Le Combat spirituel (Brignon)/64

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 305-307).


CHAPITRE LXIV.
De la Tentation du désespoir, & comment on peut s’en défendre.

LA seconde tentation de l’ennemi de notre salut, est une vaine frayeur, qu’il tâche de nous donner, en nous remettant devant les yeux nos fautes passées, pour nous jetter dans le désespoir. Si vous vous trouvez en ce péril, prenez pour regle générale que la pensée de vos pechés est un effet de la grace, & qu’elle vous sera salutaire, si elle produit en vous des sentimens d’humilité, de componction, & de confiance en sa miséricorde divine. Mais sçachez aussi qu’elle vient du malin Esprit, lorsqu’elle vous cause du trouble & de la défiance qu’elle vous met dans l’abbatement, qu’elle vous rend lâche & timide ; quoiqu’il vous semble avoir de fortes raisons pour croire que vous êtes réprouvé, & qu’il n’y a point de salut pour vous.

Ne songez alors qu’à vous humilier, & à vous confier plus que jamais en la bonté infinie de Notre-Seigneur : car par ce moyen vous éluderez toutes les ruses du démon ; vous tournerez contre lui ses propres armes, & vous rendrez gloire à Dieu. Il faut à la vérité que vous ayez du regret d’avoir offensé cette Bonté souveraine, toutes les fois que vous vous en souvenez : mais il faut aussi que vous lui en demandiez pardon avec une ferme confiance aux mérites du Sauveur, Et quand même vous croiriez entendre de Dieu qui vous diroit au fond du cœur que vous n’êtes point du nombre de ses Brebis, vous ne devriez pas cesser d’esperer en lui : mais vous devriez lui dire humblement : Seigneur, vous avez sujet de me réprouver, & de me punir éternellement pour mes pechés : mais j’ai encore plus de sujer d’espérer que vous me ferez miséricorde. Je vous supplie donc d’avoir pitié d’une misérable créature, qui mérite la damnation éternelle ; mais qui a été rachetée de votre Sang. Je veux me sauver, ô mon Rédempteur, pour vous bénir à jamais dans votre gloire ; toute ma confiance est en vous, & je m’abandonne tout entier entre vos mains, faites de moi ce qu’il vous plaira, puisque vous êtes mon souverain Maître ; faites de moi, dis-je, ce qu’il vous plaira : mais quoiqu’il arrive, je veux espérer en vous, dussiez-vous dès à présent m’envoyer la mort.