Le Combat spirituel (Brignon)/110

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 336-339).


CHAPITRE X.
Que les obstacles & les répugnances que nous trouvons à cette paix intérieure, ne nous doivent point contrister.

DIeu permettra que cette sérenité intérieure, cette solitude de l’Ame, cette paix, & ce saint repos du cœur se trouveront bien souvent troublés & obscurcis par les mouvemens & les fumées, qui s’éleveront du propre amour, & de nos inclinations naturelles.

Mais comme sa bonté permet ces choses pour notre plus grand bien, elle aura toujours soin de répandre sur la sécheresse de notre cœur, la douce pluye de ses consolations ; & cette pluye, non-seulement abaissera cette poussiere, mais lui fera produire des fleurs & des fruits dignes de l’agrément de la divine Majesté.

Ce renversement de notre tranquillité intérieure, & ces agitations causées par les émotions de l’apetit sensitifs, sont les combats où les Saints ont gagné les victoires, qui leur ont fait mériter leurs Couronnes.

Quand vous tomberez dans ces foiblesses, ces dégoûts, ces troubles & ses désolations d’esprit, dites à Dieu d’un cœur, aimant & humilié : Seigneur, je suis la créature que vos mains ont formée & l’esclave que votre Sang a racheté : disposez de moi comme de ce qui est à vous, & de ce qui n’est fait que pour vous, & permettez-moi seulement d’espérer en vous. Bienheureuse l’ame qui sçaura ainsi s’offrir à Dieu au tems de l’affliction.

Er quoique vous ne puissiez pas sitôt ranger votre volonté à celle de Dieu, il ne faut point vous en attrister, c’est votre croix, il vous commande de la porter & de le suivre ; lui-même ne l’a-t-il pas portée, pour vous enseigner à la porter ? Faites réflexion sur son combat du Jardin des Olives ; sur cette résistance de l’humanité, qui dans ses foiblesses lui faisoit dire : Mon Pere, s’il est possible que je ne boive point ce Calice, & sur cette force de son Ame, qui s’élevant, au-dessus de la foiblesse du corps, lui faisoit aussi-tôt ajouter d’une humilité profonde : Que ma volonté ne soit pas faite, mais la vôtre.

La foiblesse naturelle vous fera fuir toute peine & toute tribulation, quand elle viendra vous lui ferez mauvais visage, vous voudriez qu’elle fût bien loin. Mais persévérez en humilité & en prieres, tant enfin que vous n’ayez plus de volonté, ni desirs, que ceux de Dieu.

Tachez de faire que la demeure de votre cœur ne soit uniquement que pour Dieu, qu’il n’y ait jamais ni fiel, ni amertume, ni répugnance volontaire à quelque chose que ce soit ; n’arrêtez jamais vos yeux, ni votre pensée sur les mauvaises actions d’autrui ; & sans y faire de réflexion, passez, allez tout doucement votre chemin, & ne pensez à rien qu’à vous détourner de ce qui vous peut blesser ; c’est un grand art pour être à Dieu ; que d’outre-passer tout, & de ne s’arrêter à rien.