Le Coffret de santal (éd. 1879)/Scherzo
SCHERZO
Sourires, fleurs, baisers, essences,
Après de si fades ennuis,
Après de si ternes absences,
Parfumez le vent de mes nuits !
Illuminez ma fantaisie,
Jonchez mon chemin idéal,
Et versez-moi votre ambroisie,
Longs regards, lys, lèvres, santal !
Car j’ignore l’amour caduque
Et le dessillement des yeux,
Puisqu’encor sur ta blanche nuque
L’or flamboie en flocons soyeux.
Et cependant, ma fière amie,
Il y a longtemps, n’est-ce pas ?
Qu’un matin tu t’es endormie,
Lasse d’amour, entre mes bras.
Ce ne sont pas choses charnelles
Qui font ton attrait non pareil,
Qui conservent à tes prunelles
Ces mêmes rayons de soleil.
Car les choses charnelles meurent,
Ou se fanent à l’air réel,
Mais toujours tes beautés demeurent
Dans leur nimbe immatériel.
Ce n’est plus l’heure des tendresses
Jalouses, ni des faux serments.
Ne me dis rien de mes maîtresses,
Je ne compte pas tes amants.
À toi, comète vagabonde
Souvent attardée en chemin,
Laissant ta chevelure blonde
Flotter dans l’éther surhumain,
Qu’importent quelques astres pâles
Au ciel troublé de ma raison,
Quand tu viens à longs intervalles
Envelopper mon horizon ?
Je ne veux pas savoir quels pôles
Ta folle orbite a dépassés,
Tends-moi tes seins et tes épaules ;
Que je les baise, c’est assez.