Le Collectivisme, Tome I/Préface
Le Collectivisme.
Aussi longtemps que les écoles socialistes sont demeurées plus spécialement critiques et théoriques, il a été de bon ton de professer pour elles un dédain inéquivoque ou de leur témoigner une sympathie toute platonique et toute littéraire.
Depuis plusieurs décades la situation s’est brusquement modifiée : le dédain s’est transformé en hostilité, la sympathie s’est transmuée en crainte. C’est que les écoles socialistes ont fait place à un parti socialiste international ; c’est que les critiques et les théories se sont cristallisées en un programme précis et net de réformes immédiates et profondes.
Un mot nouveau a été adopté qui résume admirablement la tendance de ce parti et la portée de ce programme : le collectivisme.
De plus aptes et de plus habiles que nous ont essayé de définir ce mot, pour le combattre ou pour l’exalter. Nous estimons que c’est un de ces mots dont il est difficile et périlleux de vouloir enfermer le sens en une phrase. Le collectivisme, comme du reste l’individualisme qui lui est opposé, s’expliquent, mais ne se définissent pas.
C’est cette explication que nous nous efforcerons de donner du collectivisme, bien persuadés qu’elle ne sera jamais ni complète, ni épuisée. Le collectivisme, en effet, enveloppe la vie sociale toute entière : il est intégral, suivant une expression consacrée, et il est malaisé, pour celui qui a reconnu et senti en quelque sorte la vérité du principe collectiviste, de ne pas relever ou souhaiter son ingérence dans les moindres phénomènes de l’évolution des sociétés de haute culture.