Le Chien de berger (Pierre Dupont)

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 242-243).
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LE CHIEN DE BERGER


J’aime mon chien, un bon gardien,
Qui mange peu, travaille bien,
Plus fin que le garde champêtre ;
Quand mes moutons je mène paitre,
Du loup je ne redoute rien,
Avec mon chien, mon bon gardien,
          Finaud, mon chien !

Toujours crotté, sans goût ni grâce,
Finaud n’est pas trop déplaisant,
Il a la queue en cor de chasse,
Les yeux brillants du ver luisant ;
Ses crocs sont prêts, son poil de chèvre
Se dresse dru comme des clous,
Dès qu’il sent la trace du lièvre,
Dès qu’il sent la trace des loups.
J’aime mon chien, etc.

Il entend la brebis qui bêle,
Au loin il court la rallier ;
Il joue avec la blanche agnèle,
Il lutte avec le vieux bélier ;

Quand je siffle ou quand je fais signe,
Il se donne du mouvement,
Comme un sergent qui range en ligne
Les conscrits de son régiment.
J’aime mon chien, etc.

Depuis dix ans à mon service,
Finaud est bon, il est très bon ;
Je ne lui connais pas de vice,
Il ne prend ni lard ni jambon ;
Il ne touche pas au fromage,
Non plus qu’au lait de mes brebis ;
Il ne dépense à mon ménage
Que de l’eau claire et du pain bis.
J’aime mon chien, etc.

Un jour, près d’une fondrière,
Jeanne, en conduisant son troupeau,
Dégringola dans la rivière ;
Finaud la repêcha dans l’eau.
Et moi j’aurai la récompense,
Jeanne me prend pour épouseur.
C’est tout de même vrai, j’y pense,
Que les chiens n’ont pas de bonheur !
J’aime mon chien, etc.

Pierre Dupont.