Le Combat spirituel (Brignon)/112

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 344-346).


CHAPITRE XII.
Que l’ame ne se doit point attrister à cause de ses tentations intérieures.

LEs biens qui procédent de nos sécheresses spirituelles, & même de nos fautes dans nos exercices, sont assûrément infinis ; mais ce n’est que par l’humilité & par la patience, que nous en pouvons faire notre profit ; si nous sçavions bien comprendre ce secret, nous nous épargnerions bien de mauvaises heures & de mauvais jours.

Helas ! que nous avons tort de prendre pour des marques d’aversion & d’horreur de Dieu pour nous, ces précieux témoignages de son divin amour, & de croire que la colere nous punit quand la bonté nous favorise. Ne voyons-nous pas, que le sentiment des peines que nous donnent ses sécheresses intérieures, ne peut naître que du desir que nous avons d’être bien agréable à Dieu, zelés & fervens aux choses de son service, puisque ce qui pous afflige, n’est autre chose que la privation de ces sentimens & que ces chagrins & ses dégoûts qui nous persuadent que nous lui déplaisons, comme nous nous déplaisons à nous-mêmes : non, non, soyons certains que c’est un bon effet d’une bonne cause ; ces choses n’arrivent qu’à ceux qui veulent vivre en vrais serviteurs de Dieu, & s’éloigner de tout ce qui peut, non pas seulement l’offenser, mais lui déplaire.

Au contraire, nous ne voyons point que les grands pecheurs, ni ceux qui vivent de la vie du monde, se plaignent fort de ces sortes de tentations.

C’est une médecine qui n’est pas de notre goût, & contre laquelle notre estomach le souleve ; mais elle nous fait des biens merveilleux, sans que nous nous appercevions, que la tentation soit des plus horribles, & telle que la seule imagination nous épouvante & nous scandalise, plus elle nous affligera, plus elle nous humiliera, plus aussi nous en recevrons de profit. C’est ce que l’Ame n’entend point & ne comprend point ; c’est pourquoi elle ne veut point aller par le chemin où elle ne voit & ne sent rien qui ne lui déplaise & ne l’afflige.

C’est en un mot, qu’elle ne voudroit jamais être sans plaisirs & sans consolations, & que tout ce qui n’a point cette douceur, passe dans les sentimens pour travail, sans fruit & sans profit.