre l’importance de cette construction de premier ordre.

Le plan, très exact, que nous insérons à la fin de ce travail, est à l’échelle de 0,0016 par mètre.


DÉTAILS ARCHÉOLOGIQUES

Sis à l’extrémité d’un roc dont la pente s’arrête brusque-ment à pic, le château de Bonaguil commande l’étroite vallée qui défile à ses pieds du nord-est au sud-ouest, ainsi que la gorge boisée qui remonte vers le nord. Il domine tous les escarpements qui se dressent alentour, sauf le coteau nord, par lequel il est accessible. C’est de ce côté précisément que se trouve sa porte d’entrée, que l’architecte, ainsi qu’on va le voir, s’est efforcé de défendre par tous les moyens possibles. La petite porte ω, creusée plus bas dans le mur de contre-garde à côté de la tourelle 1 et donnant à mi-côte accès dans les fossés aux pieds de la grosse tour, est relativement moderne. Il est donc indispensable, pour bien comprendre l’économie du château, de monter plus haut, en suivant le chemin rocailleux qui contourne le mur méridional de la chapelle, indiqué sur notre plan par des flèches, et, si l’on arrive par la vallée de Couvert, de joindre le nouveau chemin carrossable, et d’aboutir ainsi, le long d’un parapet de pierre à angle aigu, au grand portail, seule entrée qui ait jamais existé.

LES DÉFENSES EXTÉRIEURES

Mais avant de pénétrer dans le château, remarquons à droite, séparant l’église du premier mur d’enceinte, le fossé p’, qui, entièrement taillé dans le roc, passe sous un premier pont-levis extérieur, aujourd’hui bâti. Un troisième chemin, descendant du coteau, se joint en cet endroit à la route carrossable nouvellement construite. Il est supporté à gauche par un fort encorbellement. Jadis il était défendu par une porte tout à fait extérieure et isolée, dont on vient de retrouver la trace. En r se voit en effet une grosse pierre enfouie dans le sol qui devait en soutenir l’axe de rotation.

LA BARBACANE

Si, maintenant, nous franchissons le seuil du grand portail en ogive, large de 2m 10, creusé dans le mur, qui laisse encore voir au-dessus de lui les deux longues fentes destinées à abriter les chaînes du pont-levis et, à sa gauche, une énorme bouche à feu, nous nous trouvons dans la barbacane a, ouvrage avancé fort important[22]. Il est peu de grands châteaux qui n’aient, au devant de leur principale enceinte, une ou plusieurs barbacanes. Celle de Bonaguil servait à protéger le grand pont-levis m et l’entrée e de la cour d’honneur. Elle permettait en même temps aux soldats de s’organiser à l’abri, avant d’opérer leur sortie.

LA LOGE DU CONCIERGE

Au centre et adroite, elle est clôturée par un mur arrondi, d’uue épaisseur moyenne de 3m50, à gauche par la petite tour b. Cette tour b, fort curieuse, était la loge du portier. Elle contenait, quoique très petite, une cheminée, aujourd’hui refaite, ainsi qu’un garde-manger et servait de logement au concierge, qui, par une meurtrière conique, tort étroite au dedans, beaucoup plus large au dehors, ayant vue directement sur le seuil extérieur du portail, pouvait observer ainsi, sans être aperçu, les arrivants et au besoin tirer sur eux. Une seconde embrasure plus large, destinée à des armes de gros calibre, donnait au nord-est sur les escarpements. On remarquera que le mur de cette tour b est beaucoup plus épais du côté nord, c’est-à-dire du côté le plus facilement attaquable, que du côté est donnant sur la vallée.

LE CHEMIN DE RONDE

Immédiatement à côté de la tourelle b, on a retrouvé en a’ un escalier à ciel ouvert, dont les marches, rongées par le temps, sont assez dangereuses. Il permettait autrefois et il permet encore, mais avec précaution, de monter sur le chemin de rondo qui couronne tout le mur de la barbacane. Ce chemin de ronde très large, et dont le parapet est partout perçé de meurtrières, était autrefois crénelé. En le parcourant, on distingue, au-dessus même de la porte d’entrée, les arêtes encore existantes de la voûte d’une salle qui servait de poste d’observation, ou, comme le dit le précieux document no vii que nous donnons en appendice[23], « de corps de garde ».

L’ARSENAL

Tout près de l’escalier a’ et terminant la barbacane du côté est, se dresse une grosse tour d, de forme irrégulière, naguère dans un état absolu de délabrement, aujourd’hui en partie restaurée. On vient de refaire la voûte du premier étage qui menaçait ruine, et, bien que nous la croyons autrefois plus élevée, on l’a recouverte, à la hauteur du chemin de ronde, avec de la pierre plate du pays, ce qui était bien en effet son genre primitif de couverture. Au rez-de-chaussée, cette tour n’avait pas d’ouverture ; celle qui existe est moderne. Pour y pénétrer, il fallait monter sur le chemin de ronde ou bien se servir d’une échelle. C’était, d’après l’acte de 1702, « un arsenal ». On en fit plus tard un pigeonnier.

LES SOUTERRAINS

Des fouilles importantes ont été, en 1882, pratiquées en cet endroit de la barbacane. Jadis le sol était partout de plainpied jusqu’aux fossés. Quelques indices laissaient comprendre qu’il pouvait exister un escalier caché sous les broussailles, permettant d’accéder au second pont-levis m’. Aussi a-t-on retrouvé une pente douce, peu inclinée, qui de b’en c aboutit tout d’abord à des sous-sols. À droite de c, se trouve en effet un souterrain, pointillé sur le plan, qui devait servir de magasin. À gauche, en b’’, la pente continue, mais assez raide cette fois, pour arriver d’abord à la tour d, puis à droite à une cavité profonde, dans laquelle on a découvert un boulet en fonte de huit centimètres de diamètre, enfin, en face, au second pont-levis m’. Il est intéressant d’étudier, dans cette barbacane, certaines meurtrières percées dans les murs extérieurs à plus d’un mètre au dessous du niveau du sol, destinées à battre les fossés p’. On y parvenait par des trous en forme de trappes. Trois de ces trous ont été retrouvés le long du mur. Tout semble faire croire d’ailleurs que la cour entière est creusée. Il importerait qu’elle fut complètement déblayée.

LES PONTS-LEVIS

La barbacane une fois traversée, on arrive en présence des fossés, très larges et très profonds, « d’une largeur de douze pas et d’une hauteur de dix cannes, » dit l’acte de 1702[24], qui, creusés entièrement dans le roc, séparent, sur toute la longueur de cette façade nord, le boulevard du château proprement dit. Deux ponts-levis, chacun à une hauteur différente, reliaient la barbacane au corps de logis. C’était d’abord le pont-levis m, de plain-pied avec la cour d’honneur, en deux parties s’appuyant sur un énorme pilier, dont la base repose encore dans les fossés. Ce pont-levis mobile est aujourd’hui fixé. C’est le seul qui permette de pénétrer dans l’intérieur du château. En l’examinant de près, on s’aperçoit qu’il était également, dans le sens de sa longueur, partagé en deux : l’un, principal, servait aux voitures et aux chevaux, et venait aboutir à la grande porte d’honneur e ; l’autre, parallèle, à sa droite et plus petit, ne devait être rabattu que pour le service des piétons qui pénétraient dans la cour par une porte carrée plus basse et plus étroite, autrement dit par un simple « guichet ».

Le second pont-levis m’, à gauche du pont-levis m et actuellement détruit, se divisait également en deux corps qui venaient se joindre sur une véritable tourelle, construite, comme le pilier précédent, au milieu des fossés, et dans l’intérieur de laquelle on descendait par une trappe dont l’ouverture est indiquée sur notre plan. Cette pile servait à défendre, dans les deux sens, les fossés p, au moyen de deux meurtrières opposées, creusées dans ses parois. Ce second pont-levis donnait accès dans la deuxième cour h.

Les deux ponts-levis m et m’se rabattaient tous deux, dans chacune de leurs parties, dans le même sens. Maître de la barbacane, l’ennemi avait donc à les franchir, d’abord du boulevard aux deux piliers, puis des deux piliers en e et en f.

LA PORTE D’HONNEUR

Continuons notre route, traversons le grand pont-levis m, dont l’orientation est exactement celle du nord au sud, et pénétrons par la porte d’honneur e dans l’intérieur du château. D’une largeur de 2 mètres 8 centimètres, de façon à en permettre l’accès aux voitures, aux chevaux, aux escortes, cette porte e est surmontée d’un grand carré de pierre, dans lequel étaient sculptées les armes du seigneur, et qui est soutenu par deux supports figurant chacun un animal symbolique. La révolution a mutilé les traces de cet antique blason. Trois longues fentes, creusées dans le mur, servaient à retenir les chaînes des deux ponts-levis. Il n’existait pas de herse ; du moins nous n’avons su en voir aucune trace. On ne retrouve que celle des gonds de fer de la porte. En revanche deux meurtrières, assez curieuses, en défendaient très habilement les abords. Creusées de chaque côté, arrondies en dedans, très larges au dehors, elles étaient, comme presque toutes celles du château, destinées àrecevoir des pièces d’artillerie de petit calibre.

C’est ici le lieu d’appeler l’attention des visiteurs, tandis qu’ils cherchent à déchiffrer les armoiries effacées des anciens seigneurs, sur le danger qu’ils courraient en cet endroit, si le château se trouvait encore en état de défense. De tous les côtés, en effet, plus de dix meurtrières convergent leurs feux sur ce point extrême du pont-levis, aussi bien celles de la grosse tour que celles des tours de gauche, du mur de garde et des créneaux supérieurs. Car ces créneaux, maintenant restaurés, présentent cette singularité rare que leurs nierions sont percés, de deux en deux, de meurtrières rondes à leur base. Les ponts-levis relevés, on voit quelles difficultés s’offraient à l’assaillant pour emporter ce côté du château.

LA COUR D’HONNEUR ET LE PUITS

La porte franchie, on se trouve dans la grande cour d’honneur g, pavée de belles dalles de pierre et dont le niveau a servi de base pour dresser notre plan. De forme irrégulière, cette cour dessert, à gauche le donjon, à droite le grand corps de logis. Un large banc de pierre, taillé dans le rocher, se remarque à gauche, au pied du donjon. Dans le fond on aperçoit le puits q, d’une profondeur de 48 mètres, dont 8 mètres d’eau, et entièrement taillé dans le roc. Son niveau d’eau est, croit-on, celui du ruisseau de la vallée. Ainsi qu’il en existe dans toutes les forteresses du moyen-âge destinées à soutenir un siège, il servait à alimenter le personnel du château, sans qu’on eût besoin d’aller s’approvisionner audehors.

LES CANIVAUX

Derrière le puits q, dans le mur qui sépare la cour g de la tourelle u’, remarquons une petite piscine, dont les eaux desservent d’autres salles ; car, de là, longeant le mur de la tourelle u’, elles tournent brusquement à gauche pour tomber, d’abord dans un évier au coin de la salle z’’. puis sur un fut de colonne y, et de là, passant dans la pièce z, s’écouler extérieurement. Quant aux eaux pluviales qui tombaient dans la cour g, elles s’écoulaient par deux caniveaux. L’un, au pied de la tourelle u et le long de la grande salle i, les rejetait au nord dans le tossé p ; l’autre les prenait près du puits, franchissait le dernier mur de la salle i’’’, desservait cette salle, et, en sortant par un trou placé au-dessous de la fenêtre, les rejetait au sud, à une assez grande profondeur,dans une cuvette en pierre posée tout exprès sur le boulevard o’. Longeant ce boulevard jusqu’aux pieds de la tourelle i4, ces eaux balayaient en cet endroit les résidus des lieux d’aisance de cette même tour, et, se dirigeant vers le sud, s’enfonçaient dans le sol, pour sortir à travers le roc. Tous ces caniveaux, ainsi que ces curieuses dispositions pour utiliser le mieux possible les eaux pluviales, sont très neltement indiqués sur le plan.

LE DONJON ET LE CHÂTEAU PRIMITIF

Passons maintenant à l’étude du donjon, la partie la plus intéressante sans contredit de tout le château. Là se voient, en effet, ainsi que nous l’avons sommairement annoncé entête de ce chapitre, les restes du château primitif, du « castrum de Bonegails », indiqué dans le Saisimentum de 1271.

Si, avant de pénétrer dans son intérieur, nous examinons attentivement les diverses façades de cette étrange construction, nous remarquons que, bâti sur le roc, à quatre mètres environ au-dessus du niveau de la cour d’honneur, le donjon de Bonaguil présente une forme des plus bizarres, unique, croyons-nous. La figure k, reproduite sur le plan, est à peu près celle d’un losange irrégulier. Vu de loin, le donjon ressemble à un étroit navire dont la proue serait tournée vers le nord. C’est que les premiers constructeurs ont été forcés de suivre le contour capricieux du rocher, lequel, creusé intérieurement dans toute sa longueur, offre une cavité souterraine naturelle, sorte de grotte primitive, peut-être contemporaine des plus anciens hommes, qui a été utilisée plus tard pour servir de caverne, de refuge, de souterrain, et finalement de caves, lorsque au-dessus s’éleva le premier château.

Sur tout le pourtour du donjon, les premières assises de pierre, plus grises que les autres, sont en bel appareil du xiiie siècle. Du côté nord, à droite et à gauche de l’éperon k’’, elles s’élèvent, identiques, quoique plus blanches, jusqu’à la partie supérieure, c’est-à-dire jusqu’à la plateforme. Vers le milieu de la façade qui donne sur la cour g. là où se voit nettement une ligne de raccord, ces assises du xiiie siècle semblent au contraire s’arrêter à moitié escalier. Il en est de même de la partie du mur, comprise au dessus du puits, entre la tourelle de l’escalier et la pointe sud. Quantà la façade extérieure orientale, au dessus de la cour h, elle est bâtie, dans sa presque totalité, avec l’appareil moyen du xiue siècle.

On peut donc conclure de ces premières observations, basées sur le système d’appareil et les divers raccords des assises des murs, que le château primitif du xiiie siècle se retrouve en entier dans la portion nord du donjon, représentée sur notre plan par la salle k’’ ; qu’à la suite, plus particulièrement à droite et sur tout le prolongement jusqu’à la pointe sud, se dressaient des courtines de deux à trois mètres de haut, lesquelles, quelques années plus tard, vers le commencement du xive siècle, furent surélevées jusqu’à la partie supérieure actuelle ; enfin, que le tout fut définitivement aménagé tel que nous le voyons aujourd’hui, avec l’escalier extérieur, la tourelle d’escalier à vis, la plateforme crénelée, la guette et les diverses ouvertures, à la fin du xve siècle, lorsque fut bâti à neuf tout le reste du château[25]

Pénétrons maintenant dans son intérieur. Divisé en trois corps de logis, on n’arrive à son rez-de-chaussée, très élevé au-dessus de la cour d’honneur, que par un escalier extérieur en pierre, de vingt-deux marches, qui ne date que du xve siècle. Jadis, conformément en cela à toutes les dispositions défensives des châteaux du xiiie siècle, et principalement des châteaux gascons, on n’y accédait, au moyen d’une échelle mobile, que par la porte-fenêtre cintrée de la salle k’’, donnant sur la cour g, encore ouverte et bien conservée. Montons ces vingt-deux marches. Nous arrivons devant un ancien petit pont-levis dont on voit encore très-bien les traces sur la porte et qu’il fallait franchir autrefois pour entrer dans la tourelle qui sert de cage d’escalier et qui dessert tous les étages. Une meurtrière redoutable, creusée au-dessus de cette porte et plongeant sur les marches de l’escalier extérieur, en défend l’entrée.

S’il restait encore quelques doutes sur l’époque de construction de la partie nord du donjon, la disposition intérieure de la salle k’’ les aurait vile dissipés. Franchissons, en effet, toujours au rez-de-chaussée, la salle du milieu k, très basse, voûtée, recevant le jour d’une fenêtre carrée, ouverte plus tard en brèche au xve siècle dans la courtine orientale, et pénétrons à travers un mur de refend, qui est l’ancien mur du château primitif, dans le réduit triangulaire k’’. Ici tout accuse les caractères du xiiie siècle : les murs des trois côtés, très épais, construits en appareil moyen ; la porte cintrée intérieure sous laquelle nous venons de passer ; la portefenêtre extérieure, également cintrée, jadis la seule et primitive entrée, selon l’usage constant; les deux meurtrières superposées à l’est, avec ébrasement bien caractéristique à l’intérieur ; enfin la voûte en berceau de l’étage supérieur, contemporaine du milieu du xiiie siècle. Nous sommes, à n’en pas douter, dans le donjon de la construction de 1271, lequel donjon triangulaire, semblable en bien des points à celui du château de Madaillan, construit à la même époque[26], constituait, à lui seul peut-être, tout le château primitif, qui n’était plus dès lors entouré que de courtines.

On remarquera, en effet, que l’épaisseur des murs de cette partie k" du donjon est beaucoup plus prononcée que celle des murs des salles k et k’. Il est vrai que ce point extrême était le point le plus faible, et qu’il fallait le fortifier davantage contre les projectiles ennemis. D’où on peut supposer que l’autre partie du donjon ne fut construite qu’après coup, au xive siècle par exemple, en surélevant les anciennes courtines. La différence de l’appareil, bien sensible du côté de la cour g, ainsi que le raccord très visible au-dessus du milieu de l’escalier extérieur, semblent l’indiquer.

La salle k’, également triangulaire, qui semble avoir été construite sur le même plan symétrique que celui de la salle k’’, est éclairée, toujours au rez-de-chaussée, à l’est par une meurtrière en croix pattée donnant sur la vallée, et au sudouest, dans la courtine qui relie la cage d’escalier à la pointe sud, par une porte-fenêtre cintrée, aujourd’hui murée, semblable en tous points à celle de la salle k’’et à la même hauteur qu’elle. Là encore, à l’extérieur, se voit, dans les huit ou dix assises inférieures, l’appareil du xiiie siècle, c’est-à dire les soubassements des murs primitifs.

Si, continuant notre ascension par l’escalier à vis, nous arrivons au premier étage du donjon, les mêmes dispositions se présentent, avec les mêmes remarques. En k, se trouve la grande salle, assez spacieuse, chauffée au sud par une belle cheminée et ajourée à l’est par une fenêtre à meneaux, percée en brèche au xve siècle dans la muraille, aujourd’hui restaurée et vitrée. Le plancher du deuxième étage qui reposait autrefois sur des corbeaux que l’on voit le long du mur, a été enlevé. La voûte du deuxième étage présente avec ses nervures en croisée d’ogive tous les caractères du xve siècle. Elle a donc été construite deux siècles après la voûte en berceau, sa voisine, de la salle k’’, et uniquement pour supporter la plateforme du donjon. Elle porte sur sa clef le monogramme du Christ : ιης (Jésus).

Les deux étages de la salle k’n’offrent aucune autre disposition particulière. Ils sont éclairés par une fenêtre à l’est donnant sur la vallée et par une porte communiquant avec la cage d’escalier.

Cette cage d’escalier à vis, où, presque à chaque marche, sont percées des meurtrières dans le mur, donne accès sur la platetorme du donjon.

Autrefois cette plateforme était dallée. Un premier et malencontreux essai de restauration a consisté, il y a quelques vingt ans, à jeter par dessus les murs les restes de dalles en très belles pierres qui subsistaient à la pointe sud et à les remplacer par du mauvais ciment. Les eaux pluviales en eurent facilement raison. Une urgente réparation s’imposait, que nous réclamions dans notre deuxième édition. Pourquoi faut-il que notre appel n’ait pas été écouté et que cette fois encore, au lieu du dallage de pierre tout indiqué, on ait employé de rechef un nouveau ciment ? Sous peu le travail sera à refaire ; les infiltrations s’annoncent déjà.

Viollet-le-Duc prétend que la plateforme du donjon de Bonaguil était destinée à supporter des pièces de canon. Un parapet, naguère encore renversé, que l’on vient de rétablir en mauvaises pierres de Condat et dont les merlons étaient, comme ceux de la courtine e, percés de meurtrières à leur base, permettait aux défenseurs de se servir utilement d’armes à feu, d’arquebuses, peut-être même de canons de très petit calibre, tels que fauconneaux, coulovrines ou ribeaudequins. En outre, une redoutable ceinture de mâchicoulis du xve siècle l’entourait. On en compte vingt-cinq du seul côté ouest. On remarquera entre autres les deux mâchicoulis qui défendent les deux extrémités, et qui, au point de vue architectonique, présentent une solution des plus heureuses.

La petite tour, qui s’élève à quelques marches au-dessus de la plateforme du donjon et qui elle-même était dominée par une guette, se terminait par une plateforme crénelée, comme celle du donjon, ceinte de mâchicoulis. On vient également de la reconstituer dans son état primitif. C’était le plus haut poste d’observation, celui où flottait en tous temps l’étendard du seigneur, et où se trouvait peut-être la cloche que l’on sonnait en cas d’alarme. La vue que l’on y découvre, quoique triste et monotone, est fort étendue. Outre que l’on plonge sur tout l’ensemble du château et que l’on peut ainsi très facilement en saisir les principales dispositions, on domine les hauteurs environnantes, on suit au sud-ouest les sinuosités de la vallée, et, par-delà Couvert, Condat et les coteaux de Fumel, on distingue dans la brume les horizons lointains de la rive gauche du Lot.

Le donjon de Bonaguil est caractéristique. Son éperon du xiiie siècle, à angle aigu, tourné du côté nord, c’est-à-dire du côté le plus accessible, était destiné, comme celui du château de Loches ou du donjon d’Issoudun, à empêcher l’ennemi de se servir du bélier. « Contre l’angle saillant, fait très-judicieusement observer Mérimée, le bélier ne pouvait agir efficacement, et, s’il était dirigé à droite ou à gauche de cet angle, les hommes qui le manœuvraient prêtaient le flanc aux traits des assiégés placés sur les courtines[27]. » De plus, isolé dans la suite au milieu du château, entouré de cours et absolument indépendant des autres corps de logis, il offrait un sûr et dernier refuge aux assiégés. Cas assez rare, surtout dans le sud-ouest de la France, où l’on prend trop facilement pour le donjon ce qui n’est que la tour principale. Néanmoins, quoique très fort, le donjon de Bonaguil est relativement petit. Il ne présente pas l’importance de ceux des châteaux du nord de la France, comme Coucy et Pierrefonds. C’est que, depuis longtemps déjà, à la fin du xve siècle, les mœurs des hauts barons s’étaient singulièrement adoucies. Soit qu’ils n’eussent plus à redouter les rudes sièges d’autrefois, soit que leur humeur altière se fut modifiée, le donjon, compris au milieu des autres bâtisses, mal ajouré, peu aéré, leur paraissait un lieu de séjour trop triste et trop étroit pour y passer leur vie. Ils avaient besoin d’air, de lumière, de distractions ; et ils préférèrent habiter les corps de logis qui donnaient directement sur la campagne. Nécessaire comme dernier asile en cas de siège, le donjon de Bonaguil devenait inutile en temps de paix. Aussi l’architecte, utilisant les restes de la construction du xiiie siècle, n’a-t-il cherché à les aménager qu’en vue d’une suprême défense. Les grands appartements, ceux habités par le seigneur et sa famille, devaient être plus vastes, plus gais. Ils furent établis à droite de la cour d’honneur, dans les courtines qui relient les trois grosses tours. Ce sont eux que nous allons visiter et décrire.

LA CAGE D’ESCALIER

En premier lieu, s’avançant dans la cour d’honneur, se présente la fourelle u, remarquable par sa belle porte ogivale du xiiie siècle, laquelle est couronnée d’une accolade surmontée d’un fleuron et accostée de deux pinacles. Sur le fronton on remarque les traces d’un écusson en pierre, mutilé, comme celui de la grande porte lors de la Révolution et où étaient sculptées les armes des Roquefeuil. Cette tour u était la cage d’un escalier à vis, desservant tous les étages et dont on voit encore la spirale le long du mur. De nombreuses portes et fenêtres s’ouvraient aux trois étages sur cet escalier ; à droite, ainsi qu’au dessus de la porte d’entrée, elles servaient de meurtrières. En face et au rez-de-chaussée, une porte donnait accès dans la grande salle i.

LES APPARTEMENTS PRIVÉS

Immédiatement en face de la tour u, on trouve un couloir v, à deux compartiments, dont la disposition est assez singulière. Il contenait autrefois, dans sa première partie, un petit pont-levis mobile qui se relevait à volonté du côté de la tour x et qui laissait ainsi à découvert un escalier descendant aux étages intérieurs. Rabaissé, ce pont-levis permettait de communiquer directement de la tour u à la tour carrée x. Néanmoins, relevé, on pouvait encore y pénétrer, en faisant un léger détour et en passant à gauche par le premier étage de la salle i’’, dont trois portes donnaient sur ce couloir. À droite, il n’existait pas d’ouverture : celle qui s’y trouve est, croyons-nous, moderne. Aujourd’hui ce petit pont-levis n’existe plus. Pour pénétrer dans la tour x, il faut franchir sur une planche, qu’on ne devrait jamais enlever, ce passage à découvert sur l’escalier ; ce qui n’offre d’ailleurs aucun danger, le mur de droite pouvant servir de rampe.

À gauche du couloir v, trois salles à peu près carrées i’, i’’, i’’’ et la tour ronde i4 servaient d’appartements privés. C’était la résidence habituelle du seigneur et de sa famille. On voit encore à la trace du teu sur les cheminées noircies que ces pièces ont été les dernières habitées. Chacune avait trois étages. Les murs en sont aujourd’hui démolis à la hauteur du second.

La salle i’, au premier étage[28], était éclairée à l’est par une fenêtre rectangulaire, donnant sur la cour g, et à l’ouest par une autre, donnant sur la vallée. On y remarque au midi et à côté de la porte qui communiquait avec la salle i" une belle cheminée en pierre, comme les autres du xve siècle, sculptée et bien conservée.

Le second étage, où se trouve également au-dessus de la précédente une autre cheminée en pierre, présentait les mêmes dispositions.

Quant au rez-de-chaussée de cette pièce, et celui de la suivante, sombres et mal éclairés, ils devaient servir plutôt de caves et de magasins que de cuisines. On constate en tout cas, dans le premier, l’absence de toute cheminée ; tandis qu’il en existe une dans la salle suivante, dite, dans l’acte de 1702, « l’arrière-cuisine ».

Cette salle i" possédait à son premier étage, au sud une cheminée, à l’ouest une fenêtre percée dans la courtine, enfin deux portes donnant accès, l’une dans la tour i4, l’autre dans la pièce i’’’. Même ordonnancement au deuxième étage.

LA TOUR ROUGE

La tour i4, dite autrefois « la tour rouge », « de vingt pas de circonférence et de vingt cannes de hauteur », servait de dégagement à la salle i’’. Des latrines, dont on voit la trace, y étaient creusées au premier étage dans l’épaisseur du mur. Eclairée à ses deux étages par une croisée au sud donnant sur la vallée et par une étroite meurtrière au nord contre la courtine, elle ne présentait à l’ouest aucune ouverture.

Enfin notons, tout à fait à gauche, la pièce i’’’, dont les murs aujourd’hui sont presque rasés. Cette pièce n’avait pas, comme les précédentes, de sous-sol. Son rez-de-chaussée se trouvait à la hauteur de la cour g. Elle n’avait que deux étages. Communiquant par une porte avec le premier étage de la chambre i’’, elle possédait au sud une large cheminée et immédiatement à côté, à gauche, une fenêtre s’ouvrant sur la vallée. Au nord, une porte donnait de plain-pied sur la cour. Deux grosses meules en pierre, qu’on aperçoit encore incrustées dans le sol, font supposer qu’autrefois cette salle était destinée à moudre le blé. On s’explique cependant assez difficilement qu’elle soit aussi rapprochée des appartements privés du seigneur.

LA GRANDE SALLE

À droite du couloir v et toujours au niveau de la cour d’honneur, existe, en i, la plus belle salle du château de Bonaguil. C’était la grande salle[29], autrefois la salle d’armes, plus tard le salon d’honneur. Longue de 12 mètres, large de 6, elle recevait la lumière de quatre ouvertures : d’abord, deux grandes croisées à meneaux à l’ouest, creusées dans la courtine entre la tour carrée et la grosse tour ; puis, au nord et tout à fait contre cette tour, une autre croisée à meneaux donnant sur le coteau, refaite dernièrement ; enfin à l’est, et presque de plain-pied avec la cour g sur laquelle elle s’ouvre, une très vaste fenêtre également à meneaux, mais dans le plus déplorable état ; on voit encore les moulures délicates des colonnes qui en soutenaient les linteaux. Sur la belle cheminée de cette salle, très-bien conservée, on peut remarquer un boudin en pierre qui contourne tous les claveaux. L’architecte s’est amusé ainsi à rassurer parce support fictif les craintes des visiteurs, étonnés de voir une aussi forte portée.

Le deuxième étage présentait à peu près les mêmes dispositions. Seulement, il a été rasé à la hauteurdes fenêtres dont on distingue les ébrasements. La cheminée du nord a été rétablie.

Quant au rez-de-chaussée, aujourd’hui bien nettoyé et d’un accès facile, il est en sous-sol par rapport à la cour intérieure, et n’est éclairé que par deux larges meurtrières, entièrement remises à neuf, l’une à l’ouest, l’autre au nord. C’est par ce rez-de-chaussée de la salle i, et après avoir descendu les dix-neuf marches de l’escalier du couloir v, que nous pouvons seulement pénétrer dans la tour i5, dite autrefois et avec juste raison « la grosse tour ».

LA GROSSE TOUR

La tour i5 ou grosse tour est, au point de vue de la défense, avec le donjon k, la partie la plus importante du château de Bonaguil. D’un diamètre extérieur de 14 mètres, ses murs très épais mesurent un peu plus de 3 mètres. « Elle a, dit l’acte de 1702, de circonférence soixante-trois pas et de hauteur quarante cannes, toute machicoléeet flanquée à l’entour ; laquelle tour est bastie de pierre de taille à chaux et sable, de l’épaisseur de dix-huit pas[30] ». Dans cette épaisseur est creusée une petite cage d’escalier à vis, desservant les trois premiers étages. La tour en avait cinq, ainsi que le prouvent les corbeaux que l’on voit encore contre le mur intérieur. L’étage où nous nous trouvons, après être passés par le rez-de-chaussée de la salle i, est le deuxième étage. Le troisième, à la hauteur de la cour d’honneur, comprenait une grande salle, éclairée par une magnifique croisée à meneaux, au couchant[31]. Elle possédait des latrines, dont on voit encore les traces, creusées dans l’épaisseur du mur. La salle ronde du quatrième étage, où n’aboutissait pas le petit escalier à vis et à laquelle on n’accédait qu’en traversant le deuxième étage de la salle i, était également éclairée par une croisée à meneaux ayant vue sur le sud-ouest et creusée au-dessous même de la ceinture de mâchicoulis. Trois grandes cheminées de pierre chauffaient les trois derniers étages. Le cinquième donnait sur les chemins de ronde, entièrement couverts, qui entouraient la tour et qui étaient supportés par d’énormes mâchicoulis de pierre, remarquables par leur forme trappue. Sorte de pyramides reposant sur leur pointe, ils présentaient ainsi une force de résistance beaucoup plus grande aux projecticles ennemis. Enfin, les combles étaient en bois, recouverts de tuiles à crochets ou plutôt même de pierres plates du pays, comme tout le reste du château. Une girouette, précisée dans l’acte de dénombrement, en terminait le faîte.

La grosse tour de Bonaguil est véritablement imposante, vue aussi bien du dehors que du dedans. Ses grandes salles rondes devaient servir de lieux de rendez-vous pour les réunions solennelles. C’est là que le châtelain convoquait ses vassaux, là qu’il leur donnait ses derniers ordres pendant le siège, là qu’en temps de paix il exerçait souverainement ses droits de haute, moyenne et basse justice, là enfin qu’au milieu des fanfares se célébraient les fêtes et qu’accompagnée par les chants pieux des prêtres et des moines était prononcée l’oraison funèbre du seigneur. Ainsi que le fait ressortir très bien Viollet-le-Duc : « Si loin que puisse aller l’imagination des romanciers ou des historiens chercheurs de la couleur locale, elle leur représentera difficilement ce que la vue de ces salles et de ces monuments, si grands et si simples dans leurs dispositions, rend intelligible au premier coup d’œil. »

LA TOUR CARRÉE ET L’ORATOIRE

Forcés de revenir sur nos pas pour sortir de la grosse tour, nous nous retrouvons dans le couloir v, à l’entrée de la tour carrée x, dans laquelle nous ne pouvons pénétrer qu’en remontant les dix-neuf marches de l’escalier de pierre et en franchissant la planche placée au-dessus de cet escalier. Le premier étage de cette tour carrée x servait d’oratoire privé au siècle dernier. La salle est voûtée : les arêtes des deux voûtes ont été naguère restaurées. Du côté sud, on remarque une jolie fenêtre cintrée avec son arcade trilobée, bien dans le style du xve siècle ; puis, tout à fait à côté, une autre fenêtre rectangulaire donnant sur la vallée. Au nord, une troisième fenêtre prend vue sur la grose tour. Cet oratoire possédait, chose assez curieuse de nos jours bien qu’habituelle au moyen-âge, une cheminée ; ce qui pouvait permettre à la châtelaine d’y faire de longs séjours. On remarquera que la tour carrée, pas plus que la grosse tour et la tour rouge, ne possède d’ouvertures au couchant. C’est qu’à 200 mètres environ, de l’autre côté de la vallée, existe un surplomb de roche noire, d’où l’artillerie ennemie pouvait facilement battre toute cette façade ouest du château. De là, et afin de parer à cet inconvénient, la nécessité d’établir de ce côté la grande plateforme l, qui se trouve au-dessous. Le bas de la tour carrée x, percé de meurtrières, constitue la cage d’un large escalier de pierre, dont les paliers se brisent à angles droits, et qui descend par 26 marches assez rapides à la porte x’, d’une disposition particulière. Très élevée en effet au-dessus du sol du boulevard o’, elle renfermait jadis un autre pont-levis m’’, qu’on relevait au moyen d’une chaîne, dont la trace se voit encore au-dessus, et qui, se rabattant en pente, ce qui est assez rare, permettait ainsi de communiquer avec le boulevard o’. Ce pont-levis était défendu par deux meurtrières redoutables, à feux convergents, creusées à droite et à gauche de la porte x’. Enfin, pour plus de sûreté, cette porte possédait derrière elle des barres de fer transversales qui étaient scellées au mur. Ce passage, jadis peu praticable, a été restauré suffisamment pour permettre désormais aux visiteurs de descendre par une pente inclinée sur le boulevard o’.

LA CHICANE n

À droite et adossée au mur extérieur du parapet, il convient de remarquer la chicane n[32], sorte de petit ouvrage avancé, arrondi, fort original. Cette tourelle très basse offre trois portes successives s’ouvrant sur un corridor extrêmement étroit et tortueux, où un homme seul a de la peine à passer. En face de chacune de ces trois portes est percée une meurtrière. Pour l’époque, cet ouvrage constituait une défense importante et présentait un grand intérêt militaire. Aujourd’hui il paraît tout à fait puéril.

Par la porte x’et le pont-levis m’’, nous sommes arrivés au dehors du château proprement dit. Il nous faut maintenant, pour en terminer la description, passer en revue ses défenses extérieures, ainsi que toute cette partie à l’est du donjon, jadis entièrement recouverte de terre et de broussailles et qui, grâce aux travaux de 1882, a été parfaitement mise à découvert. Pour nous conformer à la vraie méthode suivie par l’architecte primitif, nous devrions faire arrêter ici nos lecteurs, et, les priant de rebrousser chemin par l’escalier x, le couloir v et la cour d’honneur, les ramener presque au point de départ dans la barbacane, leur faire descendre les pentes b’, c et b’’, les conduire sur le pont-levis m’ et de là leur décrire toute la partie orientale du château. Malheureusement le pont-levis m’ n’existe plus. La pile carrée, sur laquelle reposaient ses deux branches, est désormais isolée au milieu des fossés, et ces fossés sont trop larges pour tenter de les franchir, même au moyen de planches, comme nous l’avons fait plusieurs fois. Force nous est donc de rester au point où nous nous trouvons, c’est-à-dire sur le boulevard o’, et de prier nos lecteurs, à qui du reste nous évitons ainsi un surcroît de fatigue, de vouloir bien continuer à nous suivre à travers de nouveaux dédales.

LE BOULEVARD o’

Ce boulevard o’, qui défend tout le côté sud-ouest et sud du château et qui contourne la tour rouge, est en entier taillé dans le roc. Large d’environ 10 mètres, il était destiné à recevoir des pièces de canon montées sur leurs affûts, chargées de battre les dehors jusqu’aux crêtes des coteaux environnants. Il contenait, sous la tour rouge, une petite tourelle r’’, construite dans le mur de contre-garde extérieur, qui, jadis comblée, aujourd’hui déblayée, laisse voir, grâce à une pente douce qui permet d’y accéder, quelques meurtrières à feux rasants. Ainsi qu’on le comprendra en examinant attentivement notre deuxième photogravure, toutes les bouches à feu, notamment celles des deux boulevards o’et o et des ouvrages inférieurs, sont creusées de manière à per’mettre à l’assiégé un tir horizontal à une grande distance. Celles au contraire des tours, des courtines et des murs intérieurs de la deuxième enceinte, principalement du côté nord, sont percées de façon à faciliter le tir plongeant sur l’assaillant, qui, maître des ouvrages avancés, se prépare à donner la dernière escalade.

À l’extrémité est du boulevard o’, nous trouvons une large ouverture cintrée, percée sous le bâtiment rectangulaire z’. Immédiatement après, sous le bâtiment z, que nous étudierons quand nous serons arrivés à son premier étage, trois autres ouvertures attirent nos regards. L’une, à gauche, donne sur un large escalier de pierre, établi dans le corps de logis z’’ et dont les seize marches mènent à la tourelle u’, autre cage d’escalier à vis qui permettait d’accéder de ce côté à la cour d’honneur g, à côté du puits. Aujourd’hui cette tourelle u’, ainsi que son escalier, dont il n’existe que les douze premières marches, sont presque entièrement détruits. Il est donc impossible de remonter par là dans la cour d’honneur.

LES CAVES ET LA POUDRIÈRE n’

La seconde ouverture donne accès dans les grandes caves du château. Les caves de Bonaguil, très larges et très belles, sont en entier creusées dans le roc, au-dessous du donjon. Nous avons déjà dit qu’elles pouvaient avoir été primitivement une grotte naturelle, ayant peut-être, à l’époque préhistorique, abrité les premiers hommes de la contrée. Aux deux tiers environ de leur parcours, elles se bifurquent en deux branches : l’une, celle de droite, va déboucher dans le fossé p entre les deux ponts levis ; l’autre contourne à gauche le dessous de la cour d’honneur et aboutit à une petite tourelle n’, ignorée avant le déblaiement de 1882; car, très basse et donnant sur les grands fossés p, elle était entièrement recouverte par les ronces et les broussailles. Percée de meurtrières, cette tourelle n’, que l’on dit avoir servi de poudrière (?) et qui vient d’être recouverte à neuf, était destinée surtout à battre les deux côtés des fossés, dans le cas où l’assaillant s’en serait rendu maître. Pas plus à Bonaguil que dans les autres châteaux, il ne faut croire que les caves aient été creusées au hasard. Ici, elles ont été systématiquement disposées du sud au nord, afin d’établir, en cas de siège, une communication plus facile, plus prompte et en même temps secrète, entre les deux points extrêmes du château.

LE GRAND SOUTERRAIN

Enfin, à droite, une troisième ouverture permet de descendre sur le boulevard o, ouvrage extérieur qui défend tout le château du coté du levant. Mais, avant de le traverser, remarquons, creusée dans le corps de logis z une petite tourelle s’’ qui n’a qu’un étage (aussi n’est-elle que pointillée sur notre plan), et qui aboutit à un noir et profond souterrain, également pointillé, naguère encore comblé, aujourd’hui déblayé. Ce souterrain, qui contourne, au-dessous du boulevard o, la tour f, est creusé dans le mur de contre-garde extérieur. Il n’est aéré et éclairé que par de nombreuses meurtrières qui suivent la déclivité du terrain, et il aboutit, à son autre extrémité, en s, au milieu du boulevard o, avec lequel il semblait communiquer autrefois, non pas par la pente douce qui vient d’être établie dans le seul but de mieux en faciliter l’accès de ce côté, mais par un trou béant qui s’ouvrait brusquement au-dessus de lui. Ce trou s, dans lequel on ne pouvait descendre qu’au moyen d’une échelle, existait-il véritablement dès le début ? Il semble que non. Tout porte à croire que ce souterrain était jadis fermé de ce côté, et qu’on ne pouvait y pénétrer que par l’entrée de la tourelle qui se trouve sous le bâtiment z. Remarquons enfin dans ce souterrain, et avant de remonter au point s, une ouverture assez énigmatique s’, creusée dans le mur de contre-garde, et qui plonge à pic à près de trois mètres sur l’escarpement du rocher. Il est probable qu’à cette porte ou poterne devait s’appliquer jadis une échelle mobile qu’on relevait en temps de guerre, et qui, en temps ordinaire, permettait d’entrer dans le souterrain.

LE BOULEVARD o

Semblable au boulevard o’, le boulevard o était fermé de toutes parts. Sa courtine très basse était protégée par trois larges créneaux. Comme le précédent, sa principale défense était la tourelle r’, construite dans le mur de contre-garde extérieur, et présentant tout un système d’ouvertures destinées aux bouches à feu. Aujourd’hui presque entièrement rasée, on voit encore dans cette tourelle une gargouille qui y conduisait l’eau du boulevard. À son extrémité nord, le boulevard o était fermé par un mur, qui venait buter en arc de cercle contre la tour j1. Ce mur est percé actuellement d’une porte t, que nous croyons de date récente, et qui permet de communiquer avec les grands fossés p. Tout près, se trouve une ancienne poterne r, dont on voit la trace et par où on pouvait autrefois sortir le long de la tour d.

LA TOUR j1

Au lieu de continuer par ces fossés p, il nous faut contourner, sur le boulevard o, le bas de la tour j1 et pénétrer dans cette tour par cinq marches très raides qui aboutissent à une porte défendue par une meurtrière rectangulaire, semblable à toutes celles du château. La tour j1, fort importante puisqu’elle faisait pendant à la grosse tour, mais bâtie en mauvais appareil, ce qui peut faire supposer qu’elle est de date plus récente, flanquait le château au coin nord-est. On remarquera que, comme la grosse tour, elle est aussi peu que posssible engagée dans les courtines, afin de mieux les défendre, ainsi que tout le côté nord. Elle possédait au dedans trois étages. Le premier était éclairé par une haute fenêtre donnant au sud-est, le rez-de-chaussée seulement par des meurtrières. On voit encore extérieurement les trous destinés à supporter, au moyen de hourds, le chemin de ronde.

LES LOGES

La tour j1 était reliée à la tour j2 par deux corps de logis j et j’, qu’on appelait « les loges ». Recouverts de ronces et de broussailles, ils étaient, il y a peu de temps encore, inaccessibles. Les travaux de 1882 ont mis pour la première fois à nu tout ce côté de Bonaguil.

Pour l’étudier, il nous faut sortir de la tour j1 par un escalier intérieur très raide, composé de neuf mauvaises marches, traverser, sans nous y arrêter, le rez-de-chaussée de j, et, tournant à droite dans un étroit couloir, monter les treize marches de l’escalier h’’. Nous nous trouvons ainsi dans la cour h. Là, en effet, en nous tournant vers la vallée, nous voyons très distinctement les traces de ces deux corps de logis j et j’, presque entièrement détruits, construits en moins bon appareil que le reste du château, que certains croient avoir été le château primitif, mais qui nous paraissent, quant à nous, sinon contemporains de la partie occidentale, peut-être même postérieurs d’un demi-siècle au plus, c’est-à-dire ne datant que du commencement du xvie siècle.

Néanmoins nous devons reconnaître que leurs soubassements, principalement les deux pans de mur j et j’ qui s’appuient sur la cour h, présentent dans toute leur longueur les blocages du xiiie siècle. Sont-ce là les premières assises des anciennes courtines qui auraient entouré le donjon ? C’est ce qu’il est bien difficile de préciser.

Le corps de logis j avait deux étages. Le premier, qui était de niveau avec la cour h, formait à lui seul une magnifique salle donnant sur la vallée. Malheureusement il n’en reste plus de traces, la voûte du rez-de-chaussée qui le supportait s’étant effondrée sous les efforts du temps et ayant été entièrement enlevée pour faire mieux comprendre tout l’aménagement de ces diverses dépendances.

À droite et séparé du précédent par le couloir h’’ se trouve le bâtiment j’, moins grand, mais mieux conservé et encore debout jusqu’à la hauteur du deuxième étage. Le rez-dechaussée, qui est en sous-sol au-dessous de la cour h, était défendu par quatre belles meurtrières droites, protégeant le boulevard o et plongeant à l’est sur la vallée. Il renfermait dans le mur de droite et à côté de la porte qui le faisait communiquer avec la tour j2, deux fours dont on voit les bouches dans le mur. C’est en face que se trouve, appuyé contre le roc, ce pan de mur du château primitif, construit avec l’appareil et le mortier blanc si solide du xiiie siècle. Au-dessus on remarque une belle et vaste salle, avec une cheminée au nord et une large fenêtre à meneaux à l’est, ornée de moulures prismatiques, semblable à celles de la grosse tour, et accusant tous les caractères de la fin du xve siècle. Une porte, en face de la cheminée, permettait de pénétrer dans la tour f. Enfin une porte à l’ouest donnait de plain-pied sur la cour h. C’est ce premier étage qui est représenté sur notre plan.

LA TOUR j2

La tour j2 formait l’extrémité sud-est du château. Plus basse, quoique de la même épaisseur[33], que la tour j2, elle n’avait que deux étages. On voit encore à son rez-de-chaussée une trappe dangereuse permettant de descendre à l’étage inférieur. C’était très-vraisemblablement un magasin, plutôt que des oubliettes, bien qu’on se plaise encore à le dire, ce genre de cachot étant depuis longtemps déjà, à la fin du xve siècle, tombé en complète désuétude.

LA COUR h

Ces deux grands corps de logis j et j’, ainsi que les tours j1 et j2, servaient de dépendances. C’est là qu’habitaient les étrangers, les hommes d’armes, les serviteurs. La grande cour dallée h, appelée aussi basse-cour, sur laquelle ils donnaient et par la porte de laquelle f, de 1 mètre 60 centimètres de largeur, il eût été plus logique d’entrer, si le pont-levis m’eût encore existé, est de forme rectangulaire allongée. Très en contre-bas de la cour d’honneur g et à 7 à 8 mètres du rez-de-chaussée du donjon, qui se dresse à sa droite bâti tout entier sur le rocher, elle laisse voir, creusés au-dessous du donjon, des trous carrés, dont on s’explique difficilement l’origine. Nous croyons qu’ils devaient contenir des chevrons capables de supporter une charpente destinée à recouvrir des hangards en cas de mauvais temps. Tout à fait au coin de cette cour, on distingue un carré en pierre h’, dont on ignore l’utilité. C’était peut-être un corps de garde, devant desservir le chemin de ronde qui couronnait la courtine f reliant la tour j1 à la base du donjon.

Cette cour h, taillée dans le roc, presque partout dallée, était à ciel ouvert. Deux caniveaux y recevaient les eaux pluviales. Au fond, en y, s’élève ce fût de colonne brisée, dont nous avons parlé et dont le chapiteau retrouvé a été mis au-dessous, qui facilitait d’une manière si originale et utilisait en même temps l’écoulement des eaux de la piscine, creusée dans la cour d’honneur, dans le mur de la tourelle u’. Enfin, à côté, une porte communique avec le premier étage des trois corps de logis z, z’et z’’, dont la destination offre un problème intéressant à résoudre.

LES BÂTIMENTS z, z’, z’’

Pénétrant en z, nous nous trouvons sur un prolongement dallé, toujours à découvert, de la cour h. Là, si l’on considère avec attention les murs des corps de logis z’et z’’, on s’aperçoit que, semblables à ceux de z, ils ont une épaisseur bien moindre que tous ceux du reste du château ; leur appareil n’est plus le même ; enfin leur raccord se voit facilement contre la tour j2 et l’extrémité sud du donjon. Il est donc hors de doute que ces constructions sont de date plus récente. Nous n’en voulons pour dernière preuve que la meurtrière μ, creusée contre la tour j2, et le machicoulis sud du donjon, qui indiquentsuffisammentquejadis le château se terminait là. Si la cour z et le bâtiment z" eussent existé primitivement, quelle aurait été l’utilité de ces défenses, destinées, la première à plonger ses feux sur la vallée, la seconde à empêcher de ce côté l’escalade ? On comprend du reste que l’architecte, une fois le château entièrement construit, ait craint, malgré la pente abrupte au-dessus de laquelle il s’élève en cet endroit, que tout ce côté ne fut trop faible, que la tour j2 ne fût pas suffisamment défensive et que l’espace vide qui existe entre cette tour et l’extrémité sud du donjon ne présentât aux assiégeants une brèche naturelle dont ils auraient infailliblement profilé. De là, pour mieux protéger et fortifier ce point important, ces conslruc* tions diverses, à une époque postérieure mais néanmoins assez voisine de la fin du quinzième siècle, et ces raccords des bâtiments z, z’et z’’ et même de la tourelle u’contre les murs primitifs du château.

LES FOSSÉS INTÉRIEURS

Il ne nous reste plus, pour terminer cette promenade, qu’à revenir sur nos pas, à descendre le petit escalier h’’, à passer de nouveau par le rez-de-chaussée de j, la tour j1, l’escalier r’’ et, tournant à gauche, qu’à franchir le mur et la porte t:ce qui nous mène dans les grands fossés p. Les fossés de Bonaguil ne sont pas un des côtés le moins pittoresque du château. D’une profondeur de 17 mètres environ au-dessous de la barbacane et de la grande cour, ils s’étendent depuis la tour j1 jusqu’aux pieds de la grosse tour, sur une longueur d’au moins 70 mètres. C’est surtout lorsqu’on arrive à leur extrémité ouest, près de la petite porte w, qu’on est frappé, en se retournant, de leur aspect vraiment grandiose. On est aux pieds de la grosse tour, qui se dresse imposante et fière ; un peu plus loin, la tourelle n’ouvre vers vous ses trois bouches à feu rectangulaires ; puis, s’élève le grand pont-levis, supporté par son pilier, percé de meurtrières et isolé; enfin, dans le fond, la silhouette de la tour j1. Naguère encore ces fossés étaient entièrement tapissés de lierre, de plantes grimpantes, de vigne vierge. Devons-nous regretter que les travaux récents aient fait momentanément disparaître ces élégantes touffes de verdure ? Nous n’aurions connu ni la tourelle n’, ni les meurtrières des sous-sols. Du reste, les quelques peupliers, dont les tètes élancées semblent vouloir rivaliser de hauteur avec les tours qui les dominent, continuent de donner à ce coin si frais, toujours vert, émaillé au printemps de fleurs sauvages, assez d’ombre et de poésie, pour que les visiteurs puissent s’y reposer un instant, véritablement impressionnés par le calme et la majesté qui planent, en cet endroit, sur ces admirables ruines.

LA PLATEFORME

En l’’ est une porte creusée dans un mur de garde intérieur, qui donne accès sur la plateforme l. Cette plateforme est un des plus beaux ouvrages de défense de Bonaguil et en même temps, pour cette époque, un des plus caractéristiques et des plus nouveaux. Ce n’est guère, en effet, qu’à partir du milieu du xve siècle que l’on voit les châteaux entourés de lices et de boulevards, destinés à supporter des pièces d’artillerie de fort calibre. À Bonaguil, cette plateforme était indispensable, moins pour commander la vallée que pour se défendre des pièces ennemies, braquées sur la roche noire qui, en face, de l’autre côté du ruisseau et à la même hauteur, pouvait servir de plateforme naturelle aux assaillants. En outre, la grande salle i, entre la grosse tour et la tour carrée, ne présentant que de très faibles défenses, il importait de fortifier ce côté qui n’a pas de fossés et de mettre ainsi les appartements principaux à l’abri de toute attaque. Très large, presque carrée, la plateforme l, qui est traversée dans toute sa longueur par un caniveau, destiné à écouler les eaux pluviales en même temps que celles des latrines creusées dans le mur de la grosse tour, est soutenue par neuf arcades cintrées. Son terre-plain (c’est du moins notre avis) doit cacher, comme celui de la barbacane, des galeries souterraines qu’il serait intéressant de fouiller. La trace extérieure d’une porte l’, ainsi qu’une meurtrière qui la défend, en font foi.

La petite tourelle l’’ relie la plateforme au mur de contregarde extérieur, qui, suivant la forte déclivité du terrain, vient rejoindre, en dehors des fossés, les murs de la barbacane. Elle est percée de deux meurtrières, l’une extérieure, l’autre intérieure plongeant ses feux sur les fossés. Enfin, tout à fait contre, se trouve la porte ω, par laquelle on a le grand tort de faire entrer souvent les visiteurs, la seule entrée étant en a, et qui, relativement moderne, n’a été percée que pour les besoins journaliers des gens de service. C’est par elle que nous sortirons.

LES COMMUNS

Il peut sembler étonnant que, dans tout le cours de notre pérégrination, nous n’ayons pas indiqué la place des écuries, remises et autres offices accessoires. Longtemps nous l’avons vainement cherchée. L’acte si important de dénombrement de 1702 est venu nous sortir d’embarras et nous éclairer sur ce point. Il résulte en effet de ce document qu’au commencement du xviiie siècle, et tout porte à croire qu’il en fut toujours ainsi, ces services, qui n’avaient pu trouver place dans l’intérieur du château, étaient établis en dehors, mais tout à côté :

« Dit que le seigneur a encor et jouyt noblement, joignant ledit château et sur le bord et hors des fossés, les offices suivants :

« Premièrement, une maison appelée la Fauconerie, à deux étages, bastie de pierre de taille, couverte de tuiles à pierre plate, de longueur de huit pas et de largeur de six ;

« Plus, une écurie, appelée la Carrossière, de la longueur de huit pas et six de largeur ;

« Plus, une autre écurie, appelée la Grande Écurie, de la longueur de trente pas et neuf de largeur ;

« Plus, une écurie, appelée la Muletière, de la longueur de huit pas et six de largeur ;

« Plus, une autre écurie, appelée le Fénial, ayant deux étages, de la longueur de vingt-quatre pas et huit de largeur ; lesquelles écuries sont basties et couvertes de même que la Fauconerie. »

Il ne peut être évidemment question ici que de maisons, plus ou moins modifiées, faisant actuellement partie du village.


ENSEMBLE ARCHÉOLOGIQUE ET MILITAIRE

Il nous est facile, à présent que nous connaissons le château de Bonaguil dans ses moindres détails, de nous rendre un compte exact du but que s’est proposé l’architecte qui l’a construit et comment il l’a si intelligemment atteint. Examinons, pour cela, quels étaient, au point de vue de son assiette naturelle, les points faibles de Bonaguil et voyons par quels modes de défense il ont été renforcés.

C’était d’abord, ainsi que nous l’avons indiqué sommairement, tout le côté nord, beaucoup plus accessible que les autres côtés, à cause du coteau qui le domine et sur lequel l’ennemi, établissant ses batteries, pouvait de là diriger un feu plongeant. Il était donc indispensable d’accumuler à cet endroit le plus grand nombre de moyens de défense. Et, bien que l’architecte ait précisément ouvert le château sur cette façade, ce qui pourrait passer pour une grave imprudence, il ne pouvait corriger cette audace qu’en défendant les deux entrées par des moyens artificiels, dont la force est ici vraiment surprenante. Ce sont, en premier lieu, les fossés p’ et le pont-levis extérieur qui protègent le grand portail de la barbacane. Puis la barbacane elle-même, si originale, entièrement entourée d’un mur extrêmement épais, surmonté d’un chemin de ronde qui est percé de créneaux et de meurtrières. On aura sans doute remarqué que l’architecte a eu bien soin de ne pas placer les deux portes d’entrée sur le même prolongement. Pour recevoir la première, le mur a été creusé de côté et obliquement ; l’ouverture se trouve ainsi exposée moins directement aux boulets des assiégeants.

Supposons même que ce premier portail ait été emporté et que l’ennemi ait pu pénétrer ainsi dans la barbacane, sa position n’était guère plus tenable ; car il se trouvait en présence des ponts-levis m et m’ relevés et des fossés p qui s’ouvraient béants devant lui. Bloqué même dans ce boulevard a, comme dans un cul de sac, il était exposé au feux multiples et convergents de toute la façade nord du château : à gauche ceux de la tour j1 et de la courtine crénelée, en face ceux de la terrasse du donjon, des meurtrières de la porte e et des créneaux aujourd’hui refaits qui la surmontent, enfin à droite tous ceux de la grosse tour. Ainsi placé, sa position devenait très difficile ; et ce n’est qu’avec une extrême circonspection qu’il pouvait s’approcher des fossés p, les franchir et s’emparer de la porte d’honneur. On peut donc dire sans exagération qu’à cette époque ce côté de Bonaguil était imprenable.

Si, renonçant à s’emparer du château du côté nord, l’ennemi se porte à l’ouest, là encore il se heurte à des difficultés tout aussi sérieuses, et ce n’est que par la ruse et l’habileté qu’il peut espérer les vaincre. Si, en effet, après avoir démonté les pièces de gros calibre, braquées sur la plateforme l, il parvient à escalader cette plateforme, il se trouve en présence d’une série de petites défenses qu’il ne peut espérer enlever qu’en connaissant pafaitement d’avance les moindres détours et en s’exposant à mille dangers. Il lui faut d’abord, après avoir essuyé les feux de la grosse tour, emporter la chicane n, c’est-à-dire affronter ses meurtrières et pénétrer pas à pas, homme par homme, dans son étroit couloir. Il arrive ainsi sur le parapet o’, sous les mâchicoulis et les feux convergents des meurtrières de la tour rouge et de la tour carrée, et en face du pont-levis m’relevé et défendu par les deux importantes bouches à feu de la porte x’. Cette porte prise, l’assaillant n’est pas encore maître du château. Il a à monter les divers paliers de l’escalier x et il vient se buter à son sommet contre une porte bien verrouillée, séparant, au rez-de-chaussée, la tour carrée du couloir v. Cette porte enfoncée, il devient enfin maître de tous les appartements seigneuriaux et de la cour d’honneur. Mais il lui reste encore à enlever le donjon, dernier refuge de l’assiégé, qui s’abrite d’abord derrière sa porte soutenue par des barres de fer et son pont-levis relevé, puis qui se défend d’étage en étage et jusqu’à la plateforme par les nombreuses meurtrières de la cage d’escalier.

Enfin, des côtés sud et est, le château est d’une approche encore plus difficile. Car, outre la pente naturelle du sol et l’escarpement à pic des murs au-dessus de la vallée, il est défendu par les boulevards o’ et o, capables de supporter des pièces de siège montées sur leurs affûts, par toutes les bouches à feu à tir rasant du souterrain et des courtines, enfin par les meurtrières à tir plongeant des tours du château, Car il est important de remarquer qu’à Bonaguil, plus que partout ailleurs peut-être, les tours sont à peine engagées dans les murs de garde. Très saillantes en dehors des courtines, elle les flanquent d’autant mieux qu’elles font converger sur les fossés, la plateforme et les deux boulevards tous les feux de leurs étages supérieurs. Quant aux rez-dechaussée de ces mêmes tours, on voit qu’ils sont percés, dès la base et au niveau de la crête des murs de contre-garde, d’embrasures à canons à tir rasant qui suivent la déclivité du terrain et battent les coteaux circonvoisins. C’est une innovation capitale dans le système de défense du milieu du xve siècle, qui apparaît pour la première fois, croyons-nous, en France au château de Bonaguil. Le splendide château de Pierrefonds, qui n’est antérieur à celui-ci que d’un demisiècle, ne présente à cet égard rien de semblable. Le bas de ses innombrables tours est hermétiquement fermé : et là, comme dans tous les châteaux des xive et xiiie siècles, les approches ne sont défendues que par les crénelages des étages supérieurs, c’est-à-dire par les feux plongeants.

On le voit donc, au point de vue architectonique seul, la date de la construction de Bonaguil est inscrite en caractères frappants sur toutes ses murailles. Magnifique spécimen d’une époque de transition, il sait garder du vieux système tout ce qui présente encore à cette heure quelque utilité, et il réunit en même temps, par d’heureuses dispositions, aux services anciens tout un aménagement nouveau conforme aux nouvelles armes. On peut donc dire que son architecte, dont le nom ne s’est malheureusement pas conservé, a ici, dans son œuvre magistrale, et mieux que partout ailleurs peut-être en France, admirablement résolu le problème que s’imposaient les constructeurs militaires dans l’élévation des places fortes du milieu du xve siècle, et que Viollet-le-Duc résume dans cette formule : « Battre les dehors au loin, défendre les approches par un tir rasant des bouches à feu, et se garantir contre l’escalade par un commandement très élevé, couronné suivant l’ancien système pour la défense rapprochée[34]. »

RÉPARATIONS URGENTES À ACCOMPLIR

Nous avons dit dans notre deuxième édition qu’une allocation de dix mille francs de la Commission des Monuments historiques avait valu, en 1882, au château de Bonaguil d’être, sinon entièrement restauré, du moins suffisamment nettoyé et consolidé dans ses parties les plus défectueuses. Un si maigre crédit d-evait être vite épuisé. Aussi demandions-nous déjà, l’année suivante, que ce zèle ne s’arrêtât pas en si beau chemin et que par de nouvelles générosités soit du Gouvernement, soit du département de Lot-et-Garonne, soit d’une Société scientifique quelconque, d’autres réparations, également urgentes fussent encore accomplies.

Notre voix a été écoutée. Depuis lors, en effet, le château n’a cessé de recevoir d’illustres visites, dont quelques-unes ministérielles. Et M. G. Leygues aurait bien mal compris les intérêts de son arrondissement, si, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, il ne s’était souvenu de Bonaguil et n’avait fait obtenir à ses grandioses ruines un nouvel et important secours. C’est encore M. Paul Gout, architecte du Gouvernement, et sous ses ordres M. L. Payen, architecte départemental de Lot-et-Garonne, à qui ont été confiés les soins délicats de continuer cette œuvre à la fois archéologique et artistique. Nous sommes heureux de constater qu’en bien des points ils ont rempli fidèlement leur mission.

La voûte de la tour d, dite l’arsenal, qui menaçait ruine, a été entièrement restaurée. La petite tourelle b a vu sa porte et sa cheminée refaites. Une autre cheminée du deuxième étage de la grande salle i a été également rétablie ; et nous verrons sous peu, entièrement consolidée et aménagée selon son premier style, la belle fenêtre à meneaux, à moulures prismatiques, de cette même salle donnant au premier sur la cour d’honneur.

Les créneaux, avec nierions percés de meurtrières à leur base, de la courtine e ont été rebâtis en pierre dure du pays, et le chemin de ronde avec parapet continué jusqu’à la grosse tour. On a recouvert également en pierres la petite tourelle n’, dite la poudrière, qui se trouve dans les fossés, et dont l’ancien lierre avait écrasé la voûte. Enfin on a cimenté la partie supérieure de l’oratoire x.

Mais c’est le donjon surtout, la partie la plus importante et la plus originale du château, qui vient d’avoir les honneurs d’une restauration à peu près complète. La voûte de la salle k, au rez-de chaussée, a été consolidée ; les marches de l’escalier à vis réparées, ainsi que le palier du haut et celui de la tourelle qui le domine ; la plateforme notamment, sur laquelle il était imprudent de s’aventurer, refaite telle que la représente Viollet-le-Duc dans sa vue cavalière, avec ses parapets crénelés et sa ceinture neuve de mâchicoulis. Nous avons déjà dit combien il était regrettable qu’au lieu d’un beau dallage de pierres, comme il en restait à l’extrémité sud quelques vestiges, on l’ait recouverte à nouveau de ciment. Contraire au style du xve siècle, cette réparation ne sera, nous le craignons bien, que de courte durée. Nous eussions préféré également, pour le rétablissement du parapet des créneaux, l’emploi de la pierre dure du pays ; celle de Condat, poreuse, très friable et d’un aspect si désagréable, blanche au soleil, jaune à la pluie, n’offre qu’une résistance très contestable, étant donné surtout l’amincissement beaucoup trop prononcé des arêtes des créneaux.

C’est dans le même style qu’a été refaite également la plateforme de la tourelle ronde de l’escalier, avec sa nouvelle ceinture de parapets crénelés et de mâchicoulis.

Puisque tous les combles du château étaient couverts, croyons-nous, en pierres plates du pays, pourquoi la guette, qui termine la tourelle de l’escalier, vient-elle d’être recouverte d’ardoises ? On lui a donné ainsi un faux air de construction du nord, alors qu’il eut été si facile de conserver à Bonaguil, dans toutes ses parties, son cachet méridional et sa vraie couleur locale.

Il reste bien d’autres choses à faire. Il en restera toujours, le temps continuant sans relâche son œuvre dévastatrice. Qu’il nous soit donc permis de signaler encore, parmi les réparations les plus urgentes à accomplir :

Le parvis du couloir v, devenu dangereux, par suite de la poussée de sa voûte très-plate sur des murs qui ne présentent pas assez d’épaisseur ;

Dans ce même couloir v, la nécessité de fixer la planche mobile, beaucoup trop étroite, sur laquelle il faut passer pour pénétrer dans l’oratoire de la tour carrée, et d’établir une rampe de l’autre côté du mur, quand ce dernier sera consolidé ;

À côté, au rez-de-chaussée de la salle i’, la porte qui communique avec la salle i’’ et dont les battants s’effritent de plus en plus sous l’action des pluies, menaçant d’entraîner tout le mur dans leur chute.

Du côté des loges, il serait urgent de refaire l’étroit passage qui donne accès de la cour h au premier étage de la tour j1 et qui n’est du reste qu’un dernier lambeau de la voûte j qui s’est effondrée et qu’on a enlevée. Ce passage, assez dangereux pour que nous engagions fort nos lecteurs à ne pas s’y aventurer, cédera avant peu sous le plus léger poids.

Afin de faire mieux saisir aux visiteurs l’économie du château, il serait bon de rétablir aussi sommairement que possible si l’on veut, mais toutefois avec la plus grande solidité, le pont-levis m’. Si en effet on eut conservé et fixé avec une rampe les planches mobiles que l’on pose de temps en temps sur la pile du milieu, nous aurions évité à nos lecteurs moins de fatigue et fait peut-être mieux comprendre l’idée première de l’architecte.

La porte f, à l’extrémité de ce pont-levis m’, est toujours dans le plus mauvais état.

Les voûtes des fours, dont les bouches s’ouvrent, on le sait, au rez-de-chaussée de la salle j’, méritent aussi qu’on leur porte un prompt secours.

Enfin, du côté opposé, tout près de la porte de sortie w, la tourelle l" aurait besoin d’une sérieuse réparation : un linteau de bois est appelé à se pourrir et à faire ainsi effondrer toute la partie supérieure.

À titre de curiosité, il serait intéressant de continuer les fouilles de la barbacane et d’en pratiquer dans le terre-plain de la plateforme l, dont l’inspection attentive des murs donne tout lieu de croire à un agencement intérieur.

Enfin, comme effet pittoresque et bien que sous ce rapport on ait commencé à nous donner satisfaction, il serait beau de rétablir, dans leur style du xve siècle, les deux cages d’escalier u et u’, avec leurs jolies portes festonnées ; les chemins de ronde, fermés par des hourds, dont on voit encore la trace, des tours j1 et j2 ; ceux de la tour rouge, de la tour carrée et surtout de la grosse tour, dont on devrait, avant toutes choses, refaire le couronnement et les étages successifs ; les murs des parapets o et o’, entièrement crénelés ; enfin, la curieuse échauguette, servant de corps de garde, de la barbacane, au-dessus du grand portail d’entrée.


L’ÉGLISE DE BONAGUIL

L’église de Bonaguil, qu’il faut visiter en quittant le château, a été entièrement remaniée comme lui au xve siècle. Elle est de style ogival, à trois nefs, bien que les deux nefs latérales aient été raccourcies, l’une, celle de gauche, pour donner accès au cimetière, l’autre, celle de droite, pour faire place à un porche extérieur, récemment muré. Les nervures de ses voûtes, comme les culs de lampe et la jolie niche qui renferme une antique Pietat, accusent bien le style du xve siècle, Elle a trois issues : l’une à l’ouest, qui est la grande porte d’entrée ; l’autre à l’est, dans la chapelle latérale de droite, réservée spécialement au seigneur et à sa famille ; la troisième, sous un porche à l’extrémité ouest de la net de gauche, communiquant avec le cimetière. Tout près de cette dernière se trouve la cage d’escalier du clocher, munie d’une meurtrière à l’ouest. Derrière le maître-autel une sacristie moderne a été ajoutée. Dans la nef de gauche, on voit la trace d’une tombe, recouverte d’une grande dalle de pierre. Il serait bon qu’elle fut fouillée. Naguère en pierres plates du pays, ce qui lui conservait son aspect d’autrefois, la toiture vient d’être recouverte d’ardoises plates. Cette réparation malencontreuse, dictée par la pénurie de ressources, jette une note discordante à l’ensemble du paysage.

Située au nord du château, mais un peu en contre-bas, l’église de Bonaguil, pauvre et modeste, contraste avec la splendeur du superbe édifice. Néanmoins elle lui a survécu. Ainsi que presque toutes les chapelles dépendantes des châteaux féodaux et non enfermées dans leur enceinte, elle s’élève un peu à l’abri des tours comme pour mieux conserver son indépendance, et à une distance à peu près égale du château et du village. C’est en effet la place que lui assigne sa mission chrétienne ; noble intermédiaire au moyen-âge entre le suzerain et le vassal, entre le seigneur et le serf, cherchant à accomplir en tous temps, de par son institution divine, sa tâche admirable de conciliation, de consolation et de paix.


III
LE CONSTRUCTEUR DU CHÂTEAU

Le château de Bonaguil doit son existence à un caprice de grand seigneur.

Ce fut, en effet, très haut et très puissant seigneur Bérenger de Roquefeuil, appelé vulgairement Bringon, qui remania de tond en comble et construisit presque en son entier, à la fin du xve siècle, alors qu’à la mort de son père il devint maître de son immense fortune, la magnifique forteresse dont les murailles ont résisté jusqu’à ce jour aux assauts du temps.

Résidant dans sa baronnie de Castelnau-de-Monratier, au château de Flauniac ou Flaugnac, ce seigneur de Roquefeuil eut, ainsi que nous l’apprennent les archives de sa famille et que nous allons le relater, de longs démêlés avec les habitants de Castelnau au sujet de leurs coutumes fort libérales, et dont il cherchait à ne point respecter le texte. Condamné plusieurs fois par le Parlement de Toulouse et assujetti à des démarches qui blessèrent son orgueil, il se décida à abandonner un pays qui ne lui rappelait que de mauvais souvenirs et à venir habiter ses terres du Haul-Agenais, notamment la baronnie de Blanquefort et de Bonaguil, qu’il détenait de ses ancêtres. C’est alors qu’il résolut d’édifier une demeure que ni l’étranger si jamais il revenait, ni le roi de France, à plus forte raison ses vassaux rebelles, ne pourraient lui prendre ; et il choisit son assiette sur ce roc de Bonaguil, où s élevaient encore quelques derniers pans de mur du château du xiiie siècle, au fond de cette vallée sauvage et boisée qui lui offrait un asile à peu près inviolable.

Les travaux furent menés rapidement, si bien qu’une vieille chronique du commencement du xvie siècle, pouvait, peu après, écrire ce passage, absolument concluant sur la date, l’origine et le nom du constructeur du château :

« De mémoire est qu’aujourd’hui, vénérable à ses subjets pour sa vertu, et de qui le nom est asses public par ceulx qui s’émerveillent qu’un seigneur, non aydé des bienfaits du Roy ou de l’Église, ait eslevé un si somptueux édifice que celui de Bonneguille[35]. »

Si l’histoire du château de Bonaguil n’est, à quelque exception près, que celle de ses seigneurs, elle aura cependant ceci d’intéressant qu’elle nous fera assister à l’une des suprêmes luttes des hauts barons contre la petite noblesse et le consulat des villes, ligués ensemble, c’est-à-dire à l’un des derniers actes de la rivalité séculaire de la bourgeoisie et de la féodalité. Nous y verrons, en outre, combien était plus réelle qu’apparente la gêne des grands seigneurs au commencement du xvie siècle, et combien il faut en rabattre avec ces fortunes, qui de loin paraissaient royales, alors que les charges toujours plus fortes, les dépenses obligatoires, le luxe, le désordre, l’orgueil de leurs titulaires les sapaient journellement, sans que rien, ni le commerce, ni l’industrie, ni seulement l’écoulement naturel des produits du sol, en un mot aucune source vitale de la richesse, vienne jamais les relever. Ventes partielles, cession d’usufruits, échanges, luttes, procès, spoliations, compétitions de toutes sortes, souvent même à main armée, et finalement abandon complet de ces forteresses, redoutables encore à l’extérieur, mais que la pauvreté avait rendues depuis longtemps inoffensives, tel est le spectacle attristant que va nous donner le château de Bonaguil.

Cependant, si rien de saillant ne surgit dans son histoire, si l’on a à n’y relever aucun fait d’armes important soit contre l’étranger, soit plus tard contre ceux d’une autre religion, pour demeurer ainsi au second plan les faits que nous aurons à citer n’en présenteront pas moins un très grand intérêt. Abordons-les, et avant d’en arriver à la vie de Bérenger de Roquefeuil, rappelons sommairement l’origine comme la puissance de ses illustres ancêtres.

Un tableau généalogique, annexé plus loin, fera comprendre plus aisément leur filiation.

LES BARONS DE CASTELNAU

Dès les premiers siècles de la féodalité, les barons de Castelnau et de Gordon sont établis dans le Quercy, où ils deviennent la souche de la plus haute noblesse du pays. Leur puissance est considérable. Ils prennent une part active et prépondérante à toutes les affaires de ces temps-là et on les voit longtemps défenseurs de l’église de Cahors et abbéschevaliers de l’abbaye de Moissac. L’un d’eux Gaubert de Castelnau, qui vivait au milieu du xie siècle, porte même à cette époque le titre de prince. Ils possédaient alors tout le pays compris entre le Tarn et la Dordogne, c’est-à -dire une grande partie du Quercy ; ils en distribuèrent les fiefs à leurs hommes d’armes et devinrent les fondateurs des principaux monastères de la province[36].

La terrible guerre des Albigeois vint mettre un terme à cet accroissement de territoire et leur enlever une portion importante de leurs domaines. Ratier de Gordon, premier du nom, était alors le chef de la famille de Castelnau. Quand les hostilités furent commencées, il se démit de son commandement des troupes royales en Quercy et se rangea sous la bannière du comte de Toulouse. Mal lui en prit, car Simon de Montfort, porta, en 1214, le fer et le feu sur ses terres. Il détruisit de fond en comble la ville de Castelnau : mais il ne put s’emparer du château dans lequel s’était enfermé Ratier avec ses meilleures troupes et qu’il défendit contre tous ses assauts. Forcé de lever le siège, Simon de Montfort s’en vengea en brûlant tous les autres châteaux du pays, qui appartenaient à la famille de Castelnau. Mandé par Raymond VI, Ratier abandonna alors pour se rendre à Toulouse avec sa famille son château de Castelnau, que le sénéchal de Quercy fit aussitôt démolir. Il prit une part glorieuse à la défense de Toulouse ; mais il dut se soumettre avec son chef à l’impitoyable vainqueur, qui lui enleva tous ses domaines, les concéda à Pons d’Espanel, et le réduisit à une extrême misère.

Son fils Aymeric de Gordon obtint de ce même Pons d’Espanel la restitution de la baronnie de Castelnau et il releva bientôt la fortune de sa maison. Ses descendants suivirent son exemple. Ils rendirent plusieurs fois hommage, d’abord à Louis IX, puis aux rois d’Angleterre, reconstruisirent, en la personne de Ratier II, la ville de Castelnau à laquelle ils octroyèrent, en 1291, ces fameuses coutumes, objets de tant de démêlés futurs, et finalement redevinrent, dès les commencements du xive siècle, aussi puissants que l’avaient été leurs ancêtres avant la guerre des Albigeois[37].

Faut-il faire remonter à ces seigneurs de Gordon, en supposant qu’ils fussent déjà propriétaires de la terre de Bonaguil en Agenais, la construction du premier château de Bonaguil ? L’acte si important pour nous que nous avons déjà indiqué au chapitre précédent, connu sous le nom de Saisimentum, et qui est la prise de possession de l’Agenais en 1271 par le sénéchal de Carcassonne, Guillaume de Cohardon, au nom du roi de France[38], semble le faire supposer. Il est surprenant, en effet, que, pour le même baillage de Tournon, nous trouvions dans la liste des seigneurs qui rendent hommage, mais sans indiquer pour quelle terre, un Arnaud de Gordon (Arnaudus de Gordo) et un peu plus bas, dans la liste des châteaux et pour la première fois, le nom de Bonaguil.

« …Asseruerunt etiam quod castra infrascripta sunt in honore et ressorte dicti castri de Torno, scilicet : castrum de Mirogol, castrum de Ante, castrum de Rochacort, castrum de La Cort, castrum de Stella, castrum de Fumello, castrum de Cuzorn, castrum de Blancafort, castrum de Sancta-Fronte, castrum de Bonegails, et castrum de Strilas. »

D’où on pourrait conclure qu’un seigneur de Gordon, Arnaud, descendant en ligne directe ou collatérale de Ratier II de Castelnau, aurait été, en 1271, seigneur de Bonaguil, et qu’il aurait construit ce premier château vers cette époque, c’est-à-dire au temps où la maison de Castelnau serait devenue florissante, le nom de Bonaguil ne se retrouvant pas dans la longue liste d’hommages rendus à Alphonse de Poitiers douze ans auparavant, en 1259.

La mort de Ratier II, arrivée en l’année 1291, détermina la séparation des branches des Gordon, barons de Castelnau, et des Gordon, barons de Gourdon. La première, qui seule nous intéresse, fit du château de Flaugnac, à quatre kilomètres de la ville de Castelnau-de-Monratier, sa principale résidence. Elle eut, à partir de ce moment, des démêlés constants avec les habitants de cette ville, au sujet de leurs franchises. Ratier IV, notamment, qui prit une part si active à la guerre contre les Anglais, chercha toute sa vie à amoindrir l’autorité des Consuls, et il commença, dès 1342, cette lutte avec eux, qui ne devait se terminer qu’un siècle et demi après par la condamnation de Bérenger de Roquefeuil. Son fils Ratier V (ut le dernier descendant mâle de la maison de Gordon de Castelnau. Il mourut vers le milieu du xive siècle, et laissa seule héritière sa sœur Hélène, enlevée à l’âge de six ans par Jean d’Arpajon, vicomte de Lautrec, pour l’épouser à l’insu de sa famille au château de La Brosse. Mais Jean d’Arpajon étant mort vers 1359, Hélène de Castelnau se remaria le 5 février 1361, d’autres disent le 5 octobre 1362, avec Arnaud III de Roquefeuil, apportant ainsi dans cette nouvelle famille tous les immenses domaines des Gordon de Castelnau, et peut-être déjà la terre de Bonaguil.

LES BARONS DE ROQUEFEUIL

La baronnie de Roquefeuil formait, sur les frontières du Languedoc et du Rouergue, une terre considérable qui s’étendait dans le diocèse de Nimes et de Maguelonne et dont faisait partie le château de Roquefeuil, situé dans le diocèse d’Alais, aux limites mômes du Rouergue, du Gévaudan et du diocèse de Lodève. Elle possédait dans le diocèse de Nimes les châteaux de Paules et de Valleraugues ; dans celui d’Alais le château de Roquefeuil ; dans le diocèse de Maguelonne, ceux de Breissac et de Ganges ; dans le Gévaudan, les châteaux de Dolan et de Blanquefort ; dans le Rouergue, le fort château d’Algues et ceux de Nant, de Saint-Jean-de-Bruel, de Sauclières, de Saint-Michel-de-Rouliac, de Versols, de Caylus et la vicomte de Creissels ; dans le Quercy, ceux de Castelnau de Monratier et de Flauniac, et plus tard, dans l’Agenais, ceux de Blanquefort et de Bonaguil.

Ses alliances étaient tout aussi illustres. Elle se glorifiait d’être apparentée avec la maison de Bourbon par le mariage de Raymond de Roquefeuil avec Guillemette de Montpellier, avec les maisons d’Aragon, d’Autriche et de Bragance, enfin avec celles de Toulouse, de Bodez, d’Armagnac, d’Albret, de Turenne, de Gourdon, de Clermont, de Durfort, de Montpezat, etc.[39].

Leurs armes étaient à l’origine : d’azur à deux nymphes de carnation, habillées d’argent, chevelées d’or, soutenant d’une main un lys d’or ; puis, plus tard : de gueules avec cordelière d’or passée en sautoir[40].

L’origine de la famille de Roquefeuil est très ancienne. Le spicilège de Dom Luc d’Achery[41] parle d’un Roquefeuil, seigneur considérable, contemporain d’Hugues Capet. Plustard, un Geoffroy de Roquefeuil n’eut qu’une fille, Adélaïde, qui épousa en 1129 un Bernard d’Anduze, seigneur d’Alais, à condition qu’il porterait le nom de Roquefeuil. Ce Bernard d’Anduze fut le chef de la branche des Roquefeuil d’Anduze, ancêtres directs des futurs seigneurs de Bonaguil. Nous n’énumèrerons pas sa nombreuse filiation qui n’a rien à faire avec l’histoire du château. Qu’il nous suffise de relever seulement certains actes importants qui accrurent la puissance de cette famille. D’abord le fils de Bernard, Raymond Ier de Roquefeuil réunit à sa maison, par son mariage, en novembre 1169, avec Guillemette de Montpellier, fille du puissant comte Guillaume VII de Montpellier et de Mathilde de Bourgogne, une grande partie des domaines de son beau-père. Plus tard, son fils, Raymond II de Roquefeuil, fut substitué, par testament du 4 novembre 1202, à la seigneurie de Montpellier et reçut du comte de Toulouse, pour services rendus, les châteaux de Breissac et de Ganges, dans le diocèse de Maguelonne. Excommunié pour avoir soutenu le comte de Toulouse contre Simon de Montfort, il fut au nombre des barons qui allèrent, en 1215, à Rome se plaindre devant le Pape. Revenu de ses erreurs, il se rendit le 17 avril 1226 à Narbonne et se soumit entièrement, jurant entre, les mains de l’archevêque de cette ville d’obéir désormais exactement, aux ordres du roi et du cardinal-légat, et remettant pour sûreté de ses promesses entre les mains de ce prélat ses châteaux de Roquefeuil, de Paules. de Valleraugues, de Blanquefort dans le diocèse de Mende et de Caylus[42]. Enfin un de ses descendants, Arnaud II, qui, outre les titres de ses ancêtres, portail celui de Comptor[43] de Nant[44] et était devenu seigneur de Combret dans le Rouergue, au diocèse de Vabres, par son mariage avec Jacquette de Combret en 1316, vint rejoindre à Agen Pierre de Rourbon, afin de s’enrôler sous sa bannière pour combattre les Anglais, amenant avec lui deux chevaliers, soixante-onze écuyers et cent quatre-vingts sergents. C’est lui qui, pour se venger de ce que le roi de Majorque, Jacques II, avait fait assassiner son fils Bernard de Roquefeuil à Perpignan, en 1343, s’allia avec Pierre IV, roi d’Aragon, et marcha contre son ennemi. Mais le Pape et Philippe de Valois s’interposèrent, et il fut décidé, après maintes contestations, que le roi de Majorque « céderait à son très cher cousin la baronnie de Pouget, de Vendémian, Saint-Bauzély, Saint-Amans et Pouzols, dépendant de la vicomté d’Aumelas, avec dix hommages nobles, dont les principaux étaient Clermont, Popian, Montarnaud et Tressan. » Ce qui fut exécuté, le 23 avril 1350[45].

Son fils aîné, Arnaud III, lui succéda en 1361. Il fut le dernier descendant mâle de la branche des Roquefeuil d’Anduze. Marié, ainsi que nous l’avons dit, avec Hélène de Castelnau, il testa le 29 avril 1388 et ne laissa que des filles.

Ce fut sa fille aînée Catherine qui, après la mort de son père, arrivée vers la fin de l’année 1396, réunit sur sa tête les immenses domaines des Castelnau et des Roquefeuil et qui les apporta en dot à Jean, seigneur de Blanquefort, en Agenais. Avec Jean de Blanquefort commence la véritable souche des seigneurs de Bonaguil.

LES SEIGNEURS DE BLANQUEFORT

La maison de Blanquefort, Blancafort ou Blanchefort était fort ancienne. Elle existait dès le xie siècle et provenait de la maison de Blanquefort en Médoc, qui étendait sa juridiction sur plusieurs paroisses considérables et qui eut pour seigneur les Du Gout ou de Goth, puis les Durfort de Duras[46]. Les descendants de cette famille imposèrent plus tard leur nom à d’autres terres de Blanquefort, notamment celle de l’Agenais, à huit kilomètres seulement de Bonaguil qui seule nous intéresse ici.

On y voit encore une habitation fort pittoresque. La construction actuelle, relativement moderne, ne date que du xiiie siècle. Elle fut élevée sur les ruines de l’ancien château, dont le nom se trouve dans le Saisimentum, qui remontait par suite à la seconde moitié du xiiie siècle et dont il ne reste plus que deux tours en moyen appareil, l’une sur plan quadrangulaire, l’autre circulaire avec sa ceinture à peu près intacte de mâchicoulis. C’était, avant la construction de Bonaguil, la résidence habituelle des seigneurs de Blanquefort, que l’on retrouve dès le xive siècle. Sont-ce les Blanquefort, déjà propriétaires de la terre de Bonaguil, très voisine, qui l’apportèrent aux Roquefeuil ? Sont-ce au contraire les Roquefeuil qui la possédaient depuis les Gordon de Castelnau, c’est-à-dire la fin du xiiie siècle, et l’apportèrent, en la personne de leur dernière descendante Catherine, à Jean de Blanquefort ? C’est ce qu’aucun document ne nous permet de préciser.

Réfutons cependant une erreur de M. Limayrac, qui donne à Jean de Blanquefort le titre de cousin de Catherine et le tait descendre d’une branche des Roquefeuil. Ces derniers en effet ont bien possédé, dès le xiiie siècle, une seigneurie de Blanquefort ; mais elle se trouvait dans le Gévaudan, non loin des châteaux d’Algues et de Nant et n’avait aucun rapport avec la terre de Blanquefort du Haut-Agenais.

JEAN DE BLANQUEFORT

Le plus ancien seigneur de Blanquefort en Agenais que nous connaissions est Hugues, marié en 1352 à Catherine Lesparre, dame de Pujols et de Bauzan en Bazadais[47]. Son fils aîné fut Jean, qui épousa en 1380 Catherine de Roquefeuil et devint un des plus puissants seigneurs du Haut-Agenais, du Quercy et du Rouergue. Nous le voyons en 1386 prendre les armes pour la défense de ce dernier pays et figurer le deuxième sur le rôle de la revue des cent quatre-vingt six hommes d’armes, passée à Espalion, le 10 décembre de cette année[48]. En 1393, il assiste au contrat de mariage de Bernard, comte d’Armagnac et de Rodez, avec Bonne, fille de Jean, duc de Berry[49]. Sa puissance était considérable. Ses armes, les anciennes des seigneurs de Blanquefort étaient : Contrefascé d’or et de gueules de quatre pièces[50] ; d’autre disent : de gueules à trois lions d’or, posés deux et un. Il y ajouta celles des Roquefeuil, c’est-à-dire un nœud de cordelière d’or sur chaque demi-fasce de gueules, et un nœud de cordelière de gueules sur chaque demi-fasce-d’or. Ce furent désormais les armes de Bonaguil. Jean de Blanquefort testa le 25 février 1393 et mourut l’année suivante. Il ne laissait qu’un fils, Antoine, de sa femme Catherine, qui se remaria le 20 août 1396 avec Pons de Châteauneuf, seigneur de Chaumont[51]. Elle mourut en 1406. Par son testament, elle instituait pour son héritier universel Antoine de Blanquefort, son fils, à la condition qu’il portât désormais le nom et les armes des Boquefeuil[52] : ce qui, du reste, avait été déjà fait par son époux Jean, dès l’époque de son mariage. Antoine fut donc le deuxième seigneur de la branche des Roquefeuil-Blanquefort.

ANTOINE DE ROQUEFEUIL DE BLANQUEFORT

Antoine de Roquefeuil-Blanquefort, chevalier, baron de Boquefeuil, Castelnau-de-Monratier, Combret, le Pouget, Vendémian, Aumelas, comptor de Nant, etc., était encore jeune lorsqu’il reçut, le 6 mai 1399, des lettres du roi Charles VI, par lesquelles ce monarque lui accordait « délay pour rendre son hommage, jusqu’à ce qu’il eut atteint l’âge, à condition qu’il le rendît par procureur pendant un an aux sénéchaux de Beaucaire, de Carcassonne, de Rouergue, de Quercy et de Périgord[53]. » Dès sa majorité, le 18 février 1404, il passe une reconnaissance avec Bernard, comte d’Armagnac, connétable de France, où se trouve rappelée une transaction intervenue entre Jean d’Armagnac, vicomte de Fezensaguet, et Arnaud de Boquefeuil : il est qualifié de magnifique et puissant seigneur. L’année suivante, le 18 juin 1405, il épouse Delphine d’Arpajon, sa cousine, fille de Hugues III d’Arpajon, vicomte de Lautrec, et de Jeanne de Séverac. Plus tard, le 28 avril 1411, il donne l’investiture des terres acquises nouvellement dans ses fiefs, au lieu de Boqueféral : cet acte fut passé au château de Combret, où, paraît-il, il faisait sa résidence habituelle et qui se trouvait dans le diocèse de Vabres, en Bouergue[54].

Antoine de Roquefeuil fit son testament le 1er décembre 1416, devant Pierre Monachi, notaire du château de Combret. Il lègue à sa femme Delphine d’Arpajon l’usufruit des seigneuries de Roquefeuil et de Combret ; à Bérenger, son fils, qui désire être chevalier de Malte, trois mille florins d’or ; à Antoine, qui se maria en Rouergue où il acheta, en 1475, la terre de Padiès et qui devint ainsi le chef de la branche des Roquefeuil-Padiès, six mille florins d’or ; à Hélène, mariée à Audouin de Pérusse, huit mille florins d’or ; à Jeanne, femme du seigneur d’Ossun, six mille florins d’or ; et à Catherine, à qui il ordonne d’être religieuse, vingt-cinq florins d’or à titre de pension viagère : elle épousa, dans la suite, le seigneur d’Antin. Il institue Jean de Roquefeuil, son fils aîné, son héritier universel ; en cas de décès, il lui substitue ses autres enfants, et, en cas de mort d’eux tous, il leur substitue le neveu de sa femme, Hugues d’Arpajon, à la charge de porter ses armes, mi-partie d’Arpajon et de Roquefeuil. Enfin, il désire être enterré dans l’église des Frêres-Mineurs de Millau, au tombeaudeses ancêtres[55]. Il mourut jeune encore, l’année suivante, le 4 janvier 1417.

Immédiatement après sa mort, le 11 janvier 1417, sa veuve Delphine d’Arpajon fit « dolément et en pleurant », en la grande cour du château, une déclaration solennelle, portant que son mari, dans son testament, avait omis de pouvoir à la tutelle de nobles Jean et Antoine de Roquefeuil, ses enfants : à cause de quoi, elle demandait qu’il leur fût nommé un tuteur. Cet acte, ainsi que le précédent, fut reçu par Pierre Monachi, notaire[56]. Delphine d’Arpajon, par arrêt de la sénéchaussée de Rouergue, fut elle-même pourvue de cette tutelle : nous la voyons exerçant ses droits quelque temps après.

JEAN DE ROQUEFEUIL

Jean de Roquefeuil-Blanquefort, fils ainé d’Antoine, hérita à la mort de son père de toute sa fortune et réunit sur sa tête tous les titres de ses ancêtres. Il dut peut-être, vers la fin de sa vie, jeter les assises du château de Bonaguil, que continua et acheva son fils Bérenger. En tous cas, c’est dans un des premiers actes d’hommage qu’il rendit au roi qu’apparaît pour la première fois le nom de Bonaguil. Nous le voyons en effet, dans les titres de famille que nous avons eus sous les yeux, qualifié le premier, en 1434, de « seigneur de Bonneguil » [57]. Jean de Roquefeuil épousa, le 4 juillet 1444, Isabeau de Peyre[58], qui lui donna neut enfants. Le 24 septembre 1457, il fut condamné, par un arrêt du parlement de Toulouse, à payer à son frère Antoine, avec lequel il était en désaccord au sujet de leur partage de famille, la somme de six mille florins d’or pour sa part de succession. Quelque temps après, le 15 novembre 1458, les deux frères donnaient procuration à diverses personnes pour aller, en leur nom, faire interprêter l’arrêt ci-dessus mentionné, « et se faire expliquer par le sieur de Sarrat, conseiller au parlement de Tholouse, la valeur du florin d’or. » Enfin, Antoine ne tardait pas à donner quittance à son frère, par devant Me Adhémar Guitard, notaire à Saint-Sernin, « en réduction de la somme contenue audit arrêt. » La réconciliation entre les deux frères dut être complète à partir de ce moment, puisque nous trouvons qu’Antoine de Roquefeuil, résidant à Padiès, consentit, le 31 décembre 1461, comme cadeau de jour de l’an, « un contrat d’obligation d’une chaîne d’or, en faveur de dame Isabeau de Peyre », sa belle-sœur[59].

Le 25 juillet 1458, Jean de Roquefeuil acheta à noble Pierre Guiraude Tourbes, dans le diocèse de Béziers, divers fiefs situés aux lieux de Pouzols, Verdes et Poupian. Le 13 avril 1461, il rendit hommage au roi pour la baronnie de Combret et le château de Cantobre, et le 20 juillet 1462 à Jean V, comte d’Armagnac et de Rhodez, pour les châteaux, terre et seigneurie de Roquefeuil et autres lieux, exhibant les anciens titres de ses ancêtres sur ces divers fiefs, et résidant alors au fort château d’Algues, dans le diocèse de Lavaur, parlement et généralité de Toulouse[60]. En 1465, il procéda au dénombrement des lieux de Vendémian, « avec toute justice ordinaire et juge d’appeaux », du Pouget, St-Bauzely, Pouzols et de la moitié de St-Amans, et il désigna plus de trente-cinq personnes, comtes, évêques, abbés, barons, qui lui devaient des redevances. Le 9 août 1470, il passa « un bail à nouvel achapt de plusieurs possessions avec les habitants de Vendémian ». Enfin, en février 1477, il obtint du roi Louis XI des lettres d’abolition et d’entière rémission, « parceque, dans l’armée de la Ligue du Bien Public, il avait envoyé un de ses enfans, nommé Antoine de Roquefeuil, pour demeurer avec Jean, comte d’Armagnac, et lui avait donné aucuns seigneurs et gens pour le servir, pendant qu’il était demeuré au service de ce comte avec Antoine de Roquefeuil, son oncle ; qu’Antoine de Roqueteuil, frère du même Jean de Roquefeuil, y était aussi demeuré, et qu’ils y étaient morts depuis l’un et l’autre[61]. »

Jean de Roquefeuil refusa de rendre hommage à l’évêque de Cahors pour sa baronnie de Castelnau. Il prétendit que les revendications du prélat n’étaient basées que sur les malheurs de ses ancêtres, et que ses domaines devaient rester libres et indépendants. Louis XI lui donna entièrement raison, par lettres du 15 novembre 1471[62] ; ce qui lui valut de recouvrer ainsi pleinement le droit de suzeraineté sur la baronnie de Castelnau.

Après une vie si bien remplie et à l’âge de plus de soixante-dix ans, Jean de Roquefeuil testa le 7 janvier 1477 et ajouta, le 9 février 1480, un codicille à son testament, en vertu duquel, ses deux aînés étant morts, il instituait comme unique héritier de tous ses biens son troisième fils Bérenger de Roquefeuil. Il mourut en 1482. De sa femme Isabeau de Peyre qui, elle, testa le 6 décembre 1463 [63], il avait eu neuf enfants :

1. Antoine, mort sans enfants en 1477, qui prit part à la Ligue du Bien Public et qui postérieurement, le 20 juillet 1461, rendit hommage, au nom de son père, à Charles d’Armagnac, pour la vicomté de Creyssel, « après avoir ôté sa ceinture et son capuchon », ainsi que l’ordonnaient les comtes d’Armagnac ;

2. Louis, seigneur de la Barthe, mort également sans enfants, avant 1480 ;

3. Bérenger, qui suit ;

4. Guillaume, qui ne se maria pas ;

5. Jeanne, femme de Charles de Montpezat, seigneur de Madaillan ;

6. Marguerite, mariée à Philippe de Rossel ;

7. Isabeau, épouse d’abord de Jean de Luzech, puis de Jean de Lodève ;

8. Catherine, femme du seigneur de Venzac ;

9. Delphine, religieuse et abbesse de Nonenque, de 1507 à 1515.

LES FUMEL EN 1466

C’est vers cette époque, et durant la vie de Jean de Roquefeuil, que nous trouvons un acte qui, à première vue, semblerait faire supposer que la famille de Roquefeuil-Blanquelort ne possédait pas encore le fief de Bonaguil. On lit, en effet, dans le Nobiliaire de Guienne et Gascogne, par O’gilvy, à l’article Fumel (tome i, page 9), qu’Arnaud de Fumel, noble homme et héritier de son père Pons III de Fumel, en 1453, « fit, le 25 décembre 1466, donation entre vifs à M. Bernard, son frère, de tous ses biens et droits, avec haute, moyenne et basse justice dans les lieux de Fumel et de Bonanguille, ès-sénéchaussée d’Agenais, Gascogne, Périgord et Quercy, se réservant sur lesdits biens, sa vie durant, tant pour lui que pour sa femme… (suivent diverses rentes)… et aussi une maison d’habitation au lieu de Bonanguille, avec des meubles et ustensiles de ménage, etc… »

Nous n’avons pu vérifier ni la date, ni l’exactitude de cet acte que nous avions cru devoir se trouver dans les archives de la famille de Fumel, mais qui n’y existe pas. Une lettre, en effet, fort obligeante de M. le comte de Fumel, qui a bien voulu faire pour nous de nombreuses recherches dans ses papiers de famille, qu’il détient au château de Lamarque, en Médoc, nous apprend que ce n’est que d’après une généalogie raisonnée, dressée par Chérin, en octobre 1753, sur titres originaux et sur procès-verbal des preuves, qu’O’gilvy a reproduit la transaction de 1461 et la donation en 1466 d’Arnaud de Fumel à son frère. Y était-il véritablement question de Bonaguil ? et dans quels termes ? Quoi qu’il en soit, sans mettre en doute l’authenticité de cet acte, il se peut très bien qu’à cette époque les seigneurs de Fumel, dont le château ne se trouvait qu’à sept kilomètres de Bonaguil, aient possédé des terres dans ces parages et même une maison d’habitation (l’acte ne dit pas château) au lieu de Bonaguil. La tradition veut même qu’il existât un autre château, de l’autre côté de la vallée, au sud du château actuel. Mais il est ; impossible qu’il s’agisse ici du château actuel, qui à ce moment n’était pas bâti, pas plus que du fief de Bonaguil. En présence des irréfutables documents sortis des archives de la baronnie de Castelnau, de ceux qui se trouvent encore dans les archives des Roquefeuil, enfin du passage de la vieille chronique du seizième siècle que nous avons déjà cité, comment admettre que la seigneurie de Bonaguil ait pu appartenir au quinzième siècle à une autre famille que celle de Roquefeuil ? Si l’habitation donnée par Arnaud de Fumel était le château, comment ce fief eut-il appartenu en toute propriété à Arnaud, à Jean et à Bérenger de Roquefeuil, qui en adressent successivement les hommages au roi ? Nous pouvons donc affirmer de nouveau que, durant tout le quinzième siècle, la terre de Bonaguil dépendait des fiefs des Roquefeuil-Blanquefort, et que, lorsque Bérenger succéda à son père en 1482, il la trouva dans ses vastes domaines. L’acte d’hommage si important qu’il rendit solennellement au roi, le 15 février 1483, et que rapportent les lettres de Charles VII que nous reproduisons in extenso à la fin de ce travail, en est la meilleure preuve[64].

BÉRENGER DE ROQUEFEUIL, CONSTRUCTEUR DU CHÂTEAU

Bérenger de Roquefeuil, appelé Bringon, était un des plus puissants vassaux de la couronne. L’acte de dénombrement, qui fait suite à l’acte d’hommage de 1483, porte en effet qu’il possédait : dans la sénéchaussée de Beaucaire, les baronnies de Valleraugues, d’Olmusses, de Trêves, de Calado et de Roquefeuil ; dans la sénéchaussée de Rouergue, les baronnies de Combret, du Luc, de Roquefère et de Cantobre ; dans la sénéchaussée de Carcassonne et la vicomte d’Aumelas, les terres de Pouget, Vendémian, Saint-Bauzely, Pujols et la moitié de Saint-Amans ; dans la sénéchaussée du Quercy, les baronnies et terres de Castelnau-de-Monratier, de Vaulx, de Flauniac, de Lamorelete, de Labarthe, de Sauveterre, de Navarrenque et Lospitalet ; dans la sénéchaussée d’Agenais, les seigneuries de Blanquefort, Bonnaguil, Saint-Ailier[65] ; dans celle de Périgord, la terre de Lamothe Saint-Didier et autres terres dans Villefranche, Montpazier et Villeréal ; enfin dans le Bazadais, les terres de Pujols et de Rauzan ; sans compter d’autres fiefs en Gévaudan, dans la sénéchaussée de Montpellier et son titre de Comptor de Nant.

Une fois maître de sa fortune, Bérenger de Roquefeuil dut tout d’abord en rendre hommage au roi Charles VIII. Il le fit à la date du 15 février 1483. C’est dans cet acte que nous trouvons, outre les noms des nombreuses seigneuries précédentes, mentionné pour la première fois celui de la seigneurie de Bonaguil[66]. En revanche il refusa, huit ans après, de remplir la même formalité auprès de l’évêque de Cahors, prétendant que sa baronnie de Castelnau relevait uniquement du Roi. Ce dernier lui donna raison et l’évêque dut renoncer pour jamais à ses prétentions.

Un an ne s’était pas écoulé depuis la mort de son père, que Bringon de Roquefeuil réentama la lutte de ses ancêtres contre les habitants de Castelnau-de-Monratier, cherchant à diminuer leurs privilèges et à restreindre leurs libertés. Déjà en 1342, Ratier IV de Castelnau avait commencé, en refusant de se soumettre au jugement du Procureur de la Sénéchaussée au sujet de la juridiction de ladite baronnie et d’un excès de pouvoir qu’il avait commis en faisant injustement arrêter un sergent royal. La contestation portait cette fois, nous apprend M. Limayrac, sur les élections consulaires, l’insuffisance du droit de l’ost, l’usurpation des remparts par les habitants, le droit de vente et plusieurs autres dispositions de la coutume. Aux sommations impérieuses de Bringon, les habitants répondirent par un refus formel, se retranchant derrière leurs privilèges, et la lutte prit bientôt un caractère d’acuité des plus prononcés.

À la suite de scènes violentes entre le juge seigneurial Arnaud de Manas et Bertrand de la Mothe, premier consul de la noblesse, délégué par la municipalité de Castelnau, et au cours desquelles le représentant de Bringon fut si fortement frappé qu’il mourut peu après de ses blessures, Bérenger de Roquefeuil porta plainte devant le sénéchal du Quercy d’abord, puis devant le juge-mage de Cahors, qui ordonna l’arrestation des coupables, parmi lesquels se trouvaient les deux frères de Mothe. Mais les consuls les ayant fait évader, le seigneur de Castelnau fit partir de son château de Flaugnac, où il résidait, vingt-cinq arbalétriers, avec ordre de pénétrer de nuit dans Castelnau et d’y briser les poids et mesures des consuls. Cet ordre fut exécuté et même dépassé. Car la soldatesque se répandit ensuite dans les rues de la ville, insultant les habitants et lançant des flèches contre les fenêtres. Quelques-uns furent blessés. Au son du tocsin, on courut aux armes ; on en vint aux mains avec les archers ; et ceux-ci, en trop petit nombre, durent se retirer, laissant des morts sur le terrain.

Ce fut bien pis encore, quand, furieux de voir son autorité méconnue, Bringon envoya tout un corps de troupes qu’il venait de lever en Rouergue à destination de Normandie, contre la ville de Castelnau pour la punir de sa désobéissance. Les frères de Mothe et avec eux toute la petite noblesse se portèrent au secours des consuls. Ceux-ci réunirent tous les habitants et une nouvelle mêlée, plus sanglante cette fois, s’engagea dans les rues de la ville. De part et d’autre, il y eut des blessés et des morts, notamment les deux lieutenants de Bringon. Chassés cette fois encore de Castelnau, les assaillants se retirèrent au château de Sauveterre ; mais le lendemain, les paysans de la contrée étant venus prêter main forte aux consuls, investirent avec eux cette place, l’emportèrent d’assaut, jetèrent le mobilier par les fenêtres, y mirent le feu, et firent prisonnière toute la garnison.

Cette affaire eut des suites. Les juges-mages de Cahors et de Montauban d’abord, puis le sénéchal du Quercy, enfin le Parlement de Toulouse en furent saisis. Une enquête fut ordonnée en 1488, au bout de laquelle la Cour, par un arrêt du 20 juillet 1493, « annula les jugements antérieurs, confirma les coutumes de Castelnau, maintint le droit de l’ost selon la forme usitée, modifia les articles 53, 57, 94, 95 et 96 de la coutume, et condamna Bringon à faire rétablir les mesures, de plus à 300 livres tournois de dommage enversles habitants, à 100 livres tournois d’amende et à livrer au sénéchal du Quercy, pour être jugés par lui, ceux de ses gardes qui avaient commis les exactions dans la suite[67]. »

Il fallait connaître bien peu le caractère orgueilleux du puissant baron pour supposer qu’il consentirait facilement à se soumettre à cet arrêt. Sa résistance fut de longue durée. Il protesta maintes et maintes fois, refusant de comparaître devant le conseiller, chargé de le faire exécuter. Vainement de nombreux huissiers et officiers de justice se présentèrent devant la porte du château de Flaugnac. Elle leur fut toujours impitoyablement fermée. Ce ne fut que lorsque Bringon comprit que le Roi était décidé à confisquer tous ses domaines qu’il finit, la rage au cœur, par se rendre à Castelnau, le 10 décembre 1493, pour accomplir l’acte qui lui était prescrit :

« Et ledit Bringon se transporta au devant de la porte de la ville. Il lit appeler le commissaire et déclara qu’il était là pour obéir à la volonté du Parlement et exécuter son arrêt.

« Les Consuls se présentèrent et dirent que ce n’était pas là le lieu, et qu’il fallait que le seigneur se transportât au milieu de la place comme ses devanciers. Bringon répondit qu’Hélène de Castelnau s’était acquittée de ce soin devant cette porte et qu’il ne pouvait se rendre sur la place pour deux raisons : l’une qu’il était mort depuis peu dans la ville plusieurs habitants de la contagion, la seconde que sa personne n’y serait pas en sûreté.

« Le commissaire ordonna que, vu les circonstances, sans préjudice des droits des parties, ni sans faire aucune innovation, le baron exécuterait les coutumes et l’arrêt à l’endroit où il se trouverait. Et à l’instant celui-ci se mit à genoux et jura sur le Te igitur, la croix et les saints évangiles, l’exécution de la coutume et de l’arrêt, dans la forme précédemment rapportée.

« En même temps les huits Consuls se mirent à genoux, et nommés l’un après l’autre par leurs noms et prénoms, ils prêtèrent le même serment et jurèrent fidélité au baron. Ensuite ils déclarèrent qu’ils étaient payés de la somme de 300 livres portée en l’arrêt, qu’ils avaient aussi reçu l’argent nécessaire pour faire rétablir les mesures, mais qu’ils se réservaient la remise dans la prison de Cahors des vingt-cinq criminels qui les avaient brisées et avaient saccagé la ville. Le seigneur répondit que l’un d’eux était mort de ses blessures, que trois avaient disparu à la suite de cette affaire et qu’il offrait de remettre les autres.

« Sur quoi, le commissaire ayant clos le procès-verbal d’exécution, les parties se séparèrent[68]. »

Si nous nous sommes si longuement étendu sur cette affaire, c’est qu’elle nous montre combien étaient tenaces dans leurs justes revendications les consulats des villes, c’est-à-dire les représentants de la petite noblesse, de la bourgeoisie et du peuple ; avec quelle audace ils ne craignaient pas de lutter contre les plus puissants barons du royaume, surtout lorsqu’il s’agissait de la défense de leur libertés communales ; quelle indépendance enfin et quelle impartialité mettaient dans leurs arrêts les juges de cette époque, depuis le plus humble bailli jusqu’aux Parlements, sûrs qu’ils étaient tous de se voir soutenus par l’autorité royale. Il ne faut donc plus croire que le peuple ait été aussi opprimé, aussi esclave, même au xve siècle , qu’une certaine école, aux vues étroites, cherche faussement depuis un siècle à l’accréditer, et que le droit et la justice n’aient triomphé que depuis la Révolution. Les documents, comme le dernier que nous venons de citer, parlent assez d’eux-mêmes. Bien entêtés ceux qui ne veulent pas les comprendre.

Bringon de Roquefeuil fut plus heureux contre l’archiprêtre de Flaugnac. Ce dernier, poussé par l’évêque de Cahors, qui ne lui pardonnait pas son premier échec, essaya durant son conflit avec les consuls de Castelnau, de lui chercher chicane au sujet de certaines dîmes qu’il prélevait sur la paroisse. Mais le Parlement approuva cette fois les dires du seigneur de Roquefeuil et défendit à l’abbé de le troubler dans ses droits[69].

C’est vers ce temps, qu’humilié des échecs que lui avaient infligés les consuls de Castelnau, ne se sentant plus peut-être en sécurité suffisante au château de Flaugnac, qui n’en était éloigné que de quatre kilomètres à peine, Bringon de Roquefeuil résolut de se fixer dans ses terres du Haut-Agenais, fit bâtir à neuf le magnifique château de Bonaguil, et le choisit pour lieu de sa principale résidence. Le passage, déjà cité, de la chronique du xvie siècle en fait foi.

Les différents actes d’hommage qu’il rendit à Charles VIII, d’abord en 1483, puis le 17 avril 1484, (hommage qu’il fit rendre par noble Jean de Terre, gentilhomme de ses vassaux, à François d’Este, marquis de Ferrare, chambellan du Roi, lieutenant général du Languedoc)[70], ceux du 14 octobre 1499 et du 19 décembre 1503 à Louis XII, enfin ceux de 1515 et du 28 septembre 1532 à François Ier, sont datés, les deux premiers du château de Flaugnac, puis, les autres, du château de Bonaguil[71].

Jamais la maison de Roquefeuil de Castelnau n’avait atteint une aussi grande puissance que sous Bringon. Dans un acte de dénombrement de 1514, on relève, comme lui appartenant six baronnies dans la sénéchaussée de Beaucaire, quatre dans celle de Rouergue, quatre dans celle d’Aumelas, sept dans celle du Quercy, trois dans le Périgord, quatre en Gévaudan, quatre dans la sénéchaussée de Carcasonne, deux dans le Bazadais, et enfin toujours dans l’Agenais, les baronnies de Blanquefort, de Bonaguil et de Saint-Chaliès. C’est à la suite de cet acte, sans doute pour atténuer l’effet qu’il pouvait produire aux yeux du Roi, que Bringon ajoute :

« La pauvre qualité de ma personne est telle que chacun sait et peut justifier que la plupart du temps je suis malade, et spécialement depuis deux ans, en ça que je n’ay eu guère de santé à cause de la froidure et humidité de mon estomac et cerveau, et avec indisposition de ma personne et petite complexion d’icelle[72]. »

En 1523, Bringon essaya encore de contester à la noblesse de Castelnau le droit de faire partie du consulat de cette ville, prétextant que ses obligations militaires la tenaient la plupart du temps éloignée des affaires et espérant ainsi, en la détachant de la bourgeoisie et du peuple, se la rendre plus favorable. Mais il échoua cette fois encore dans son entreprise, les trois classes ayant protesté devant le Parlement etfait valoir le texte précis des coutumes qui leur donnait raison. Bringon ne put vaincre cette triple alliance, et, par arrêt du 18 juillet 1523, il fut débouté de toutes ses prétentions.

Bringon de Roquefeuil vécut fort âgé au château de Bonaguil, entouré d’une postérité vraiment patriarcale. Cinq ans avant la mort de son père, en 1477, il avait épousé Anne-Guérine de Tournel, en Gévaudan, fille et héritière de Guérin de Tournel, vicomte d’Uzès et de Louise de Crussol, gouvernante du Dauphin. Elle mourut le 8 octobre 1497, après lui avoir donné douze enfants, quatre fils et huit filles, qui furent :

1. Charles, qui suit ;

2. Louis, mort en bas âge ;

3. Antoine, baron du Pouget, seigneur de Sauveterre, protonotaire apostolique, mort sans postérité, le 19 août 1566 ;

4. François, chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem ;

5. Marguerite, abbesse de Nonenque ;

6, 7, 8. Angélique, Jeanne, Delphine, toutes trois religieuses ;

9. Anne, qui fut mariée à Jean d’Antin ;

10. Isabeau, qui épousa, en janvier 1505, Pierre de Durfort, baron de Bussière ;

11. Hélène, mariée à Robert de Lauzières, seigneur de La Chapelle ;

12. Madeleine, femme de Louis de Thémines.

TESTAMENT DE BRINGON

Bringon mourut, en 1530, à l’âge de 82 ans. Il ne testa que le 9 janvier de cette année, quelques jours avant sa mort. Dans ce testament, véritable monument féodal[73], écrit dans la grande chambre du château de Bonaguil, « ubi ipse supra suum lectum jacebat », il dicte à chacun de ses enfants ses dernières volontés, leur trace leur règle de conduite et leur attribue la part qu’il veut que chacun ait à sa succession. Après les recommandations pieuses d’usage, il choisit pour lieu de la sépulture de son corps la chapelle de Sainte-Barbe, sise en l’église paroissiale de Saint-Michel de Bonaguil. Il veut que pour son enterrement, « on invite six vingt prêtres (120), qui prient Dieu pour son âme et celle de ses parenfs, à chacun desquels il sera payé par son héritier trois sols et quatre deniers tournois, outre la nourriture corporelle ; et que, les jours appelés neuvaines et bout de l’an, il soit invité également six vingt autres prêtres au même effet et payés de la même manière. » Il veut qu’il leur soit fourni un repas, pendant lequel il n’y aura ni musique ni instruments de musique. Il veut également que, le jour de son enterrement, il n’y ait ni livrées d’or, ni chars, ni torches, ni cierges, ni armoiries, ni aucun signe de sa puissance. Enfin, il veut que le jour de l’enterrement, de la neuvaine et du bout de l’an, on réunisse aux offices cent pauvres qui seront habillés et à chacun desquels on donnera dix deniers tournois. Suivent les legs très nombreux qu’il fait à chacun de ses enfants et à ses serviteurs, ainsi que les rentes qu’il constitue pour établir un hôpital à Blanquefort. Suit, enfin, après avoir institué pour légataire universel son fils aîné Charles de Roquefeuil, une substitution graduelle jusqu’à la quatrième génération, en faveur de ses descendants mâles, ses plus proches et habiles à succéder, et, à défaut des mâles, des femelles, gardant toujours loi de primogéniture avec néanmoins prohibition de la quarte trebellienne, etc. Ce fut, grâce à cette fameuse substitution, invoquée plus tard, comme nous le verrons, par un de ses derniers descendants, que le château de Bonaguil dut de rester jusqu’à la fin entre les mains de la branche aînée des Roquefeuil-Blanquefort.

Il en est de la vie des grandes familles comme de la vie des peuples. Un moment arrive où leur puissance atteint son apogée, moment souvent d’assez longue durée, mais qui fait place infailliblement après à la période de décadence. Pour la famille de Roquefeuil, ce fut sous Bringon qu’elle atteignit le faîte de sa grandeur. L’élévation de Bonaguil fut comme le couronnement de l’édifice. Avec ses successeurs et déjà sous son fils, la décadence commença, suivie bientôt de la ruine et de la misère.

C’est que, déjà au seizième siècle, l’existence des grands seigneurs avait subi de nombreuses modifications. Ils ne se plaisaient plus autant dans leurs sombres forteresses ; voisinant davantage, fréquentant plus souvent les grandes villes, se rapprochant de la royauté qui les groupait autour d’elle pour les mener, sous sa bannière, guerroyer au loin, en Italie ou ailleurs, ils étaient forcés d’accroître leurs dépenses. Avec la Renaissance, le luxe et le confort augmentèrent, en même temps que par l’émancipation des basses classes les revenus diminuèrent. Puis vinrent les guerres de religion, qui, enlevant toute confiance au pays, ruinèrent le crédit naissant, l’industrie et le commerce. La famille de Roquefeuil subit comme tant d’autres, à son préjudice, ce changement forcé d’existence. La construction de Bonaguil ne fut pas une des moindres causes de sa ruine ; car, pour entretenir un semblable château, avec tous ses offices, ses serviteurs, ses hommes d’armes, il fallait une fortune telle que celle de Bringon. La mort du grand baron et le partage de ses biens entre ses douze enfants furent déjà un commencement de gêne pour son héritier, dont les charges restèrent les mêmes. Mais un événement, plus néfaste encore pour lui, survint, qui fut la vraie cause d’une aussi rapide décadence. Nous voulons parler du mariage que contracta Charles de Roquefeuil.

CHARLES DE ROQUEFEUIL

Le 29 mars 1519, il épousa, contre le gré de son père, Blanche de Lettes de Montpezat[74], fille d’Antoine de Mont- pezat et sœur des dames de Saint-Félix et de Merviel, d’Antoine de Lettes, dit des Prez, seigneur de Montpezat, maréchal de France, et de Jean de Lettes, évêque de Béziers, puis de Montauban. Dans l’extrait de la chronique du xvie siècle que nous avons déjà citée à propos de la construction du château par Bringon, il est dit que ce dernier ne voulut jamais donner son consentement à ce mariage. Le journal n’indique pas les causes de son refus. On se l’explique aisément lorsqu’on voit plus tard sa belle-fille prendre des habitudes de grand luxe, emprunter à tort et à travers, contracter des dettes dans toutes les villes où elle passe, et compromettre, en moins de vingt ans, par ses folles prodigalités la fortune princière de son mari. Elevés à semblable école, les enfants continuèrent les dépenses de leur mère, et par leur mauvaise administration précipitèrent la ruine de cette maison[75].

Charles de Roquefeuil, baron de Roquefeuil-Blanquefort, Castelnau, Bonaguil, etc., rendit hommage au Roi, le 28 septembre 1532[76], et, contre son gré, dut jurer l’année après de maintenir les coutumes de Castelnau. Il avait pris part de bonne heure aux guerres d’Italie sous Louis XII et il continua à servir sous François Ier, vendant, pour subvenir aux frais de la guerre et pour la somme de 3, 000 livres, la terre de Mondoumerc à son beau-frère Antoine de Lettes de Montpezat (29 avril 1540).

On ignore la date exacte de sa mort ; mais il testa le 6 juin 1543, et institua pour son héritier Jean-Antoine son fds aîné. De sa femme Blanche de Lettes, il laissait huit enfants :

1. Jean-Antoine qui suit ;

2. Antoine, qui succédera à son frère aîné ;

3. Charles, qui fut le chef de la branche des Roquefeuil-Grandval, chevalier des Ordres du Roi, marié en premières noces à Jeanne de Belpech, en secondes noces, en 1564, à Françoise de Caudières, baronne de Grandval. Il mourut vers 1582, ayant eu douze enfants de son second mariage, dont huit morts en bas âge. Nous verrons dans la suite les procès qu’il soutint contre son frère Antoine. Son fils Antoine, baron de Grandval, qui lui succéda, servit contre les protestants et fut assiégé dans son château de Grandval parle duc de Rohan, à la tête de quatre mille huguenots ;

4. Anne, mariée à Bertrand de Rabastens, vicomte de Paulin ;

5. Louise, qui épousa Philippe de Rabastens, frère du précédent ;

6. Jeanne, mariée au seigneur Pierre d’Ossun ;

7. 8. Blanche et Marguerite.

Bien que le fils aîné de Charles de Roquefeuil, Jean-Antoine, n’ait pas cru devoir accepter la succession de son père, nous lui devons une mention particulière.

JEAN-ANTOINE DE ROQUEFEUIL

Il se trouvait, en effet, avec ses deux frères Antoine et Charles à l’armée de Piémont, où il venait de se couvrir de gloire à la bataille de Cérisoles (1544) et d’être créé chevalier du Saint-Esprit, lorsqu’il apprit la mort de son père. Il ne put rentrer en France qu’après la paix de Crespy, en 1546, et il se décida, lorsqu’il eut vu les charges énormes qui lui incombaient comme héritier universel, à répudier la succession paternelle. Ses goûts de soldat et son désir de combattre dans les armées royales l’appelaient surtout loin du manoir de Bonaguil. Il se hâta donc de disposer de sa part en faveur de sa mère Blanche de Lettes, par testament du 18 septembre 1549[77]. Après quoi, il alla reprendre du service dans l’armée d’Henri II et se trouva à toutes les affaires de Flandre et d’Alsace. On le voit un des premiers se jeter dans Metz avec les principaux gentilshommes de France, et soutenir le siège que Charles-Quint entreprit contre cette place-forte à la fin d’octobre 1552. Mais Jean-Antoine de Roquefeuil fut victime de sa bravoure, et il trouva la mort dans une sortie qu’entreprit le duc de Guise, le 9 novembre de cette année[78].

« Il était si généreux, est-il dit dans la généalogie manuscrite de sa famille, que les ordinaires fatigues de la guerre en une ville assiégée ne suffisaient pas à son grand cœur. Sy que toutes les fois qu’on faisait des sorties contre l’ennemi, il voulait être de la partie, ce qui fut cause de sa mort. Car ce jeune seigneur, venant de combattre en une sortie que les assiégés avaient faite le matin et où il s’était signalé, comme la gloire qu’il acquérait le matin semblait vieillir au soir, voyant qu’on se disposait pour une autre sortie, il se travestit et se déguisa pour tromper l’ordre que le duc de Guise avait donné, qui ne permettait pas une seconde sortie dans un même jour ; et à cette sortie seconde il s’engagea sy devant au combat, qu’il y reçut une blessure de laquelle il mourut peu après dans la ville, où il fut enseveli avec de grands éloges, laissant une excellente estime de sa vaillance et un très grand regret de sa perte en toute l’armée[79].

Jean-Antoine laissait de nombreuses dettes. Sa mère, devenue son héritière, se crut obligée de les payer, et elle aliéna ainsi l’immense fortune de son mari. Le 11 avril 1553, elle vend la baronnie de Combret à sa fille Anne de Roquefeuil, mariée à Bertrand de Rabastens, pour la somme de 12,000 livres ; le 18 septembre 1554, la terre de Blanquefort en Agenais à Charles de Nozières, 3,000 écussoleil, 120 doubles ducats et 1,975 livres tournois ; en 1562, la baronnie de Labarthe et la terre de Lamothe-Navarengue à Isabeau de Roquefeuil, sa parente, pour 60,000 livres, et enfin celles de l’Hospitalet, de Sauveterre et du Pouget à son beau-frère Antoine de Roquefeuil-Grandval[80].

Sa mort seule, arrivée en février 1564, mit un terme à ses dépenses exagérées. Elle laissait à son second fils Antoine, devenu chef de la famille par suite de la mort de son frère tué à Metz sans enfants, une fortune obérée et une situation des plus difficiles. Nous allons voir que, malgré ses efforts, il ne put la relever.

ANTOINE DE ROQUEFEUIL

En vertu de la substitution établie par Bringon dans son testament, Antoine II de Roquefeuil devint donc le chef de la branche des Roquefeuil-Castelnau. Il investissait, à la fin de 1552, la place forte de Vulpian en Piémont, quand il apprit la mort glorieuse de son frère aîné. La généalogie de sa famille nous dit qu’il ne consentit à quitter l’armée et à venir prendre possession de ses domaines que lorsque l’assaut eut été donné, « Dieu luy ayant fait la grâce de n’y mourir pas. »

Il rentra auprès de sa mère au château de Bonaguil, et se maria une première fois, le 12 mars 1555, avec Claude de Cardaillac de Peyre, fille d’Antoine de Poyre, seigneur de Cardaillac et de Marguerite de Caumont, dont il eut un fils Antoine, qui lui succéda.

Mais devenu veuf trois ans après, il épousa en secondes noces, le 5 septembre 1560, (d’autres disent le 5 novembre 1565) Philippine de la Tour, fille de Gille de la Tour, seigneur de Limeuil et de Marguerite de La Cropte, qui lui donna cinq enfants :

1. Jean-Hector, baron de Castelnau, marié à Catherine de la Tour-Peyrelelon, dont il eut sept enfants ;

2. Honorat, baron de Blanquefort en Agenais, tué au service du roi, et dont les biens passèrent, après de longues contestations, dans la maison du marquis de Beaucaire ;

3. François, seigneur de Saint-Jean, chef de la branche de Saint-Jean et marié à Anne de Terride ;

4. Isabeau ;

5. Marguerite, qui fut la trente-sixième abbesse de Nonenque.

Antoine de Roquefeuil promit, comme ses ancêtres, au mois de juillet 1559, de respecter les coutumes des habitants de Castelnau. Puis il rendit plusieurs fois hommage aux divers rois qui se succédèrent alors sur le trône de France, ainsi qu’aux évêques de Cahors. La terre de Bonaguil est même désignée parfois à cette époque avec le titre de baronnie[81].

Antoine de Roquefeuil eut à soutenir un long procès contre son frère Charles, au sujet de la succession de leur frère Jean-Antoine, de celle de leur mère Blanche de Lettes, et de tous les biens que, dépassant ses droits, elle avait aliénés. Une transaction intervint une première fois entre eux, le 3 juin 1570, attribuant à Charles la baronnie de Castelnau, et à l’aîné le château de Flaugnac ainsi que les autres domaines paternels, parmi lesquels la baronnie de Bonaguil. Mais Charles revint bientôt sur sa décision et refusa de se soumettre. L’affaire traîna en longueur. Plusieurs arrêts furent rendus par le Grand Conseil, dont un lui ordonna, « sous peine d’emprisonnement, de faire sortir tous les soldats qu’il tenait induement au château de Flaugnac, et de restituer ledit château à son frère Antoine », et, sur son nouveau refus, autorisa ce dernier à poursuivre, à son préjudice, la vente de l’entière baronnie de Castelnau. Ce qui fut effectué. Charles dut se contenter d’une modeste pension, et Antoine II « rentra finalement en possession de la majeure partie des terres de Bringon[82]. »

Antoine II testa le 21 janvier 1573[83]. Il dut mourir après 1580.

ANTOINE III DE ROQUEFEUIL

Antoine III, fils aîné d’Antoine II, devint à la mort de son père chef de la famille des Boquefeuil-Blanquefort et propriétaire de la plupart des fiefs qui avaient appartenu à Bringon. Mais il ne les garda pas longtemps ; car nous le voyons toute sa vie aux prises avec toutes sortes de difficultés pécuniaires. En 1588 déjà, il est forcé, pour faire face à ses engagements, d’aliéner l’usufruit des terres de Bonaguil, de Blanquefort et de Saint-Chaliès et de les céder momentanément à son frère Jean-Hector. Ce dernier, en même temps, qui de moitié avec son frère s’était engagé à payer les dettes énormes de la succession de leur père, vendit l’usufruit de la terre de Flaugnac à son oncle Charles de Roquefeuil[84].

Quelque temps après, Antoine III lui cède encore la jouissance de la baronnie de Castelnau, et il aliène les terres de Pouget, de Combret, de Luc, de Sauveterre et de l’Hospitalet[85].

C’est qu’en outre de l’insuffisance de leurs revenus, les deux frères avaient à pourvoir aux frais des guerres religieuses qui s’étaient déchaînées sur la France, et auxquelles, chacun dans un camp opposé, ainsi que cela arrivait si fréquemment parmi les membres d’une même famille, ils prirent une part des plus militantes. Antoine III resta fidèle à la religion de ses pères et combattit toute sa vie dans les rangs de l’armée catholique ; ce qui lui valut, encore jeune, le cordon de l’ordre de Saint-Michel que lui octroya le roi par la lettre suivante, trop flatteuse pour que nous ne la reproduisions pas ici, du 12 février 1570 :

« M. de Roquefeuil, pour vos vertus et mérites, vous avez esté choisy et esleu par les frères et compagnons de l’ordre de M. Sainct-Michel pour estre associé à la Compagnie, pour laquelle élection vous notifier et présenter de ma part le colier dudit ordre sy vous l’avés agréable. J’envoie présentement mémoire et pouvoir au sieur de Monluc, chevalier de mon ordre, vous priant vous rendre avec luy pour la part qu’il sera faicte, et estre content d’accepter l’honneur que la Compagnie vous désire faire, quy sera pour augmenter de plus en plus l’affection et bonne volonté que je vous porte et vous donner occasion de perservérer en la bonne dévotion qu’avés de me faire service, ains que vous faira plus amplement entendre de ma part ledit sieur de Monluc, auquel je vous prye croire tout ce qu’il vous dira de ma part, comme vous faiciez de Moy-mesme, priant Dieu, Mons. de Roquefeuil, qu’il vous aye en sa garde.

« Escript à Angers, le 12 feb. 1570.[86] »

Jean-Hector, au contraire, embrassa le parti de la Réforme. Il reçut dix-huit blessures dans divers combats et eut le bras droit emporté par un boulet à la bataille de Coutras. Henri de Navarre l’avait en haute estime et ne cessa de lui prodiguer les marques de son affection. De son côté, Jean-Hector plaidait incessament sa cause dans le Quercy ; et, quand il fut monté sur le trône de France, il employa tous ses efforts à la pacification de ce pays.

Détenteur de la baronnie de Castelnau, Jean-Hector, qualifié de baron de Belfort et marié à Catherine de la Tour, eut bien encore des démêlés avec les terribles consuls de cette ville. Mais son esprit de justice et de conciliation apaisa vite ces vieilles querelles. En 1606, il rendit à son frère Antoine III la pleine propriété de la baronnie de Castelnau, bien que ce dernier restât sans cesse à court d’argent, les Réformés ayant dévasté maintes et maintes fois ses domaines, notamment en 1576, où le château de Flaugnac, alors habité par les enfants de Charles de Roquefeuil, fut pillé et en partie détruit par un corps de Calvinistes[87]

Qu’advint-il du château de Bonaguil pendant les guerres de religion ? Aucun texte n’en parle. Nul document ne nous apprend si, grâceàses fortes murailles, il fut respecté, comme tout porte à le croire, par ceux de la Religion prétendue réformée. Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’il resta toujours entre les mains d’Antoine III, qui néanmoins faillit le perdre en l’année 1617.

Déjà précédemment, Antoine III avait aliéné à son frère François, seigneur de Saint-Jean, la terre de Rlanquefort, « pour le prix de 56,000 livres, tant pour son droit de légitime que pour d’autres droits à lui advenus par le décès de plusieurs de ses frères[88] », notamment d’Honorat de Roquefeuil, à qui elle appartenait. Ce fut bien pis lorsque, à la suite d’une obligation de 4,000 livres que, le 12 février 1612, Antoine III avait contractée envers Messire Pierre Descodeca de Boisse, baron de Pardaillan, il fut condamné, par arrêt du 23 février 1617, à lui payer ladite somme, dans le délai de trois mois. Antoine de Roquefeuil ne put faire face à ses engagements. Aussi l’année suivante, le 26 mars 1618, « il fut fait, à la requête dudit seigneur de Pardaillan, procès-verbal de saisie de la terre et seigneurie de Bonaguil et de ses dépendances, appartenant audit sieur de Roquefeuil ; » et, « fut adjugée par jugement du présidial audit seigneur de Pardaillan ladite terre et seigneurie de Bonaguil et ses dépendances et fruicts d’icelle, saizis pour la somme de 6,000 livres, à laquelle il les a enchérys par l’acte dudit jour, sept de novembre dernier, etc. »[89].

Nous ne savons combien de temps le château de Bonaguil demeura entre les mains du seigneur de Pardaillan, ni même si ce dernier en prit réellement possession[90]. Quoiqu’il en soit Antoine de Roquefeuil, usant du droit de rachat alors en vigueur, le reprit bientôt et continua de le garder, puisque nous le retrouvons dans la succession de son fils aîné.

Toutes ces difficultés n’empêchèrent pas Antoine III de faire ériger en marquisat la baronnie de Roquefeuil. Les lettres d’érection, signées de Louis XIII, portent la date de 1618.

Remontant à quelques années antérieures, on voit aux Archives départementales de Lot-et-Garonne deux actes concernant la seigneurie de Bonaguil. L’un, daté du 24 novembre 1605, est « la réception de Pierre Capettes, bachelier en droits comme juge desbaronnies de Blanchefort et Bonaguil par Antoine de Roquefoil[91] ». L’autre, plus intéressant, que nous donnons in extenso en appendice (no iv), renferme et énumère, à propos de l’arpentement de l’Agenais, les limites exactes de la juridiction judiciaire et financière de Bonaguil, à la date du 12 mars 1605[92]. Antoine III de Boquefeuil mourut en 1622. De son mariage avec Jeanne-Angélique de Bochechouart, contracté le 17 mai 1584, il laissait quatre enfants :

1. Antoine-Alexandre, qui continua la race ;

2. Jean-Antoine, baron de Castelnau, qui prit part aux sièges de Montauban et de Montpellier en 1622, et qui reçut à celui de la Rochelle, en 1628, un coup de mousquet à la cuisse, dont il mourut.

3. Henriette, mariée à Jacques de Lomagne, seigneur de Gensac et du Glaux, qui n’eut que des filles religieuses.

4. Isabeau.

ANTOINE-ALEXANDRE DE ROQUEFEUIL

Antoine-Alexandre de Roquefeuil, marquis de Roquefeuil, comtor de Nant, seigneur de Castelnau, de la Barthe, de Sauveterre, de Flaugnac, de Bonneguil, de Blancafort, etc., s’empara, à la mort de son père, de la plus grande partie des biens de sa famille, au moyen de la substitution de Bringon qu’il fit ouvrir en sa faveur et dont il obtint un arrêt de confirmation. Le 4 février 1625, il épousa Claudine, de Saint-Aignan, dame de Confolens, Précors, la Gastine, et peu après partit pour l’armée. Il combattit en Italie en 1629, puis en Savoie et en Roussillon, après quoi il rentra définitivement dans ses domaines de Castelnau et de Bonaguil.

Un jour, raconte M. Limayrac, qu’il se promenait avec son beau-frère, Jacques de Lomagne, dont il avait à se plaindre et qui, en son absence, avait cherché à le dépouiller, une querelle s’engagea entre eux, au cours de laquelle Jacques de Lomagne lui reprocha son manque de courage. Tous deux dégainèrent, et Antoine-Alexandre transperça son beau-frère de cinq coups d epée. Condamné à mort pour ce fait, Louis XIII lui fit grâce, en raison des nombreux services rendus par lui et par sa famille[93].

Antoine-Alexandre mourut au commencement de l’année 1639. Avec lui s’éteignit la descendance mâle des seigneurs de Boquefeuil-Blanquefort, barons de Castelnau. De son mariage avec Claudine de Saint-Aignan, il avait eu quatre enfants :

1. François, mort sans alliance ;

2. Marie-Gilberte, qui devint héritière de toute la fortune ;

3 et 4. Isabeau et Catherine, religieuses.

MARIE-GILBERTE DE ROQUEFEUIL

Si Blanche de Lettes avait été le mauvais génie des seigneurs de Bonaguil, Marie-Gilberte au contraire peut en être considérée comme le bon ange. Ce fut elle, en effet, ma]gré son sexe, releva ia fortune de sa maison, et qui, à force de fermeté, d’énergie et de persévérance, finit par triompher de toutes les embûches que ses propres parents lui tendirent, en vue d’accaparer sa fortune. Sa vie ne fut qu’une longue suite de luttes, de procès et aussi de triomphes.

Marie-Gilberte de Roquefeuil se maria deux fois. Le 9 juillet 1639, par contrat passé à Riom, en Auvergne, alors qu’elle n’avait que treize ans à peine, elle épousa le marquis Gaspard de Goligny-Saligny, marquis de Dornes, capitaine-lieutenant des gendarmes de la Reine, et descendant du fameux amiral de Coligny[94]. Elle en eut deux enfants :

1. Gaspard IV, mort jeune, sans postérité ;

2. Isabeau, mariée à Noël-Eléonor Palatin de Dio, marquis de Montpeyroux, qui hérita de toute la fortune des Roquefeuil.

Gaspard III de Coligny fut tué au combat de Charenton, le 8 février 1649. Six ans après, le 27 février 1655, sa veuve se remariait avec Claude-Yves de Tourzel, seigneur et marquis d’Allègre, gouverneur d’Evreux, maréchal de camp des armées du Roi, dont elle eut un fils, François, et une fille, Marguerite, mariée plus tard à Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, ministre de Louis XIV.

Dès son premier mariage, Marie-Gilberte de Roquefeuil revendiqua, en vertu de la substitution établie par Bringon, toutes les terres de ses ancêtres, et elle entama une lutte énergique, aussi bien contre ses parents, beau-frères, cousins, qui détenaient la plupart des fiefs de ses ancêtres, que contre des étrangers, des marchands et toujours aussi les consuls de Castelnau.

Dans un très long mémoire qui fut rédigé par son ordre en vue de ces revendications, le 17 octobre 1649, ainsi que dans une liasse « contenant transaction, mémoires et arrêts concernant la substitution de Bringuier de Roquefeuil et mémoires pour les terres de Bonnaguil et de Blanquefort, avec plusieurs baux de Bonnaguil, etc. », nous voyons que le premier procès qu’elle engagea fut contre François-Alexandre de Roquefeuil, baron de Belfort, seigneur de Loubéjac, lequel, à la suite d’une sentence du sénéchal de Lauzerte, du 3 octobre 1637, qui ordonnait l’ouverture de la substitution en faveur de Gilberte, et moyennant une transaction et la somme de 17,000 livres, renonça à tous les biens sur lesquels il pouvait prétendre. Ce jugement lut confirmé par deux arrêts du Parlement de Toulouse, en date du 7 avril 1648 et du 9 mars 1651, qui mirent Gilberte en possession de la plupart des seigneuries possédées par Bringon[95].

Beaucoup plus opiniâtre fut sa lutte contre le baron de Saint-Jean, fils de François de Roquefeuil, chef de la branche de Saint-Jean et frère d’Antoine III, et au cours de laquelle eut lieu la prise à main armée du château de Bonaguil. Ce seigneur de Saint-Jean refusa, en effet, de se soumettre aux arrêts précédents du Parlement de Toulouse, et il eut recours à la violence. En avril 1656, il prit possession, à la tête de ses hommes d’armes, du château de Flaugnac, avec tous les titres et meubles qu’il contenait, l’occupa au détriment de Gilberte, et ne le rendit qu’un an après, à la suite d’un nouvel arrêt de la Cour de Toulouse du 2 mars 1657[96].

OCCUPATION À MAIN-ARMÉE DU CHÂTEAU DE BONAGUIL

La même année il s’emparait également du château de Bonaguil.

Il en fit lever le pont-levis, dit un Mémoire adressé par Gilberte au Parlement de Toulouse, et y posa une garde avec des sentinelles bien armées pour empêcher l’entrée dudit château à ladite dame d’Alègre et à tous autres. Il en emporta les meubles, la vaisselle d’argent, l’or et l’argent monnayé, les pierreries, les billets et autres effets qui étaient enfermés à clef dans le trésor dudit château de Bonnaguil, où il ne fut pas possible à ladite dame de pénétrer.

Gilberte, écrit M. Limayrac, s’adressa de nouveau au Parlement, qui fit faire des informations, sur lesquelles le baron de Saint-Jean fut décrété de prise de corps. Ensuite la dame d’Allègre fut réintégrée dans ledit château en vertu d’un arrêt du 2 mai 1657.

Et, nous apprend toujours le susdit Mémoire, lors du procès-verbal qui fut dressé à cette occasion, il fut encore trouvé dans ledit château de Bonnaguille six domestiques ou gens affidéz au baron de Saint-Jean, qui abaissèrent le pont-levis et qui ouvrirent les portes dudit château, en vertu des sommations et injonctions réitérées qui leur en furent faites par ledit juge royal en vertu des arrêts du Parlement de Toulouse, faute de quoy ledit juge royal leur avait déclaré par son procès-verbal qu’il ferait abattre ledit pont et enfoncer les portes en vertu desdits arrests, qui furent suivis d’un arrest dudit Conseil privé du 23 octobre de la mesme année 1657.

Le baron de Saint-Jean fut condamné aux dépens, et il dut restituer tous les objets qu’il avait pris dans le château[97]

Marie-Gilberte eut encore à lutter contre les prétentions d’Antoinette de Roquefeuil, dame de la Peyrière, et celles d’Isabeau de Roquefeuil, au sujet des biens d’Antoine-Alexandre III, comme ayant été, dit le Mémoire, « condamné à mort par deffaut pour raison de meurtre par lui commis sur la personne du sieur de Claux. »

Puis ce fut le tour de l’évêque de Cahors, qui, à la suite de l’hommage qu’elle rendit au Roi, le 9 mars 1639, renouvela ses prétentions sur la baronnie de Castelnau. Vainement invoqua-t-elle la prescription. Elle fut, cette fois, condamnée par le Parlement de Toulouse, le 4 décembre 1658, à payer audit évêque « une rente de trois setiers de blé et deux setiers d’avoine et arrérages d’icelle depuis vingt-neuf ans[98]. »

Enfin, elle continua la lutte séculaire contre les consuls de Castelnau et leurs libertés communales, et, après des péripéties sans nombre, dans lesquelles il serait oiseux d’entrer ici, elle finit par venir à bout de leur résistance et par amoindrir leurs privilèges[99].

Rentrée en possession de tous les domaines de son illustre aïeul Bringon, Marie-Gilberte de Roquefeuil rendit hommage, le 20 juillet 1671, au roi Louis XIV, par procuration « pour sa terre et seigneurie de Bonnaguilh, avec droit de justice, haute, moyenne et basse, mère, mixte et impère, mouvant à hommage de Sa Majesté,[100] ». Mais la terre de Blanquefort dut lui échapper et rester dans la branche de Saint-Jean, les divers membres de cette famille se trouvant qualifiés, à la fin du xviie siècle et au commencement du xvme siècle, de seigneurs de Blanquefort[101]. François de Boquefeuil, seigneur de Blanquefort, Savignac et autres places, est même dit dans son contrat de mariage, du 24 janvier 1695, avec Catherine de Pins, habiter « en son château de Blanquefort, diocèse d’Agen[102] ».

LES PERSY

Marie-Gilberte vivait à Paris. Elle ne séjourna que rarement, surtout dans les dernières années de sa vie, au château de Bonaguil, qui, par suite abandonné, se détériora promptement.

Que devons-nous penser de la fortune de ce château en l’année 1679 ? Les archives départementales de Lot-et-Garonne[103] nous fournissent à cette époque un acte absolument incompréhensible, passé entre deux familles totalement étrangères à l’histoire de Bonaguil et à la maison de Roquefeuil. Dans son contrat de mariage du 1er mars 1679 avec Clémence de Paloque, fille de Louis de Paloque, écuyer, sieur de Labanye et de Jeanne de Réchaud, habitant le château de Paloque, paroisse de Saint-Aubin, juridiction de Montflanquin, noble Jean de Persy, écuyer, fils d’Antoine de Persy, sieur de Mondézir, et de Marthe de Lustrac, habitant son château de Mondézir, paroisse de Calviac, également juridiction de Monflanquin, est qualifié de « sieur de Bonnaguil ». Le contrat est passé au château noble de Paloque, et à chacune de ses pages revient le nom dudit Jean de Persy, avec la qualification de sieur de Bonnaguil. Ce sieur de Persy va même jusqu’à signer « Bonnaguil de Persi ». Ce nom de Bonnaguil ne serait-il qu’un prénom ? Ou bien, en ces temps de décadence des Boquefeuil, de dettes, de saisies, la terre de Bonaguil serait-elle devenue la propriété momentanée des Persy, créanciers ? Nous ne pouvons donner à cet égard aucun renseignement. Quoiqu’il en soit, ainsi que le constate l’acte d’hommage précédent, Marie Gilberte était propriétaire du château de Bonaguil le 20 juillet 1671 et elle le transmit à sa mort à ses héritiers.

En 1675, Gilberte de Roquefeuil fonda à Cahors un couvent de Récollets. Elle le dota d’une somme de 6,000 livres, et obtint du provincial de l’Ordre, pour elle et ses descendants, le titre de patron dudit monastère[104]

En 1686, elle fit renouveler le terrier de la baronnie de Castelnau.

Le 16 février 1670, Gilberte de Roquefeuil avait fait son testament par devant Me Dufranc, notaire au Châtelet de Paris. Mais elle le modifia par codicille du 7 novembre 1693, « demeurant alors à Paris, en son hostel, rue Pot de fer, paroisse Saint-Sulpice, et trouvée au lit malade, se plaignant d’une fluxion sur les yeux, en une chambre au premier étage dudit hostel, ayant veue sur le jardin, saine toutefois d’esprit, mémoire et entendement[105] ». Il ressort de cet acte que de tous les enfants qu’elle avait eus de ses deux mariages il ne lui était restée que sa fille lsabeau de Coligny, mariée au marquis de Montpéroux. Cette dernière étant morte six mois environ avant cette date du 7 novembre 1693, Marie Gilberte institua pour son héritier universel son petit-fils, Messire François-Gaspard de Dio, marquis de Montpéroux, établissant toujours une substitution graduelle et perpétuelle qui s’étendait à tous ses descendants et à leur défaut à ceux de ses sœurs.

Elle mourut plus de cinq ans après, le 1er février 1699, à Paris, âgée de 73 ans[106]. Ce fut donc son petit-fils, le marquis de Montpéroux, qui devint, à cette date, propriétaire et seigneur de Bonaguil.

FRANÇOIS-GASPARD DE MONTPÉROUX

Lieutenant-général des armées du roi, puis maître de camp général de la cavalerie légère de France, ce marquis de Montpéroux, d’une ancienne famille originaire du Rouergue[107], prit part à toutes les guerres de la fin du règne de Louis XIV : il y montra les plus brillantes qualités. Il épousa Elisabeth-Françoise de Harville, qui ne lui donna aucun enfant. C’est lui qui, le 21 juin 1702, fit rendre par sa femme, « demeurant à Paris, en son hostel, rue Saint-Dominique, paroisse Saint-Sulpice, » cet acte d’hommage si important, suivi de l’aveu et dénombrement de la terre et seigneurie de Bonaguil, qui jette une vive lumière, tant sur l’état du château à cette époque, que sur la délimitation, la contenance, les droits, domaines et revenus de la seigneurie. Dans ce précieux document que nous reproduisons, sous le No VII, in extenso, en appendice[108], nous voyons qu’en l’absence de son mari, furent rendus « l’aveu et dénombrement de la terre et seigneurie de Bonaguil, par Dame Elisabeth Françoise de Harville, épouse de haut et puissant seigneur Messire François-Gaspard Eléonor, Palatin de Dio, chevalier, seigneur, marquis de Montperroux, Roquefeuil, baron de Castelnau de Monratier, Labarthe, Flauniac, Précor, Confolan, Bonaguil et autres places » et de seigneur son époux, « fondée de procuration générale passée devant Lenorman et Bonhomme, notaires au Châtelet de Paris, le 18 juillet 1700, ayant pour procureur fondé maître Jean de Augier, advocal à la cour et juge de Bonaguil ». Y sont relatées en détail la contenance exacte[109], ainsi que les limites de la seigneurie de Bonaguil, plus les diverses constructions, dépendances et appartenances du château : boulevards, fossés, ponts-levis, corps de garde, cours, arsenal, tours appelées « la tour grosse, la tour rouge, et la tour carrée », etc., ainsi que les désignalions des multiples services et communs, moulins, fours, décharges, écuries, remises, les rentes annuelles et perpétuelles, les divers droits de justice, enfin les différents domaines en dépendant, avec garennes, prés, bois, châtaigneraies, etc ; « sans préjudice des usurpations qui pourraient avoir été faites audit seigneur desdits droits et rentes à luy apartenantes, attendu que, depuis longues années, ledit seigneur ny ses autheurs n’ont fait procéder à l’entier renouvellement du papier terrier de ladite seigneurie et terre ; sans préjudice aussi des biens, honneurs et hommages acquis audit seigneur au moyen de la substitution apposée au testament de feu Messire Bérenger de Roquefeuil et autres ses autheurs ou autres à son profit adjugés par arrêt de la cour du parlement de Toulouse, le septième avril mille six cents quarante-huit, dépendants de ladite seigneurie et autres, situés dans l’Agenois, Bazadois et Périgord, qui lui sont acquis et adjugés par arrêt de ladite cour et autres, donnés en exécution d’icelluy, au préjudice desquels les possesseurs d’iceux les détiennent par force et violence, que ledit sieur Augier réserve audit seigneur à dénombrer, lorsque ledit seigneur en aura la possession libre ; à quoy il n’entend déroger par le présont dénombrement et de quoy il proteste par exprès, etc. »

À la même époque et bien que ne désignant pas le nom du seigneur de Bonaguil, nous trouvons une enquête faite par ce même Jean Augier, « juge ordinaire de Bonneguil, au sujet d’une jument trouvée morte, le 27 avril 1701, dans le bois des Lions, dépendant du château, ce qui pouvait faire supposer qu’on y avait assaziné la nuit passée[110]. »

JEANNE-BAPTISTE DE MONTPÉROUX

François-Gaspard de Montpéroux mourut sans enfants, le 25 février 1714. En vertu de la substitution de son aïeule, sa succession passa à sa sœur Jeanne-Baptiste de Montpéroux, fille d’Isabeau de Coligny et mariée au comte Roger de Langheac. Nous trouvons en effet que l’année suivante 1715 « Messire Marie Roger, comte de Langheac, chevalier, marquis de Coligny et de Roquefeuil, baron de Rousset et de Castelnau, seigneur desdits lieux et autres terres, et de nostre authorité Marie-Jeanne Baptiste Palatine de Dio Montpéroux, notre espouze, estant bien informés des bonne vie, mœurs, religion et capacités de Me Pierre Bel, docteur en droit, nous l’avons estably et l’establissons par ces présentes, juge bailly de nostre terre et seigneurie de Bonnaguil et ses dépendances, pour en jouir aux honneurs, prérogatives et émolumens y annexés et accouslumés, etc.[111] ».

Mais cette terre ne resta pas longtemps entre les mains de la comtesse de Langheac ; car elle et son mari aliénèrent, uniquement il est vrai en vue de payer des dettes, leurs terres de Bonaguil et de Blanquefort, par une transaction passée à Toulouse, le 13 septembre 1719, en faveur de Jean-Antoine, marquis de Pechpeyrou-Beaucaire[112], qui avait épousé la dernière descendante de François-Alexandre de Roquefeuil, baron de Belfort, mort le 20 septembre 1720, et qui descendait de Jean-Hector, second fils d’Antoine II de Roquefeuil. Ce fut l’occasion d’un nouveau procès. Car Jeanne-Baptiste de Montpéroux étant morte sans enfants, le 7 novembre 1733, le premier degré de la substitution établie par Marie-Gilberte se trouva épuisé.

LOUIS-FRANÇOIS D’ANLÉZY ET LE Mis DE BEAUCAIRE

Deux concurrents à cette riche succession se mirent sur les rangs. L’un était le marquis de Beaucaire : l’autre le jeune comte Louis-François de Damas d’Anlézy, fils unique de Marie-Elisabeth, mariée à Louis-Antoine Erard de Damas, dernière fille d’Isabeau de Coligny et sœur de François-Gaspard et de Jeanne-Baptiste de Montpéroux[113].

En sa qualité d’arrière petit-fils de Marie-Gilberte et de représentant direct de la branche aînée des Roquefeuil, le jeune comte Louis de Damas fit opposition à la transaction de 1719 et revendiqua contre le marquis de Beaucaire, qui se portait comme héritier de la branche cadette, tous les biens de la famille de Roquefeuil. Nous en avons pour preuve un long mémoire, rédigé en vue de cette opposition, par ordre du baron de Damas, qualifié seigneur de Bonaguil[114]. Mais ce dernier tut déboulé de sa demande et la cession de la terre de Bonaguil au marquis de Pechpeyrou-Beaucaire maintenue.

Elle ne resta pas longtemps aux mains de cette dernière famille. Car à peine le fils de Jean-Antoine de Pechpeyrou, Giles-Gervais, marquis de Beaucaire, eut-il succédé à son père qu’il s’empressa de la vendre à la famille de Fumel. Cette vente fut encore attaquée par le comte de Damas. Mais, comme la première, cette seconde protestation fut rejetée[115]. Ainsi sortit à tout jamais de la famille de Roquefeuil, qui la possédait depuis plus de quatre siècles, la seigneurie de Bonaguil,

Quelques années plus tard, le 15 novembre 1775, le comte de Damas aliénait à son tour l’antique baronnie de Castelnau, au prix de 412,000 livres, à messire Jean Léon de Bonal[116].

ACHAT DE BONAGUIL PAR MARGUERITE DE FUMEL

Depuis longtemps déjà le château de Bonaguil n’était plus habité, du moins régulièrement. Quoique ayant gardé à peu près intacte sa splendeur architecturale des premiers jours, il avait été délaissé, dès le milieu du dix-septième siècle, par ses propriétaires, forcés de mener la vie des camps, et, en temps de paix, résidant à la Cour. Ce long siècle d’abandon, ainsi que les multiples contestations que soulevèrent à son propos les diverses branches des Roquefeuil, n’étaient pas faits pour le maintenir en bon état de conservation. Nous croyons donc que c’est absolument délabré et presque en ruines qu’il passa, en 1761, de la famille de Roquefeuil dans celle toute voisine de Fumel.

Le 22 avril, en effet, de l’année 1761, « fut consentie par très haut et très puissant seigneur, Messire Giles-Gervais de Pechpeyrou, marquis, seigneur de Beaucaire, Pechpeyrou, Monbarla, Lavalade, Blanquefort, Bonneguil et autres lieux, maréchal des camps et armées du Roy, demeurant à Paris, la vente pure et simple et à jamais irrévocable, à très haute et très puissante dame Marguerite de Fumel, veuve de très haut et très puissant seigneur Messire Emmanuel de Giversac, comte dudit lieu, demeurant dans la paroisse de Loubéjac en Quercy, de ladite terre et seigneurie de Bonneguil, en toute justice, haute, moyenne et basse, située en Agenais, avec toutes ses appartenances et dépendances, consistant en un château, rentes nobles, etc. » [117] Cette vente fut faite par

TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DES ROQUEFEUIL-BLANQUEFORT
PROPRIETAIRES DE BONAGUIL

Barons de Castelnau. Barons de Roquefeuil.


Hélène de Castelnau… mariée en 1361 avec…
Arnaud III de Roquefeuil


Catherine de Roquefeuil,
mariée en 1380 avec Jean de Blanquefort.



Antoine Ier de Roquefeuil-Blanquefort,
marié en 1405 avec Delphine d’Arpajon.



Jean de Roquefeuil-Blanquefort,
marié en 1444 avec Isabeau de Peyre.




Bérenger de Roquefeuil-Blanquefort
(qui bâtit Bonaguil),
marié en 1477 avec Anne-Guérine de Tournel,
mort en 1530.



Charles de Roquefeuil-Blanquefort,
marié en 1519 avec Blanche de Lettes de Montpezat.



Jean-Antoine de Roquefeuil,
mort à Metz en 1552.

Antoine II de Roquefeuil-Blanquefort, marié :
1o en 1555, avec Claude de Peyre.     
2o en 1560, avec Philippine de la Tour.


Antoine III de Roquefeuil-Blanquefort,
marié en 1684
avec J. Angélique de Rochechouart.



Jean-Hector,
baron de Belfort,
marié
à Catherine de la Tour.


François
seigneur de
Saint-Jean






Antoine-Alexandre de Roquefeuil-Blanquefort,
marié en 1625 avec Claudine de Saint-Aignan.


Antoine
baron de Belfort.


François
seigneur de
Saint-Jean et de
Blanquefort.



François de Roquefeuil,
mort sans enfants.

Marie-Gilberte de Roquefeuil,
mariée :
1o en 1639, à Gaspard III de Coligny
2o en 1655, à Claude d’Alègre,            
morte en 1699.

François-Alexandre
de
Roquefeuil-Belfort.





Gaspard IV de Cotigny,
mort sans enfants.

Isabeau de Coligny,
mariée
au marquis de Montpéroux.



N., mariée à Jean-Antoine
de Pechpeyrou,
marquis de Beaucaire.




François-Gaspard
de Monpéroux, marié
à Elisabeth de Harville, mort en 1714,
sans enfants.

Jeanne-Baptiste
mariée au
comte de Langheac,
morte en
1733,
sans enfants.

Marie-Elisabeth
mariée à
Louis-Antoine
de
Damas d’Anlézy



Giles-Gervais de Pechpeyrou,
marquis de
Beaucaire, qui vendit
Bonaguil, en 1761, à
Marguerite de Fumel,
comtesse de Giversac.


Louis-François de Damas
d’Anlézy.
le marquis de Beaucaire, « comme fils unique et héritier de

feu Messire Jean-Antoine de Pechpeyrou, seigneur, marquis de Beaucaire, et celui-cy héritier de Messire François-Alexandre de Roquefeuil, » moyennant le prix et somme de trente-cinq mille livres, sçavoir : trente mille livres pour les immeubles, et cinq mille livres pour le mobilier. Le marquis de Beaucaire vivait à la cour élégante de Louis XV ; et il faut que ses affaires aient été alors en bien mauvais état, puisque nous lisons dans l’acte que Madame de Fumel dut remettre le prix d’achat non pas à lui, mais à ses créanciers.

À partir de cette époque, le château de Bonaguil passa définitivement dans la maison de Fumel, une des plus puissantes familles du Haut-Agenais, en la personne de Dame Marguerite, fille de Louis de Fumel, descendant et héritier de la branche aînée des Fumel, dont l’origine remonte au xve siècle, et de Catherine Thomas de Berthier[118]. Marguerite, sixième enfant de Louis de Fumel, naquit à Toulouse. C’est dans cette ville que, le 10 août 1750, elle épousa haut et puissant seigneur Emmanuel de Cugnac, comte de Giversac, seigneur de Sermet, Labastide, Loubéjac, etc., et vicomte de Puycalvel, demeurant en son château de Sermet[119], paroisse de Loubéjac, en Quercy, diocèse de Cahors, sénéchaussée de Sarlat, et fils de Louis-Christophe de Cugnac, marquis de Giversac et de Marie Anne de Beaupoil de Sainte-Aulaire. Marguerite apporta en dot à son époux cent mille livres[120].

LA LÉGENDE DE BONAGUIL

Nous devons placer ici, comme mémoire, la fameuse légende que la tradition populaire, en contradiction formelle avec l’histoire, rattache au château de Bonaguil. Vers cette époque, le château aurait été habité par un véritable tyran féodal dont le souvenir se serait transmis ainsi à la postérité :

« Si troubabo sur soun cami
Noblo pioucelo, la fourçabo ;
Ritché mercadié, lou raoubabo ;
Et tjurabo, à n’en fa frémi,
Quand près d’el un prestré passabo ! »

Tel est un des fragments de la complainte que l’on chantait encore, paraît-il, il y a quelques vingt ans, dans la contrée, concernant le châtelain de Bonaguil. Ce seigneur aurait eu une fille dont la beauté avait séduit quelque hobereau du voisinage et qui lui avait donné sa foi. Le père de la jeune fille, n’ayant jamais voulu consentir à cette union, l’aurait mariée par force au vieux comte de Giversac, son voisin et ami. Les noces, dit la légende, se firent à Bonaguil ; mais quand, le soir venu, les convives voulurent boire au bonheur des époux, le comte de Giversac, sans doute empoisonné par son rival, tomba foudroyé[121].

Cette jeune fille était-elle Marguerite de Fumel ? Le seigneur de Bonaguil, si mal traité par la chanson patoise, était-il Louis de Fumel ou un simple cadet de la famille, ou encore le comte de Damas, ou le marquis de Beaucaire ? C’est ce qu’il est impossible de préciser, attendu que ce drame ne peut s’être passé dans le château de Bonaguil, puisque, le jour du mariage de Marguerite de Fumel avec le comte de Giversac, mariage qui fut contracté, ainsi que nous l’avons dit, à Toulouse, le 10 août 1750, le château appartenait encore au marquis de Beaucaire, qui ne l’habitait pas. Il est vrai que, quatre jours après son mariage, le comte de Giversac, se rendant en son château de Sermet, et non comme ledit O’Gilvy à « Bonnanguille », mourut subitement à Moissac[122]. Mais ce ne fut que onze ans après, le 22 avril 1761, que la veuve du comte de Giversac fit l’acquisition du château de Bonaguil. Ainsi que presque toutes ses semblables, la légende de Bonaguil est donc entièrement fausse. Quant à la complainte, on ne doit voir en elle que l’expression habituelle et vulgaire des préjugés révolutionnaires du commencement de ce siècle sur les dernières années de l’ancien régime, qu’on se faisait un sot et malin plaisir de confondre avec les plus mauvais jours, déjà bien reculés, de la féodalité.

LA COMTESSE DE GIVERSAC

Marguerite de Fumel, veuve du comte de Giversac, vécut à Bonaguil presque continuellement, de 1761 à 1788. C’est à cette époque qu’il faut faire remonter les nombreuses réparations, relativement modernes, du château, ainsi que les derniers aménagements des diverses pièces comprises entre la tour rouge, la tour carrée et la grosse tour. La comtesse de Giversac rendit plusieurs fois hommage au roi. Son nom se trouve dans presque tous les actes publics de cette période : (Cayers des opposants à la banalité des fours et moulins, du 27 avril 1779[123] ; Registres des tailles pour les années 1783, 1784, 1785[124], etc.) Vivant dans les regrets de la perte qu’elle avait faite, elle aimait cependant à réunir souvent autour d’elle tous les membres de la famille de Fumel[125], et elle sut s’attirer, autant par sa digne conduite que par ses actes nombreux de bienfaisance et de piété, l’estime et l’affection de ceux qui l’approchaient. Son souvenir est encore vivant et vénéré parmi les anciennes familles de paysans de la contrée.

Le premier décembre 1788, Marguerite de Fumel fit, en son château de Bonaguil, son testament sous forme mystique[126]. Après plusieurs dispositions pieuses et des legs nombreux, elle institue pour ses héritiers universels et par portions égales ses deux trères, Jean-Félix-Henry de Fumel, évêque et comte de Lodève, et Joseph, comte de Fumel, lieutenant-général des armées du roi, gouverneur du Château-Trompette et commandant en chef de la Basse-Guienne, leur substituant son neveu Joseph-Louis de Fumel, l’aîné des enfants de son frère Jean-George, mort à Toulouse, quelques mois avant, le 7 août 1788[127]. C’est ce Joseph-Louis de Fumel, né à Toulouse, le 8 avril 1761, page de Monsieur, frère du Roi, et plus tard capitaine d’un corps d’armée sous Louis XVI, qui devint, à la mort de sa tante, propriétaire de Bonaguil. Mais, il ne devait pas le conserver longtemps ; car à peine en était-il possesseur que la Bévolution éclata et qu’il émigra le 2 octobre 1791.

BONAGUIL PENDANT LA RÉVOLUTION

Que devint Bonaguil pendant la période révolutionnaire ? Nous ne trouvons aux Archives départementales que deux actes qui le concernent à cette époque. L’un, du 18 avril. 1790, est une donation à l’État, comme contribution patriotique, de ce qui reste dû à la commune pour les six derniers mois de l’année 1789[128]. À cette date, le château appartenait toujours au comte de Fumel. L’autre, du 10 messidor an ii, est le procès-verbal très sommaire « de vente des effets de la maison de Bonaguil, ayant appartenu à Fumel émigré ». On y voit que « au nom de la nation, cejourd’huy dixième messidor, an n, de la Bépublique française, une et indivisible, au lieu et section de Bonneguil, commune de Front (sic), district de Montflanquin, département de Lot-et-Garonne, maison de défunte Giberzac-Fumel, de laquelle Fumel de Bordeaux et autre Fumel émigré sont héritiers par égalles portions », Jean Vergnes, ainé, notaire public, commissaire nommé, se transporta à Bonaguil en compagnie des citoyens Troupel-Lagrave et Lacombe, officiers municipaux de la commune, à l’effet de procéder à la vente de ce qui restait de meubles. Il paraît certain, la tradition l’affirme, que, pas plus que ses semblables, le château de Bonaguil ne fut épargné pendant la tourmente révolutionnaire. C’est à ce moment qu’il vit ses belles tours démantelées et ses murailles vierges entamées par la haine aveugle et la stupide barbarie de quelques paysans ameutés contre lui. Il ne fut pas cependant vendu comme bien national : car, dès que l’orage fut passé, le comte Jean-Louis de Fumel, émigré, ainsi que son frère Jacques-Pons-Maxime, ce dernier demeurant à Haut-Brion, commune de Pessac, près Bordeaux[129], aliénèrent successivement les fractions de la propriété à divers habitants de la contrée, par l’intermédiaire du citoyen Antoine Laborie, cultivateur, demeurant à Fumel, agissant en leur nom et comme procureur fondé.

C’est ainsi que, le onze vendémiaire an v (2 octobre 1796), furent vendus : à Marguerite Ambrey, veuve Prat, différentes terres autour du château ; à François Bouyé, laboureur, une pièce de terre et un pré près du château ; au citoyen Troupel-Lagrave, cultivateur, habitant au lieu de Barras, section et commune de Bonaguil, la pièce appellée La Pelouse, plus diverses autres terres, etc ; que le 7 frimaire an v et le 7 nivôse de la même année, d’autres acquéreurs se présentèrent ; et que les ventes continuèrent en détail pendant tout l’an vi et l’an vii[130], jusqu’au moment où,…

ACHAT DE BONAGUIL PAR M. TROUPEL-LAGRAVE

… le 17 pluviôse an vii (5 février 1799), ledit Antoine Laborie, agissant toujours au nom et comme fondé de pouvoir de Pons-Maxime de Fumel, vendit définitivement au citoyen Jean-Antoine Troupel-Lagrave, qui avait acheté déjà de nombreuses parcelles tout autour, « les entières bâtisses composant le cy-devant château de Bonaguil, ensemble le jardin haut et bas et palus en dépendant, le tout situé audit lieu et commune de Bonaguil, en l’état qu’il est, etc., pour et moyennant le prix et somme de deux cents francs[131], plus, dit la tradition, quelques sacs de noisettes.

Le citoyen Troupel-Lagrave, qui résidait à Barras, près de Bonaguil, ne fit rien pour relever le château de ses récentes ruines. Nous le voyons, dans les registres de l’état civil de Saint-Front, signer, en 1812 et jusqu’en 1814, Troupel-Lagrave, puis, à partirde 1824, s’intituler : « Antoine-Jean Lagrave de Troupel, écuyer, ancien gendarme du Boi, maire et officier de l’état civil de la commune de Bonaguil ».

ACHAT DE BONAGUIL PAR MM. LAULANIÉ

Troupel-Lagrave mourut le 18 septembre 1828[132], laissant comme héritier son neveu, M. Augier de Salles. Ce dernier devint donc propriétaire du château de Bonaguil, qui était mm resté inhabitable. Encore ne le garda-t-il pas longtemps, puisque, le 29 mars 1841, « Monsieur Pierre Augier de Salles, demeurant au lieu de Chayres, commune et canton de Montflanquin, vend à Monsieur Bertrand Laulanié, maire de la commune de Saint-Front, demeurant au lieu de Moulinet, commune de Saint-Front, et agissant tant pour son nom personnel que pour et au nom de Monsieur Amédée Laulanié, son frère… : 1o Un vieux château inhabité, situé au chef-lieu de la section de Bonnaguil, commune de Saint-Front, avec basse-cour, terrasses et ses dépendances, etc… plus diverses pièces, etc., moyennant la somme de cinq mille francs[133] ». Il est dit, dans l’acte, que M. Augier de Salles est « propriétaire desdits biens, pour les avoir amendés dans les successions de M. Troupel-Lagrave et de la dame Françoise Baras, ses oncle et tante, suivant la donation qui lui en fut faite dans le contrat de mariage ».

ACHAT DE BONAGUIL PAR LA COMMUNE DE FUMEL (1860)

Il était dans la destinée de Bonaguil de passer bien des fois, en ce siècle-ci, en des mains étrangères. Moins de vingt ans après, MM. Laulanié, après l’avoir aussi fortement détérioré, le mettaient en vente ; et ce ne fut que le 16 décembre 1860 qu’ils parvenaient à le faire définitivement acheter par la commune de Fumel, pour la somme de trois mille francs. L’acte de vente, déposé à Fumel, en l’étude de Me Amblard[134], notaire, porte que c’est « l’ancien château de Bonaguil, avec ses cours, fossés et dépendances de toute espèce ; le tout contigu, situé au lieu de Bonaguil, commune de Saint-Front, d’une superficie de soixante-six ares, cinq centiares, environ du reste en son entier, sans avoir égard à la contenance exprimée » ; et plus loin, « que cet immeuble a appartenu à MM. Bertrand et Amédée Laulanié, frères, pour l’avoir acquis de M. Pierre Augié de Salles, suivant contrat du 29 mars 1841, au rapport de Me Basset, notaire à Saint-Front, etc. » ; enfin, « que la commune de Fumel reste désormais saisie du château de Bonaguil, et qu’elle en disposera en propriété et usufruit dès ce jour, ainsi qu’elle l’entendra ».

Depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui, le château de Bonaguil appartient à la commune de Fumel. Nous serions injuste si nous ne rendions pas ici un légitime hommage à M. Fournié-Gorre, ancien conseiller général du canton de Fumel, ancien maire de cette ville, pour avoir, durant son passage aux affaires, si convenablement employé les fonds municipaux, et, par son intelligente initiative, sauvé ainsi d’une entière disparition ces remarquables débris d’autrefois. C’est encore grâce à lui que le château de Bonaguil doit d’être classé parmi les Monuments historiques du Lot-et-Garonne, et d’obtenir, chaque année, au moins jusqu’à présent, du Conseil général la somme de cinq cents francs pour l’entretien de ses belles ruines. Enfin, la Commission des Monuments historiques et le Gouvernement, par leurs allocations récentes, tout en appelant sur Bonaguil l’attention des sociétés savantes, des archéologues et des artistes, ont donné le signal d’un commencement de restauration. Il nous est permis d’espérer qu’on ne s’en tiendra pas là ; et, s’il ne nous est pas donné de voir, un jour, entièrement relevée dans son style grandiose d’autrefois, cette admirable construction du xve siècle, du moins nous pouvons avoir la certitude que désormais l’œuvre de destruction du temps est à tout jamais enrayée.


PIÈCES JUSTIFICATIVES

(DOCUMENTS INÉDITS)

I
LETTRES DU ROI CHARLES VIII
SUR L’HOMMAGE RENDU ÈS-MAINS DE SON CHANCELIER PAR BRENGON DE ROQUEFEUIL, ÉCUYER, SEIGNEUR DE ROQUEFEUIL, POUR LA SEIGNEURIE DE VALGARINE, POUR LA BARONNIE DE COMBRET ET AUTRES TERRES EXPRIMÉES.
DU 15 FÉVRIER 1483.
(Biblioth. nat. Coll. Doat, vol. 160, t. 124.)

Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, à nos amés et féaux gens de nos comptes et trésoriers à Paris, aux séneschaux de Carcassonne, Beaucaire, Rouergue, Quercy, Agenois, Peyrigort et Razadès, à nos procureurs, thrésoriers ou receveurs ordinaires esdites sénéchaucées et à tous nos autres justiciers ou à leurs lieutenants, salut et dilection ; sçavoir vous faisons que nostre cher et bien-amé Brengon de Roquefeuil, escuyer, seigneur dudit lieu, nous a aujourd’huy faict en la personne de nostre amé et féal chancelier les foy et homage liges que tenu nous estoit faire à cause des choses que sensuivent. C’est à sçavoir : du château, terre et seigneurie de Valgarine, du lieu d’Olmusses, du lieu de Frêne, des lieux de La Mieghol, du Calado, du Luc et de Reveing, le tout assis en ladite sénéchaucée de Reaucaire ; de la baronnie, terre et seigneurie de Combret, du Luc et Passe de Roqueferial, du lieu et place de Cantobre et le tout assis en vostre dite sénéchaucée de Rouergue ; des lieux de Poget, de Vendemfan, de Sainct-Bausilhe, Pojols et la moictié de Sainct-Amans, le tout assis en ladite sénéchaucée de Carcassonne, baronnie de Montpelier et vicomte d’Omellas ; de la baronnie, terre et seigneurie de Chateauneuf, de Vaulx, avec la place et lieu Flauniac, du lieu et place du lieu de Lamorelette, de la place de Labarte, de la baronnie de La Sauveterre, des lieux, places et seigneuries de Lamote, Navarrenca, Lospitalet, de Montdomian, le tout assis en la sénéchaucée de Quercy ; de la baronnie et seigneurie de Blanchefort, des lieux, terres et seigneuries de Benneperul (sic, pour Bonaguil) et de Sainct-Alier, le tout assis en la sénéchaucée d’Agenois ; du lieu, terre et seigneurie de La Mothe Sainct Dédier et de tout ce qui luy appartient ès-seigneuries et honneurs de Villefranche, Montpazier et de Villeréal, le tout assis en la sénéchaucée de Périgort ; des terres et seigneuries de Pouzole et de Rauzans, le tout assis en la sénéchaucée de Bazadès, et de leurs appartenances et appendances quelconques, qu’il tient, mouvant de nous à cause desdites sénéchaucées, baronnie de Montpelier, vicomté d’Omelas et de nostre couronne, auxquels foys et homages nous l’avons receu sauf nostre droit et l’autruy. Si vous mandons et à chacun de vous endroit soy (sic) et come à luy apartiendra que pour raison desdits foy et homages à nous non faits vous ne faites, ou donnés, ne souffrés estre fait, mis, ou donné audit de Roquefeuil aucun arrest, destourbier ou empêchement ; mais si sesdites baronnies… places, terres et seigneuries, apartenances et appendances d’icelles ou autres, ses biens sont ou estoient pour ce prins, saisis, arrestés ou aucunement empeschés, metés les luy ou faites mètre incontinent et ; sans délay à pleine délivrance, pourveu toutefois que ledit Brengon de Roquefeuil baillera dedans temps deu son dénombrement et adveu et qu’il faira et paiera les autres droicts et devoirs si aucuns en sont pour ce deus si fait et paiés ne les a. Car ainsi nous plaist-il estre fait.

Donné à Tours le quinsième iour de février, l’an de grâce mil quatre cens quatre vingts et trois et de nostre règne le premier. Par le Roy à vostre relation, Menon.

Lecta, publicata et quavis est necesse interinata in thesauraria Regia Montispesullani ad burellum praesentibus dominis officaryis regyis décima sexta die aprilis millesimo quatercentesimo quinto. R. Caberonis notarius.


Extrait et collationné sur un livre on papier d’hommages, serman de fidélité et dénombrement, commancé le dix-neuviesme janvier mil quatre cens soixante dix neuf et fini le vingt-quatriesme mars mil quatre cens quatre-vingts. Trouvé au Trésor des Chartes de sa Majesté, en la cité de Carcassonne, par l’ordre et en la présence de Messire Jean de Doat, conseiller du Roy en ses Conseils, presidan en la chambre des Comptes de Navarre et commissaire député par lettres patentes de Sa Majesté du premier avril et vingttroisiesme octobre mil six cent soixante sept, pour faire recherche des titres concernant les droits de la couronne et qui peuvent servir à l’histoire dans tous les trésors des chartes de ladite Majesté, et dans toutes les archives des villes et lieux, archeveschés, eveschés, abbayes, prieurés, commanderies et autres communautés ecclésiastiques et séculières des provinces de Guieime et Languedoc et du pais de Foix, et dans les archives des archevesques, evesques, abbés, prieurs et commandeurs qui en pourront avoir de séparées de leurs chapitres, faire faire des extraits de ceux qu’il jugera nécessaires et les envoyer au garde de la bibliothèque royalle, par moi Gratian Capot, prins pour grefler en ladite commission soubzsigné. Fait à Lisle en Albigeois, le vingt sixième octobre, mil six cent soixante-huit. Signé : Capot.


II
TESTAMENT
DE BRENGON DE ROQUEFEUIL, CONSTRUCTEUR DU CHÂTEAU DE BONAGUIL[135].
DU 9 JANVIER 1530.
(Archives de la baronnie de Castelnau.)

In nomine domini nostri Jesus-Christi, amen :

Anno dominyçæ Incarnationis ejusdem millesimo quingentesimo trigesimo et die vero nona mensis januariy, serenissimo principe et domino nostro domino Franciscos, Dei gratiâ Francorum rege regnante, ex hujus veri publici instrumenti tenore, universis et singulis tam præsentibus quam futuris evidenter patescat atque notum existat quod cum nemo in carne humana positus terribile Dei Judicium posset evitare, coram quo [quisque est] de factis suis propriis plenariam et integram redditurus rationem, sitque nihil morte certius, nihilque ejus hora incertius, ob quod non differt sapiens, de anima, corpore, rebus et bonis suis disponere et ordinare, idcirco Nobilis magnificus et potens vir Berengonarius de Ruppefolio, dominus et baro baroniarum de Rupppefolio, de Blancaforti, Castronovo, vallium de Combreto, de Ruppeferali, Gomitorque Nantii, existens apud Castrumde Bonaguilhio, et in camerâ ejusdem domini, diocesis et senescaliœ Aginnensis, coram me notario et testibus infra scriptis, sanus mente et intellectu, ac in suà bonâ, sanâ et perfectâ memoriâ persistens et perseverans, timens dictum Dei judicium, volensque et capiens animée suæ saluti providere et de bonis ac rebus suis disponere et ordinare, ne post ejus decessum inter ejus liberos aliqua dissensio seu questio oriri possit, gratis et ex ejus spontaneâ voluntate suum ultimum condidit, fecit et ordinavit nuncupativum testamentum, suamque ultimam voluntatem, dispositionem et ordinationem de anima, corpore, rebus et bonis suis, in hune qui sequitur modum :

In primis quidem, cùm anima preciosior sit cunctis rebus humanis, suam omnipotenti Deo praecelsœque Virgini Mariæ ejus genetrici, totique celesti Paradisi curiae, dictus dominus testator humiliter et dévote commendavit ahimam, signando se signo venerabili sanctse crucis sic dicendo : In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, Amen ; deindeque elegit sepulturam corpori suo fiendam in ecclesia parrochiali Sancti Michaellis de Bonaguellio et in capella beatae Barbae ejusdem ecclesiæ.

Item voluit et legavit idem dominus testator quod in die dictœ suæ sepulturœ intersint sex vigenti domini presbiteri seu viri ecclesiastici bene morigerati qui Deum orent et preces effundant pro anima sua et parentum suorum ac aliorum qui sunt in sua intentione, quibus et eorum cuilibet legavit, amore Dei, très solidos et quatuor denarios turonenses semel cum eorum reffectione corporali per heredem universalem suum infra scriptum solvendos ;

Item voluit et ordinavit idem dominus testator quod in diebus novense et capite anni luctus sui, vocentur et intersint alii sex viginti domini presbiteri, qui similiter Deum orent et preces effundant, pro anima sua et parentum suorum ac aliorum qui sunt in sua intentione, quibus et eorum cuilibet legavit, in qualihet vice, alios tres solidos turonensium et quatuor denarios semel cum eorum refectione corporali, per heredem suum universalem infra scriptum solvendos, sine tamen solennitate canticorum organandorum.

Item voluit et ordinavit dictus dominus testator quod si contingat non interesse in die sepulturœ dicti corporis sui dicto sex viginti presbiteros, quod presbiteri restantes de dicto numéro aut alii per heredem suum infra scriptum eligendi, habeant eorum missas, ut ceteri in dicta ecclesia, in quâ dictum corpus suum fuerit sepultum, celebrare et cuique ipsorum dari voluit alios très solidos et quatuor denarios turonenses.

Item voluit dictus dominus testator quod in die dictae sepulturæ suæ non habeantur panni aurei, neque rhedæ, neque torchæ, neque ceræ, neque signum jove (sic) suæ senhoriæ in dictâ ecclesiâ de Bonaguellio.

Item voluit et ordinavit dictus dominus testator quod in diebus suae sepulturae, novenæ et capite anni in qualibet ipsorum trium vacationum intersint et substententur centum pauperes et cuilibet eorum Iegavit ac dari jussit amore Dei, in qualibet vice, decem denarios turonenses et indigentes vestibus voluit dictus dominus testator quod induantur funereis seu panno quodem.

Item voluit et jussit idem dominus testator quod domus hospitalis Blanchefortis per eum ad has fines facta remaneat in perpetuum in suffragium pauperum, et, casu quo ruyna dirueretur dicta domus, quod ejus hères universalis infra scriptus vel ipsius in futurum successores teneantur illam reparare.

Item legavit idem dominus testator bassino Purgatorii predictæ ecclesiæ de Bonaguellio, ubi ipsum sepeliri contigerit, triginta solidos turonensium semel per heredem suum universalem infra scriptum solvendos.

Item voluit et ordinavit idem dominus testator quod per heredem suum universalem infra scriptum solvantur servitoribus suis stipendatis varia stipendia per ipsum dominum testatorem promissa légitime débita, et aliis servitoribus suis non stipendatis qui légitime eidem domino servierunt quod pariter ejus heres infrascriptus teneatur eosdem satisfacere de eorum laboribus, juxta conditionem personarum suarum.

Item legavit et reliquit idem dominus testator jure institutionis et hereditariæ portionis nobili Anthoniode Ruppefolio, sanctæ sedis apostolicæ prothonotario, filio suo naturali et legitimo ex se et quondam nobili Anna de Tornello dum vivebat conjuge suâ, videlicet summam sex mille librarum turonensium, qualibet libra pro viginti solidis computata, et hoc pro omnis juris parte, portione ac actione eidem competenti seu competitura nunc aut in futurum in bonis et hereditate suis, quamquidem summam dictarum sex mille librarum turonensium semel per heredem suum universalem infra scriptum exsolvi voluit per terminos et solutiones quae sequintur ; videlicet duo millia librarum turonensium dicti valoris ad voluntatem ipsius legatarii et residuum dictae summæ deinceps annis singulis et anno revoluto centum libras turonensium usque ad integram satisfactionem ejusdem summæ. Verum tamen voluit dictus dominus testator quod solutionum una supra aliam non possit accumulari nisi constetde diligentia fuisse factam, in quibusquidem sex mille librarum turonensium dictum nobilem Anthonium de Ruppefolio tîlium suum heredem particularem inslituit, et illis mediantibus, voluit esse contentum de omnibus aliis bonis et hereditate suâ, ita quod nihil aliud in ejusdem bonis et hereditate suâ petere possit seu consequi, nisi dictas sex mille libras turonensium eidem filio suo rémanentes salvas.

Item legavit et reliquit idem dominus testator jure institutionis et hereditariœ portionis nobili Francisco de Ruppefolio, militi religioso Sancti Johannis Jerosolimitani, filio suo naturali et legitimo ex se et dicta quondam nobili Anna de Tornello conjuge sua dum vivebat, videlicet summam centum librarum turonensium, qualibet libra pro viginti solidis turonensium computa et hoc pro omnis juris parte, portione ac actione eidem competenti seu competitura, nunc aut in futurum, in bonis et hereditate sua, quamquidem summam dictarum centum librarum turonensium semel per heredem suum universalem infra scriptum exsolvi voluit ad voluntatem ipsius legatarii, in quibusquidem centum librarum turonensium dictum Franciscum de Ruppefolio filium suum heredem particularem instituit, et illis mediantibus, cum aliis per ante sponte datis, voluit esse contentum de omnibus aliis bonis et hereditate suâ ita quod nihil aliud in ejusdem bonis et hereditate suâ petere posset seu consequi nisi dictas centum libras turonensium eidem filio suo salvas rémanentes.

Item legavit et reliquit dictus dominus testator, jure institutionis et hereditariœ portionis, nobilibus Margueritœ, Angelicæ, Joannæ et Delphinæ de Ruppefolio, sororibus religiosis, filiabus suis legitimis et naturalibus ex se et dicta quondam nobili Anna de Tornello dum vivebat conjuge sua, et cuilibet ipsarum, summam sexaginta librarum turonensium et haec relicta per dictum dominum testatorem eisdem filiabus suis religiosis et cuilibet earumdem data, [voluit quod] semel solvantur per heredem suum universalem infra scriptum, ad voluntatem ipsarum, seu cujuslibet earumdem, et hoc pro omnis juris parte et portione ac actione eisdem et cuilibet earumdem competenti seu competiturâ, nunc vel in futurum, in bonis et hereditate suâ, in quibus quidem sexaginta libras turonensium, dictas filias suas heredes particulares instituit, et illis mediantibus, voluit esse contentas de omnibus aliis bonis et hereditate suâ, ita quod nihil aliud in ejusdem bonis et hereditate suâ petere possent seu consequi nisi dictas sexaginta libras turonensium cuique earumdem filiarum suarum dictarumque solvas remanentes.

Item legavit et reliquit dictus dominus testator nobili Annas de Ruppefolio, filiæ suæ légitimæ et naturali ex se et dicta quondam nobili Anna de Tornello dum vivebat conjuge sua, uxorique relictas quondam nobilis et potentis viri Joannis de Antino, ultra dotem per dictum dominum testatorem eidem dominæ filiæ suæ constitutam videlicet summam decem librarum turonensium, valente qualibet libra viginti solidos turonensium, semel per heredem suum universalem infra scriptum solvendos et hoc pro omnis juris parte et portione ac actione eidem competenti seu competitura, nunc vel in futurum in bonis et hereditate suis, in quibus quidem decem libris turonensium dictam Agnam de Ruppefolio filiam suam heredem particularem instituit, et illis mediantibus, voluit esse contentam de omnibus aliis bonis et hereditate suis, ita quod nihil aliud in ejusdem bonis et hereditate suâ petere posset seu consequi nisi dictas decem libras turonensium eidem filias suæ salvas rémanentes.

Item legavit et reliquit dictus dominus testator, jure institutionis et hereditariae portionis, nobilibus Isabellæ de Ruppefolio, filiæ suæ naturali et légitimæ ex se et dicta quondam Anna de Tornello, uxori relictæ quondam nobilis et potentis viri Pétri de Durfort, domini dum vivebat de Ruxières, Helenæ de Ruppefolio etiam filiæ suæ naturali et légitimæ, uxorique relictæ quondam nobilis et potentis viri Roberti de Lauzière, et Magdalenæ de Ruppefolio etiam filiæ suæ naturali et légitimæ, uxori nobilis et potentis viri Ludovici de Themines, domini dicti loci, et ultra dotes per dictum dominum testatorem cuilibet earumdem filiarum suarum constitutas, videlicet cuilibet ipsarum trium filiarum summam quinque centum librarum turonensium, computando pro qualibet libra viginti solidos turonensium, semel cuilibet earumdem per heredem suum universalem infra scriptum solvendarum ad voluntatem ipsarum et cujuslibet earumdem, et hoc pro omnis juris parte et portione ac actione ipsis et cuilibet earumdem competenti seu competitura, nunc vel in futurum in bonis et hereditate suis, in quibusquidem quinque centum libras turonensium dictas filias suas heredes particulares instituit, et illis mediantibus, voluit esse contentas de omnibus aliis bonis et hereditate suis, ita quod nihil aliud in ejusdem bonis et hereditate suâ petere possent seu consequi, nisi dictas quinque centum libras turonensium cuique earumdem salvas rémanentes.

Item legavit et dari jussit dictus dominus testator domino Guarino Testuti, presbytero, tantum quantum vivet, victum et vestitum ac summam duodecim librarum turonensium, computando pro qualibet libra viginti solidos turonensium, eidem per heredem suum universalem infra scriptum singulis annis solvendam, dumtaxat vitæ ejus Testuti, inclusis in jure reliquats aliis temporibus per dictum domini testatorem, solveri assuetis.

Item de dictis (?) legavit et assignavit dictus dominus testator nobili Joanni de Calvayraco ejus servitori, dumtaxat per vitam ispsius de Calvayraco, omnes quoscumque census et redditus venditionis, laudationis et accapti sibi debitos et pertinentes in juridictione Montiiermere, Cadurciensis diocesis, per emphyotas dicti domini testatoris solveri assuetos, ratione feudorum ab eodem domini testatore in eadem emphyteosi moventium.

Item voluit et legavit seu dari jussit idem dominus testator per ejus heredem universalem infra scriptum, videlicetdominis Petro Mauresse, Petro Teulery et Stephano Fragemes, pbris et quibus ipse voluerit… per septem annos post ejus decessum ex inde conséquentes, dumtaxat et quolibet anno unicuique ipsorum quantitatem saumariatarum sive congiarium bladi mixturæ, unam pipam vini, unam bariquam reyrevini nemoris, viginti solidos turonensium, prehebende unum porcum salsum et unam duplam valentem decem denarios turonenses semel in anno solvendos, predictum bladum, vinum, reyrevinum sive reyremium et viginti solidos turonensium et dictam duplam per noli vir et cui hii (sic) teneanturque dicti pbri in diebus seu quolibet die celebrare missas bassas seu ordinarias de Requiem in ecclesia praedicta de Bonaguellio et in capella sanctas Barbée, vel in alia sua capella seu in alio altari quas non possent celebrare in dicto altari sanctœ Barbæ, et eo casu quod unus prœdictorum presbyterorum vel alter ipsorum prœcederent vel nollent desservire, voluit et jussit in locum praedessesi vel prædessessorum eligeri etdeputari per ejus heredem universalem infra scriptum alterum seu alteros pbrum vel presbyteros sufficientes et ydoneos et bene morigeratos ad deserviendum et celebrandum ut preemissum.

In omnibus aliis vero bonis suis mobilibus et immobilibus per se moventibus juribusque actionibus et rébus suis corporalibus et incorporalibus, quocumque ubicumque sint, quocumque nomine seu vocabulo sentiantur, presentibus etiam et futuris, heredem suum universalem fecit et instituit ac jure suo proprio nominavit et esse voluit idem dominus testator virum nobilem Carolum de Ruppefolio, filium suum naturalem et legitimum ex se et dicta quondam nobili Agna de Tornello dum vivebat consorte sua et ex eorum legitimo matrimonio procreatum ; quem voluit esse astrictum et obligatum ad implendam hujusmodi voluntatem contentam in ejus modi testamento, solvenda quœcumque et paranda illis quorum intersunt Iegata superius relicta, et alia sua debita et forefacta cuicumque de omnibus sibi constabit et hoc infra quatuor annos antedicti sui obitus computandos, exceptis de quibus illis supra expressit, et ferrum (?) apposuit.

Et si in futurum contingeret dictum nobilem Carolum de Ruppefolio filium suum et heredem universalem mori, quandocumque superstibus sibi libero masculo aut liberis masculis ex suo legitimo matrimonio procreato, procreatis aut procreandis, eo casu substituit eidem filio sic decedenti dictum fdium manentem, si habilis et non prodigus existât ; et si plures fdii supersunt, substituit primo natum si fuerit habilis, idoneus et ut supra non prodigus, aliter secundo natum, etiamsi sit habilis, et sic successive per ordinem usque ad ultimum supermanentem ; si vero decedat sine libero masculo aut sine liberis masculis aut cum masculo vel masculis qui non essent habiles seu ydonei aut décédèrent cum libero vel liberis masculis ydoneis et illi décédèrent sine liberis masculis ex eodem matrimonio legitimo procreatis, eo casu et in quolibet illorumjsubstituit ejus fdio et heredi suo sic decedenti aut liberis sic decedentibus, videlicet prœdictam nobilem Annam de Ruppelio filiam suam naturalem et legitimam uxorem relictam dicti quondam nobilis et potentis viri Joannis de Antino et casu quo dicta nobilis Anna de Ruppefolio esset prœdecessa, substituit prœdictse de Ruppefolio primum filium masculum praedictorum conjugum de Antino et aut praedictum vel alterum eorumdem, deinde primo natum, habilem, ydoneum et ut supra non prodigum ad succedendum ; et si omnes moriantur sine libero masculo seu liberis masculis ex eorum legitimo matrimonio procreato seu procreatis, habilibus, ydoneis et ut supra non prodigis, voluit idem dominus testator suam hereditatem reverti aliis fdiabus suis et eorum liberis per ordinem, cessante semper in omnibus institutis et substitutis retentione quartae trebellianœ, in eum casum in quem vellent vel aller ipsorum restituere hereditatem et detrahere predictam quartam trebellianam, in quo casu eisdem et cuique eorumdem prohibuit et voluit quod non possent illam detrahere.

Executores vero quadratores et fideicommissarios præsentis testamenti fecit, instituit et ordinavit dictus dominus testator, videlicet, venerabiles et discretos viros dominos vicarium et officialem Domini Domini Agenensis episcopi, qui vel sunt aut pro tempore erunt et quemvis ipsorum in solidum, ambobusque iisdem executoribus et cuilibet ipsorum dédit et concessit licentiam et potestatem de bonis et juribus suis recipiendi, vendendi, distribuendi, tantum quantum fuerit necessarium pro solvendo et satisfaciendo omnia et singula legata et distributa in prasenti instrumento contenta et illa exsolvendi locis, personis et legatoriis in prœsenti testamento descriptis quibus debebitur, licentiâ antedicti sui heredis nec alterius personæ minime requisita, petita seu obtenta.

Hoc est et esse voluit et declaravit dictus dominus testator suum ultimum testamentum nuncupativum et suam ultimam voluntatem quod et quam laudavit, omologavit, aprobavit et confirmavit ac nosci omnibus valere et perpetuam roboris firmitatem habere et obtinere voluit ; et si non valerent jure codicilli seu codicillorum, vel donationis causa mortis aut alterius quam voluit voluntatis quae melius et jure valere poterit et debebit ; et si unquam, alio tempore, aliud seu alia fecit seu condidit testamentum, seu testamenta codicillum seu codicillos, ultimam voluntatem seu ultimas voluntates, illud, illa, illum, illos, illam et illas et alia omnia singula in eis contenta sub quacumque verborum existant………, prœsentis ultimi firmiter et perpétue valeturi et duraturi protavit (?), revocavit penitus et annulavit nulliusque efficaciæ seu valoris ab inanthea esse voluit, suo præsenti et ultimo testamento aut ultima voluntate in suis robore et efficaciâ rémanente, rogando testes instituti ut et continetur in prcesenti suo testamento essent memores et recordes, locoque et tempore opportunis testimonium perhiberent veritati, meque notarium infra scriptum ut de prœmissis omnibus et singulis, illi vel illis, cui seu cuibus expediet et pertinuerit retinerem et conficerem publiquum seu publiqua instrumentum seu instrumenta, quod seu quæ ex meo publiquo officio concessi agendum seu agenda.

Conditum fuit hoc testamentum et acta fuerunt haec omnia et singula premissa in dicto Castro de Bonaguellio, et camerâ prœdictâ, ubi ipse [dictus dominus testator] supra suum lectum jacebat, anno, die, mense et regnante quibus supra, presentibus ibidem et adstantibus in præsenti nobili viro Joanne Monestier jurisdictionis capellæ medimontinæ, magistro Joanne Crussol jure baccalario loci de Fumello, Antonio de Clusel, Petro Reversat, Joanne Leynque clerico ejus castri, Stephano Carriol barbitonsore loci de Peslechacer et Guillermo Verdier loci de Bonaguellio, habitatoribus, testibus ad premissa vocatis et rogatis.

Et Nous Pierre Vitalis et Jacques, ayant collationné sur l’original à la réquisition dud. seigneur et comandement sus expecifiez, avons le présent instrument rédigé et mis en bonne forme valable et nous sommes soubsignez de nos seings accoustumez ; ainsi signés : Jacques et Vitalis.


III
INTERPOSITION
DE DÉCRETS À DES CRIÉES… À LA REQUÊTE DU BARON DE PARDAILLAN,
CONTRE ANTOINE DE ROQUEFEUIL, ET EXTRAIT DU JUGEMENT
DU PRÉSIDIAL.
Io
DU 23 FÉVRIER 1617.
(Archives départementales de Lot-et-Garonne. B, 709, 150 pièces.)

Entre Messire Pierre Descoudeca de Boisse, seigneur et baron de Pardaillan, demandeur de l’interposition de décrets à certaines criées, et Messire Antoine de Roquefeuil, seigneur et baron dudit lieu, défendeur.

Veu le procès obligation dud. sr de Roquefeuil envers led. sr de Pardaillan, demandeur de la somme de quatre mille livres……

Ordonnons qu’il paiera aud. sr demandeur, dans trois mois, la somme de quatre mille livres, mentionnée en lad. obligation, et intérest d’icelle, à raison du denier quinze, etc.


IIo
DU 26 MARS 1618.
(Archives départementales de Lot-et-Garonne. Série B, 716, 150 pièces).

Entre Messire Pierre Descodeca de Boisse, seigneur et baron de Pardaillan, demandeur, et Messire Anthoine de Roquefeuil, seigneur et baron dudit lieu, défendeur, et dame Oline Daste, veuve de feu Messire André de Nesmond, conseiller du Roy, premier présidant en la cour du Parleman de Bourdeaux…

Veu le contrat d’obligation du sieur de Roquefeuil envers led. sieur de Pardaillan de la somme de quatre mil livres du doutzième febvrier mil six cens douze, procès verbal de saisie et criée, faict à la requeste dud. seigneur de Pardaillan, de la terre et seigneurie de Bonnaguil et ses dépendances appartenant aud. sr de Roquefeuil, dacté au commencement du seiziesme juin mil six cent seize, exploit d’assignation donné au sr de Roquefeuil, etc…

Interposant le décret et autorité judiciaire de la presante cour auxdites criées, avons adjugé et adjugeons aud. sr de Pardaillan, lad. terre et seigneurie de Bonnaguil et ses dépendances et fruicts d’icelle, saizis pour la somme de six mille livres, à laquelle il les a encherys par l’acte dud. jour, septe de novembre dernier, laquelle somme led. seigneur de Pardaillan consignera ès-mains du recepveur des consignations de la présente cour ou d’un marchand solvable, en payant le droit dud. receveur et d’icelle ; sera payé par préalable auxd. seigneur de Pardaillan et dame Daste par concurrence les despens des criées et présente instance, esquelle condamnons led. sr de Roquefeuil envers led. sr de Pardaillan et dame Daste depuis sad. subrogation ; et du surplus sera payé à lad. dame Daste aud. nom la somme de trois mille trois cents livres d’une part et neuf cents livres d’autre pour le contenu desd. obligations, par elle produites des douzième juin mil quinze cents quatre vingt huit et vingt neuf août mil quinze cents quatre vingt onze avec intérêt desdit. sommes depuis le jour de la sommation et comandement, dud. jour quatorze juillet mil six cents ung, à raison du denier quinze, sans que lesd. intérêts puissent excéder le principal ; et aud. sr de Pardaillan sera payé lad. somme de quatre mille livres mentionnée en l’obligation par luy produite dud. jour douze febvrier mil six cent douze et l’intérêt d’icelle à même raison du denier quinze, etc.

Signé : Barbier, de Redon, Brayac, Bertrand, de Layonie, Laroche.


IV
LIMITES DE LA JURIDICTION
JUDICIAIRE ET FINANCIÈRE DE BONAGUIL,
EN 1605.
(Archives départementales de L.-et-G. Non classé. Livre d’arpentement de l’Agenais, p. 217.)

Je soubz signé Jean Duprat, habitant de la ville de Tonneinx, Me arpanteur, juré et ung des quatre qui avons entreprins l’arpantement général du pais d’Agennois, certiffie que, en verteu de ma commission et ordonnance à moi donnée par Monsieur Me Nicollas de Netz, conseiller du Roy en sa cour des aydes à Paris et commissaire dépputé pour l’exécution des arrêts donnés pour le faict des tailles et arpantement général du pays d’Agennois, suis party du lieu des Treilles et me suis transporté en le lieu de Bonneguilh avec mes associés, estant conduit par Me Anthoine du Cros, député de Tonneinx, pour voyr faire l’arpantement dud. lieu de Bonneguilh, ou estant, aurions parlé à hounorables personnes Jacques Eschallier et Jean de Beson èt Jeanneton, consuls dud. lieu, auxquels aurions faict entendre le dheub de ma commission, leur requérant nous monstrer la situation et limites de leur juridiction pour procéder à l’arpantement d’icelle, ce qu’ils auraient offert faire : et par exprès nous aurait mené et conduict à ung lieu appelé au débat le Mollin de Monsieur, qui est ung lieu appelé au coing de la juridition, là où il se faict séparation d’icelle jurid. et le Quercy, et dillec, montant en hault, vers le couchant, le long d’ung ruisseau appelé le Mollin de hault, appartenant au sr dud. lieu, et dillec montant le long dud. ruisseau, jusques à la Fon des Lions, et dillec montant par aultre ruisseau qui descend par le vallon qui est entre le bois de Peyrelevade et de Taron, lequel Taron demeure à main gauche en le Quercy ; et, continuant, finissant la séparation jusqu’à ce qu’il rencontre le grand chemin appelé le chemin Bomain, et ren. contrant les terres de Las Treilles, retourne vers le nord le long dud. chemin faisant la séparation d’entre les terres de Lastreilles et Bonneguilh, laissant celles de Lastreilles à main gauche vers le couchant et Bonneguil à main droite vers le levant, jusqu’à ce qu’il rencontre les terres de Sauveterre ; et dillec, continuant icelui chemin jusqu’à une pierre borne qui est sur le cousté dud. chemin du cousté du levant, qui faict lad. séparation d’entre Sauveterre et Bonneguilh, et allant à travers des champs vers le…, laissant Sauveterre à main gauche vers le nord jusqu’auprès du village de Caze qui est en Sauveterre auquel lieu se faict séparation entre les terres de Sauveterre et Quercy et Bonneguilh ; et dillec, descendant vers le midy aussy à travers des champs jusqu’à une colline qui faict lad. séparation d’entre le Quercy et Bonneguilh, laissant le Quercy à main gauche vers le levant et passant près le village appelé le village des Brugues, lequel demeure à main droite vers le couchant en Bonneguilh, et continuant lad. colline là où il y a une haye et muraille faisant lad. séparation, jusque qu’il rencontre le village de Caupenne qui est en Bonneguilh ; et dillec, retournant vers le levant, laissant led. village de Caupenne à main droite et continuant lad. colline faisant lad. séparation jusque qu’il rencontre le ruisseau appelé Riou Pichou, continuant icelui ruisseau jusqu’aud. lieu là où avons commencé led. arpantement, dans lequel enclos avons trouvé contenir le nombre de sept cent trente deulx carterées, mesure de la ville et cyté d’Agen, comptant et nombrant pour chacune carterée quatre cents trente-deuxlx escats à la latte et pieds communals dud. pais dud. lieu, comprenant le chasteau dud. lieu, temple et semettière, ruisseaux, chemins grands et petits, maisons et générallement toute sorte et nature de terres ayant esté arpanté avec le compas géométrique le plus justement et fidellement qu’il nous a esté possible faire soubz nostre foy et serment. De quoy moy Jean Duprat ay signé le présent procès-verbal de ma main à Bonneguilh, le douzièsme jour du mois de mars, mil six cent cinq. Ainsin signé, Ducros dépputé de Thonneinx, ainsin signé Duprat arpanteur.

Plus bas sont escrits ces mots, le treitzièsme du moys de mars mil six cents cinq, après midy à la ville de Fumel et maison de l’armeurier en Agennois, régnant Henry, etc., par devant moy notaire, etc. le procès-verbal dernier, escript et signé par led. Duprat, escript en deulx feuillets de papier, a esté Ieu en présence des consuls de Bonaguilh y nommés, lesquels ce entandu ont dit et accordé les susd. confrontations estre véritables. De quoy a requis et obtenu acte en présence de Me Anthoine Ducros de Thonneinx et Pierre Fornal de la Ritoune de la jurisdiction des Treilles, habitans cogneus et moy ainsi signés Ducros, assistans et tesmoins.


V
HOMMAGE RENDU AU ROI LOUIS XIV
PAR HAUTE ET PUISSANTE DAME MARIE-GILBERTE DE ROQUEFEUIL,
POUR LA TERRE ET SEIGNEURIE DE BONAGUIL.
DU 20 JUILLET 1671.
(Archives départementales de la Gironde. Série C, no 2328, p. 63).

Les présidens trésoriers de France, généraux des finances, juges du domaine du Roy et grands voyers en la généralité de Guyenne, à tous ceux qui ces présentes verront, Salut ; sçavoir faisons que par devant nous s’est présenté M. Claude Pescheur, intendant du sieur marquis Durfé, comme ayant charge par procuration expresse de haute et puissante Dame Marie Gilberte de Roquefeuilh, veuve de haut et puissant Seigneur Messire Claude Eyma, marquis d’Alègre, du 26 juin dernier, assisté de Maistre Jehan Laserre, son procureur ; lequel en présence du procureur du Roy, estant teste nue, les deux genoux à terre, sans ceinture, épée, ny éperons, tenans les mains jointes, a fait et rendu au Bureau les Foy, Hommage et Serment de fidélité qu’il doit au Roy nostre sire Louis XIV, Roy de France et de Navarre, à présent régnant, à cause de son comté d’Agenois et couronne de France, pour raison de la terre et seigneurie de Bonnaguilh, droit de justice haute, moiene, basse, mère, mixte, et impère mouvant à hommage de Sa Majesté. Et après qu’il a juré sur les Saints Evangiles d’estre bon et fidelle sujet et vassal du Roy et de satisfaire à toutes les obligations auxquelles sont sujets les vassaux de Sa Majesté et à tous les droits et devoirs seigneuriaux, dont lesdits biens se trouveront chargez, mesmes les frais de la saisie et autres qui pourront estre deubs, ensemble ceux des commissaires, si aucuns ont esté establis, au régime desdits biens et fruits d’iceux, ledit vassal a esté par nous investi dudit fief, à la charge d’en fournir son adveu et dénombrement dans les quarante jours portez par l’ordonnance, à peine de nullité des présentes, et d’estre procédé à la réunion desdits biens, sur la saisie faite ou à faire, luy faisant main levée des fruits desdits biens saisis, la saisie du fonds tenans jusques à la réception et vérification entière dudit adveu et desnombrement.

Fait à Bourdeaux, au Bureau des Finances et Domaine du Roy en la généralité de Guyenne, le xxe jour de juillet mil six cens soixante unze.
Signé : Chapelas, de Prugue, Thibault, Pescheur, hommager audit nom, Laserre.


VI
TESTAMENT ET CODICILLE
DE DAME MARIE-GILBERTE DE ROQUEFEUIL,
DU 7 NOVEMBRE 1693.
(Archives départementales de Lot et-Garonne. Série B, 113, In-folio, p. 76).

Par devant les conseillers du Roy, notaires, gardes-nottes de Sa Majesté, au chatelet de Paris, soubsigné, fut présante haute et puissante dame Marie-Gilberte de Roquefeuil, veuve de haut et puissant seigneur Messire Yves Marquis d’Allègre, demeurant à Paris en son hostel, rue Pot de Fer, paroisse St Sulpice, trouvée au lit malade, se plaignant d’une fluxion sur les yeux, en une chambre au premier estage dudit hostel, ayant veue sur le jardin, saine toutesfois d’esprit, mémoire et entandement comme il est apareu aux nottaires soubsignés, par ses parolles, laquelle a dict que le seiziesme febvrier mille six cents soixante dix, elle aurait faict son testament par devant Baglan et Lefranc, notaires au chatelet de Paris, qui contient plusieurs dispositions et legs dont la plus grande partie est devenue caduque par la mort des personnes y dénommées, et d’ailleurs lad. dame faisant réflexion que de tous ses enfans il ne lui estait resté que Dame Marie-Isabeau de Coligny, qu’elle avait pourveue avec le Marquis de Montpéroux, laquelle est décédée depuis environ six mois, laissant dans le monde cinq enfans de leur mariage ; icelle dame Marquise d’Allègre a jugé à propos de déclarer de nouveau ses intentions, avec d’autant plus de raison que de toutes les dispositions contenues audit testament la plus importante était la substitution graduelle ordonnée par icelui et qu’elle désire renouveler dans sa maison les biens qui lui appartenaient : c’est pourquoi lad. dame Marquise d’Allègre a, par forme de codicille, dicté et nommé auxd. notaires soubsignés ce qui suit :

C’est à sçavoir qu’elle nomme et institue pour son héritier universel en tous ses biens meubles et immeubles, droits, actions et successions quelconques, la personne de Messire François-Gaspard Escourre, palatin de Dio, chevalier, marquis de Saligny, son petit-fils et fils aîné desd. seigneurs et dame de Montpéroux, auquel lad. dame substitue les enfans maies qui naîtront de lui en loyal mariage, lesquels seront préférés aux filles et sera l’ordre de primogéniture gardé et observé dans lad. substitution, pourvu que lesd. enfants ne se soient pas promeus aux ordres sacrés.

Et sy ledit seigneur marquis de Saligny, fils ainé desd. seigneur et dame de Montpéroux, décède en quelque temps que ce soit sans enfans masles, lad. marquise d’Allègre substitue le fils puisné desd. seigneur et dame de Montpéroux et audit fils puisné les enfans malles qui naîtront de luy en loyal mariage, par ordre de primogéniture, comme il est dû.

Et sy ledict fils puisné décède sans enfans masles, lad. dame substitue les filles dud. seigneur marquis de Saligny, s’il en a, sinon les filles de son dit fraire puisné et leurs enfans malles par ordre de primogéniture, et sy luy et l’autre décède sans aucuns enfans, lad. dame substitue l’aynée des filles desd. seigneurs et dame de Montpeyroux et les enfans masles de lad. fille ; l’ordre de primogéniture pareillement gardé et observé.

Et en cas de décès de lad. future espouzé fille aîsnée,, sans enfanS masles, ou de ses enfans masles sans enfans masles, ladite dame substitue la fille puisnéedesd. seigneur et dame de Montpéroux et de ses enfans masles comme dessus.

Et si lad. puisnée décède pareillement sans enfans masles ou son enfant et enfans masles sans enfans masles, ladite dame substitue la cadette et dernière des filles desd. sr et dame de Montpéroux et les enfans males de lad. dernière fille, en observant l’ordre de primogéniture et préférant les masles aux filles, et au défaut d’enfans masles dans ce dernier degré de substitution les filles qui seront issues du mariage partageront lesd. biens en la manière accoutumée.

Et pour la validité desd. substitutions, lad. dame prohibe l’aliénation de ses biens, pour les conserver en la ligne masculine et féminine qu’elle a appelé à lad. substitution de degrés en degrés, comme il est sy-devant expliqué, pourveu que ceux par elle appelés ne soient pas gens d’Église, le tout pour conserver l’honneur et l’éclat de sa maison.

Sy led. seigneur marquis de Montpéroux, son gendre, survit à tous ceux quy sont appelés à lad. substitution cy-dessus, en sorte qu’elle ne puisse avoir son effet, lad. dame institue led. seigneur marquis de Montpéroux son héritier et légataire universel en tous lesd. biens.

Lad. dame ordonne que, du jour de son décès jusqu’à ce que led. seigneur de Saligny ou tels autres des substitués qui sera dans le cas de recueillir le fait de lad. substitution soit pourveu par mariage, led. seigneur marquis de Montpéroux ait l’administration des biens de lad. dame sans randre aucun compte, hors que la substitution ci-dessus aura son effet en faveur de celuy d’iceux qui y seront appelés : les autres seront réduits à une légitime qui sera réglée, pour chacun d’eux, par led. seigneur marquis de Montpéroux, en la manière qu’il jugera à propos.

Lad. dame ordonne que les douze mille livres qui doivent estre fournies à Monsieur de Rodiés pour les causes déclarées en son dit testament soient prinses sur lesdits arrérages desd. rentes et autres droicts qui sont deubz à ladicte dame dans ses terres, et au surplus ladite dame ordonne l’exécution de toutes les autres dispositions de son dit testament, qui lors de son décès ne seront pas demeurées caduques, déclarant ladicte dame que dans led. testament elie a faict incéré pour clauze dérogatoire ces mots : Credo In Deum ; lesquels mots Credo In Deum elle fait pareillement incéré dans le présent codicille pour la validité d’iceluy.

Ce fut ainsi fait, dicté et nommé par laditte dame codicillante auxdicts notaires soubzignés, et à elle par l’un deux en la présence de l’autre, veu le relevé qu’elle a dict avoir bien entandu en ladicte chambre, le 7e jour de novambre, mille six cent quatre-vingt-treize (7 Nov. 1693), après midy, et a déclaré ici ne pouvoir quant à présant escrire, ny signer, à cause de la fluxion qu’elle a sur les yeux, de ce interpellée ainsi qu’il est dict en la minutte du présant codicille bien et duement controllé dessus, en la possession dudict Bonhomme, notaire, qui a délivré les présantes, cejourd’huy, sixiesme jour du mois de Mars, mille six cent quatre-vingt-dix-neuf. Signé : Thonin et Bonhomme, notaires royaux.

En l’audiance de la cour de la sénéchaussée d’Agenois et pardevant monsieur maitre Jean-Joseph de Coquet, conseiller du Boy, lieutenant principal en icelle, le testament ci-dessus a esté leu et publié : ce requérant maistre Jean Rouquette, procureur pour Messire François Gaspard Eléonor, Palatin de Dio, chevalier, Marquis de Saligny, de laquelle lecture et publiquation avons octroyé acte pour luy servir à telle fin que de raison, ce qui a esté faict, le 16e jour du mois de décembre, mil sept cents.


VII
AVEU ET DÉNOMBREMENT
DE LA TERRE ET SEIGNEURIE DE BONAGUIL,
PAR DAME ÉLISABETH-FRANÇOISE DE HARVILLE,
ÉPOUSE DE HAUT ET PUISSANT SEIGNEUR MESSIRE
FRANÇOIS-GASPARD-ÉLEONOR, PALATIN DE DIO, CHEVALIER,
SEIGNEUR, MARQUIS DE MONPERROUX,
ROQUEFEUIL, BARON DE CASTELNAU DE MONRATIER,
LABARTHE, FLAUNIAC, PRÉCOR, CONFOLAN,
BONAGUIL ET AUTRES PLACES,
DU 21 JUIN 1702.
(Archives départementales de la Gironde. Série C, No 2245.)

Dénombrement que met et baille devant nous nos ségneurs les présidents thrésoriers généraux de France en la généralité de Bordeaux maistre Jean de Augier, advocat en la cour et juge de Bonaguil, au nom et comme procureur deuement fondé de procuration de haute et puissante dame Elisabeth Françoise de Harville, épouse de haut et puissant ségneur messire François Gaspard Eléonor, palatin de Dio, chevalier, ségneur marquis de Montperrous, Roquefeuil, baron de Castelnau de Monratier, Labarthe, Flauniac, Precor, Confolan, Bonaguil et autres places, et dudit ségneur son époux fondée de procuration généralle passée par devant Le Norman et Bonhomme, conseillers du Roy et notaires au Châtelet de Paris, le dix huitième juillet mille sept cents, dont il y a minute vers ledit Bonhomme, et par ledit ségneur duement authorisée et ce pour la terre et ségneurie de Bonaguil, relevant à foy et hommage du Roy à cause de son duché de Guyenne,

Premièrement dit ledit sieur Augier, audit nom, que ledit ségneur marquis de Monperrous tient et possède ladite place et ségneurie de Bonaguil, en Agenois, avec toute justice, haute, moyenne et basse, mère, mixte, impère et directe, qui consiste en terres, prés, bois et vignes et qui confronte en général du costé du levant et midy avec une gane qui part du chemin qui tend de Fumel à Villefranche jusques que rencontre une fontaine apellée de Lascabanes et à présent le ruisseau par ou coule l’eau de ladite fontaine appellé le Rieu petit jusques au rencontre d’autre ruisseau appelé le ruisseau de Bonaguil ; laquelle gane et ruisseau petit font division de la juridiction dudit Bonaguil et celle de Montcaprier ; du couchant confronte avec ledit ruisseau de Bonaguil et avec autre gane qui fait division de la juridiction de Bonaguil et celle de Couvert apartenante au ségneur de Fumel ; et du septentrion au chemin allant de Fumel à Villefranche ; contenant tout ce dessus trois cents quarante-huit sesterées, faisant la sesterée de huit cartonnats, le cartonnât de deux punierées, chaque punierée de quatre boisselats, le boisselat de neuf lates et la late de dix-huit pans de longueur et ainsi le cartonnât composé de huit boisselats et de soixante-douze lates sans à ce comprendre le bien noble ;

Plus dit que ledit ségneur a dans ladite terre un château appellé de Bonaguil qu’il jouyt noblement, lequel est construit en la forme suivante :

Premièrement, à l’entrée d’icelluy, il y a un boulevard en la forme de demy lune, un grand fossé taillé dans le rocher à fond de cuve de largeur de trente pans et de profondeur de six canes.

Pour entrer audit boulevard, il y a un pont-levis, et est sur le portal un corps de garde voûté, ledit boulevard entouré et basti d’une grosse muraille de pierre de taille à chaux et sable de l’épaisseur de vingt pans avec un marchepié dessus, et a costé sur la main gauche est un arsenac basti de mesme étoffe que la muraille du boulevard ; pour entrer au corps de logis dudit château il y a un grand pont-levis et sur la main droite un petit guichet, ledit château entouré d’un grand fossé taillé dans le rocher à fonds de cuve et une cour pavée de grands quartiers à carreaux, ledit fossé ayant la largeur de douze pas et de hauteur de dix canes ; et sur la main droite de ladite cour est une grande sale, au coin de laquelle sale est une tour ronde appelée la tour grosse, ayant de circonférence soixante-trois pas et d’hauteur quarante canes, toute machicolée et flanquée à l’entour, laquelle tour est bastie de pierre de taille à chaux et sable de l’épaisseur de dix huit pans ; et au coin d’icelle il y a une tour appelée la tour carrée, bastie de mesme étoffe que la précédente, ayant six pas de diamètre et trente canes d’hauteur et d’épaisseur de dix pans ; et au delà de ladite tour carrée, à six pas d’icelle joignant l’arrière cuisine, il y a une autre tour en forme ronde appelée la tour rouge, de mesme étoffe que les précédentes, ayant vingt pas de circonférence et d’hauteur vingt canes aussi machicolée.

De l’autre costé de la dite cour, à main gauche, est un donjon basti de mesme étoffe sur un rocher de la hauteur de trois canes, séparé de tous les corps de logis en forme d’un bateau, ayant quarante pas de circonférence, d’hauteur de trente canes et d’épaisseur douze pans tout machicolé et contreminé.

Pour entrer audit donjon, il y a un pont-levis, au bout duquel est une tour ronde ayant douze pas de circonférence et quarante-deux canes d’hauteur, y ayant un réduit au bout machicolé et voûté, ensemble ledit donjon est sans aucun couvert sinon à chacun une plate forme pavée de grands carreaux de pierre.

De l’autre costé du donjon, il y a une cour pavée de mesme étoffe que la précédente, a costé de laquelle et sur la main droite il y a un apartement apellé les loges, qui consiste en trois chambres et aux deux coins dudit apartement il y a deux tours rondes ayant chacune vingt pas de circonférence et vingt canes d’hauteur et d’épaisseur douze pans, pour le service desquelles loges il y a un pont levis qui va aboutir au boulevard, le tout basti de mesme ; ayant au bout de toutes les tours une girouette à chacune, y ayant aussi, dans ledit château, les chambres et antichambres, cuisines et greniers nécéssaires ; le tout couvert de taille plate de pierre.

Dit ledit sieur Augier que ledit ségneur a et prend de rente annuelle et perpétuelle avec toute directité dans ladite juridiction et sur les habitans et bientenants d’icelle la quantité de vingt cinq sacs de froment ou de segle et cinq sacs d’avoine avec quinze livres d’argent, vingt deux paires de poules, dix journées d’homme et six livres de cire, sans que dans icelle terre il y ait aucun arrière fief ny ségneur particulier qui prenne aucune rente ny hommage.

Dit que ledit ségneur a droit de créer un juge, un lieutenant, un procureur d’office et un sergent pour l’exercice de la justice, laquelle s’exerce en son nom.

Dit que ledit ségneur a et possède plusieurs domaines nobles dans ladite terre et juridiction, lesquels sont cy-après désignés :

Premièrement ledit ségneur jouyt et possède noblement deux moulins baniers, l’un appelé le moulin haut avec une grande chaussée sur ledit ruisseau de Bonaguil, moulant a deux meules, et l’autre moulin est au fonds du bourg dudit Bonaguil lequel prend l’eau de deux ruisseaux susdits, moulant a une meule, auxquels moulins touts les habitants de la juridiction sont obligés de moudre et faire leur farine, et au derrière d’iceux il y a un pressoir à huile.

Dit aussi que ledit ségneur jouyt et possède dans le bourg dudit Bonaguil qui est composé de vingt deux familles un four bannal noble, auquel touts les habitants dudit bourg sont obligés de cuire leur pain.

Dit que le ségneur a encor et jouyt noblement, joignant ledit château et sur le bord et hors des fossés, les offices suivants :

Premièrement une maison appellée la fauconerie à deux étage, bastie de pierre de taille couverte de tuile a pierre plate de longueur de huit pas et de largeur de six.

Plus une écurie appelée la carrossière de la longueur de huit pas et six de largeur.

Plus une autre écurie appelée la grande écurie de la longueur de trente pas et neuf de largeur.

Plus une autre écurie appelée la muletière de la longueur de huit pas et six de largeur.

Plus une autre écurie appelée le fenial, y ayant deux étages de la longueur de vingt quatre pas et huit de largeur, lesquelles écuries sont basties et couvertes de mesme que la fauconerie.

Dit encore que ledit ségneur jouyt et possède noblement un domaine, appelé de Lions, dans la dite juridiction, qui consiste en maison, granges, terres, prés, vignes et bois ; le bois estant de grande estendue qui confronte : du levant, avec chemin tendant de Bonaguil à Villefranche et en equiere avec terres de Raymond Rimontheil, terre de Jean Rimontheil Cavaniac, terres de Jean Baylé de la Faiolle, terre de Jean Lapergue et terre de Jean Semenadisse ; du midy avec terre dudit Lapergue de Laveille et terre dudit Baylé ; du couchant, terre de Jean Cambon de Fossé et terre des héritiers de Guiral Annes, et du septentrion, chemin tendant de Fumel à Villefranche contenant quatre vingt quatre sesterrées à la susdite mesure.

Plus jouyt ledit ségneur noblement un domaine appellé de Caupene dans ladite juridiction, qui consiste en maisons, granges, terres, prés et bois, qui confronte : du levant avec terre de Jean Baylé, terre de Marquès del Gendrou et pré de Jean Gily, notaire ; du midy avec terre de Pierre Alloué ; du couchant avec terre de Jean Baras, terre des héritiers Dubernet, terre des héritiers de Jean Pradié, terre dudit Alloué et terre d’Albert Seguy ; et du septentrion avec prés de Jean Lapergue, dudit Marques Delgendrou et de Jehan Loubières contenant vingt huit sesterées à la susdite mesure.

Plus jouyt noblement ledit ségneur un pré dépendant du susdit domaine qui confronte : du levant avec pré de Jean Bayle, pré de Durand Verdié, pré de Marques Delgendrou, terre de Jean Baras ; du midy, terre et pré des susdits ; du couchant, pré de Marques Delgendrou, et du septentrion, prés dudit Baras, pré dudit Marqués ou pré de Rougaille, pré de Jehan Lapergue, pré de Jean Gily, notaire, pré de Semenadisse, pré de Pichot Deilaquet et pré dudit Lapergue, une rase qui fait la division de la juridiction dudit Bonaguil, et celle de Moncaprier entre deux contenant une sesterée trois cartonats à la susdite mesure.

Plus ledit ségneur jouyt et possède noblement un bois appelé de Peyrelevade dans ladite juridiction, fait en triangle, qui confronte, du levant avec chemin tendant de Bonaguil aux Treilles, du midy avec prés apartenants aux habitants du village, de fossé et de tourrit, avec terre castagnal du ségneur de Fumel et terre des tourrit, une rase qui fait division de ladite juridiction et celle de Fumel entre deux, du couchant et septentrion avec chemin tendant de Fumel à Villefranche contenant vingt sesterées et demye à la susdite mesure.

Plus ledit ségneur jouyt noblement près ledit château une garenne, terres, prés, le tout joignant qui confrontent du levant avec les terres, brouals et jardins de Dominique Rigaldies, Jean Marty, François Cubertou et Jean Gresel, une muraille qui fait division de la juridiction dudit Bonaguil et celle de Montcaprier, du midy va aboutir aux murailles dudit château et avec chemin tendant dudit Bonaguil à Villefranche, du couchant avec ledit chemin, et du septentrion avec terre chatagnal des habitants del Peyrié, bois de Guillen Coutrix vieux, terre de Pierre Teulier, broual dudit Rigaldios, avec chemin qui va a Las Cabanes et au bout d’une écurie apellée les Estangs vieux et avec terre dudit Teulier, contenant quatorze sesterées à la susdite mesure.

De mesme jouyt noblement ledit ségneur un pré apellé le pré grand et pradelle joignant dans ladite juridiction qui confronte du levant avec terre claux de Jean et Bernard Arènes, du midy claux et pré de maitre Jean Augière, procureur d’office dudit Bonaguil, du couchant avec le ruisseau dudit Bonaguil faisant division de ladite juridiction de Bonaguil et celle de Fumel et septentrion avec la chaussée dudit moulin haut contenant avec l’estang qui est au dessus de la chaussée deux sesterées six boisselats à la susdite mesure,

Plus ledit ségneur possède un petit clos noble joignant ledit bourg de Bonaguil, qui confronte du levant avec jardin des héritiers de Jean et autre Jean Foumol, oncle et neveu, du midy jardin et chenevier de François Cubertou, du couchant avec pré dudit Jean Augière, procureur d’office et du septentrion avec enclos du susdit Augière contenant un cartonat à la susdite mesure.

Plus tient ledit segneur un pré noble au devant le moulin bas dans la juridiction dudit Bonaguil apellé le pré de la Clede qui confronte du levant avec chemin tendant de Bonaguil à la fontaine dudit lieu et avec la defuge dudit moulin, du midy avec pré de Pierre Leygue, fossé entre deux, du couchant avec le ruisseau dudit Bonaguil, du septentrion avec chemin tendant dudit Bonaguil à Fumel, contenant deux cartonats quatre boisselats à la susdite mesure.

Finalement tient ledit ségneur dans ladite juridiction un pré noble apellé le derrière le moulin bas, qui confronte du levant avec terre du sieur du Castela, le ruisseau petit entre deux faisant division de la juridiction de Bonaguil et celle de Montcaprier, du midy avec la defuge dudit moulin, du couchant avec l’estang dudit moulin et du septentrion avec pré dudit sieur Augière, contenant un cartonat à la susdite mesure.

Si proteste ledit sieur Augier, audit nom, qu’il n’a rien ommis à escient à déclarer et dénombrer à raison de ladite ségneurie et terre de Bonaguil et dépendences, et en cas auroit rien ommis des droits et rentes qui en dépendent, il n’entend faire aucun préjudice audit ségneur a les pouvoir demander et dénombrer lorsque ledit ségneur en aura connoissance et sans préjudice aussi audit ségneur des usurpations qui pourroient luy avoir esté faites desdits droits et rentes à luy apartenantes, atandu que depuis longues années ledit ségneur ny ses autheurs n’ont fait procéder à l’entier renouvellement du papier terrier de ladite ségneurie et terre, sans préjudice aussi des biens, honeurs et hommages aquis audit ségneur au moyen de la substitution apposée au testament de feu messire Bérenguier de Boquefeuil et autres ses autheurs ou autres à son profit adjugés par arrêt de la Cour du parlement de Toulouse le septième avril mille six cents quarante huit, dépendants de ladite ségneurie et autres situés dans l’Agenois, Bazadois et Perigord, qui luy sont aquis et adjugés par arrêt de ladite Cour, et autres donnés en exécution d’icelluy au préjudice desquels les possesseurs d’iceux les détiennent par force et violence, que ledit sieur Augier réserve audit ségneur à dénombrer lorsque ledit ségneur en aura la possession libre, à quoy il n’entend déroger par le présent dénombrement et de quoy il proteste par exprès.

Signé : Augier, procureur susdit.

Aujourd’hui vingt-neuvième du mois de janvier mil sept cens deux au bourg de Bart, juridiction de Sauveterre en Agenois, après midy, régnant Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, par devant moy notaire royal et soubsigné, a esté personnellement constitué maistre Jean Augier sieur Delmas, advocat en la Cour et juge ordinaire de Bonaguil, habitant dudit Sauveterre, au nom et comme procureur de haute et puissante dame Helisabet Françoise de Harville, espouze de haut et puissant seigneur messire François Gaspart Helonor, palatin de Dio, chevalier, seigneur marquis de Monperroux, Boquefeuil, baron de Castelneau de Monratier, Labarthe, Flauniac, Precor, Confolan et Bonnaguil et autres terres, mestre de camp d’un régiment de cavalerie entretenu pour le service du Boy, et dudit seigneur son époux fondée de procuration généralle passée par devant Lenormand et Bonhomme, conseillers du Boy et notaires au Chatelet de Paris, le dix-huitieme juillet mil sept cens, dont il y a minute vers ledit Bonhomme, ladite dame demeurant à Paris en son hôtel rue Saint-Dominique, paroisse Saint-Sulpice, lequel sieur Augier, en conséquence de la procuration a luy faite par ladite dame par devant ledit Bonhomme et Eliniet notaires audit Chatelet le neuviesme septembre dernier et scellée le mesme jour, a déclaré avoir escrit et signé le dénombrement dessus et des autres parts escrit du château, biens et rantes que ledit seigneur marquis de Monperroux possède dans ladite terre et seigneurie de Bonaguil, le tout relevant de Sa Majesté a cause de son duché de Guienne, lequel dénombrement ledit sieur Augier, audit nom, a déclaré contenir vérité en tous ses chefs et n’y avoir rien adjousté ni ommis et promès pour ledit seigneur l’entretenir de point en point selon sa forme et teneur, sans y contrevenir, soubz l’obligation des biens dudit seigneur, renonçant, etc. ; de quoy ledit sieur Augier m’a requis acte que luy ai concédé pour servir ainsin qu’il apartiendra, en présance de Maistre Estienne Delpech, procureur d’office de la présante juridiction et Louis Cassang, sieur de Lavergniolle, bourgeois du présent lieu et juridiction, habitans tesmoinz cognus qui ont signé avec ledit sieur Augier et moy.


Signés : Augier, procureur, Delpech,
L. Cassang, J. Doutrix,
notaire royal.            


Controllé et scellé a Tournon le 29 janvier 1702, reçu quatre livres cinq sols.

Signé : Causse.

Je soussigné, commis au greffe du Présidial et Sénéchaussée d’Agenois, certifie qu’en vertu du jugement de Messieurs les trésoriers de France en Guienne, du dixiesme février dernier, l’aveu et dénombrement des autres parts écrit a esté lu et publié de huitaine en huitaine en l’audience de ladite cour de la sénéchaussée d’Agenois les vingtquatriesme avril, quatriesme may derniers et premier du présent mois de juin par devant Monsieur Maistre Charles de Coquet conseiller du Roy, président ancien et juge mage en icelle en présence et du consentement de Messieurs Pierre Fabre, sieur de Gots et Jean Labat, sieur de La Crompe, avocats du Roy, ce requérant maistre Pierre Cristaud, procureur pour ladite dame de Arville.

Fait à Agen le treizième jour du mois de juin mil sept cens deux.

Signé : Gabrié (?)

Controllé.

Signé : Rouquets.

Scellé à Agen le 13 juin 1702 ; receu trente sols.

Signé : Carayre.


Sensuit l’ordonnance de vériffication dudit dénombrement.

Les présidents trésoriers de France, généraux des finances, juges du domaine du Roy en Guyenne.

Entre Messire François Gaspard Eleonor, palatin de Dio, chevalier seigneur marquis de Momperroux, Roquefeuil, baron de Castelnau de Monratier, Labarte, Flauniac, Précor, Confolan, Bonaguil et autres places, demandeur l’interinement d’une requête aux fins de la veriffication et enregistrement du présent adveu et dénombrement d’une part ;

Et le procureur du Roy, poursuite et dilligence de Mr Nicolas Charpentier, fermier du domaine du Roy en Guyenne, deffandeUr et autrement demandeur la remise et représantation des titres justifficatifs du conteneu audit dénombrement, d’autre part.

Veu l’hommage randu au Roy entre les mains de Monseigneur le Chancellier par ledit sieur de Momperroux pour raison et autres choses de la baronnie, terre et seigneurie de Bonaguil, circonstances et déppendances, seize dans la séneschaucée d’Agen en datte du 12 avril 1701 ; le présent adveu et dénombrement fourny en conséquence par ledit sieur de Monperroux, ou quoy qu’il soit son procureur constitué, pour raison de ladite terre de Bonaguil d’huement paraffé par le greffier du bureau ; certifficat et déclaration du greffier de la Cour de la Sénéchaucée d’Agen par lequel il conste que ledit adveu et dénombrement a esté leu et publié dans ladite cour séneschalle d’Agen par trois divers jours d’audiance, de huitaine en huitaine, sans qu’il soit intervenu aucune opposition, en datte ledit certifficat, mis au pied dudit présent dénombrement, du 13 du courant, ordonnance du bureau intervenue sur la requête presantée par ledit sieur dénombrant contenant acte, octroyé en sa faveur de la présentation et remise dudit dénombrement, ordonne qu’il seroit paraphé par le greffier du barreau leu et publié en la manière ordinaire en datte du 19 février 1702 ; aveu et dénombrement cy devant fourny au Roy pardevant nous par dame Marie Gilibert de Roquefeuil, marquise dudit lieu, baronne de Castelnau Monratier, Labarte, Flauniac, Precor, Confolan et autres places, pour raison de ladite terre et seigneurie de Ronaguil aveq l’ordonnance du bureau portant veriffication dudit dénombrement en date du 16 décembre 1671 signé : Pagere ; Requeste à nous presantée par ledit sieur de Monperroux contenant ses conclusions aux fins de la veriffication et enregistrement dudit dénombrement, signée Ferriere ; dire du fermier du domaine du Roy, signé Dubourg pour Charpentier ; dire du receveur général du domaine du Roy, signé Arnaud ; conclusions du procureur du Roy signées Dalesme tout considéré.


Nous, faisant droit sur ladite requeste, du consantement dudit procureur du Roy, avons receu ledit dénombrement iceluy déclaré et déclarons avoir esté bien et d’huement fait et vériffié, ordonnons qu’il sera enregistré ez registres du bureau et remis aux archives de Sa Majesté pour y avoir recour quand besoing sera, avons mainteneu et maintenons ledit sieur de Monperoux en la possession et jouissance de ladite terre et seigneurie de Bonaguil, circonstances et deppendances ainsy que le tout est conteneu et exprimé audit dénombrement sans préjudice des droits du Roy en cas de titres au contraire, faisons inhibitions et deffances tant audit procureur du Roy fermier du Domaine qu’à tous autres de troubler ny inquiéter ledit sieur Monperoux en la possession et jouissance de ladite terre et biens nobles à telles peynes que de droit : au surplus luy avons fait et octroyé main levée des saisies quy peuvent avoir esté faites a son préjudice faute dudit dénombrement non fourny et verifflé et déchargé les séquestres establis à icelle ; et en cas que par cy après il y survienne quelque opposition ou contestation au sujet du conteneu audit dénombrement, faisons deffenses aux parties de se pourvoir ailleurs qu’au Bureau a peine de nullité des procédures et de tous despans, dommages et intérêts.

Fait à Bordeaux au bureau du Domaine du Roy en Guienne le vingt uniesme de juin mil sept cens deux.

Signé : Derachère, Chambert.

Reçu lesdites espèces payées par ledit sieur de Monperroux à Bordeaux, le 26 juin 1702.

Signé : Roger.

VIII
ACHAPT DE LA TERRE
ET SEIGNEURIE DE BONNEGUIL, EN AGENOIS, AU PRIX DE 35,000 FR.,
PAR DAME MARGUERITE DE FUMEL, VEUVE DE MESSIRE EMMANUEL
DE GIBERSAC, COMTE DUDIT LIEU, DE MESSIRE GERVAIS DE PECHPEYROU,
SEIGNEUR MARQUIS DE BEAUCAIRE
DU 22 AVRIL 1761.
(Archives départementales de Lot-et-Garonne. — Série E, 22. — Papiers de Fumel.)

Par-devant les conseillers du Roy, notaires au Châtelet de Paris, soussignés, fut présent Messire Giles Gervais de Pechpeyrou, marquis de Beaucayre, maréchal des camps et armées du Boy, demeurant à Paris, rue Thevenaut, paroisse Saint-Sauveur, lequel a fait et constitué pour son procureur général et spécial le sieur Pierre Caulet, bourgeois de la ville de Moissac en Quercy, auquel il donne pouvoir de pour luy et en son nom vendre et aliéner à telles personnes, prix, clauses et conditions que ledit sieur procureur constitué trouvera à propos, les terres et seigneuries de Blanquefort et de Bonneguil, situées en Agenois, avec leurs appartenances et dépendances généralement quelconques, prendre et recevoir le montant du prix de ladite vente ou le déléguer en tout ou en partie à payer par les acquéreurs aux créanciers dudit seigneur constituant, au terme qui sera convenu par ledit seigneur procureur constitué, et sur ladite vente passer tous contrats de vente, quittances ou autres actes que besoin sera, et généralement faire à raison de ce que dessus tout ce que ledit seigneur de Beaucayre pourrait Iuy-mesme faire pour la présente procuration être valable, nonobstant surannation et jusqu’à révocation expresse, promettant, obligeant, fait et passé à Paris ez études, le quatorze novembre l’an mil sept cents soixante et a ]signé Pechpeyrou de Beaucayre ; Bontemps, Augès, signé.

L’an mil sept cents soixante un et le vingt-deuxième jour du mois d’avril, au lieu de Loubejac, en Quercy, avant midy, pardevant nous Bertrand Daunac, notaire royal de la ville de Moissac aussi en Quercy, a été en personne le sieur Pierre Gaulet, bourgeois, demeurant dans ladite ville de Moissac, lequel, comme procureur fondé de très haut et très puissant seigneur, Messire Giles-Gervais de Pechpeyrou, seigneur, marquis de Beaucayre, Pechpeyrou, Monbarla, Lavalade, Blanquefort, Bonneguil et autres lieux, maréchal des camps et armées du Boy, demeurant à Paris, par acte du 14 novembre dernier passé devant Augés et son confrère, notaires au chatelet de Paris, remis en original devers nous dit notaire pour demeurer annexé à ces présentes et y avoir recours en cas de besoin, a fait et par ces présentes fait vente pure et simple et à jamais irrévocable à très haute et très puissante Dame Marguerite de Fumel, veuve de très haut et très puissant seigneur Messire Emmanuel de Giversac, comte dudit lieu, demeurant dans la paroisse de Loubejac en Quercy, présente, stipulante et acceptante, de ladite terre et seigneurie de Bonneguil, en toute justice, haute, moyenne et basse, située en Agenois, joignant les terres et seigneuries de Fumel, las Treilles et autres, avec toutes ses appartenances et dépendances, consistant en un château, rentes nobles, suites desd. rentes en deux domaines, l’un appelé d’Aillon et l’autre Caupenne, terres, preds, bois, chataignals, vignes et friches, dépendants desdits domaines, et autrement en un presoir d’huile et deux moulins banniers et autres biens et droits en quoyque le tout puisse consister généralement quelconque, sans aucun en retenir ni rien réserver de ladite terre et seigneurie de Bonneguil pour du tout en jouir et disposer par ladite dame acheteresse, à commencer le vingt quatriesme juin prochain, tout ainsi et du même que ledit seigneur vendeur avait droit de jouir et disposer, en qualité de fils unique et héritier de feu Messire Jean-Antoine de Pechpeyrou, seigneur, marquis de Beaucayre, et celui-cy héritier de Messire François-Alexandre de Roquefeuil, par son testament clos remis devers Savy, notaire de Toulouse, leonzièsme juin mil sept cents dix-huit, et de dame Isabeau de Roquefeuil de Joquecour, par son testament retenu par Me Brugères, notaire de Caors, en mil sept cent vingt-huit ; étant compris dans la présente vente les meubles et effets qui sont dans le chasteau dudit Bonneguil, les cabaux des bestiaux, outils oratoires et semences qui sont auxdits domaines d’Aillon, de Gaupenne et du Berger, appartenant seulement audit seigneur de Beaucayre, attendu que ledit seigneur de Beaucayre n’entend comprendre dans la présente vente que ce qui lui appartient légitimement et dont il a droit de jouir dans ladite terre et seigneurie de Bonneguil, promettant ledit sieur Caulet en la qualité qu’il procède de faire remettre de bonne foy incessament et sans délai à ladite dame comtesse de Gibersac tous les actes et titres que ledit seigneur de Beaucayre peut avoir en son pouvoir, concernant ladicte terre et seigneurie de Bonneguil, appartenances et dépendances, desquels actes et titres il en sera dressé un état ou inventaire pour être déposé devers nous dit notaire et demeure aussi annexé à ces présentes pour servir à future mémoire de la remise desdits actes et titres.

Cette vente ainsi faite, moyennant le prix et somme de trente-cinq mille livres, sçavoir : trente mille livres pour l’immobilier de ladite terre et seigneurie de Bonneguil, et cinq mille livres pour le mobilier, cabaux des bestiaux, semences et outils aratoires, le tout plus haut mentionné : laquelle dite somme de trente-cinq mille livres, ladite dame comtesse de Gibersac s’oblige de payer dix mille livres dans un an prochain à compter de ce jour, et vingt cinq mille livres aux créanciers dudit seigneur de Beaucayre dans dix ans aussi prochains sur l’indiquation que ledit seigneur de Beaucayre en faira à ladite dame, etjusques au payement de ladite somme de trente cinq mille livres ladite dame acheteresse payera l’intérêt en revenu suivant l’ordonnance audit seigneur de Beaucayre ou à ses créanciers indiqués au choix dudit seigneur de Beaucayre, de laquelle dite somme de vingt-cinq, mille livres, qui sera payée aux créanciers dudit seigneur de Beaucayre, ladite dame comtesse de Gibersac promet en faire tenir quitte ledit seigneur de Beaucayre envers les créanciers qui lui seront indiqués, ensemble des intérêts de lad. somme de vingt-cinq mille livres, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, et de rapporter des quittances publiques audit seigneur de Beaucayre de ladite somme de vingt-cinq mille livres et intérêts de ladite somme immédiatement après que lesdites dix années cy-dessus préfixées pour faire le paye" ment de ladite somme de vingt-cinq mille livres seront expirées, consentant ledit sieur Caulet en la qualité qu’il procède que ladite dame Comtesse de Gibersac soit et demeure subrogée aux droit, privilège et hypothèque des créanciers dudit seigneur de Beaucayre, que ladite dame payera jusques et à concurrence de ladite somme de vingt-cinq mille livres, demeurant convenu que ladite dame comtesse de Gibersac tiendra ladite terre et seigneurie de Bonneguil, appartenances et dépendances, à titre de précaire jusques au parfait payement de ladite somme de trente-cinq mille livres et intérêts d’icelle, et pour l’observation de ce dessus les parties, comme les concerne, ont fait les obligations de droit requises ez présences de Me Jean-Pierre Lagarde, prêtre et curé de ladite paroisse de Loubejac y demeurant et de JeanBaptiste Augier, prêtre et curé de Las Treilles et Bonneguil, demeurant audit Las Treilles et le sieur Jean Bidou de Mason, bourgeois, habitant dudit Blanquefort, signé à l’original avec ladite dame ledit sieur Caulet et moy, notaire royal, susdit et soussigné qui l’ay receu et faict controllé au bureau de Moissac, le 4 mai 1761, parle sieur Feyt, commis audit bureau qui reçut 95c, et renvoya le 100c au bureau de Fumel, comme se justifie audit original, duquel le présent a été extrait.

Daunac.

Examiné au bureau de la recette générale des domaines et bois, reçu vingt livres pour l’ensaisinement et deux mille livres pour les lods et ventes au douzièsme, pour la remise d’un cinquièsme, sur la somme de 30c, valeur des immeubles, dont quittance. À Bordeaux, le 23 novembre 1769.

De Messailles.

Contrôlé l’ensaisinement pour Me Mars, contrôleur général des domaines et bois en exercice, la présente année. Reçu dix livres à Bordeaux, le 23 novembre 1769.

Maigné.

IX
TESTAMENT
DE DAME MARGUERITE DE FUMEL, COMTESSE DE GIVERSAC.
DU 1er DÉCEMBRE 1788.
(Archives départementales de Lot-et-Garonne. — Série E, 22. — Papiers de Fumel.)

Au nom de Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit ainsi soit-il. C’est ici mon testament clos et mistique, contenant la disposition de mes biens que je veux être exécutée à mon décès et dont la teneur suit :

Ce jourd’huy premier du mois de Décembre mil sept cent quatre vingt huit, étant en mon château de Bonneguil, paroisse dudit lieu où je fais ma demeure ordinaire ; je, Marguerite de Fumel, douairière de Messire Emmanuel seigneur et comte de Giversac, considérant qu’après l’affaire du salut de mon âme, la disposition de mes biens est une des principales choses dont je dois m’occuper, j’ay résolu de tester dans la forme de testamen mistique ; et pour cet effet, après m’être retirée dans mon cabinet et avoir imploré le secours de la Sainte Trinité pour cette importante affaire, et celuy de la Très Sainte Vierge Marie, mère de notre Rédempteur, de tous les Saints et Saintes du paradis, et spécialement de Sainte Marguerite ma patronne et l’archange Saint Michel patron de cette paroisse, mon saint ange gardien, j’ai fait mon présant testament clos et mistique, et craignant de ne pouvoir pas bien l’écrire moi-même, je l’ay fait écrire par une personne de ma confiance comme suit, sans induction ni sujettion de personne, et par un pur mouvement de ma pure et franche volonté.

Premièrement, je recommande mon âme à Dieu, le suppliant de me faire miséricorde et me pardonner mes péchés et m’accorder la grâce de les expier le temps qu’il me reste de vie par la pénitense afin que je meure de la mort des justes et dans le sein de l’église catholique, apostolique et romaine, comme il m’a fait la grâce d’y naître et d’y vivre.

J’ordonne qu’il soit dit le nombre de mille messes pour le repos de mon ame, et pour le prix et somme de cent pistoles, savoir trois cents livres l’année de mon décès, et annuellement ensuite trois cents livres jusqu’au final payement de ladite somme et que le nombre soit remply, le tout au dessus de mes honneurs funèbres, dont je laisse le soin à la discrétion de mes héritiers bas-nommés.

J’ordonne pareillement qu’il soit distribué aux pauvres de ma terre de Bonneguil la somme de trois cens livres dans l’an de mon décès, outre la somme que j’ay placée pour eux, leur donnant aussi tous les arrérages de rente qu’ils pourront me devoir au jour de mon décès.

Je donne et lègue à l’église de Bonneguil, nommée Saint-Michel, pour les réparations dont elle a besoin, la somme de vingt pistoles au cas que n’aye peu les faire faire avant ma mort.

Je donne et lègue à ma femme de chambre qui se trouvera à ma mort la somme de huit cent livres, avec la moitié de ma garde robe, prélèvement fait en faveur des deux servantes de dix chemises pour chacune, laquelle garde-robe, déduction faite desdittes vingt chemises, sera partagée entre maditte femme de chambre et ma cuisinière, tant les robes, jupes, chemises, mouchoirs, coeffes de nuit, coeffes de jour, qu’autre linge servant à ma personne.

Je donne et lègue à Petit Jean, mon domestique, la somme de huit cens livres, une fois payée, ses gages payés et une année de plus.

Je donne et lègue à Etienne, mon laquay, la somme de cinq cens livres, une fois payée, ses gages payés et une année de plus.

Je donne et lègue à Annette, ma cuisinière, la somme de six cens livres, une fois payée, ses gages payés et une année de plus ; ensemble la moitié de la garde robe pour être partagée avec ma femme de chambre, comme je l’ay expliqué.

Je donne et lègue à tous mes autres domestiques qui se trouveront à ma mort, outre leurs gages payés et une année de plus, en y comprenant même les deux servantes et le berger, la somme de cent cinquante livres, à chacun et à chacune une fois payée, et à chacune des deux servantes dix chemises comme je l’ay cy-devant dit.

Je donne et lègue à Gabrielle Tarboche Desclaux la somme de cinq cents livres, en reconnaissance des services qu’elle m’a rendus et principalement à mon frère.

Je donne et lègue à Annette Cassaignes, épouse du sieur Cadar, la somme de trois cens livres une fois payée, ensemble un couvert d’argent et un petit lit à tombeau, la priant de le recevoir comme une marque d’amitié et de ma reconnaissance aux services qu’elle m’a rendus.

Je donne et lègue à titre d’institution particulière à Michèle de Fumel, comtesse d’Argicourt, un diamant de deux mille livres, la priant de recevoir cette petite marque de mon amitié et souvenir.

Je donne et lègue à titre d’institution particulière à Marguerite de Fumel, abbesse de la Sauve-Clarac, un diamant de cent pistoles, la priant de le recevoir comme une marque de mon souvenir et amitié.

Je donne et lègue à titre d’institution particulière à Marguerite-Laure de Fumel, ma nièce, la somme de dix mille livres, payables après que son frère aîné aura recueilly ma succession, indépendamment de ce qui luy reviendra dans maditte succession, comme je l’expliquerai cy-après.

Enfin, au surplus de mes biens, je nomme et institue pour mes héritiers universels et généraux et par portions égales, Jean-Phélix-Henry mon frère, évêque et comte de Lodève, et Joseph, comte de Fumel, mon autre frère, lieutenant général des armées du Roy, grand croix de l’ordre royal et militaire de Saint"Louis, gouverneur du Château-Trompette, commandant en chef dans la Basse-Guienne, pour en jouir conjointement de leur vivant ; les priant de trouver bon que je substitue à mon entière hérédité Joseph de Fumel mon neveu, l’aîné des enfants de Jean-George, vicomte de Fumel, mon frère ; voulant que les frères et sœurs de mondit neveu ayant un droit de légitime sur ce qu’il recueillera de l’effet de laditte substitution, ainsi et de même que si mes biens avaient apartenu à sondit feu père et avaient fait masse dans la succession de ce dernier ; déclarant en outre tenir quitte mondit frère Joseph comte de Fumel, mon cohéritier, de tous les intérêts arriérés qu’il pourrait me devoir à mon décès, au sujet de la donation qui me fut faite dans mon contrat de mariage par notre mère commune, desquels intérêts seulement il peurra se prévaloir en tant que de besoin à titre de prèlegs sans aucune charge de substitution pour raison de ce.

Et pour mieux assurer l’effet de laditte substitution, je veux qu’il soit fait employ des créances qu’elle renferme en tant seulement que la loy peut le prescrire et non autrement.

Je nomme pour mes exécuteurs testamentaires Louis, comte de Fumel Montaigu, demeurant à Villeneuve, et Monsieur Maître Pierre Cabanes de Trérieux, docteur en théologie, curé de Lastreilles et du présant lieu, auxquels je donne conjointement tout pouvoir d’agir et de faire tout ce qui sera nécessaire pour l’exécution du présant téstament, sans entendre les assujettir à aucune reddition de compte ny faction d’inventaire dont je les décharge par exprès.

Et pour marque d’affection et gratifier mesdits exécuteurs testamentaires de l’embarras que je leur donne, je leur lègue, savoir : audit Louis comte de Fumel Montaigu un diamant de deux mille livres que je le prie de recevoir comme une marque de mon amitié, et audit sieur Trérieux six couverts, deux culiers à ragoût et six petits culiers, le tout d’argent, ma pendule et ma bibliothèque.

Enfin, je casse, annule et révoque tous mes autres testaments, codiciles et autres dispositions que je pourrais avoir cy-devant faits, voulant que le présant soit le seul qui ait sa pleine et entière exécution.

Telle est ma volonté qui a déterminé mon présant testament que j’ay fait écrire en trois pages, compris celle de la présante feuille de papier marqué que j’ay marqué que j’ay signé au bas de chaque page après en avoir leu et releu le contenu, ledit jour premier du mois de décembre mil sept cens quatre vingts huit, dans mondit présant château de Bonneguil.

Signé : Marguerite de Fumel-Giversac.


Con et insinué à Monflanquin le 23 aoust 1792 : Receu quatre cens quatre vingts neuf livres. Le droit de centime, denier, et les 10c pr. pour les immeubles ont été payés au bureau de la Capelle-Biron, le 13 juillet 1790. Signé : Dethais.

Aujourd’huy, premier du mois de décembre mil sept cent quatre vingt huit, dans le château, paroisse et juridiction de Bonneguil en Agenois, environ les huit heures du soir, par devant moy, notaire royal soussigné, présans les témoins bas nommés,

A comparu très haute et très puissante Dame Margueritte de Fumel, marquise du présant lieu, doirière de Messire Emmanuel, seigneur et comte de Giverzac, habitante de son présant château, laquelle étant fort avancée en âge et indisposée depuis longtemps, néanmoins en tous ses sens requis, a présanté à nous notaire et témoins, et remis ez mains de nous dit notaire le présent papier contenant une feuille de grand papier marqué clos et entrelassé d’un petit ruban noir, et cacheté en trois endroits de la présante page avec de cire ardente noire, et a déclaré à nous notaire et témoins assemblés à cet effet que ledit papier contient son testament qu’elle a fait écrire par une personne de sa confiance sur trois pages de laditte feuille et qu’elle a signé de sa propre main après l’avoir leu et releu, et veut qu’il soit exécuté selon le contenu en iceluy, et qu’il vaille comme testament en autre meilleure forme qu’il pourra valoir de droit ; dont et du tout lad. dame nous a requis acte que nous luy avons concédé, fait et passé, et lecture en a esté faite à lad. dame audit château de Bonneguil, en présance de Pierre Cubertou, François Teulié père, Jean Teulié fils, Antoine Teulié dit Lasplaces, Jean Teulié dit Lasplaces frère audit Antoine, et Pierre Cortès, les tous tonneliers et habitants tous les six du lieu et paroisse dudit Bonneguil. Ladite dame a signé l’original, avec lesdits François, Jean et Antoine Teulié et ledit Cubertou non ledit Jean Leulié dit Lasplaces ny ledit Cortès qui ont déclaré ne savoir, de ce requis et moi. Conlle à Monflanquin le 23 août 1792. Reçu quinze sols, signé : Dethais et moy, aprouvant les huit mots barrés à la troisième page comme inutiles en cet endroit.

Signé : Bidou, notaire royal.

X
CONTRIBUTION PATRIOTIQUE
DE LA COMMUNAUTÉ DE BONNAGUIL, ÉLECTION D’AGEN,
PROVINCE DE BORDEAUX.
DU 18 AVRIL 1790.
(Archives départementales de Lot-et-Garonne. — Série L.)

La communauté de Bonnaguil est composée de cinquante-six feux ; il n’y a point de chapitre au dessus de la proportion, ni à la proportion ; elle est réduite et bien réduite au troisième chapitre des déclarations volontaires,

Ladite communauté possède malheureusement le plus mauvais fonds qu’il y ait dans le Royaume : et cependant elle est cotisée sur le rolle de la taille à cinquante six sols trois deniers par sexterées, tandis que nous avons ses paroisses voisines qui ne paient que quarante sols. Nous sommes persuadés que c’est une méprise parce que personne de la provice n’ignore qu’il n’y a dans ladite communauté que des chateignés, bruguière, mauvais bois, et que le peu de terre labourable que nous avons peut à peine produire du seigle que les habitants attendent comme le Messie pour s’en rassasier.

D’après ce rapport fidèl, Messieurs, et dont vous pouvés vous sertiorer en ayant la bonté d’envoyer des commissaires sur les lieux, nous espérons que dors en avant on nous taxera eu égard à la production de nos terres, par ce moyen on nous mettra en même d’avoir des bras pour cultiver nos mauvais fonds que nous sommes forcés d’abandonner, la plus grande partie des habitans étant obligés d’aller chercher ailleurs des ressources pour substanter leur famille.

Malgré ce tableau vrai et sincère, et malgré notre misère, nous serions au désespoir d’être les sœuls dans le royaume qui ne vinsions pas au secours du besoin de l’Etat : et pour en donner des preuves, nous donnons avec bien du plaisir ce qui est dû à la communauté, pour les six derniers mois de l’année 1789, par Monsieur le comte de Fumel, lieutenant-général des armées du Roy, grand croix, commandant en Guienne et maire de Bordeaux, cy-devant privilégié, montant à la somme de deux cents onze livres, quatre sols, dix deniers.


Délibéré à Bonnaguil, ce dix-huitième avril mil sept cent quatrevingt-dix, par nous offisiers municipaux et notables soussignés, non les autres, quoique présans, pour ne savoir :

Lascombes.            Troupel de Lagrave, maire.
Rousse. Cubertou, officier municipal.
Carles. Gascou, officier municipal.
Leymon. Tullié.
Delpon. Arènes, greffier.

XI
VENTE DU CHATEAU DE BONAGUIL
CONSENTIE PAR LE CITOYEN PONS FUMEL AU CITOYEN TROUPEL-LAGRAVE,
DU 17 PLUVIÔSE AN VII (1790 FÉVRIER 1799.
(Minutes de Me Amblard, notaire à Fumel.)

Liberté, égalité.

Au nom de la République Françoise,

Par devant le notaire public, soussigné, du département de Lot-et-Garonne, canton et commune de Fumel, y demeurant, pourvu de patente de la seconde classe, pour l’administration municipale de Fumel, du premier nivose dernier, numéro premier, en présence des témoins bas nommés, a comparu le citoyen Antoine Laborie, négociant, habitant cette ville, agissant au nom et comme fondé de pouvoir du citoyen Pons Fumel, propriétaire, domicilié d’Hautbrion, commune de Pessac, près Bordeaux, suivant sa procuration du vingt-un fructidor, an cinq, devant Gatelot et Malières, notaire à Bordeaux, en forme, lequel a volontairement fait vente pure et simple avec promesse de garantie, en faveur des citoyens Jean-Antoine Troupel-Lagrave et Françoise Barras, mariée, habitant du lieu de Barras, commune de Bonaguil (icy présent et acceptant), lequel Troupel-Lagrave présent, acceptant tant pour luy que pour son épouze, des entières bâtisses, composant le cy-devant château de Bonaguil, ensemble le jardin haut et bas et pactus en dépendant, le tout situé audit lieu et commune de Bonaguil, en l’état qu’il est, sans aucune réserve, sans ses confrontations, ses appartenances et dépendances joignantes comprises dans ladite vente, franc et quitte de toutes charges, dettes, hypothèques, contributions jusques inclus Tan six pour la présente, et successivement les acquéreurs en payeront les contributions.

La présente vente est faite pour et moyennant le prix et somme de deux cents francs, que ledit Laborie reconnaît avoir reçu en espèces métalliques avant les présentes desdits acquéreurs, conjointement auxquels il en concède quittance, promettant les tenir et faire tenir quitte envers et contre tous aux peines de droit ; au moyen de ce, ledit Laborie s’est démis et désaisi des objets vendus en faveur des acquéreurs, consent qu’ils en prennent possession, en fassent et disposent à leur gré, leur transportant tous droits. Et pour l’exécution des présentes, les parties ont obligé leurs biens présents et futurs.

Fait et passé à Fumel, le dix-sept pluviôse du matin, l’an sept de la République française, en présence des citoyens Joseph Fontanel, cultivateur, y habitant et thorneur, Trenty fils, cultivateur, habitant de Cussac, commune de Monsempron, qui signeront avec les parties et le notaire.

Troupel Lagrave. Laborie aîné. Trenty. Joseph Fontanel. Fournié Gorre, notaire public. Enregistré à Fumel, le 18 pluviôse, an vii, fol. 15, vo, case 2. Reçu huit francs.


XII
VENTE DU CHÂTEAU DE BONAGUIL,
CONSENTIE PAR M. PIERRE AUGIER DE SALES À M. BERTRNAD LAULANIÉ.
DU 29 MARS 1841.
(Minutes de Me Castet, notaire à Saint-Front, Lot-et-Gar.)

Par devant Me Basset, notaire à la résidence de Saint Front, canton de Fumel, arrondissement de Villeneuve, département de Lot et-Garonne, soussigné, en présence des témoins ci-après nommés et soussignés.


A comparu :


Monsieur Pierre Augier de Sales, sans profession, demeurant au lieu de Chayres, commune et canton de Monflanquin, lequel a, par ces présentes, vendu avec garantie de tous troubles, dettes, hypothèques et autres évictions généralement quelconques, à Monsieur Bertrand Laulanié, maire de la commune de Saint-Front, demeurant au lieu de Moulinet, commune de Saint-Front, ici présent et ce acceptant, agissant tant en son nom personnel que pour et au nom de Monsieur Amédée Laulanié son frère, pour lequel se porte fort, déclarant que la présente acquisition est faite par moitié entre eux :

1o Un vieux château inhabité, situé au chef-lieu de la section de Bonaguil, commune de Saint-Front, avec basse-cour, terrasses et ses dépendances, le tout inscrit sous les numéros 663, 665, 666, 667, 668, 669, 670, 671, 672, 673, 674, 675, 676, section D du cadastre de ladite commune.

2o Un bois dans son entier, appelé au bois des Lions, inscrit sous le No 151, section C de lad. commune.

3o Une pièce en joualle, appelée au bois des Lions, inscrite sous le No 148, section C de lad. commune.

4o Une pièce en châtaigneraie, aussi au bois des Lions, inscrite sous le No 149, section C de lad. commune.

5o Une pièce en bois taillis, appelée aussi au bois des Lions, inscrite sous le No 150, section G de lad. commune.

Et lesdits immeubles avec toutes leurs appartenances et dépendances et leurs servitudes tant actives que passives sans aucune exception ni réserve.

Monsieur Augier est propriétaire desdits biens pour les avoir amendés dans les successions de Monsieur Troupel-Lagrave et de dame Françoise Baras, ses oncle et tante, suivant la donation qui lui en fut faite dans son contrat de mariage, au rapport de Me Sarrete, notaire à Castillonès, ou suivant une donation au rapport de Me Gorre, notaire à Fumel, le tout enregistré.

La présente vente est faite, en outre, moyennant la somme de cinq mille francs, que M. Augier déclare avoir reçu de M. Laulanié et lui en donne quittance. M. Laulanié pourra prendre possession des biens ci-dessus désignés à compter de ce jour à la charge d’en servir les impositions. M. Augier déclare n’avoir été ni tuteur ni comptable des deniers publics.

Dont acte, fait et passé en l’étude, le vingt-neuf mars 1841, en présence des sieurs Jean Gras, facteur, et Charles Louis Passarieu, maréchal-ferrant, les deux demeurant au lieu de Saint-Front, témoins soussignés avec les parties, et moi dit notaire, le tout après lecture faite.

Signé : Laulanié, Augié de Sales, Jean Gras, Passarieu, Basset.

Enreg. à Fumel, le 7 avril 1841, fol. 125 . V. C .

Reçu 275 francs et 27 francs, 5 centimes, pour le denier.


XIII
VENTE DU CHATEAU DE BONAGUIL
CONSENTIE PAR MM. LAULANIÉ À LA COMMUNE DE FUMEL,
DU 16 DÉCEMBRE 1860.
(Minutes de Me Amblard, notaire à Fumel, No 606.)

Extraits :

Par devant Me Fournié-Gorre, notaire à Fumel, chef-lieu de canton, arrondissement de Villeneuve, Lot-et-Garonne, soussigné, a comparu :

Monsieur Paul Cangardel, banquier, demeurant à Gahors, agissant en son nom personnel et comme représentant de MM. Bertrand et Amédée Laulanié frères et de leurs ayant-cause.

Lequel a, par ces présentes, fait vente, avec garantie de tous troubles, dettes, hypothèques et autres causes d’éviction, à la commune de Fumel, ce accepté, dans l’intérêt de ladite commune, par Monsieur Jean Escande, huissier à Fumel, y demeurant, à ce présent et stipulant, comme conseiller municipal de la commune de Fumel, remplissant les fonctions de maire et en vertu des pouvoirs conférés à ce fonctionnaire par arrêté de M. le Préfet, du vingt-cinq septembre dernier ;

De l’ancien château de Bonaguil, avec ses cours, fossés et dépendances de toute espèce, le tout contigu, situé au lieu de Bonaguil, commune de Saint-Front, d’une superficie de soixante-six ares, cinq centiares environ, du reste en son entier, sans avoir égard à la contenance exprimée.

Cet immeuble appartenait à MM. Bertrand et Amédée Laulanié frères, pour l’avoir acquis de M. Pierre Augié de Salles, suivant contrat du 29 mars 1841, au rapport de Me Basset, notaire à Saint-Front, portant quittance de prix. Il est devenu la propriété exclusive de M. Bertrand Laulanié, en vertu d’une transaction intervenue entre lui et les représentants de M. Amédée Laulanié, son frère, devant Me Bosq, notaire à Villeneuve. Cette transaction a été dûment homologuée, suivant les formes prescrites par la loi…

C’est à ce titre et en ces diverses qualités sus-exprimées que M. Paul Cangardel consent, au profit de la commune de Fumel, la vente du château de Bonaguil. Il déclare, en outre, que le château de Bonaguil reste libre de tous privilèges et droits d’hypothèques…

Cette vente est faite moyennant la somme de trois mille francs, que la commune de Fumel paiera à M. Pierre Cangardel par tout mars prochain, sans intérêts. Dès lors, la commune reste saisie du château de Bonaguil ; elle en disposera en propriété et usufruit, dès ce jour, ainsi qu’elle l’entendra, M. Paul Cangardel le délaissant avec ses servitudes et dépendances. Dont acte.

Fait et passé en l’étude, à Fumel, le 16 décembre 1860, en présence de Messieurs François-Cyrille Lagarde, directeur des postes, et Joseph-Frédéric-Victor Cambier, instituteur, y demeurant.

Ont signé : Escande Jean ; Paul Cangardel ; François C. Lagarde ; Victor Cambier ; Fournié-Gorre, notaire.


    coté 6 R, et dans la production de mademoiselle de Montpeyroux contre la communauté de Vendémian. MM. »

  1. Essais statistiques et historiques sur le 4e arrondissement, par M. Aug. Cassany-Mazet ; Agen, 1839, pp. 122-124.
  2. Dictionnaire d’architecture ; tome iii, art. Château, p. 165 (1867).
  3. Si l’on compare en effet le plan de Viollet-le-Duc (Dict. d’architecture, t. iii, p. 165) avec celui inséré à la fin de ce travail et qui est d’une rigoureuse exactitude, on s’apercevra bien vite des erreurs qui fourmillent dans le premier. L’échelle du millième qui est indiquée en note n’est pas vraie. Le tracé du donjon, avec ses courbes inégales si curieuses, est à peine esquissé. Aucun mur n’a son épaisseur réelle. Le mur G, la poterne F n’existent pas. Les annexes, bâties postérieurement, à l’extrémité sud du donjon sont entièrement fausses, etc., etc. Il en est de même des détails de la vue cavalière (p. 167), dont beaucoup jurent avec le style du château et les traces des premières constructions qui s’y voient encore.
  4. Archives départementales de Lot-et-Garonne, B. 6.
  5. Étude sur le moyen-âge : Histoire d’une commune et d’une baronnie du Quercy (Castelnau de Monratier), par Léopold Limayrac. Cahors J. Girma, libraire-éditeur, In-8o, 654 pages, 1885
  6. Dictionnaire géographique, t. i, p. 678. (Édit. 1762).
  7. Anciennes cartes de l’Agenais.
  8. Voir les importants travaux de M. Combes, de Fumel : Essais géologiques sur le Haut-Agenais ; Études sur la géologie et la paléontologie dans le département de Lot-et-Garonne, etc.
  9. Sous le surplomb de roche noire qui est situé en face de la plateforme du château, à l’ouest, M. Combes, dans ses infatigables recherches, dit avoir trouvé des silex taillés et deux longues dents aiguisées en poinçon, spécimens caractéristiques de l’ancienneté de l’homme dans la vallée de Bonaguil. (Études sur la géologie et la paléontologie dans le Haut-Agenais, p. 74.)
  10. Dans les précieux herbiers de MM. l’abbé Garroute et le docteur Louis Amblard, à Agen, on remarque entre autres plantes ramassées :

    1o Le long de la route de Fumel à Condat, les : Sisymbrium polyceratium, L. ; Echynops sphœrocephalus, L. ; Coronilla minima, L. ; Plantago serpentina, Vill. ; Leuzea conifera DC. ; Carduncellus mitissimus, DC. ; Lactuca perennis, L. ; Linum salsoloïdes, Lam ; Triticum triunciale, G. God. ; Inula montana, L. ; Lactuca chondrillœflora, Bor. etc. ;

    2o Autour de Bonaguil : Epipactis microphylla, Sw. ; Digitalis cutea, L. ; Helichrysum stœchas, DC, cette dernière plante croissant même autrefois sur la plateforme du donjon ;

    3o Enfin, au milieu des pins qui couronnent les coteaux du nord, ou dans les fonds marécageux des vallées adjacentes : Ranunculus flammula, L. ; Arenaria montana, L. ; Crucianella angustifolia, L. ; Ornithopus ebracteatus, Drot. ; Galium debile, Desw. ; Narcissus bulbocodium, L. ; Scilla autumnalis, L. ; Carex echinata, Murr. ; Carex Œderi, Ehrh. ; Eriophorum latifotium, Hopp., etc. ; et plus loin, vers Cuzorn : Adenoscilla bifolia, Gr. God. ; Erythronium Denscanis, L. ; Clypeola Jontlaspi, L., etc., curieux assemblage de plantes des sommets neigeux des Pyrénées et des plantes méditerranéennes, ayant élu domicile sur le calcaire jurassique.

  11. Cet acte est le complément pour ce qui regarde l’Agenais du curieux procès-verbal, généralement connu sous le nom de Saisimentum du Languedoc, publié par Lafaille dans ses Annales de Toulouse, T. 1, Preuves, p. 1 et suiv. Il vient d’être publié pour la première fois par MM. G. Tholin et O. Fallières dans le T. XIII du Recueil de la Société des Sciences, Lettres et Arts d’Agen (1897). L’original se trouve aux Archives Nationales, à Paris. Q1. no 254.
  12. Dictionnaire darchitecture, t. III, p. 165. Art. Château.
  13. Cette tâche ingrate a tenté notre savant collègue, M. G. Tholin, archiviste du département, qui, dans un travail en préparation, a non seulement relevé les noms de tous les châteaux cités dans les actes ci-dessus indiqués, mais cherché encore à les décrire d’après les documents restants. Cette étude sert de complément à la publication du Saisimentum et des actes d’hommages de 1259.
  14. Léo Drouyn, La Guienne militaire.
  15. Voir le plan en relief qui se trouve au Musée de Nérac et que nous avons reproduit, en photogravure, dans notre Notice sur le château de Nérac (Agen, 1896).
  16. Voir la remarquable description qu’en a faite M. G. Tholin, dans la Revue de l’Agenais (1897).
  17. À consulter également la belle Monographie du château de Madaillan, par MM. P. Benouville et G. Tholin (Agen, in-8 », 1887).
  18. Voir notre Étude sur le château de Xaintrailles, avec eau-forte et plan (Agen, in-8o, 1874).
  19. Châteaux Gascons de la fin du XIIIe siècle, par Ph. Lauzun (Auch, in-8o, 1897).
  20. De Caumont : Architecture militaire, p. 576. Cf. Anthyme Saint-Paul : Bulletin monumental, t. XXXII.
  21. Bien que postérieure de près d’un siècle, il faut voir à l’église d’Assier (Lot), tout près du château ruiné de ce nom, vrai bijou de la Renaissance, la très curieuse frise qui l’entoure et qui représente les divers combats d’artillerie livrés par son fondateur Galliot de Genouillac, grand maître de l’artillerie sous François Ier, se servant des nouvelles armes, modifiées par lui, contre les tours et les courtines des vieilles forteresses, lesquelles se défendent également par des armes à feu, placées dans de larges embrasures, au bas des tours.
  22. « On désignait, pendant le moyen-âge, par ce mot un ouvrage de fortification avancé, qui protégeait un passage, une porte ou poterne, et qui permettait à la garnison d’une forteresse de se réunir en un point saillant à couvert pour faire des sorties, pour protéger une retraite ou l’introduction d’un corps de secours. » (Viollet-le-Duc, t. II, page 111.)
  23. Nous appelons tout spécialement l’attention de nos lecteurs sur ce dénombrement de la seigneurie de Bonaguil, dont l’original se trouve aux Archives départementales de la Gironde, et qui contient notamment la description archéologique du château en l’année 1702, description qui, quoique sommaire, nous a été d’une précieuse utilité.
  24. Dans sa Table de comparaison entre les mesures anciennes du département de Lot-et-Garonne et celles qui les remplacent dans le nouveau système métrique. (Agen, imprimerie du département, an VII). M. Louis Puissant, p. 33, no 20, établit que dans la juridiction de Bonaguil, l’aune valait 1 mètre 1816, — la canne 1 mètre 7725, et le pan 0 mètre 2216
  25. Dans l’acte de 1702, il est dit que « le donjon a quarante pas de circonférence, trente canes de hauteur et douze pans d’épaisseur ; sa cage d’escalier, douze pas de circonférence et quarante deux canes de hauteur. »
  26. Voir les belles planches qui accompagnent la monographie du Château de Madaillan, par MM. P. Benouville et G. Tholin (Agen, 1887).
  27. Étude sur les arts au moyen-âge : l’architecture militaire (Paris, in-8o. Levy, 1875, p. 241.)
  28. Ce premier étage, ainsi que celui des autres pièces, est au niveau de la cour g. C’est donc celui qui est reproduit sur notre plan, dressé, comme on le sait, pour tout le corps principal de logis, ainsi du reste que pour tout le château, sauf pour la partie orientale, à la hauteur de cette cour d’honneur.
  29. « On sait que la grande salle fut une invention toute française et un des traits caractéristiques des châteaux français du treizième siècle. » (Viollet-le-Duc. Dict. d’architecture, t. III, p. 103.)
  30. Toutes ces mesures de l’acte de 1702 ne sont qu’approximatives, ainsi qu’on peut facilement s’en convaincre sur l’échelle très exacte de notre plan.
  31. C’est dans l’embrasure de cette croisée, d’une épaisseur de près de 4 mètres, que fut servi, un été d’une des années qui précédèrent la Révolution, et à cause de la grande chaleur du moment, un dîner de quatorze couverts. Ce détail, assez surprenant au premier abord, n’a cependant rien d’anormal, si l’on en juge par l’épaisseur du mur de la grosse tour. Le souvenir s’en est conservé dans une famille des environs.
  32. La Chicane, petit ouvrage de fortification, fait pour disputer le terrain et le défendre pied-à-pied. (Dict. de Bescherelle.)
  33. Le dénombrement de 1702 dit : « Deux tours rondes, ayant chacune vingt pas de Circonférence, vingt cannes de hauteur, et d’épaisseur douze pans. »
  34. Viollet-le-Duc, Dictionnaire d’architecture. Tome 1, Architecture militaire, et tome III, Château, pp. 165-167.
  35. Cette chronique, ainsi que la plupart des documents qui seront indiqués au cours de ce chapitre, proviennent des Archives de la baronnie de Castelnau-de-Monratier. Elle est citée presque en son entier dans une Généalogie raisonnée de la famille de Roquefeuil, faite au xviie siècle, qui appartenait récemment encore à Mme la comtesse de Roquefeuil, habitant Toulouse et veuve du colonel comte de Roquefeuil, tué au siège de Sébastopol. Ces archives si précieuses, qui renfermaient l’histoire de la plupart des fiefs ayant appartenu aux Roquefeuil, notamment des seigneuries de Castelnau, de Flauniac, de Blanquefort, de Bonaguil etc., sont aujourd’hui totalement perdues. Elles se trouvaient au moment de la Révolution entre les mains de M. Léon de Bonal, dernier baron de Castelnau, qui les avait d’autant mieux groupées qu’il avait à les produire dans ses nombreux procès contre les consuls et plus tard la municipalité de Castelnau. Dans la suite, lorsque ces différends furent aplanis, ses héritiers vendirent à pleine corbeille et laissèrent perdre la plupart de ces pièces intéressantes. C’est à cette époque qu’elles furent connues de M. Léopold Limayrac, qui consacra de longues heures à les trier, à les compulser, à les copier en partie, n’osant malheureusement pas garder les originaux qui ne lui appartenaient pas et les sauver ainsi d’une entière destruction. Je dois à son extrême obligeance d’avoir pu prendre communication de ces copies, bien avant que, songeant aies utiliser pour son propre compte, il les ait publiées dans sa belle Monographie de la baronnie de Castelnau-de-Monratier. Ce dernier travail me permettra de compléter mes premiers renseignements historiques, en lui empruntant certains détails nouveaux, dont quelques-uns, fort curieux, étaient demeurés inconnus.
  36. Gallia Christiana — Lagrèze-Fossat : Études historiques sur Moissac ; — Moulenq : Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne ; — R. Périé, Histoire du Quercy ; — L. Limayrac : Histoire d’une commune et d’une baronnie du Quercy, etc.
  37. Voir, pour tous les détails concernant l’origine de la famille de Castelnau, l’étude de M. L. Limayrac sur la Baronnie de Castelnau-de-Monratier.
  38. Archives nationales, Q1. no 254.
  39. Voir pour tous ces détails les : Documents historiques et généalogiques sur les familles de Rouergue, par M. de Barrau (Tome I, p. 673 et suiv. Rodez, Impr. Ratery. 1853), et les nombreuses généalogies manuscrites que possède la famille de Roquefeuil.
  40. Généalogie manuscrite.
  41. Tome viiii, p. 165.
  42. La copie de cet acte important se trouve dans la collection Doat (Mss. de la Bibliothèque nationale. Vol. 75, p. 151).
  43. Le comptor, c’est*à-dire le vassal immédiat du comte, était inférieur au vicomte, mais supérieur aux autres titres de noblesse. Le comptorat était une dignité féodale : c’est ce que dit Ducange (Glossarium, t. ii, p. 467), en comprenant en France les comptores entre les barons et les chevaliers, et « apud Cathalanos » après les vicomtes et avant les vavasseurs.
  44. Nant, dép. de l’Aveyron, arr. de Millau.
  45. Archives de la famille de Roquefeuil du Bousquet. Voir aussi aux Mss. de la Bibliothèque natioDale, Cahiers bleus de Roquefeuil, les nombreux actes originaux et pièces de procédure relatives à cette affaire.
  46. Léo Drouyn : La Guienne militaire, t. ii. Voir aussi collection Doat, vol. 247. fol. 58 et 102 et vol. 180, fol. 5.
  47. Archives de M. le comte de Roquefeuil, ancien conseiller référendaire à la Cour des Comptes
  48. Généalogie manuscrite des Roquefeuil. Idem : Titres de famille.
  49. Trésor des Chartes, vol. ii, fol. 773.
  50. M. de Barrau, p. 683, t. i. Courcelles, t. iv, p. 12.
  51. Généalogie mss. des Roquefeuil.
  52. Courcelles, t. iv, p. 11.
  53. Collection Doat, vol. 208, p. 2.
  54. Archives de la famille de Roquefeuil. Voir aussi l’ouvrage de M. de Barrau.
  55. Titres de famille : pièces originales ; vol. no 2543 des Cahiers bleus. (Bibliothèque nationale, Mss.)
  56. Papiers de famille. (Cahiers bleus de la Bibliothèque nationale, Mss.)
  57. Papiers de famille. (Cahiers bleus, no 15266). M. L. Limayrac nous a affirmé bien souvent que dans les riches Archives de la baronnie de Castelnau, aujourd’hui détruites, qu’il avait eues en partie jadis entre les mains, tous les actes de partage et autres titres de famille prouvaient, durant tout le xve siècle, que le fief de Bonaguil n’avait pas été formé par Bringon, mais qu’il appartenait à ses prédécesseurs et qu’il était parfaitement énuméré dans tous les actes de dénombrement qui accompagnaient les actes d’hommage rendus, non-seulement par Jean de Roquefeuil, mais encore par son père Antoine.
  58. Acte retenu par Jean de Bèze et Guinot Delcros, notaires.
  59. Papiers de famille, Cahiers bleus.
  60. Collection Doat, vol. 221, f. 44.
  61. Extrait du 203e registre du Trésor des Chartes du Roi. (Titres de famille, Cahiers bleus.)
  62. Inventaire des titres de la baronnie de Castelnau.
  63. Acte retenu par Adhémar Guitard, notaire.
  64. Collection Doat, vol. 160, p. 124. Bibl. nat. Mss., et titres de famille. Voir in eœtenso, en appendice » No 1.
  65. Probablement Saint-Chaliès, petit bourg entre Blanquefort et Biron.
  66. Voir, in extenso, en appendice, no 1.
  67. Arrêt du Parlement de Toulouse du 20 juillet 1493, p. 8. Voir également la Monographie de la baronnie de Castelnau, par M. L. Limayrac, p. 232 et suivantes)
  68. Inventaire des titres de la baronnie de Castelnau. Acte retenu par Pons Jacobo, notaire de Castelnau.
  69. Inventaire des titres de la baronnie. t. ii, p. 637, Procès-verbal de signification.
  70. « Acte tiré d’un grand livre vieux des Archives du domaine du Roi, qui est à la (Chambre des Comptes de Montpellier, couvert d’une1 bazaûe verte, feuillet 28 ; ledit livre
  71. Archives de la baronnie de Castelnau.
  72. Idem. Expédition de l’acte de dénombrement : lettres du sénéchal du Quercy. Cf. Monographie de la baronnie de Castelnau.
  73. Voir en appendice cet acte, in extenso. No.
  74. Père Anselme, t. vii, p. 189. Idem : Documents généalogiques sur les familles du Rouergue, par M. de Barrau.
  75. Inventaire des titres de la baronnie de Castelnau, t. ii.
  76. Idem. t. ii, p. 547.
  77. Archives de la baronnie de Castelnau ; Inventaire des titres, t. II, p. 603 ; Acte retenu par G. Grataloup, notaire à Montpezat.
  78. Histoire du Languedoc, t. V, p. 176.
  79. Généalogie raisonnée de la famille de Roquefeuil, faisant partie des archives de ladite baronnie.
  80. Archives de la baronnie de Castelnau ; notes de M. de Limayrac.
  81. Archives de la baronnie de Castelnau.
  82. Idem. Inventaire des titres. T. ii, p. 611.
  83. Idem, p. 620. Acte retenu par Vital, notaire à Bonaguil.
  84. Archives de la baronnie de Castelnau. Cf. L. Limayrac : Histoire de la baronnie de Castelnau-de-Monratier, p. 271 et suiv.
  85. Idem.
  86. Généalogie de la famille de Roquefeuil. Cf. Limayrac, etc.
  87. Inventaire des titres de la baronnie, t. ii, p. 549.
  88. Idem. Cf. Archives départementales de Lot-et-Garonne, B. 704.
  89. Archives départementales de Lot-et-Garonne. Série B, 709 et 716, liasse (150 pièces). Voir en appendice les extraits de ce procès-verbal et du jugement, no III.
  90. On ne doit pas confondre ces Descodeca de Boisse avec la grande famille gasconne de Pardaillan, dont la branche aînée, propriétaire des baronnies de Pardaillan, en Armagnac, de Juliac et de Panjas, ne le céda en rien, comme vaillance et honneurs, à la branche cadette de Pardaillan-Gondrin, devenue si puissante de par les faveurs de Mme de Montespan. (Voir notre étude sur le Château de Pardaillan dans nos Châteaux Gascons à la fin du xiiie siècle.)

    La famille de Pardaillan, dont il est ici question, était originaire de l’Agenais. Haut et puissant seigneur, Messire Pierre d’Escodeca de Boisse, baron de Pardaillan, d’Allemans, Mallerometz, Labastide, etc., maréchal des camps et armées de Sa Majesté, etc., fut un des plus zélés serviteurs d’Henri IV et de Louis XIII. Gouverneur de Monheurt, il reprit en 1621 cette ville, qui s’était révoltée. C’est en allant mettre le siège devant Sainte-Foi qu’il s’arrêta à Gensac, chez l’avocat Nauze, et qu’il y fut assassiné par un fanatique huguenot, Savignac, en novembre 1621. Sa femme, Marie de Ségur, dame de Pardaillan, lui avait apporté par son mariage la baronnie de Pardaillan, en Agenois, à huit kilomètres environ de la ville de Duras. Voir à cet égard la remarquable plaquette gonlaudaise, No vi, publiée en 1880 par notre savant compatriote, M. Tamizey de Larroque : « Récit de l’assassinat du sieur Boisse-Pardaillan et de la prise de Monheurt, Bordeaux, in-8o. »

  91. Série B, 6, liasse.
  92. Archives départementales de Lot-et-Garonne. (Non classé). Livre d’arpentement de l’Agenois, Voir en appendice, No iv.
  93. Registre manuscrit contenant des actes sur la succession. Cf. p. 282.
  94. Père Anselme, t. vii, p. 159.
  95. Archives de Castelnau. Pièces communiquées par M. Limayrac. Idem, Inv. des biens de la baronnie, t. ii. p. 615.
  96. 2
  97. Archives de la baronnie de Castelnau ; Mémoire manuscrit adressé au Parlement de Toulouse. — Cf. Limayrac : Étude sur la baronnie de Castelnau, p. 285.
  98. Inventaire des titres, t. ii, pp. 541-542.
  99. Idem. Voir Limayrac, p. 287 et suivante ».
  100. Archives départementales de la Gironde, C,2328. Voir in extenso en appendice no  V.
  101. Archives départementales de Lot-et-Garonnej B, 1009 et 1051. Idemj EE.
  102. Idem, B, 108.
  103. Idem, B. 90, p. 135
  104. Inventaire des titres, t. ii, p. 621. Acte retenu par Bonhomme et Dufranc, notaires au Châtelet de Paris.
  105. Archives départementales de Lot-et-Garonne. B. 113. Voir l’acte in extenso en appendice, no  VI.
  106. Père Anselme, t. vii, p. 159.
  107. Le château fort de Montpeyroux se trouvait dans l’Aveyron, au sud de La Guiole. (M. de Barrau, t. ii, p. 229).
  108. Archives départementales de la Gironde. Série C, no 2245. Nous devons la connaissance et la copie collationnée de ce document, sur lequel nous appelons toute l’attention de nos lecteurs, à l’obligeance de M. Gouget, ancien archiviste du département de la Gironde.
  109. L’acte dit : 348 sexterées. La sexterée de huit cartonnats valant à Bonaguil même, d’après les tables de comparaison de Puissant, 87 ares 4654, l’ensemble de la seigneurie aurait été, à cette époque, de trois cent quatre hectares, quarante ares.
  110. Archives départementales de Lot-et-Garonne, B, 267.
  111. Idem, B, 118.
  112. Archives de la baronnie de Castelnau. Inventaire des titres, t. ii.
  113. Voir notre tableau généalogique ci-joint.
  114. Archives de la baronnie de Castelnau. Inventaire des titres ; tome ii.
  115. Idem. Mémoire manuscrit.
  116. Archives de la baronnie de Castelnau. Acte retenu par Boursier, notaire à Paris.
  117. Archives départementales de Lot-et-Garonne, E. 22. (Papiers de Fumel.) Nous donnons l’acte in extenso en appendice, N{{|o}} VIII.
  118. O’gilvy : Nobiliaire de Guyenne et Gascogne, tome i, art. Fumel.
  119. Le château de Sermet est actuellement dans la commune de Loubéjac, canton de Villefranche-de-Belvès, arrondissement de Sarlat (Dordogne).
  120. Archives départementales de Lot-et-Garonne. E. 22. Papiers de Fumel.
  121. Une narration de cette histoife se trouve dans les Essais statistiques et historiques sur le quatrième arrondissement du département de Lot-et-Garonne, par Auguste Cassany-Mazet (Agen, imp. Noubel, 1839), p. 123.
  122. Papiers de la famille de Fumel.
  123. Minutes de Me Amblard, notaire à Fumel.
  124. Archives départementales de Lot-et-Garonne. Dons de Mme la comtesse Marie de Raymond.
  125. M. le comte de Fumel possède actuellement dans ses archives deux lettres de sa grand’mère Rose de Comminges, femme de Georges de Fumel, major-général de l’armée des Indes, datées « de Boneguilhe, en 1780. »
  126. Ce testament, que nous reproduisons in extenso en appendice, no IX, est déposé en original à l’étude de Me Castet, notaire à Saint-Front (Lot-et-Garonne), qui a bien voulu nous en donner communication. Il en existe une copie fort exacte aux archives départementales de Lot-et-Garonne. E 22. Papiers de Fumel.
  127. Le testament de Jean-Georges de Fumel, du 22 juin 1787, se trouve aux archives départementales de Lot-et-Garonne. E 22. Papiers de Fumel.
  128. Archives départementales de Lot-et-Garonne. Voir l’acte en appendice, No X.
  129. Pons-Maxime de Fumel n’émigra pas. Né le 14 juillet 1772, il fut arrêté à Bordeaux, le 17 frimaire an ii, et ne sortit de prison que le 4 septembre 1794. Il est mort à Paris en 1850. Ce fut sa dernière sœur Augustine-Laure, qui, mariée d’abord à M. de Brane, puis à M. de Langsdorff, resta propriétaire du château de Fumel en Agenais. Ce château appartient encore à la famille de Langsdorff.
  130. Minutes de Me Amblard, notaire à Fumel.
  131. Idem. (Voir cet acte en appendice, No XI).
  132. Registre de l’état civil de la commune de Saint-Front.
  133. Minutes de Me Castet, notaire à Saint-Front. (Voir en appendice, No XII).
  134. Minutes de Me Amblard, notaire à Fumel, No 606. (Voir en appendice, No XIII).
  135. Ce document, entièrement inédit, d’une importance capitale pour l’histoire du château de Bonaguil, nous a été communiqué par M. L. Limayrac. L’original, qui se trouvait dans les Archives de la baronnie de Castelnau (Inventaire des titres de la baronnie, t. ii, p. 603. Expédition sur parchemin de cet acte, retenu par Pierre Vitalis, notaire à Bonnaguil), a été détruit. Il a fallu nous contenter d’une copie informe faite au siècle dernier, copie que. malgré tous nos efforts et ceux de quelques-uns de nos amis, nous n’avons pu entièrement rectifier. Nous demandons, pour les fautes qui s’y trouvent encore, toute l’indulgence de nos lecteurs.