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Le Collier des jours/Chapitre LIV

La bibliothèque libre.
Félix Juven, Éditeur (p. 225-226).




LIV




Les jours passèrent, monotones, prévus et réglés à l’avance, coupés seulement par quelques visites des tantes, qui m’apportaient des nonnettes de Tours, ou du chocolat.

Je me maintenais facilement à la première place de ma classe et j’avais toujours Catherine en face de moi. J’étudiais assez bien, mais capricieusement et seulement les choses qui m’intéressaient. Je m’étais passionnée pour un petit livre de classe, cartonné en beurre frais, intitulé : Connaissances utiles, qui contenait des éléments de géologie, d’astronomie et de physique. Au lieu d’apprendre la leçon donnée, je l’avais lu, tout de suite, d’un bout à l’autre, puis relu, et bientôt su par cœur. J’en aurais voulu un gros et plus détaillé, mais ce n’était pas le moment, me répondit-on, et je dus perdre mon temps à ne pas apprendre le calcul et la géographie, que j’avais spécialement en grippe.

Le jour de la sainte Catherine, il y avait fête au couvent. On m’amena ma sœur, afin qu’elle passât la journée avec moi et restât jusqu’au lendemain, pour profiter de ces réjouissances. Mais elle se trouva complètement dépaysée et effarée, au milieu de tous ces voiles noirs, de cette foule d’enfants criant et jacassant ; elle ne me laissait pas m’éloigner d’un pas et se cramponnait à moi avec une peur extrême d’être abandonnée et de se perdre dans cette cohue.

On avait permis à Catherine, pour qui c’était doublement fête, de revêtir ce jour-là son beau costume national, cramoisi et or, qui la faisait si belle. Moins timide maintenant, elle le portait avec plus de grâce, mais c’était en novembre, et elle grelottait un peu. Les réjouissances consistaient surtout à faire tout ce que l’on voulait, à se promener partout et à manger une quantité de gâteaux invraisemblable. Il y en avait à profusion, à discrétion et on ne mangeait rien autre de toute la journée.

Quelques indigestions monstres attristèrent les lendemains !