Le Château des cœurs/Troisième Tableau

La bibliothèque libre.
Le Château des cœurs
ThéâtreLouis Conard (p. 188-222).

TROISIÈME TABLEAU.

Chez le banquier Kloekher : un boudoir, portes des deux côtés et au fond. Pendant la première scène, des valets traversent le théâtre, portant des jardinières et des meubles, pour les derniers préparatifs d’un bal.


Scène première.

ALFRED, PAUL.
Paul.

Comment, mon cher Alfred, vous m’amenez chez M. Kloekher, le soir même d’un bal ?

Alfred.

Qu’importe ! n’êtes-vous pas en tenue ? Et puisque (emphatiquement) la fête n’est pas encore commencée, vous aurez bien le temps de dire un mot à notre illustre financier.

Paul.

C’est là un vrai service que vous me rendez ! Merci du fond de l’âme, car sans vous je ne savais que devenir. Partout où je me suis présenté, depuis un mois bientôt, porte close ! Ah ! les amis ! Et que de tentatives, d’efforts !

Il baisse la tête.
Alfred.

Allons, bien ! vous voilà retombé dans vos idées mélancoliques, romantiques et poétiques !

Lui tapant sur l’épaule.

Ce bon Paul ! il n’a pas changé : prompt à s’enflammer toujours pour toutes les femmes et à donner dans toutes les illusions. C’est comme votre histoire du cabaret.

Il rit.

Ah ! ah ! ah !

Paul.

Mais quand je vous dis que j’ai vu…

Alfred.

Bah ! vous aurez été la dupe de quelque hallucination ou d’un faiseur de tours ! Comme si l’on rencontrait dans les bouges de la banlieue des créatures célestes disparaissant à travers les murailles ! Vous avez beau soutenir qu’elle est belle comme une fée, et même qu’elle en portait le costume, les fées, mon cher, ne sortent plus de la Chaussée d’Antin ; et je compte, tout à l’heure, vous en faire voir une, qu’on appelle dans le monde madame Kloekher… et qui pour nous quelque indulgence.

Paul, saluant.

Ah !

Alfred.

Mais oui ! on est posé. Moi, je m’amuse énormément.

Paul.

Et le mari ?

Alfred.

Un ancien Auvergnat ! Il en a porté bien d’autres ! Un rustre, d’ailleurs, un avare.

Paul.

Comment !… Mon père, au contraire, m’avait dit…

Alfred.

Votre père le connaissait ?

Paul.

Beaucoup ! Et il m’avait vanté toujours son désintéressement. Moi, je ne l’ai jamais vu, car…

Alfred, vivement.

Mais si votre père le connaissait, qu’aviez-vous besoin de moi alors ? Vous pouviez vous recommander tout seul.

Paul, humblement.

Ah ! mon ami, on est timide quand on est pauvre !

Alfred, à part.

Pauvre ! pauvre ! Moi, je ne savais pas qu’il fût pauvre !… sans cela !…


Scène II.

KLOEKHER, PAUL, ALFRED.
Kloekher.

Salut, vicomte !

Alfred.

Bonjour, grand financier ! Permettez que je vous présente un de mes intimes, M. Paul de Damvilliers.

Kloekher, à part.

Son fils !

Alfred.

Il a besoin de je ne sais quoi ; il va vous expliquer son histoire. Oh ! bon garçon ! excellent ! Et j’ai une autre grâce à réclamer : puis-je présenter mes respects à Madame, si toutefois… ?

Kloekher.

Certes ; comment donc !


Scène III.

KLOEKHER, PAUL.
Kloekher.

J’ai beaucoup connu monsieur votre père, Monsieur, et, comme je l’estimais infiniment, la soudaineté de sa catastrophe m’a affligé plus qu’un autre. Et vous n’avez pas, jusqu’à présent, trouvé, de quelle manière elle a pu survenir ?

Paul.

Hélas ! non, Monsieur ! J’ai même renoncé à en chercher la cause.

Kloekher, après avoir soupiré largement.

C’est plus sage ! Ne perdez pas votre temps à cela, croyez-moi !

Avec hauteur.

Et vous demandez… ?

Paul.

Du travail, Monsieur ! Oh ! mes exigences seront modestes !

Kloekher.

Quel âge avez-vous, s’il vous plaît ?

Paul.

Vingt-cinq ans.

Kloekher.

Euh ! euh ! un peu jeune ! Et, en fait de comptabilité, de banque, que savez-vous ?

Paul.

Peu de choses, c’est vrai ; mais j’apprendrai vite !

Kloekher.

Ah ! vous croyez ?… Et qu’avez-vous fait jusqu’à présent ?

Paul.

J’ai voyagé.

Kloekher.

Où cela ?… Dans quel but ?

Paul.

Dans le nord de l’Afrique, et jusqu’en Chine, pour m’instruire.

Kloekher.

Ou vous amuser plus librement, avouez-le ! C’est une jolie manière de manger sa fortune ; on se donne par là le vernis d’un homme sérieux ; et l’on se fait regarder des badauds en rapportant de longues pipes pour les amis et des babouches pour les petites dames. Ah ! ces bons jeunes gens ! ils sont drôles, parole d’honneur !

Paul, irrité.

Monsieur !…

Kloekher.

Laissez donc ! je les connais, vos études ! Parions que vous ne sauriez pas seulement me dire le nom des principaux comptoirs de Macao, ni le taux de l’escompte à Calcutta.

Paul.

Et il y a d’autres choses !

Kloekher.

C’est possible ! Mais alors que venez-vous faire ici ? Que voulez-vous ?

Paul.

Une place, Monsieur, une place ! Je puis traduire vos correspondances, rédiger vos mémoires ! Un homme en vaut un autre, avec de la force et du courage. Je vous prie de considérer la situation… pénible où je me trouve ; et j’ose, pour appuyer ma requête, vous faire souvenir que mon père fut votre ami.

Kloekher.

Eh ! votre père, Monsieur, était un fort galant homme ; mais, s’il avait suivi mes conseils, il n’aurait pas fini d’une façon désastreuse ! Au lieu de singer le grand seigneur et de vouloir éblouir par une libéralité intempestive, il aurait dû surveiller ses capitaux, augmenter sa fortune, se rendre utile enfin.

D’un ton de fausse bonhomie.

Il m’a bien assez fait souffrir par l’affection que je lui portais, sans que vous veniez ici, vous, son fils, me donner la peine de vous désobliger ! Une place ! Est-ce que j’en ai, moi ? Tous mes emplois sont pris ; ce n’est pas ma faute. Mille excuses !

Paul est remonté au haut de la scène et va pour sortir par le fond.
Kloekher se lève.

Eh bien, non !… Revenez !…

Paul, fièrement.

Pourquoi, je vous prie ?

Kloekher.

Je peux, je veux vous faire du bien.

Le regardant en face.

Si je sais me connaître en hommes, je crois vous avoir deviné. Or, je me fie à votre intelligence pour me comprendre, et, en cas de refus, à votre discrétion, pour vous taire !

Paul.

Soyez convaincu…

Kloekher.

Jusqu’à présent, j’ai fait toutes mes affaires à la Bourse d’une façon officielle ; mais à partir d’aujourd’hui, des circonstances trop longues à vous expliquer, au-dessus de votre compétence, cher Monsieur, me forcent à opérer d’une façon détournée… par les mains d’un autre…

Silence.
Paul, cherchant à comprendre.

C’est-à-dire… ?

Kloekher.

Qu’il me faut un homme sûr… Je le conseillerai ; je serai là… Un garçon solide qui me représente complètement, surveille mes ordres, agisse pour moi !

Paul.

Bien !

Kloekher.

Et qui passe près du public pour n’agir que par lui-même, en son nom.

Paul.

Cependant… la responsabilité ?…

Kloekher.

Aucune chance de pertes, rassurez-vous ! Peu de choses à faire, et je vous donne dix pour cent. Or, comme les bénéfices de ce genre d’opérations doivent s’élever annuellement à un million, pour le moins, c’est cent mille francs que vous toucherez par an, cent mille francs de rente, jeune homme !

Paul.

Cent mille francs de rente.

Il tombe en rêverie. Bas.

Impossible ! il faut qu’il y ait là-dessous…

Kloekher, à part.

Il hésite ! Est-ce ignorance ou scrupule ?

Paul.

Mais comment êtes-vous sûr d’avance de ne jamais perdre ?

Kloekher.

Par une série de calculs… de combinaisons infaillibles. Je vous expliquerai…

Paul.

Et pourquoi alors avez-vous besoin de mon nom ?

Kloekher.

Pourquoi ?…

Silence. Ils se considèrent ; puis, brusquement.

Mais ça ne se dit pas ! Vous comprenez bien… C’est impatientant !

Paul.

Assez, Monsieur, assez ! Je vous épargne, par pudeur, le mot propre dont on appelle, dans le code pénal, vos combinaisons infaillibles. Vous prêter mon nom pour elles serait y participer ; et comme je ne veux pas être votre complice ni votre victime, je me retire.

Kloekher, détournant la tête, à part.

Imbécile, va !

Au moment ou Paul est sur le seuil de la porte, au fond,
entre M. Letourneux ; ils se trouvent face à face.

Scène IV.

PAUL, KLOEKHER, LETOURNEUX.
Letourneux, avec stupéfaction et joie.

Paul ! Ah ! quel bonheur !

Kloekher, à part.

Ils se connaissent !

Letourneux.

Que je l’embrasse, ce cher garçon ! Quand j’ai su que vous étiez à Paris, je suis vite accouru du fond de la Guyenne, où j’étais parti pour inspecter un peu l’agriculture et les bonnes mœurs ! Ah ! voilà une chance ! une chance !…

À part, montrant le poing à Kloekher, qui tourne le dos.

Je te tiens, vieux drôle !

Haut.

On vous avait cru mort, savez-vous ?… N’est-ce pas, Kloekher, vos ennemis, — car vous en avez, chacun en a, — vos ennemis se flattaient même qu’on ne vous reverrait plus !

Paul.

Qui donc peut m’en vouloir à moi ? Je ne gêne personne.

Letourneux.

Quel intéressant jeune homme, hein ? Tout le portrait de ce bon Damvilliers, que nous chérissions.

Paul.

Je ne sais comment reconnaître…

Letourneux.

Voilà ce qui s’appelle une bonne journée : d’abord, je retrouve le fils d’un vieil ami ; puis, je soulage bien des infortunes, cela, grâce a vous, Kloekher.

Kloekher.

Hein ?

Letourneux.

Mais oui, puisque je venais vous remercier des vingt-cinq mille francs que vous m’avez donnés pour les pauvres de ma paroisse.

Kloekher.

Ah ! par exemple !…

Letourneux.

Allons ! il cache ses bienfaits. Quel homme !

Contemplant Paul.

Cela fait plaisir de le revoir, n’est-ce pas ?… J’espére que vous me conterez vos voyages. Vous avez dû rencontrer, en courant le monde, des mœurs bizarres, des caractères vraiment particuliers ; et comme vos observations, sans doute, ainsi qu’il convient à un esprit sérieux, se sont dirigées sur la morale, que croyez-vous qui soit plus commun de la ruse ou de l’ingratitude, de la scélératesse ou de la sottise ?

Paul.

Ces questions… demanderaient…

Letourneux.

Et vous, Kloekher, votre opinion ?

Kloekher.

Je ne comprends pas…

Letourneux, se rapprochant de lui
et le regardant en face.

Ah ! vous ne comprenez pas ! Bien sûr ?… Nous en recauserons. J’ai oublié de vous dire que je désirais toucher immédiatement, pour la formation d’une ferme modèle, les cent soixante-douze Méditerranée que je vous ai vendus avant-hier.

Kloekher.

Quand donc aurez-vous fini cette plaisanterie ?

Letourneux.

Ce n’est pas une plaisanterie, mon cher, pas plus que l’histoire suivante…

À Paul.

Connaissez-vous la Cochinchine ?

Paul.

Un peu.

Letourneux.

Eh bien, il y avait là, une fois, — l’anecdote remonte à cinq ans, — deux amis : un bon Chinois et un mauvais Chinois. Or, le bon était si bon, qu’il confia au mauvais…

Kloekher, avec emportement.

Oh ! je ne me moque pas mal de vos histoires… !

Letourneux.

Elles sont vraies cependant ; j’en peux fournir les preuves.

Silence.
Kloekher, étonné.

Des preuves ?

Letourneux, bas, lui saisissant le bras, à l’oreille.

Dans mes mains, d’irrécusables, songez-y !…

Kloekher, bas.

Nous nous arrangerons… Taisez-vous !…

Il se tourne vers Paul, en éclatant de rire.

Eh bien, Letourneux, il y est tombé ! Il a cru que je n’avais pas de place pour lui !… Hé ! hé ! Imaginez-vous une histoire inventée à plaisir ! Ah ! ah ! Une chose un peu légère que je lui proposais ! Ah ! ah ! ce bon garçon !

Paul.

Comment ?

Kloekher.

Mais oui, pour vous éprouver, mon cher. Ah ! ah ! ah !…

D’un ton sérieux.

J’ai voulu voir, par là, le fond de votre nature. Maintenant je suis content de vous, jeune homme. C’est très bien ! très bien !… De la délicatesse, des principes.

Letourneux.

Il n’y a que ça, voyez-vous, les principes !… c’est une base ! Du moment qu’un homme a des principes, on peut compter dessus ! Or je vous réponds de celui-là, moi !

Kloekher.

Le fils de notre meilleur ami, je crois bien !

Madame Kloekher entre en toilette de bal.

Ma femme ! Il faut que je vous présente. Permettez !…

Il remonte la scène vivement jusqu’à elle.

Scène V.

PAUL, LETOURNEUX, M. et Mme KLOEKHER.
Kloekher, bas, à sa femme.

Écoutez bien, il y va de ma fortune ! de la vôtre : cet homme peut nous perdre. Soyez adroite ! il le faut !

Haut.

Madame Kloekher, monsieur Paul de Damvilliers.

Madame Kloekher.

Oh ! je vous connais de nom, depuis longtemps, Monsieur !

Paul, à part.

Qu’elle est belle !

Madame Kloekher.

Nous avons si souvent causé de votre père ensemble…

Letourneux.

Nous trois.

Paul, à part.

Quel regard !…

Kloekher.

Pauvre garçon ! Au retour, après cinq ans d’absence, plus de foyer ! Mais j’entends que le mien remplace le vôtre ! Ne vous gênez pas ! Usez de moi… De la franchise !…

Paul.

Oh ! merci !… Mais comme j’ai peur d’être indiscret…

Il va pour sortir.
Kloekher.

Restez donc, vous êtes des nôtres, parbleu ! On arrive a peine, continuez votre visite près de Madame. Allons, Letourneux, un petit tour dans le grand salon ; nous penserons ensuite aux choses sérieuses.


Scène VI.

PAUL, Mme KLOEKHER.
Madame Kloekher.

Soyez convaincu, Monsieur, que les intentions de mon mari n’avaient pas besoin d’être exprimées. Je partage trop tous ses sentiments pour ne pas désirer comme lui vous être agréable, et même, pardon du mot… utile, si nous le pouvons.

Paul.

Oh ! je suis confus, vraiment !…

Madame Kloekher.

Il nous sera bien doux de faire en sorte que vos chagrins soient sinon oubliés… du moins adoucis.

Paul.

Mais ils le sont déjà, Madame, par cette manière inattendue… !

Madame Kloekher.

Comme vous avez dû souffrir, n’est-ce pas ?

Paul.

Oui, oui !

Madame Kloekher.

Pourquoi n’êtes-vous pas venu à nous, d’abord ?

Paul.

Eh ! mon Dieu, Madame, mon excuse, quoique sincère, est mauvaise, mais…

Madame Kloekher.

Mais quoi ?

Paul.

Pardon ! je n’osais…

Madame Kloekher.

Enfant ! Allons, vous réparerez cela, je l’exige !… Nous recevons nos intimes tous les mercredis à sept heures, n’oubliez pas ! Je vous ferai connaître quelques-unes de mes amies, des femmes intelligentes qui vous plairont. J’espère que vous viendrez de temps a autre bavarder dans ma loge aux Italiens. Si vos après-midi vous pèsent trop, il y a une place en face de moi dans ma voiture pour faire le tour du lac, au Bois. C’est si ennuyeux d’être seule à revoir tous les jours cette éternelle pièce d’eau ! Mais ou aller ? Puisque vous dessinez, il faudra m’apporter, la prochaine fois, vos albums de voyage. Je vous montrerai les miens ; d’avance, je réclame un peu d’indulgence pour mes pauvres aquarelles. Enfin, nous lirons, nous causerons. Nous deviendrons de vrais amis. J’y compte, du moins.

Paul.

Oh ! merci. Vous êtes bonne comme un ange. Voilà les premières marques de sympathie que l’on m’adresse. Qu’ai-je donc fait pour en mériter une si gracieuse ?… À qui la dois-je ?

Madame Kloekher.

Mais à la mémoire de votre père, au désir de mon mari, à votre position, et un peu… à vous-même.

Elle lui tend la main ; Paul la saisit et la baise.
Madame Kloekher, la retirant vivement.

Monsieur !…

Paul.

Pardon ! c’est une faute, je conçois ! L’élan irréfléchi de ma gratitude vous semble une grossièreté.

Madame Kloekher.

N’en parlons plus. Entrons dans le bal. Sortons.

Paul.

Sans m’avoir pardonné ? Au nom du ciel, ne m’en voulez pas ! Excusez-moi ! il faut bien avoir un peu d’indulgence pour un homme abandonné de tous, fatigué par les déceptions, aigri par le malheur.

Madame Kloekher, à demi-voix.

C’est une sympathie de plus entre nous deux !

Geste de Paul.

Oui, j’ai mes souffrances, et aussi profondes que les vôtres, peut-être !

Paul.

Vous ! Comment ?

Madame Kloekher.

Ah ! monsieur de Damvilliers, un homme de votre condition peut-il avoir des préjugés du peuple et s’imaginer comme lui que le cœur soit content et qu’on n’ait plus rien à demander au ciel, du moment qu’on est riche ! Oh ! non, non !

Paul.

Expliquez-moi…

Madame Kloekher.

Plut tard, mon ami !…

Les panneaux qui fermaient le boudoir à droite, à gauche et au fond, s’enlèvent et laissent voir le bal.

Votre bras, s’il vous plaît ?

Paul, à part.

Son ami… son ami !…

De chaque côté de la scène, il y a des cariatides dorées contre des piliers qui montent jusqu’au plafond ; entre les cariatides, des jardinières remplies de fleurs, espacées par des candélabres. Au fond, trois arcades ouvertes laissent voir d’autres salons, avec de buffets chargés d’argenteries et de flacons.


Scène VII.

PAUL, Mme KLOEKHER, Onésime DUBOIS, MACARET, BOUVIGNARD, Alfred de CISY, Le Docteur COLOMBEL, Invités, Messieurs et Dames, Domestiques.
Madame Kloekher remonte la scène au bras de Paul,
en même temps qu’on s’avance vers elle.
Les invités, saluant.

Une fête splendide, éblouissante, délicieuse !

Une dame, à une autre.

Quel est donc ce jeune homme ? Il est fort bien.

Paul.

Je le trouverais même trop bien, si j’étais le vicomte Alfred de Cisy.

Un employé de la maison, à son voisin.

Regardez donc comme elle minaude ! Que de grimaces ! Mais pour nous, pauvres commis, il n’y a pas de danger qu’elle nous honore seulement d’un coup d’œil.

Madame Kloekher, à une jeune femme,
lui désignant sa robe.

Oh ! ravissant ! Où donc vous habillez-vous, ma chérie ?

À une autre.

Comment, on ne danse pas ?…

À un vieux monsieur.

Bonjour, général.

Au docteur Colombel.

Ah ! c’est fort aimable à vous, docteur Colombel, d’avoir abandonné vos malades.

Le docteur Colombel.

Ils recouvreraient la santé en vous voyant, belle dame : l’aspect de tant de fraîcheur, de grâces…

Un domestique vient parler bas à Mme Kloekher.
Madame Kloekher.

J’y vais !

Alfred, depuis le commencement de la scène, s’est rapproché d`elle.
Quand elle est arrivée au bas, à droite, elle salue Paul.

Je vous remercie. À tout à l’heure !

Alfred, à part.

J’ai fait une jolie affaire en l’introduisant ici. Soyons prudent et vif !

Il sort précipitamment derrière elle.

Scène VIII.

Les Précédents, moins Mme KLOEKHER et ALFRED.
Onésime, s’avance vers Paul en lui secouant les deux mains fortement.

Ah ! Quel plaisir !… on va donc se revoir ! Où loges-tu ? Je ne te quitte pas !

Paul.

Merci, vieux camarade… Et cette peinture, toujours enthousiaste d’elle, j’espère, et portant haut l’amour du grand art avec la haine du bourgeois ?

Onésime.

Sans doute. Cependant je fais à présent de petits tableaux, des sujets domestiques ; c’est d’un débit plus facile. Mais reçois mes félicitations, te voilà en joli chemin, diable !

Tous s’empressent autour de Paul.
Macaret.

Eh ! cher monsieur de Damvilliers, j’étais bien sûr de vous rencontrer ici ; sans cela…

Le docteur Colombel, lui coupant la parole.

Grâce à la bêtise inconcevable de mon valet de chambre, vos deux cartes de visite ont été égarées, et hier au soir seulement…

Bouvignard, l’interrompant.

Comment se fait-il, je vous le demande, que tous les matins je veux aller vous voir ? Mais on vient chez moi pour un tas de choses, pour ceci, pour cela ; je suis harcelé, tiraillé…

Macaret.

Tout à vos ordres, vous savez !…

Bas.

On a l’oreille du ministre !

Le docteur Colombel.

Il faut que vous preniez un jour par semaine pour venir dîner chez moi régulièrement.

Bouvignard.

Dites donc, cher Monsieur, de quelle façon je puis vous être utile !

Tous lui donnent des poignées de mains énergiques.
Paul.

Ah ! mes amis ! je suis vraiment attendri…

À part.

Quels cœurs excellents, et comme on calomnie les hommes !


Scène IX.

Les Précédents, LETOURNEUX.
Letourneux marche droit à Onésime,
qui est le plus près de Paul.

Je ne suis pas content de vous !

Onésime.

Pourquoi ?

Letourneux.

Parbleu, entre intimes on ne se gêne pas. Or chacun ici, excepté Paul, connaît votre prochain mariage. C’est moi qui vous procure cette affaire, une famille excellente, pieuse, considérée, riche, et vous vous exposez au scandale d’être rencontré en plein jour, donnant le bras à une créature !

Onésime.

Moi ?

Letourneux.

Je vous ai vu, et pourtant vous m’aviez juré que tout était fini !

Onésime.

Ah ! monsieur Letourneux, un moment ! Si je me trouvais avec cette fillette, c’est que je lui préparais un petit tour.

Le docteur Colombel.

Voyons, voyons, j’adore ce genre d’anecdotes.

Tous se rapprochent.
Onésime.

Je lui ai fait écrire de Marseille, son pays, une lettre qui l’appelle pour les affaires les plus pressées. Elle est partie ; j’ai donc tout le temps de me marier, et ça me débarrasse d’autant mieux, que Clémence a la bourse légère, et que pour revenir…

Hilarité générale et approbation.
Letourneux.

Très bien ! voilà ce que j’appelle un acte à la fois d’adresse et de haute moralité.

Paul.

Comment, Clémence, ta vieille passion, celle que tu avais prise toute jeune à sa famille, et qui, disais-tu toi-même, te faisait travailler d’une façon ?…

Onésime.

C’est comme ça ! Autre temps, autres femmes !

À Letourneux.

Où donc m’avez-vous rencontré, vous ?

Letourneux.

Dans le Luxembourg, comme je le traversais pour aller secourir une famille bien intéressante : trois fils sans ouvrage, le père et la mère presque à l’agonie. Vous devriez même, docteur, faire quelque chose pour eux.

Le docteur Colombel.

Que j’aille les voir, peut-être !

Letourneux.

Vous êtes assez riche pour vous passer ce luxe !

Le docteur Colombel.

Et vous donc, le millionnaire, que faites-vous pour eux ?

Letourneux.

Oh ! peu de choses, je les console et les moralise, rien que cela ! et partout, comme maintenant, je fais de la propagande à leur profit, jusqu’auprès de monsieur Macaret.

S’adressant à M. Macaret.

Voyons, vous êtes un de nos grands industriels, et trois ouvriers de plus ne vous importent guère.

Macaret.

Impossible ! je n’ai pas d’ouvrage à leur donner. Vous n’exigerez pas que je me ruine…

Colombel sourit ; Letourneux joint les mains d’un air béat.
Mouvement de Paul indigné.
Bouvignard, avec un petit rire aigrelet.

Hé ! hé ! il a raison. Les discours, les secours et les utopies ne servent à rien. La machine est ainsi réglée. Tant pis pour ceux qu’elle écrase ! résignons-nous ! Il n’y a de sérieux au monde que les choses de l’intelligence, les beaux-arts !

Onésime.

Vous êtes dans le vrai, monsieur Bouvignard.

Bouvignard.

Ainsi moi, je ne m’occupe que des vieilles faïences.

Le docteur Colombel.

Un joli goût ! Et toutes nos dames ?

Bouvignard.

Entendons-nous ! Permettez ! je ne prise que les vieux Nevers, et, pour en posséder un authentique, je n’épargne ni temps, ni soins, ni argent.

Onésime, à part.

II ferait mieux de doter sa fille.

Bouvignard.

Ah ! j’économise, je me prive, je me sangle ! Et combien d’inquiétudes ! Songer qu’une maladresse peut tout réduire en mille morceaux. Aussi ma collection est-elle unique. C’est ma fortune entière, et, afin qu’elle demeure éternellement intacte, je la lègue par testament à ma ville natale.

Paul, à part, mélancoliquement.

Quel triste monde !


Scène X.

Les précédents, KLOEKHER.
Kloekher, à Letourneux.

Venez-vous ? Allons, les hommes sérieux, il y a là des tapis verts qui vous réclament ! Un whist ?

Tous disparaissent par le fond.

Scène XI.

PAUL, seul.

Dès que Paul est resté seul, du côté droit, entre les cariatides, débouche le Roi des Gnomes, dans le costume du bourgeois cossu du cabaret. Avec un geste emphatique, il lui montre le bal et toutes les splendeurs qui l’entourent. Mme Kloekher passe au fond, sous l’arcade du milieu ; il la désigne de son bras allongé, fait ensuite le geste de quelqu’un qui applaudit des deux mains, remonte la scène, et s’en va lentement.

Paul, remontant la scène vers lui.

L’homme du cabaret !

La Reine des Fées débouche par le côté gauche en costume de fée et fixe sur le Roi des Gnomes un long regard.

L’autre ! l’autre !

Tous les deux disparaissent.

Suis-je donc fou ?… Ces illusions de l’autre jour qui me reprennent, c’est étrange !… Cela vient sans doute… du trouble, de l’enchantement où elle me plonge. Quels yeux !… quel sourire !… Se jouerait-elle de moi ? Mais tout à l’heure sa main frémissait sur mon bras, ses regards m’enveloppaient de leurs caresses, son cœur battait. Elle m’aime !

Le candélabre près duquel il se trouve s’est éteint.

Qu’est-ce donc ? la nuit ! Eh ! non, rien que cela !

Il se met à marcher.

Et c’est moi ! moi qu’elle a distingué parmi tous ces hommes, entre les illustres, les riches et les beaux ! Je suis donc plus fort qu’eux tous, je les domine, et me voilà presque le roi de ce monde où hier encore je luttais, perdu dans la foule des derniers. Ah ! quelle félicité ! comme ces fleurs embaument !

Il se penche sur une des jardinières, les fleurs se fanent.

Mortes !

Deux candélabres s’éteignent.

Et l’obscurité redouble !

Au lieu d’un bruit de clochette qui accentuait la mesure dans la contredanse, on entend une cloche funèbre.

Ces sons ! le glas d’un enterrement. J’ai peur !

Il regarde au fond.

Cependant les flambeaux resplendissent, les danses tourbillonnent. Eh ! c’est la clochette qui tinte dans les quadrilles. Qu’avais-je donc ? Elle va revenir !… oui !… là !… et, fendant pas à pas les flots du bal, j’écouterai d’un air indifférent ses paroles charmantes murmurées à mon oreille. Toutes ces choses qui lui appartiennent ont l’air de sourire, c’est comme si son âme flottait autour de moi. Où est-elle ? Je veux la retrouver, la revoir.

Il remonte la scène.

Scène XII.

PAUL, Mme KLOEKHER, ALFRED.
Madame Kloekher entre par le côté droit au bras d’Alfred.
Paul, à part.

Encore lui !

Il s’arrête et l’observe.
Madame Kloekher, à demi-voix.

Est-ce une menace ?

Alfred.

Comme il vous plaira de le comprendre, ma chère !

Madame Kloekher, dédaigneusement.

Faites donc ! faites donc !

Alfred.

Ainsi, vous êtes bien décidée ?… Tout est rompu. Mais si je me brûlais la cervelle au milieu de votre bal ?

Madame Kloekher, éclatant de rire.

Ah ! ah !

Alfred, à part, remettant son chapeau sur sa tête.

Allons, tournons-nous d’un autre côté.

Les danses ont fini ; on sert le souper au fond,
sur des petites tables rondes.

Scène XIII.

PAUL, Mme KLOEKHER.
Paul.

Cet homme vous aime ?

Madame Kloekher.

Lui, jamais !

Paul.

Cependant !…

Madame Kloekher.

Des reproches, déjà ?

Paul.

Oh ! j’ai tort, je le sais, pardonnez-moi ! Ce n’est pas ma faute si…

Madame Kloekher.

Plus bas !… on peut nous entendre !

Paul, regardant au fond.

Non, jusqu’à la fin du souper, personne ici ne viendra ! Nous sommes libres ! Écoutez-moi : au nom du ciel, restez !

Madame Kloekher.

Mais je reste ! Que voulez-vous ?

Paul.

Ah ! je ne me rappelle plus ! ma tête s’égare ! Je suis si heureux de vous contempler ainsi, face à face ! Tout à l’heure, quand nous étions avec les autres et que l’on s’empressait autour de vous, je me délectais à saisir ces regards, ces hommages, cette rumeur d’admiration et d’envie ; et puis, voilà qu’à présent la même foule me déplaît ! je la hais ! Vous lui donnez en passant un coup d’œil, des sourires, des paroles, presque une partie de votre personne, de votre cœur. Il me semble que la dorure de ces murailles, les argenteries, les valets, la musique, vos diamants même, sont autant de choses qui vous déguisent, vous reculent plus loin, vous séparent de moi.

Madame Kloekher.

Enfant que vous êtes ! Vous savez bien pourtant…

Silence.
Paul.

Quoi ?… Parlez !… parlez !…

Madame Kloekher.

Mais… que l’on vous préfère !

Paul, se rapprochant et lui prenant la main.

Est-ce vrai ? Dites-le donc, ce mot que j’attends. Ah ! je ne suis pas accoutumé au bonheur, moi ! Et comment voulez-vous que je croie à celui-là, si je ne le vois moi-même tomber de vos lèvres ? Ou plutôt non… ne parlez pas… et pour savoir si vous m’aimez, si les cieux vont s’ouvrir… rien qu’un signe… un regard…

Elle le regarde, et lui répond oui par un signe de tête très lent et très doux. Il lui prend la main et la porte à ses lèvres en pliant le genou.

Madame Kloekher.

Prenez garde ! on peut nous voir !

À part.

Du feu… de la passion…

Paul se relève.
Paul.

Ah ! quel supplice ! Vous ne comprenez donc pas que je vous aime éperdument ! Je voudrais que tout ce qui nous écarte l’un de l’autre disparût ! Qu’est-ce que cela vous coûterait de m’accorder où il vous plaira, quelquefois, pour me faire illusion, pour m’imaginer que nous sommes seuls sur la terre ? Est-ce que cela vous chagrine, dites, de me donner ?…

Madame Kloekher.

On vient ! Retirez-vous !

Paul disparaît à droite.

Scène XIV.

Mme KLOEKHER, LEOURNEUX.
Letourneux, entrant rapidement.

Ah ! votre mari est un fier drôle !

Madame Kloekher.

Qu’y a-t-il ?

Letourneux.

Je suis indigné !

Madame Kloekher.

Là ! là ! calmez-vous !

Letourneux.

Mais je me vengerai ! Oh !…

Madame Kloekher.

Que vous a-t-il fait ?

Letourneux.

Vous le demandez ! Elle le demande ! Eh bien, nous étions convenus, votre charmant époux et moi, de deux cents Hanovre au dernier courant qu’il devait, lui, me donner et que je devais, moi, palper : est-ce clair ? Or, quand j’apporte les papiers convenus, il ne m’en livre que la moitié a grand’peine. Mais ça ne se passera pas comme ça ! Où est Paul ? Je vais tout lui dire !

Madame Kloekher.

Quoi donc ?

Letourneux.

Lui apprendre ce que vous savez aussi bien que moi, parbleu ! la manière dont votre mari a volé son héritage ! Et un bon procès fera savoir à toute l’Europe…

Madame Kloekher.

Et vous comptez sur Paul, comme si c’était possible !…

Letourneux.

Pourquoi non ?

Madame Kloekher.

Vous êtes trop curieux, mon cher. Cependant, pour épargner vos démarches, apprenez que Paul est un simple enfant, et qu’il m’aime !

Letourneux.

Beau motif !

Madame Kloekher.

Excellent, au contraire ! C’est nous, c’est moi qu’il croira et non pas vous, l’homme de bien. Allez chercher ailleurs des auxiliaires à vos turpitudes et à vos vengeances ! Quant à celui-là, je vous le répète, il m’appartient ! C’est ma chose, mon esclave ! et je pourrais, sur un signe, le faire se jeter dans un puits qu’il m’en remercierait.

Letourneux, sortant par le fond.

Nous verrons ! nous verrons !


Scène XV.

PAUL, Mme KLOEKHER.
Paul entre lentement à droite, de derrière une cariatide.

Vous avez raison, Madame : je suis un enfant, votre chose et votre esclave.

Madame Kloekher.

Ciel ! ne croyez pas !…

Paul.

J’ai tout entendu, j’étais là derrière cette statue, où je m’étais mis pour épier les confidences d’un autre. Le hasard m’a puni de ma jalousie, en me détrompant amèrement.

Madame Kloekher.

Oh ! Paul !… je vous jure…

Paul.

Pas de serments, ne craignez rien ; jamais je ne salirai par le scandale d’un procès la femme, quelle qu’elle soit, que j’ai… honorée de mon amour. Donc soyez tranquille, je me retire !

Madame Kloekher.

Mais vous n’avez pu comprendre, je n’y suis pour rien, c’est une trame odieuse. Je vous expliquerai… Paul ! je vous en supplie !… Paul ! Paul ! je t’aime !

Paul s’en va par la gauche, la tête basse et lentement ;
arrivé sur le seuil, il s’arrête. Letourneux sort du fond et marche vers lui.

Scène XVI.

Mme KLOEKHER, PAUL, LETOURNEUX,
puis tous les personnages précédents.
Letourneux.

Ah ! enfin ! je vous trouve ! Écoutez-moi !

Paul, absorbé, reste immobile.

Paul ! Eh bien !

Il lui tape sur l’épaule.

Mon ami ! mon cher ami !

Paul, tournant la tête lentement.

Que voulez-vous ?

Letourneux, élevant la voix.

Je veux vous apprendre, à vous et à tout le monde ici, dans votre intérêt personnel comme dans celui de la moralité publique, et afin qu’il en résulte à la fois une réparation et un châtiment ; je veux, dis-je, vous dénoncer une infâme machination. J’en possède les témoignages authentiques, écrits ! Vous avez été indignement spolié par l’homme que voici : le banquier Kloekher !

Murmures. Marques de surprise et d’indignation.
Paul, arrachant son gant blanc.

Vous mentez impudemment, Monsieur !

Letourneux.

Moi ?

Paul.

Oui, vous misérable ! et comme gage de ce que j’affirme, je vous soufflette à la face !

Il lui jette son gant à la face.
Letourneux.

Ah !

Paul.

Je suis à vos ordres, Monsieur !

Les invités.

Séparez-les ! Ils vont se battre !

Letourneux, dignement.

Un duel, non ! Un homme de mon caractère n’obéit pas à de pareils préjugés. La vraie force consiste plutôt à supporter les injures et à s’en venger par les voies légales. J’ai le courage civil, moi !

Il sort fièrement.
Paul, à demi-voix.

Infâme coquin !

Kloekher, essayant de prendre la main de Paul.

Ah ! c’est très bien ce que vous avez fait ! Voilà qui est d’un bon ami !… Ma reconnaissance… !

Paul, fièrement.

Ne me parlez plus, Monsieur !

Il sort.
Kloekher.

Qu’est-ce qu’il a donc ?

Les invités.

Quel original ! — Avez-vous vu ? — Un scandale pareil pour finir une si belle fête !… — Ah ! mon Dieu ! à quoi se trouve-t-on exposé !…

Quand les invités sont partis, les lustres, les girandoles et les candélabres se mettent à briller plus fort, donnant une lumière rose, verte et bleue ; les bouquets, tombés par terre, se relevent d’eux-mêmes et vont se placer dans les jardinières. Les fleurs fanées s’entr’ouvrent, les meubles çà et là se replacent en ordre. Les cariatides des deux côtés de la scène se meuvent et s’avancent. Ce sont les Fées elles-mêmes qui se réjouissent de la vertu de Paul.