Le Combat spirituel (Brignon)/104

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 317-320).


CHAPITRE IV.
Que pour parvenir à cette Paix, l’ame doit se défaire de toute consolation.

LE chemin qui conduit à cette Paix, que rien n’est capable de trouver, est presque inconnu du monde. L’on y embrasse les tribulation, comme les mondains font les plaisirs ; l’on y ambitionne les mépris & les opprobres, comme ils font la gloire & les honneurs ; l’on y travaille tout autant à fuir, & être fui, quitter & être quitté des hommes, que sont les gens du monde à être recherchés, caressés & estimés des grands.

Mais l’on y professe en toute humilité, la sainte ambition de n’être connu, regardé, consolé & favorisé que de Dieu seul.

L’ame Chrétienne y aprend à demeurer seule avec son Dieu, & à se tenir si forte de la divine présence qu’il n’y ait ni peines, ni tourmens, qu’elle ne voulût souffrir pour sa gloire & pour son amour.

L’on y aprend, que la souffrance efface le peché ; qu’une affliction bien endurée est un trésor pour l’éternité ; & que souffrir avec Jesus-Christ, doit être toute l’ambition d’une ame, qui veut approcher de sa glorieuse conformité.

L’on y enseigne, que s’aimer soi-même, faire ses volontés, suivre les mouvemens de ses sens, contenter ses apétits & se perdre, est toute une même chose.

Qu’il ne faut pas même faire le bien auquel notre volonté se porte, que nous ne l’ayons soumise à celle de Dieu, en simplicité & humilité de cœur, pour n’en faire que ce que sa Majesté en ordonnera, sans recherche de nous-mêmes.

Nous nous portons souvent à de bonnes actions, par de fausses lumieres, ou par un zele indiscret, nous trouvons quelquefois en nous de faux Prophêtes, qui sous des apparences de Brebis, cachent des Loups ravissans.

Mais l’ame les connoîtra à leurs fruits, quand elle se trouvera troublée, ou inquietée, les sentimens d’humilité alterés, sa récolation dissipée, qu’elle n’aura plus sa paix & sa tranquillité, & qu’elle verra qu’elle a perdu en un moment, ce qu’elle avoit acquis avec beaucoup de tems & de travail.

L’on tombe quelquefois dans ce chemin, mais on s’humilie de ces chûtes, l’humilité nous en releve, & nous fait prendre des résolutions de veiller sur nous de plus en plus à l’avenir.

II peut être que Dieu permet que nous fassions des fautes, pour humilier en nous quelque orgueil que notre amour propre nous tient caché.

L’ame peut aussi quelquefois souffrir les atteintes des tentations des pechés ; mais il ne faut pas qu’elle s’en trouble : elle doit s’en tirer avec douceur, sans contention, & se remettre dans son premier calme, sans excès, ni du côté de la joye, ni du côté de la tristesse.

Enfin nous n’avons qu’une chose à faire, qui est de garder notre ame paisible, nette & pure devant Dieu, nous le trouverons au-dedans de nous, & nous connoîtrons par expérience que sa divine volonté tend toujours au bien & à l’utilité de la créature.