Le Combat des Montagnes/Préface

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PRÉFACE

Les parodies et les pièces de circonstances sont essentiellement du domaine du vaudeville. Par malheur elles survivent rarement à l’à-propos qui les a fait naître, et de toutes les pièces, beaucoup trop nombreuses, que j’ai composées en ce genre, je n’admets dans ce recueil que le Combat des Montagnes, non parce qu’elle est bonne, mais parce que autrefois elle a fait beaucoup de bruit, et qu’auprès de bien des gens, le bruit tient lieu de mérite. Voici à quelle occasion cet ouvrage fut donné.

À la fin de 1816, on avait établi à la barrière des Thermes un amusement fort connu à Saint-Pétersbourg et tout nouveau pour les Parisiens. C’était des montagnes en bois que l’on descendait sur des chars à roulettes. Cette invention, qui eut beaucoup de succès, donna lieu à plusieurs pièces de circonstances, entre autres à une intitulée les Montagnes russes, que nous fîmes jouer, sur le théâtre du Vaudeville, au mois d’octobre 1816.

Plus tard, d’autres établissemens de ce genre se formèrent dans tous les quartiers de la capitale. On vit s’élever au sein de Paris : des montagnes suisses, illyriennes, égyptiennes, etc., etc. Enfin vinrent de riches capitalistes qui, sur l’emplacement des anciens jardins Beaujon, bâtirent des Montagnes françaises. Plusieurs millions furent dépensés dans ces immenses constructions ; il était impossible de rien voir de plus élégant et de plus magnifique que cet édifice offert par la mode aux caprices parisiens. Ce fut à l’occasion de cette lutte, de cette rivalité de montagnes que fut composée la pièce qu’on va lire, qui ne dut sa vogue qu’à des circonstances tout-à-fait indépendantes de son mérite.

Après vingt-cinq ans de combats et de victoires, tout ce qui rappelait nos anciens succès, tous ceux surtout qui y avaient contribué étaient l’objet de tous les hommages. De là cette considération, ce respect dont jouissaient nos soldats ; considération que beaucoup de gens espéraient usurper en se donnant des manières et une tournure militaires. Ainsi, des jeunes gens qui n’avaient jamais été à nos armées, des commis-marchands qui sortaient de leurs magasins, paraissaient dans toutes les promenades avec des moustaches et des éperons. Ce n’était là qu’un léger ridicule ; mais comme tout ridicule est justiciable de la comédie et du vaudeville, nous introduisîmes dans le Combat des Montagnes une scène où M. Calicot, commis-marchand, est pris pour un militaire ; cette scène, fort médiocre et très peu développée, mit tous les magasins de Paris en hostilités avec les Variétés. Plusieurs fois le théâtre fut assiégé dans les règles, et des combats sanglans furent livrés. Je dirai plus tard et dans la préface du Café des Variétés quelles furent les suites et la fin de cette guerre qui, pendant plusieurs jours, mit tout Paris en émoi, qui inonda la capitale d’un déluge de pamphlets et de caricatures, et qui est restée dans la mémoire des vieux habitués des Variétés, sous le nom de Guerre des Calicots.