Le Chien de cour

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Poésies complètes
Lemerre (2p. 165).


LE CHIEN DE COUR


Tondu, pelé, galeux, sans paille dans sa niche,
L’hiver, il reste au fond de sa maison de bois
Et, quand il ne pleut pas, par les jours les plus froids,
Comme un sphinx de granit, gelé sur sa corniche,

Il s’assied à sa porte, il grelotte, il pleurniche,
Piaille, allonge son muffle et souffle sur ses doigts.
Il est plus vaniteux que le fils de vingt rois
Et pourtant nul ne sait s’il est dogue ou caniche.

Il jette aux mendiants un cri rauque et jaloux,
Suit d’un regard sournois les grands bœufs au poil roux
Et quand son maître passe, il flaire et le regarde.

Je crois que de sa charge il tire vanité
Et, souvent, par les nuits sereines de l’été,
Il aboie à la lune et dit : C’est moi qui garde.

(1863).