Le Chemin de Fer de Paris à Avignon et l’Emprunt

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LE CHEMIN DE FER DE PARIS À AVIGNON ET L’EMPRUNT


Les questions financières sont, à cette heure, les plus graves et les plus urgentes de notre situation. Un budget en déficit, le système de nos impôts ébranlé, des impôts nouveaux à créer, d’immenses travaux publics à terminer, notre industrie et notre commerce à faire sortir d’un désastreux chômage, de toutes parts des intérêts matériels d’une importance énorme éveillés et dans l’attente, voilà des préoccupations suffisantes pour absorber l’assemblée nationale et le pays. C’est la question du pain quotidien posée pour tout le monde, pour l’état, pour l’industriel, pour l’ouvrier. Nous déplorons ce qu’il y a de douloureux dans les nécessités qui forcent le pays tout entier à chercher avec anxiété la solution de ces problèmes. Nous voudrions au moins que cette nécessité pût profiter à l’éducation politique de la, France ; nous voudrions que ce fût pour elle une occasion de s’éclairer une bonne fois sur ses intérêts positifs, qu’elle a si long-temps négligés ; nous voudrions qu’elle prît enfin à cette dure école l’habitude de veiller avec intelligence et assiduité à sa politique matérielle. Puissions-nous comprendre aujourd’hui que la vie d’un peuple ne se concentre pas dans ces débats constitutionnels et de politique pure d’où sont sortis tant de troubles et de révolutions, vulgaires détails ; si l’on veut, en donnant ses soins au ménage national, si l’on peut ainsi s’exprimer, on aurait une action plus forte et plus salutaire sur les masses ! Le peuple peut se méprendre sur un devoir ou sur un droit ; mieux instruit, il se tromperait rarement sur un intérêt.

Voici en résumé quel est, dans la série des questions d’intérêt matériel et de finances, l’ordre du jour imposé à l’assemblée législative a sa réouverture, voici quels sont les travaux laissés à l’étude il y a six semaines : impôt de 200 millions, création d’obligations du trésor à échéances indéterminées, suivant la proposition de M. Passy ; concession du chemin de fer de Paris à Avignon garantie à faire accorder par l’état au chemin de fer d’Avignon à Marseille sur un emprunt de 30 millions ; impôt des boissons ; impôt sur le revenu ; substitution de l’industrie privée à l’administration des postes pour le service des dépêches dans le Levant, etc. Plusieurs de ces questions ont été étudiées déjà dans ce recueil par les hommes les plus compétens ; nous voudrions en ce moment exposer quelques idées sur deux des plus pressantes, que nous croyons susceptibles de se résoudre l’une par l’autre, au profit du public et de l’état, au moyen d’une combinaison qui nous paraît reposer sur des argumens financiers décisifs, et que nous savons puissamment appuyée. Ces deux questions, dont on ne prévoit pas sans doute la connexité, sont celles que soulèvent d’un côté l’achèvement de la ligne de fer de Paris à Avignon, et de l’autre l’emprunt. Ces deux affaires ont ceci de commun, qu’elles se présentent toutes les deux, dans les propositions ministérielles, sous un jour défavorable. Nous ne nous associons point aux attaques violentes que l’opposition a dirigées contre le projet de concession du chemin de fer de Paris à Avignon soumis à l’assemblée par M. Lacrosse l’opposition n’a fourni d’ailleurs, suivant son habitude, aucune idée acceptable pour modifier ce projet ; mais il est évident, à première vue, que le gouvernement pouvait tout à la fois, en accordant moins à la compagnie qui a sollicité la concession, lui accorder mieux et exiger d’elle davantage. Quant au projet d’emprunt, il est évident que le gouvernement ne pourra emprunter en ce moment 200 millions qu’à des conditions fort dures L’affaire du chemin de fer et l’affaire de l’emprunt se rencontrent d’ailleurs en ceci, que, faisant toutes deux d’énormes appels aux capitalistes, elles se feraient concurrence et se nuiraient mutuellement sur le marché de l’argent. Cette considération n’est pas indifférente déns un moment où un emprunt autrichien et un emprunt piémontais vont peser sur le crédit européen. Serait-il possible de trouver une concession du chemin de fer de Paris à Avignon plus profitable à l’état que celle qui a été proposée ? Serait-il possible de procurer à l’état les 200 millions dont M. Passy a besoin à des conditions plus avantageuses que celles qu’on doit attendre dans les circonstances actuelles ? Voilà le problème que nous nous proposons. Nous croyons en avoir trouvé la solution dans une combinaison ingénieuse qui allierait ces deux opérations financières. Avant d’en présenter les détails, il faut examiner le projet actuel de concession du chemin de fer de Paris à Avignon et les chances de l’emprunt.

M. le ministre des travaux publics ne fait dans son projet qu’une seule et même affaire de la concession de la ligne de Lyon à Avignon, qui avait été l’objet, sous le dernier gouvernement, de deux adjudications distinctes, celle de Paris à Lyon et celle de Lyon à Avignon.

De tous les chemins de fer français, la ligne de Paris à Lyon sera celle qui aura eu la création la plus tourmentée. Nous demandons à en rappeler les vicissitudes La loi qui régla les conditions de l’adjudication est du 16 juillet 1845, l’adjudication eut lieu pour quarante et un ans le 21 décembre suivant. La compagnie soumissionnaire se constitua au capital de 200 millions divisé en 400,000 actions de 500 francs ; là commença la première période. L’ingénieur en chef, M. Jullien, ne tarda pas à signaler une erreur considérable dans les estimations des devis ; il indiqua le chiffre de 300 millions comme nécessaire pour pouvoir mener à fin les travaux. La compagnie apporta ses doléances aux chambres, qui, par la loi du 9 août 1847, consentirent à prolonger la concession d’une année par chaque somme de 1 million que la compagnie dépenserait en plus de son capital, sans que cependant la concession pût, en aucun cas, dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; ce fut la seconde période. La révolution de février est survenue ; à cette époque, la compagnie n’avait encore touché de ses actionnaires que 250 francs par action : au milieu des circonstances que l’on traversait, essayer d’encaisser le solde était une espérance chimérique. La compagnie fut mise en liquidation par la loi du 17 août 1848 ; qui autorisa le rachat du chemin par l’état, à la charge de donner à chaque porteur d’action un coupon de rente pour 5 pour 100 de 7 fr. 60 c., ce qui représentait au cours du jour 109 francs environ, de telle sorte que sur le versement effectué par chaque actionnaire, il a été subi une perte de 141 francs ; telle est la troisième période. Quant à la quatrième, elle a commencé le 8 août dernier, le jour où M. Lacrosse a déposé le nouveau projet du gouvernement.

Le tracé de ce chemin, qui, avant la concession, avait donné lieu, dans diverses sessions, aux plus ardentes discussions, fut fixé à travers les vallées de la Seine, de l’Yonne, de la Brenne et de l’Oze. Ses travaux ont été divisés en cinq sections.

La 1re, de Paris à Tonnerre, à une longueur de 197 kilomètres.
La 2e, de Tonnerre à Dijon : 118
La 3e, de Dijon à Chalon : 69
La 4e, de Chalon à Collonges, aux abords de Lyon : 120
La 5e, comprenant les abords et la traversée de Lyon : 11
En totalité : 515 kilomètres

Deux de ces sections, la première et la troisième, sont achevées ; la troisième, celle de Dijon à Chalon, est ouverte au public depuis le 1er mai dernier ; la première, celle de Paris à Tonnerre, est aussi en exploitation, mais depuis le 12 août seulement. Elles sont jusqu’à présent administrées au nom et pour compte de l’état, sous la direction de M. Jullien. Sur la seconde section, de Tonnerre à Dijon, les travaux n’ont acquis d’activité que depuis les premiers mois de l’année ; ils seront terminés sur la fin de 1850. L’ouvrage d’art le plus important, le souterrain de Blaisy, qui a 4,100 mètres environ de longueur, est, à peu de chose près, achevé. Les travaux des quatrième et cinquième sections ne sont, pour ainsi dire, pas encore entamés ; ce qui a été entrepris ne consiste qu’en des terrassemens exécutés à Lyon, par les ouvriers des ateliers nationaux, pendant les mauvais jours de l’an dernier. Enfin la gare à Paris, qui est placée au boulevard Mazas, après le faubourg Saint-Antoine, aura un développement de 220 mètres de longueur sur 80 de largeur ; ce sera un beau bâtiment, qui est du reste en rapide voie d’exécution.

Quant à la dépense effectuée, nous venons de dire que les actionnaires avaient déjà versé, à l’époque du rachat par l’état, 200 francs par action, c’est-à-dire sur les 400,000 actions une somme de 400 millions ; à ce chiffre il faut joindre les sommes votées depuis par les chambres pour poursuivre les travaux, c’est-à-dire 20 millions l’an dernier, 34 millions cette année-ci, ce qui fait qu’à la fin de l’exercice 1849 la dépense effective s’élèvera à 154 millions ; mais comme l’état a racheté les 100 millions versés par les actionnaires sur le pied d’une rente de 7 francs 60 centimes par action, ce rachat ne représente pour lui qu’une dépense réelle de 44 millions, d’où il résulte que les débours effectués sur cette ligne, quoique étant bien de 154 millions, ne lui reviennent qu’à 98 millions.

La ligne de Lyon à Avignon, pour avoir subi moins de fortunes diverses que celle de Paris à Lyon, n’a pas été plus heureuse. La loi qui régla les conditions de l’adjudication est du 16 juillet 1845 ; l’adjudication eut lieu le 10 juin 1 846, pour quarante-sept ans. La compagnie soumissionnaire s’est constituée au capital de 150 millions divisé en 300 actions de 500 francs. Ces actions, que l’agiotage effréné de l’époque avait poussées, même avant l’obtention de la concession, jusqu’à 750 francs environ, tombèrent bientôt après au-dessous du pair avec la même rapidité et sans plus de raison, si bien qu’il devint indispensable, après des scandales de triste mémoire, de proclamer la dissolution de la société, qui fuit prononcée à Lyon en assemblée générale le 11 octobre 1847. Cette ligne, pour ainsi dire, est morte en naissant ; les études seules en ont été ébauchées, mais ni travaux ni dépenses n’y ont été effectués. Le gouvernement a seulement confisqué le cautionnement de la compagnie, qui s’élevait à 10 millions, comme il a confisqué depuis ceux des compagnies de Cette à Bordeaux, de 11 millions, et de Fampoux à Hazebrouck, de 1,500,00 fr.

Mais revenons au projet de loi que le ministre des travaux publics à présenté le 8 août dernier, après s’en être entendu avec la compagnie soumissionnaire. M. Lacrosse propose de concéder le chemin de Paris à Avignon aux conditions suivantes : abandon par l’état des 154 millions, dépensés jusqu’à ce jour ; — abandon par l’état des revenus produits par les deux sections du chemin qui sont déjà en exploitation ; — traversée de Lyon, évaluée 24 millions, laissée à la charge de l’état ; — subvention en argent de 15 millions et demi accordée par l’état ; — garantie par l’état d’un minimum d’intérêt de 5 pour 100 sur le capital de la société s’élevant à 240 millions, soit 12 millions ; — concession de quatre-vingt-dix-neuf amis ; — enfin, abandon à la compagnie de tous les produits du chemin jusqu’à 8 pour 100 net ; au-dessus de 8 pour 100, partage entre la compagnie et l’état. — Voilà certes bien des avantages accumulés.

De son côté, la compagnie soumissionnaire s’est formée, il faut le dire, suivant les anciens erremens, absolument comme si la crise des chemins de fer et la révolution n’avaient modifié ni les conditions du crédit public, ni l’autorité des influences : la compagnie, qui a à sa tête les noms les plus honorables, MM. Ernest André, Isaac Pereire, Tarbé des Sablons, etc., ne s’est pas suffisamment prémunie, nous le craignons, contre la défiance que nos épreuves récentes ont dû laisser dans le public. Elle se fait illusion, à notre avis, lorsqu’elle affirme au ministre qu’elle est en position d’accepter les conditions de son cahier des charges.

Elle a arrêté les bases d’une combinaison financière au moyen de laquelle elle a présumé pouvoir réunir un capital de 240 millions. Nous reprocherons avant tout à cette combinaison la complication de ses rouages. La compagnie a oublié que la simplicité et la clarté de la conception sont le signe et la garantie des grandes et solides affaires. En effet, elle s’est figuré qu’elle réunirait plus aisément ces 240 millions, si elle les divisait en actions et en obligations ; elle a donc annoncé qu’elle ferait appel au public de 100 millions à titre de capital réel divisé en actions, et de 140 millions à titre d’emprunt représenté par des obligations, les titres de ces actions et de ces obligations devant être les uns et les autres de 500 francs. Voici quel est le projet de la compagnie : elle veut négocier ces obligations de 500 francs sur le pied de 355, en accordant même pour une partie du versement un terme qui réduirait le déboursé à 352 francs 50 centimes ; chaque obligation jouirait d’un intérêt de 4 pour 100 sur le prix nominal, c’est-à-dire d’un revenu de 20 francs, mais ces 4 pour 100 représenteraient sur le déboursé réel un intérêt effectif de 5 fr. 70 cent. De plus, les obligations étant payées par séries, chaque porteur aurait la chance d’être remboursé dans un bref délai, à raison de 500 francs, d’une action qu’il n’aurait payée que 352 fr. 50 cent. Et comme si toutes ces séductions ne suffisaient pas, la compagnie admettrait en paiement de ces obligations, dans la proportion que nous allons indiquer, les éventualités des actions de Lyon à Avignon, de Cette à Bordeaux, de Fampoux à Hazebrouck, qui proviennent des cautionnemens confisqués de ces diverses compagnies. Ces éventualités représentent un reliquat à toucher pour les Lyon de 35 francs 33 centimes, pour les Cette de 39 francs 90 centimes, pour les Fampoux de 52 francs 84 centimes. La compagnie exigeant qu’on ne souscrive pas d’obligations en plus petit nombre que 5, ce qui à raison de 352 francs 50 centimes, fait un chiffre de 1,410 francs, recevrait en paiement, pour chaque souscription de 4 obligations, soit 7 éventualités de Lyon valant 247 francs 35 centimes, soit 6 éventualités de Cette valant 239 francs 40 centimes, soit 5 éventualités de Fampoux valant 264 francs 20 centimes, de telle sorte qu’en définitive, tout en recevant 4 obligations nominatives représentant ensemble 2,000 francs, le propriétaire des éventualités de Lyon ne débourserait en argent réel que 1,162 francs 65 centimes, le propriétaire des éventualités de Cette que 1,170 francs 60 centimes, le propriétaire des éventualités de Fampoux que 1,145 francs 80 centimes. Cette combinaison, que nous voudrions avoir rendue saisissable, oblige donc la compagnie à négocier environ 400 mille obligations de 500 francs, pour obtenir, à raison de 352 francs 50 centimes, une somme de 141 millions. Si nous ajoutons 141 millions la subvention en argent de 15 millions 500 mille francs accordée par l’état, la compagnie aura 156 millions 500 mille francs ; mais, si nous en déduisons le montant des éventualités dont nous venons de parler, qui seront admises en compensation de versement, éventualités qui s’élèvent à 22 millions 500 mille francs, nous verrons que le solde en argent produit par la négociation de ces 400 mille obligations ne s’élèvera plus qu’à 134 millions, qui, réunis aux 100 millions produits par les actions, formeront le chiffre de 234 millions. Une dernière observation reste à faire à propos de ces obligations, c’est que le service de l’intérêt à 4 pour 100 absorbera 8 millions sur le minimum de 12 millions garantis par l’état.

Quant aux 100 millions qui formeront le capital réel de la compagnie, et qui seront représentés par deux cent mille actions de 500 francs, rien n’en vient compliquer le mécanisme ; puisque sur les 12 millions d’intérêt garantis par l’état ; 8 millions seulement seront affectés aux obligations, 4 millions resteront pour servir l’intérêt de ces actions : ce sera un premier agio de 4 pour 100 ; mais tous les bénéfices, au lieu de se répartir sur un capital général de 240 millions se concentrant sur le capital réduit à 100 millions, il arrivera que si le chemin rend effectivement 8 pour 100 sur 240 millions, les actions formant les 100 millions auront un intérêt équivalent à 11 ou 12 pour 100. Quelle attrayant perspective pour les émotions de la Bourse ! — En vérité, c’est un art merveilleux, après avoir offert de si belles conditions aux preneurs d’obligations, que d’avoir tenu en réserve, pour les actionnaires, des chances si magnifiques. Malheureusement il y a un revers à la médaille.

Maintenant que le projet de M. Lacrosse et celui de la compagnie soumissionnaire nous sont connus, nous pouvons aller plus avant dans notre sujet ; mais d’abord nous devons féliciter le ministre d’avoir tranché les principales questions que soulèvera le projet de loi. Le projet établit en effet : 1o la nécessité de l’achèvement immédiat de la ligne de Paris à Avignon ; 2o l’impossibilité que nulle part les fleuves puissent suppléer à la voie ferrée ; 3o la préférence à accorder à l’industrie privée sur l’état. Le ministre des travaux publics, après avoir si bien compris les grandes conditions de cette concession, en a-t-il aussi heureusement réglé les détails ? Nous ne le pensons pas ; mais la critique que nous avons à faire de cette partie de son projet ne s’appuiera point sur les considérations malveillantes que nous avons déjà entendu développer. Notre puritanisme n’est nullement effarouché des avantages faits à la compagnie, depuis la tourmente de février, aucune œuvre considérable n’a été entreprise ; le gouvernement ne saurait donc trop veiller à ce qu’un échec ne réponde pas à ce premier essai Il faut à tout prix faire revivre l’esprit d’association, remettre en crédit les chemins, rendre du nerf et de la souplesse au corps industriel ; l’état doit accorder beaucoup, parce qu’il récoltera plus qu’il n’aura semé.

Nous faisons donc deux parts dans les conditions accordées par le ministre : il y en a qui sont justes et habiles ; il y en a qui nous paraissent peu réfléchies et malheureuses. Ce qu’on doit approuver, c’est l’abandon des 154 millions de travaux, c’est l’abandon des revenus des tronçons déjà exploités, c’est le principe du minimum d’intérêt, c’est l’abandon fait à la compagnie de tous les bénéfices jusqu’à 8 pour 100, c’est la concession pour quatre-vingt-dix-neuf ans ; mais nous sommes forcés de donner une aussi large place à la critique. Nous blâmons, le gouvernement pour ces lignes que nous lisons dans l’exposé des motifs : « Enfin, et pour faciliter la réunion des capitaux nécessaires à son entreprise, elle nous a demandé une subvention en argent de 15,500,000 francs Cette somme serait offerte, à titre de prime, aux actionnaires des anciennes compagnies de Bordeaux à Cette, de Fampoux à Hazebrouck, et de Lyon à Avignon, qui voudraient prendre part à l’opération, et qui pourraient, par ce moyen, rentrer en partie dans les sommes qui composaient les cautionnemens de ces compagnies, cautionnemens dont le trésor a été mis en possession. » Cette subvention en argent était inutile en elle-même. En recourant à l’industrie prive, l’état avait voulu éviter d’aggraver ses charges. Si le gouvernement cédait à un sentiment équitable en restituant les cautionnemens confisqués des compagnies qui ont été coupables plus par son fait que par le leur, nous l’en approuvons ; mais alors ce n’était pas une fraction des cautionnemens, 15,500,000 francs, c’étaient les cautionnemens entiers, 22,500,000 francs, qu’il fallait rembourser. S’il s’agit d’une réparation, elle ne peut être ni incomplète ni faite par d’autres mains que celles de l’état. C’est une question de dignité ; en pareil cas, le gouvernement ne peut avoir ni intermédiaire ni tuteur. Nous blâmons le gouvernement, parce qu’en consentant à cette subvention, il a involontairement fait appel aux passions de la Bourse. Que s’est-il passé en effet depuis que la destination de la subvention, considérée comme indemnité des cautionnemens confisqués, a été connue ? Les éventualités, qui se traînaient à vil prix sur le marché, ont été accaparées : elles sont accumulées aujourd’hui en quelques mains qui ne peuvent réaliser les bénéfices de leurs spéculations qu’en souscrivant à la compagnie un nombre proportionné d’obligations ; ces hommes-là ne figureront dans l’affaire que pour faire admettre en compensation et au pair leurs éventualités ; l’opération une fois réalisée, ils provoqueront la hausse, feront leur butin et ne laisseront au public honnête et sérieux, mais abusé, que les mauvaises chances de la spéculation.

Nous reprochons au gouvernement d’avoir permis que la compagnie divisât son capital en actions et en obligations. Nous avons vu que le mécanisme des obligations créait une opération attrayante ; mais c’est une opération arbitraire. Admettre en effet qu’on ne peut pas souscrire des obligations sans être propriétaire d’éventualités, c’est d’un côté exclure le public, et le forcer de l’autre d’aller à la Bourse acheter ces éventualités. Dire aux porteurs de telles éventualités : Vous paierez tant, et aux porteurs de telles autres : Vous ne paierez que tant, c’est consacrer une inégalité que rien ne justifie. Quant aux actions, nous avons dit qu’en cas de réussite, elles peuvent obtenir jusqu’à 11 ou 12 pour 100 d’intérêt ; mais, en cas d’insuccès, la déroute sera aussi vive, car la perte, au lieu de se répartir sur 240 millions, se concentrera sur 100 millions. Observez que ce capital de 100 millions aura à faire face à l’amortissement, non plus de 240 millions, mais bien de 300 millions, car les obligations négociées à 352 francs 50 centimes n’en sont pas moins de 500 francs : c’est déjà une surcharge, pour le capital, de 60 millions. Une moins value de 20 pour 100 dans l’affaire générale se traduira par une moins value sur les actions de 50 pour 100 ; dans les jours prospères, ces actions auront en elles une vitalité qui en fera nécessairement exagérer la valeur, tout comme dans les crises la dépréciation sera sans bornes. Cette combinaison enfin n’est pas acceptable, parce que l’intention du gouvernement a été de traiter avec une compagnie à la tête d’un capital réel de 240 millions et non pas de 100 millions, seulement. Avec un capital de 240 millions, la propriété du chemin de fer est un immeuble vierge : s’il a besoin d’un emprunt, il est facile à réaliser ; avec un capital de 100 millions, l’immeuble est immédiatement grevé de 200 millions d’obligations, toute hypothèque nouvelle est impossible, le moindre embarras est une crise fatale : doit-on s’y exposer ?

Nous adressons un dernier blâme au gouvernement : après les sacrifices qu’il s’impose, il ne doit pas garder à sa charge la traversée de Lyon ; il nous semble peu équitable que la compagnon, qu’on traite magnifiquement, répudie la seule partie du chemin qui soit sujette à quelque mécompte ; elle a tous les avantages de l’affaire, qu’elle en subisse cet inconvénient.

Nous reprochons à son tour à la compagnie d’être restée dans un vague où échoueront ses efforts. Dan sa combinaison, le minimum d’intérêt n’est plus une garantie suffisante. L’état accorde un maximum de 12 millions, sur quoi ? Sur le chiffre hypothétique de 240 millions auquel on évalue la dépense de la construction ; mais est-on sûr de l’exactitude de cette évaluation ? En admettant que pour la ligne de Paris à Lyon les études de M. Jullien ne permettent plus la controverse, quelle opinion arrêtée peut-on avoir sur le tronçon de Lyon à Avignon ? Si le chemin venait à coûter 300 millions, les 12 millions ne représenteraient plus qu’un intérêt de 4 pour 100. Or, à 5 pour 100, les capitaux sont déjà rebelles.

En résumé donc, si nous jugeons la concession proposée par le ministre des travaux publics au point de vue de l’état, elle est onéreuse en ce qu’elle impute à l’état une dépense indéterminée et non justifiée, la traversée de Lyon ; elle est arbitraire en ce qu’elle rembourse une partie des cautionnemens confisqués aux actionnaires de compagnies dissoutes et leur crée un privilège dans la concession nouvelle ; elle est imprudente en ce qu’elle offre avec ce remboursement qui sert de pivot aux combinaisons financières de la compagnie, une tentation au jeu de bourse. Si nous la jugeons au point de vue de la compagnie elle est incertaine en ce que, le chiffre de la dépense ne pouvant se fixer avec précision, la garantie fixe de 12 millions ne couvre pas suffisamment les actionnaires. Pour que les bases de la combinaison financière fussent solides, il faudrait l’une de ces deux choses, ou bien que le gouvernement garantît un intérêt effectif de 5 pour 100 sur le capital dépensé, ou bien qu’une compagnie capable et bien cautionnée fit ce chemin à forfait, pour un prix déterminé, à ses risques et périls.

Nous arrivons à la question de l’emprunt. Le ministre des finances dans son discours du 3 août dernier, n’a pas dissimulé qu’il était déjà en face d’un déficit de 550 millions, sans préjudice de l’avenir, et qu’il ne pouvait prudemment pas demander plus de 350 millions à la dette flottante, et il a proposé un emprunt de 200 millions. Comment cet emprunt se fera-t-il ? On l’ignore ; M. Passy n’a pas eu, depuis lors, occasion de faire connaître officiellement sa pensée, ce qui est certain, c’est qu’après les réquisitions révolutionnaires que la Banque a subies, cet établissement ne pourrait accroître ses avances à l’état sans se laisser absorber par lui, sans perdre son indépendance, sans confondre son crédit avec le crédit de l’état. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a rien de plus à demander aux bons du trésor, c’est que le public ne veut que des bons à courte échéance, et que, malgré la différence d’intérêt, il préfère les bons à trois mois, donnant 4 pour 100, aux bons, à six mois, qui rapportent 6. Il faut donc emprunter en rente mais un emprunt pareil, présente en ce moment de graves inconvéniens. D’abord, comme nous l’avons dit plus haut ! il a le tort de se produire sur le marché à peu près en même temps que l’affaire du chemin de fer de Paris à Avignon, et par conséquent de mettre la place sous le coup de deux appels de fonds simultanés. Il grève le grand-livre de 11,750,000 francs de rente environ, si on l’émet en 5 pour 100. Ce malheureux grand-livre, déjà surchargé de 70 millions de rente depuis la révolution de février ne pourrait-il pas rester quelque temps fermé ? — Il ne fait obtenir de l’argent à l’état que sur le pied de 5 trois quarts à 6 pour 100 ; car, tout calculé, nous craignons qu’un emprunt ne puisse pas se conclure à mieux de 84 à 85 francs. Enfin il met le trésor sous le coup d’une perte de 35 à 40 millions le jour où l’on voudra soit rembourser soit amortir.

Voilà donc l’état entre l’obligation d’emprunter 200 millions et les inconvéniens de cet emprunt en rentes ; cette position est délicate et périlleuse. La difficulté peut-elle être tournée avec succès ? Nous le croyons.

Qu’on nous permette d’abord d’exposer quelques idées préliminaires sur les bases financières, la construction et l’exploitation des chemins de fer. Une des principales causes du mauvais succès de la plupart des affaires de chemin de fer vient de ce qu’on n’a pas su séparer les trois parties, les trois élémens, les trois fonctions, les trois responsabilités qui concourent à ces sortes d’affaires organisation financière, construction, exploitation. En donnant l’impulsion au mouvement des chemins de fer, on a confondu jusqu’ici ces trois spécialités. On a composé presque exclusivement de banquiers les conseils d’administration. On a fait sortir le financier de sa sphère, on lui a attribué la responsabilité de l’ingénieur et l’industrie de l’entrepreneur de transports. La conséquence a été que les études qui ont précédé l’exécution des lignes n’ont pas été faites avec assez de connaissances pratiques ou d’ardeur intéressée Les membres des conseils d’administration ont eu beau se faire seconder par des ingénieurs habiles et honorables, obligés à leur tour de s’entendre avec le gouvernement et les ponts et chaussées ; ils ont dû se soumettre à passer sous les fourches caudines de toutes ces diverses volontés. Voyez-vous des banquiers luttant autour d’une table ronde sur des questions de tunnels, d’aqueducs, etc. ! Dans de pareils débats, ils étaient destinés à approuver sans cesse la décision d’autrui ; entre la main qui construisait et la main qui payait, il n’y avait aucune relation d’intérêt. Si l’ingénieur faisait des fautes, s’il pensait plus à l’intérêt de sa réputation, qui commandait le luxe, qu’à l’intérêt de la compagnie, qui commandait l’économie, c’était la compagnie qui en faisait les frais. Dans ce mode de direction, les lois du bon sens semblent à plaisir avoir été foulées aux pieds. Nous ne croyons pas que la nécessité d’une réforme sur ce point puisse être contestée. Nous voyons dans une affaire de chemin de fer une question de construction, une question d’exploitation, une question d’argent ; aux ingénieurs, la construction ; aux entrepreneurs des messageries, des bateaux, du roulage, l’exploitation ; aux hommes de finance, la commandite ; à chacun, sa fonction et sa responsabilité. Quand les ingénieurs construiront les chemins à leurs risques et périls, ils coûteront moins cher. Quand les entrepreneurs exploiteront, ils seront plus habiles à provoquer la recette, et leurs plaintes sur le déplacement de leur industrie deviendront sans objet. Quand les hommes d’argent ne seront plus que de simples commanditaires, placés entre le chiffre connu de la dépense et le chiffre connu de la recette, vous aurez débarrassé le pays de la lèpre de l’agiotage, vous aurez créé sur le marché la véritable valeur industrielle.

Nous croyons donc qu’à l’avenir, c’est par le forfait qu’on doit procéder pour la construction et l’exploitation des lignes de fer. Le forfait est une idée qui a eu bien de la peine à s’acclimater chez nous ; cependant elle y a fait quelque chemin. Le forfait, c’est la simplification, c’est le connu, tandis que jusqu’à présent les hommes de bourse ont cherché les idées complexes, le vague, presque l’inconnu. Dira-t-on que le forfait n’offre pas une garantie suffisante ? La logique répond que, quand on est en présence d’hommes qui ont l’honneur de leur nom, leur réputation d’habileté, leur cautionnement, leur fortune à défendre, on a déjà bien des garanties, et que si, par hasard, ces hommes succombent à la peine, ce ne seront pas des circonstances vulgaires qui auront entraîné leur chute. : Choisissez des forfaiteurs capables et honorables, exigez un cautionnement, et lors même qu’ils ne pourraient pas mener à bonne fin leur œuvre, la compagnie n’y aurait rien perdu. Dira-t-on que les travaux seront moins bien faits ? Le bon sens répond encore que le cahier des charges et les formalités consenties s’y opposent, que ce n’est qu’après la réception des travaux que les paiemens sont effectués. Dira-t-on qu’on ne trouvera pas de forfaiteurs ? Le ministre des travaux publics, en fouillant ses cartons, répondrait pour nous.

Ces principes admis, l’affaire du chemin de fer de Paris à Avignon doit, suivant nous, être concédée à une compagnie financière réunissant un capital de 260 millions et non 240, parce qu’il faut que la traversée de Lyon fasse, dans l’intérêt de l’état, partie de la concession. Cette compagnie doit s’appuyer sur deux sociétés de forfaiteurs, l’une devant se charger de la construction du chemin, l’autre de son exploitation. Les forfaiteurs qui se chargeront de la construction du chemin devront s’obliger à l’exécuter sur les plans et devis et dans les délais acceptés par la compagnie ; comme garantie, ils devront déposer un cautionnement de 15 millions ; nous présumons que les forfaiteurs pourraient se charger de cette construction pour 250 millions. Les forfaiteurs qui se chargeront de l’exploitation se soumettront à tous les tarifs acceptés par la compagnie, ils devront déposer un cautionnement de 4 millions ; nous croyons qu’ils pourraient affermer le chemin pour quinze ou vingt ans à raison de 17 millions par an.

Il serait à désirer que le gouvernement traitât lui-même avec les forfaiteurs chargés de la construction du chemin, et que la compagnie traitât avec les forfaiteurs chargés de l’exploitation : par le seul fait qu’il s’agit d’une idée neuve ou du moins appliquée pour la première fois à une grande opération, il serait bon que le gouvernement en fit son affaire personnelle. Nous demanderions encore à l’état, comme condition essentielle et indispensable, de payer l’intérêt de 5 pour 100 sur le capital effectivement déboursé par la compagnie, soit, que le forfait fût garanti par lui ou par elle. Si c’est lui qui le garantit, avant que cette garantie eût son effet, il faudrait que les forfaiteurs eussent succombé ; si c’est la compagnie, la garantie ne serait effective que si les forfaiteurs et la compagnie succombaient également. Or peut-on admettre cette supposition ? Dans ces conditions, une compagnie réunira véritablement ses capitaux ; elle n’offrira plus un minimum probable de 5 pour 100 d’intérêt ; elle offrira d’une main un minimum certain de 5 pour 100, et de l’autre son contrat avec les forfaiteurs de l’exploitation, qui élèvera ce chiffre à 6 un quart ou 6 et demi pour 100. Or, la rente ne rendant que 5 trois quarts, on pourra préférer une valeur industrielle si solidement garantie. La compagnie n’aurait que des actionnaires et serait affranchie de toute cette complication bâtarde d’obligations entées sur des actions. Cette combinaison évite à l’état, en présence du déficit, le déboursé de 15,500,000 francs qu’il donnait comme subvention et qu’il gardera pour en faire le remboursement le jour où il aura besoin d’un attrait pour une affaire plus difficile à réaliser que celle de Paris à Avignon. Elle évite encore à l’état le déboursé de 24,000,000 pour la traversée de Lyon en admettant que cette évaluation ne fût pas dépassée.

Mais ce n’est point à une économie de 39 millions que se borneraient les avantages de la combinaison qui nous occupe. Nous voudrions encore que la compagnie financière se charge de suppléer à l’emprunt de l’état. Elle le pourrait en effet sans inconvénient pour elle-même. Une simple condition dans l’appel de ses actions lui en fournirait les moyens. Elle n’aurait qu’à déclarer le montant de ses actions de 500 francs exigible, 100 francs en souscrivant, et le solde de 400 francs en huit paiemens de 50 francs chacun, exigibles de mois en mois depuis le 1er avril prochain jusqu’au 1er décembre inclusivement. Faute d’emplois, l’argent est si abondant, que de pareils versemens ne seraient pas trop rapprochés. Ce qui s’est passé lors du dernier, emprunt du gouvernement en est une garantie : chacun voulait anticiper ses versemens ; l’empressement fut tel que deux fois le trésor dut fermer son guichet. Le public pourra hésiter à prendre une action ; mais, l’action une fois prise, il aura hâte d’en acquitter le montant. On suppose bien d’ailleurs que l’état empruntant trouverait l’argent à ces échéances ; comment la compagnie aurait-elle plus de difficulté à l’encaisser, ses actions offrant un plus grand attrait que la rente ? Eh bien ! sur son capital de 260 millions réalisé, la compagnie pourrait verser entre les mains de l’état, contre bons du trésor, 200 millions, remboursables par quart du 1er juillet 1851 au 1er décembre 1854. La compagnie garderait 60 millions pour les travaux des dix-huit premiers mois, et se servirait, pour le paiement des travaux suivans, des bons du trésor s’échelonnant en échéances successives, bons que les forfaiteurs s’engageraient à accepter au pair.

Cette combinaison ne nuirait pas à la compagnie ; au contraire, elle la dégagerait de la concurrence que pourrait lui faire l’état en cherchant son emprunt. Quant au gouvernement, les avantages considérables qu’elle lui offrirait sautent aux yeux. Elle lui épargnerait l’inconvénient d’écraser le marché d’une nouvelle demande de 200 millions ; elle lui permettrait de ne point surcharger le grand-livre ; elle lui procurerait de l’argent à 5, au lieu de 5 trois quarts ou 6 pour 100 ; elle lui épargnerait une perte de 35 millions le jour où l’on voudrait rembourser ou amortir. On objectera, nous le savons que cette combinaison ne fait pas faire l’emprunt, qu’elle augmente les bons du trésor, qu’elle ajourne la difficulté, au lieu de la résoudre. La réponse est facile. L’augmentation des bons du trésor n’est pas un danger, puisqu’ils seraient reculés à de telles échéances, qu’ils ne sauraient donner d’inquiétude. Quant à l’ajournement de la difficulté, qui pourrait ne pas le regarder aujourd’hui comme un bénéfice assuré ? Un répit de trois ans peut-être, n’est-ce rien, quand le présent sort à peine d’une longue prostration, et que l’avenir, dans la situation où nous sommes, ne saurait nous apporter que des améliorations ? N’est-ce rien que d’avoir le temps de se préparer des ressources ? N’est-ce rien que de se réserver la faculté de profiter de la reprise des affaires et de la hausse de notre crédit public ? N’est-ce rien que de conserver la chance de faire l’emprunt au pair dans un temps plus heureux ?

Cette combinaison nous parait donc concilier, dans la double question du chemin de fer de Paris à Avignon et de l’emprunt, l’intérêt de l’industrie honnête et l’intérêt de l’état, l’intérêt moral et financier. Nous savons que les élémens nécessaires à la réalisation de ce projet sur les bases qui viennent d’être exposées sont déjà réunis ; nous sommes sûrs qu’une telle idée ne peut trouver qu’un accueil favorable auprès du monde financier, du ministère et de l’assemblée nationale.