Le Comte de Chesterfield et ses lettres à son filleul
Le comte de Chesterfield, bien qu’il se crût un grand politique, était un de ces hommes qui ne réussissent pas à satisfaire leurs ambitions et qui se rendent célèbres non par leur prééminence dans leur métier, mais par l’usage qu’ils ont su faire de leurs loisirs, par des lettres écrites au courant de la plume et qu’ils ne destinaient point au public. Né en 1694, sous le règne de Guillaume d’Orange, mort treize ans après l’avènement de George III, il parut plus d’une fois sur le point d’arriver et toujours il resta au second plan. Il avait donné à La Haye la preuve de ses talens diplomatiques, et quand il fut vice-roi d’Irlande, il déploya de rares qualités d’administrateur. Il remporta dans le parlement quelques brillans succès oratoires. On vantait son éloquence et plus encore les délices de sa conversation. Quoiqu’un de ses ennemis l’ait peint « comme un géant rabougri et très laid, aux traits rudes, aux dents noires, dont la grosse tête de Polyphème était aussi désagréable que peut l’être une tête qui n’est pas difforme, » il avait ce je ne sais quoi dont il a si bien parlé, et des grâces d’esprit, un don de séduction auquel personne ne résistait.
Mais en vain se vantait-il d’avoir approfondi plus que personne la connaissance de l’espèce humaine, de ses faiblesses, de ses inconséquences, de ses misères, et de ne s’être jamais trouvé dans une société quelconque sans observer jusqu’aux boucles des souliers que chacun portait, cet homme si sagace, à qui rien n’échappait, a compromis à plusieurs reprises sa fortune politique. Peut-être est-ce l’excès même de sa finesse, l’abus du sens critique qui lui a nui. Quoiqu’il méprisât beaucoup les hommes, il raffinait trop sur les moyens de les prendre et de les mener. Comme on l’a dit, quand il essaya d’user de son influence auprès de lady Suffolk et de lady Yarmouth pour gouverner le roi, il échoua piteusement, et, si grossières que fussent les plaisanteries de Robert Walpole, si ridicules que fussent les cajoleries et les simagrées du duc de Newcastle, il dut leur céder l’honneur de jouer les premiers rôles, et fut plus souvent dans l’opposition qu’au pouvoir.
Il avait dit lui-même qu’il n’y a que deux bonnes manières d’occuper sa vie, qu’il faut faire des choses dignes d’être écrites ou écrire des choses dignes d’être lues. Celui de ses contemporains qu’il admirait le plus, lord Bolingbroke, avait employé ses loisirs forcés à écrire des livres qu’on ne lit plus beaucoup, mais qui furent très goûtés en leur temps. Chesterfield ne se soucia jamais d’être un écrivain. Il avait été intimement lié avec les plus grands hommes de lettres de son époque, Addison, Swift, Pope, Gay, Johnson, et il prétendait que toutes les fois qu’il s’était trouvé dans leur compagnie, il s’était senti plus glorieux que s’il avait été en présence de tous les souverains de l’Europe. Il avait connu Algarotti, Montesquieu, Voltaire pour qui il professait un culte, lui sachant un gré infini d’avoir le premier écrit l’histoire à l’usage des gens qui connaissent le monde et les affaires. Mais il ne voulut jamais être en littérature qu’un dilettante, un jouisseur. Il s’inclinait devant les maîtres, il dédaignait les virtuoses.
Quelle que fût la supériorité de son esprit, quelques preuves de capacité politique qu’il eût données, Chesterfield serait fort oublié aujourd’hui s’il n’avait eu, comme on sait, le bonheur d’avoir un fils naturel : c’est ce fils, né en 1732, qui a sauvé sa mémoire, qui lui a procuré l’occasion de se faire une place parmi les plus illustres épistolaires. Cet enfant avait à peine sept ans lorsque son père se mit en tête de lui servir de précepteur, de mentor, et de le faire profiter de son expérience consommée et de son ironique sagesse, en engageant avec lui une correspondance qui a duré trente années et n’a été connue du public que par une indiscrétion de femme. Philippe Stanhope mourut en 1768, et quelques années plus tard, dans une vue de spéculation, sa veuve s’avisa de publier toutes les lettres qu’il avait reçues de son père. On y mit opposition, des poursuites furent commencées, l’affaire se termina par un compromis, et Mme Stanhope reçut plus de 1,500 livres de l’éditeur. Cette publication fit grand bruit; à la fin du siècle, les fameuses lettres en étaient à leur douzième édition.
Tout le monde les a lues, ces fameuses lettres; mais personne ne se doutait que tout à fait sur le tard, lord Chesterfield avait entrepris une seconde éducation et entretenu une autre correspondance avec un petit parent assez éloigné, nommé lui aussi Philippe Stanhope, qui était son filleul et devait être l’héritier de ses titres et de ses biens. C’est ce second recueil de lettres enfouies dans des archives de famille que vient de publier lord Carnarvon, à qui son beau-père, le sixième comte de Chesterfield, les avait léguées[1].
Ce second traité d’éducation sous forme de lettres, quoique beaucoup moins important que le premier, fait grand honneur à la vieillesse attristée et solitaire de Chesterfield. Dès 1752, il avait été affligé de l’infirmité la plus cruelle pour un homme qui a la passion des commerces et des entretiens. Une surdité croissante l’avait contraint de renoncer aux affaires d’abord, puis au monde. Il s’était retiré dans sa maison. Il passait des journées entières dans sa bibliothèque, où il avait gravé cette inscription :
Nunc veterum libris, nunc somno et inertibus horis
Ducere sollicitæ jucunda oblivia vitæ.
C’était surtout par la lecture, comme le lui conseillait son cher Horace, qu’il se procurait « les doux oublis d’une vie inquiète. « Il ne s’ennuyait pas, mais à de certaines heures le regret le hantait, et il serait tombé dans la mélancolie s’il n’avait eu « le don de gouverner son imagination et le soin de ne pas ajouter des maux fictifs aux maux réels.» Il écrivait à son fils au mois de mai 1759 : « Je ne suis plus que le fantôme de mon moi; je me promène ici dans le silence et la solitude, comme il convient aux fantômes, avec cette seule différence que je me promène le jour et que les autres revenans ne se montrent guère qu’à minuit. » Et six ans plus tard : « Ma santé est meilleure que je n’avais le droit de l’espérer. Toutefois je décline par degrés, mais c’est un aimable dépérissement. Je ne roulerai pas au bas de la colline, je m’y laisserai glisser tout doucement. » Et à quelques mois de là : « Je sens les approches et les premiers froids de l’automne. Les feuilles des arbres tombent rapidement et semblent m’inviter à les suivre, ce que je ferai sans répugnance, étant extrêmement las de ce sot monde. »
Il n’avait jamais eu grand goût pour les chevaux, les chiens et la chasse : « Mangez du gibier, disait-il; mais ne soyez pas votre propre boucher. » La plus belle maison de campagne lui avait toujours paru un triste lieu d’exil. Bretby, avec son grand parc, ses grandes cours et ses allées tirées au cordeau, n’avait aucun charme pour lui; il en parlait comme d’un séjour d’horreur et de désespoir où les corbeaux et les effraies pouvaient seuls se plaire. Je ne me souviens pas qu’il y ait dans sa correspondance rien qui ressemble à un rayon de soleil, au chant d’un rossignol ; on peut la relire tout entière sans y découvrir un paysage, une scène des champs, à cela près qu’au mois d’avril 1759 il s’étonnait de l’abondance de fruits que lui promettaient ses vergers, à quoi il ajoutait : « Vertumne et Pomone m’ont été fort propices; quant à Priape, ce terrible dieu des jardins, comme je ne l’invoque plus, je ne puis espérer qu’il me défende des oiseaux et des voleurs. »
Indifférent aux dieux champêtres et brouillé avec Priape, guéri aussi des illusions qu’il s’était faites sur son fils, cet ermite se flattait d’être plus heureux dans les soins qu’il donnait à son filleul, à son futur héritier. Quand il ne relisait pas ses auteurs favoris, son plus cher délassement était de lui prodiguer ses avis, ses préceptes ; il goûtait un plaisir infini à façonner cette jeune âme, à pétrir cette terre glaise, et il s’efforçait de lui communiquer un peu de sa ressemblance. Quand l’enfant a bien pris ses leçons, il l’appelle son poulet, son cher petit gaillard, son petit bout d’homme, son petit coquin, son petit marquis de Marybone, ou son eruditissimus puerulus. Mais le second Philippe s’étant permis un jour de souhaiter qu’il n’y eût pas un seul livre au monde : « Ah! mon petit Goth, Visigoth, Ostrogoth, Hun, Hérule, il est bon que vous sachiez un peu qui étaient ces honnêtes gens dont vous avez adopté les sentimens. « Et là-dessus il lui raconte les exploits de ces affreux barbares qui, tuant, brûlant, saccageant tout, firent la guerre aux bibliothèques autant qu’aux hommes. « Après ce récit, voudriez-vous être encore Visigoth? Je me flatte que non. Il me serait impossible de dire mon cher Visigoth. » Quelques jours plus tard, Philippe, étant venu à résipiscence, reçoit un petit billet écrit en français et ainsi conçu : « Milord Chesterfield assure le petit marquis de Marybone de ses très humbles respects, et il aura l’honneur de venir le prendre ce matin à midi, en carrosse, pour lui montrer quelque chose, puis le mener dîner chez lui. »
Ce n’était pas un homme ordinaire que ce vieillard infirme et désabusé qui, au lieu de s’absorber dans ses maux et de s’enfoncer dans son noir, retrouvait toute sa verve, toute sa gaîté pour enseigner l’histoire et la géographie, la vie et le monde à un enfant. Mais dirons-nous avec le comte de Carnarvon que le beau volume dont nous lui sommes redevables nous révèle un lord Chesterfield que nous ne connaissions pas, un épicurien qui, en vieillissant, s’était amendé, dont les sentimens s’étaient ennoblis, dont l’âme s’était épurée, et qu’en un mot cette nouvelle publication le libère de tous les reproches que lui avaient attirés ses lettres à son fils? Non, en vérité, il n’y a eu qu’un Chesterfield. Qu’il écrivît dans son âge mûr à son fils naturel ou dans sa vieillesse à son filleul, défauts et qualités, c’était toujours le même homme. Parmi les accusations portées contre lui, plusieurs sont fort injustes. On l’a traité d’égoïste endurci et impénitent, incapable de toute affection sérieuse, tout entier à ses affaires, à ses intrigues et à ses amusemens, et dont on ne saurait citer aucun trait qui prouvât qu’il eût du cœur. Cependant cet égoïste s’est montré fidèle et constant dans ses amitiés, auxquelles il attachait beaucoup de prix. Comme le remarque le comte de Carnarvon, il a été étroitement lié avec l’un des Anglais les plus vertueux de son temps, lord Scarborough, dont il disait lui-même que c’était le meilleur homme qu’il eût connu et le plus digne d’être aimé : « Nous avons vécu vingt années durant dans une union intime et sans réserves, et je dois à cette amitié plus que mon orgueil ne permet à ma reconnaissance de l’avouer. » Trois ans après la mort de cet ami si cher, il voulut qu’un peintre les représentât assis à la même table en face l’un de l’autre, et retouchant un mot de Virgile, il fit inscrire ces mots dans un coin du tableau : Avulso deficit alter : « quand l’un s’en va, l’autre n’est plus. » Aussi bien est-il possible de relire ses lettres à son fils sans reconnaître que cet observateur si pénétrant et si sceptique du monde et de la vie avait pour l’enfant de ses plaisirs une tendresse de poule pour son poussin? Le seul tort de cette tendresse fut d’être trop longtemps aveugle. Quiconque n’aime que soi ne peut être un grand épistolaire ; c’est une règle sans exception.
Ses ennemis et ses censeurs l’accusaient aussi d’être un homme sans principes, corrompu dans l’âme et s’amusant à corrompre son fils. Rien n’est plus faux. Il a vécu dans un temps de grande corruption politique ; c’était un pays pourri jusqu’aux moelles que l’Angleterre de la première moitié du XVIIIe siècle. Entre les deux grands partis qui se la disputaient, il n’y avait plus guère de divergences d’opinions et de luttes de doctrines, aucun principe n’était en jeu. Il ne s’agissait que d’arriver, de jouir du pouvoir, de s’y enrichir et de s’y maintenir, et durant les vingt années de son ministère, Robert Walpole, tout en achetant comme ses devanciers les votes de l’opposition, s’appliqua par surcroît à corrompre les électeurs. Les occasions de se vendre n’ont jamais manqué à Chesterfield, il les a toujours écartées avec mépris. Il avait un haut sentiment de sa dignité personnelle, et il recommandait à son fils de se respecter toujours lui-même, de ne rien faire, de ne rien dire qui pût l’avilir à ses propres yeux, de ne jamais pécher ni contre les règles de la grammaire, ni contre les lois de l’honneur. Il lui citait le mot de Shaftesbury qui avait dit qu’il serait vertueux pour son propre compte quand l’univers n’en saurait rien, de même qu’il se laverait pour son propre agrément, fût-il sûr que personne ne regarderait son visage et ses mains : « Mon cher enfant, ayez une tendresse scrupuleuse pour votre caractère moral, évitez tout ce qui pourrait y jeter une ombre y faire une tache, si légère qu’elle fût. En toute occasion, soyez l’avocat, l’ami de la vertu, sans en être le matamore. »
Après cela, l’honneur étant sauf, il y avait pour lui dans la morale un grand nombre de devoirs qu’il considérait comme des règles de pure convention, et dont il abandonnait l’observance à ceux qu’il appelait les nigauds. Non-seulement il autorisait son fils à savourer toutes les joies de ce monde, pourvu qu’il n’y eût pas d’excès, mais il l’y encourageait avec une crudité de langage qui l’a fait accuser fort justement de cynisme. C’était encore un des caractères de son temps. L’hypocrisie étant une maladie endémique en Angleterre, on la combat comme on peut, et les Anglais ont du goût pour les révulsifs, pour les remèdes violens. Assurément, c’était un cynique que le père qui disait à son fils âgé de quinze ans à peine : « En contez-vous à quelque belle? Faites-moi votre confident ; vous ne trouverez pas en moi un censeur sévère; au contraire, je sollicite l’emploi de ministre de vos plaisirs; je vous en indiquerai, et même j’y contribuerai. » Sa conviction très arrêtée était que les plaisirs élégans sont le seul antidote aux plaisirs bas et grossiers, et que pour échapper « aux courtisanes, à la crapule, à la débauche, à cette fureur qui discrédite et déshonore, » un jeune homme doit avoir un commerce galant avec une femme du monde.
On s’est scandalisé, non sans raison, de la complaisance avec laquelle il revient et insiste sur cet article dans ses fameuses lettres. Le premier Philippe Stanhope n’avait pas encore vingt ans quand son père lui écrivait : — « Lisez Fontenelle, lisez Euclide, lisez en grec Démosthène et Thucydide, mais que le grand livre du monde soit votre principale étude! Nocturna versate manu, versate diurna, ce qui signifie en bon anglais : Passez vos jours à feuilleter les hommes, passez vos nuits à feuilleter les femmes; mais tenez-vous-en aux meilleures éditions. » Et, bientôt après : « On m’assure que Mme de Blot, sans avoir des traits, est jolie comme un cœur, et que nonobstant, elle s’en est tenue jusqu’ici scrupuleusement à son mari, quoiqu’il y ait déjà plus d’un an qu’elle est mariée. Elle n’y pense pas! Il faut décrotter cette femme-là. Décrottez-vous donc tous les deux réciproquement. » — Et il lui expliquait que, pour se décrotter tout à fait, un jeune homme désireux de bien faire doit avoir tout à la fois un arrangement avec une femme déjà mûre, qui se charge de le débourrer, de le dégourdir, et une tendre liaison avec une femme plus jeune, qui le sauve des folies méprisables : — « Que vous dit Mme Dupin? On m’assure qu’elle est encore fort bien. Elle a de l’esprit, de la littérature, de la délicatesse, des manières; un tel arrangement vous serait avantageux et vous mettrait en lumière. Comme elle a perdu l’éclat de la jeunesse, elle sera plus disposée à écouter votre petite histoire si vous la contez bien. Pour un attachement, je la préfère à la petite Blot; s’il ne s’agit que d’une pure galanterie, je préfère la petite Blot; mais l’une n’empêche pas l’autre, et ces deux affaires peuvent être menées de front. » Il faut accorder au comte de Carnarvon qu’on ne trouve rien de pareil dans la correspondance qu’il vient de publier; mais il est bon de considérer que, quand il reçut les premières lettres de son parrain, le second Philippe Stanhope n’avait que six ans, et que lorsqu’il en eut seize, son parrain était mort. A peine en eut-il sept, on lui expliqua que décrotter signifie polir un jeune homme, lui donner l’air et le ton de la bonne compagnie, le former, qu’une coquette est « une dame pétrie de grâces qui agace les amans, » et ce que c’est qu’en conter à une femme.
Il savait aussi que la plus triste destinée est d’être un lourdaud, un nigaud, manquant d’entregent, d’aplomb et de manières; que la suprême misère est de ressembler à un de ces gentilshommes campagnards dont Fielding a immortalisé l’ivrognerie et les gros goûts dans la personne du squire Western ; qu’on ne saurait étudier trop tôt l’art de plaire, le premier des beaux-arts, et que de très bonne heure il faut avoir des attentions pour les femmes, « flatter leurs vanités, leurs caprices, leurs bizarreries, parce qu’elles décident de la mode et du bon ton, et que, dès qu’une femme du bel air décrie un jeune homme qui lui paraît gauche, maussade et impoli, le voilà décrié comme la fausse monnaie. » Comparez les lettres au futur héritier avec le premier volume des lettres au fils naturel, vous y trouverez la même morale, les mêmes maximes, les mêmes anecdotes et souvent les mêmes expressions, les mêmes formules avec quelques variantes. Les paroles peuvent différer, mais nous connaissions déjà la musique. « Je vous félicite de tout mon cœur de l’heureuse arrivée de l’adorable Jenny Truelove. Quel joli nom pour une pastorale que bergère fidèle! Vous devriez lui faire présent d’un gâteau de la belle et incomparable Trusler, cette perle des pâtissières... Adieu, mon petit drôle; divertissez-vous, soyez gai, et, si vous le voulez, vous n’avez qu’à conter des fleurettes à la divine Jenny Truelove. » Tout cela ressemble à une préparation ; le grand cuisinier mortifie cette viande avant de la larder. Au surplus, le comte de Carnarvon, par un excès de scrupule et au mépris de son devoir d’éditeur, a jugé nécessaire de remplacer par des astérisques un certain nombre de passages qui lui ont paru trop vifs, trop libres et peu respectueux pour l’innocence d’un petit Anglais. Que lord Carnarvon expie son crime en confessant que, si le diable s’était fait ermite, cet ermite n’était pas un anachorète pénitent, et que si, jusqu’à sa mort, il a flétri certaines bassesses qui déshonorent un homme, jusqu’à sa mort aussi il a fait grâce aux péchés aimables qui embellissent la vie.
Les plus nobles instructions qu’il donne à son filleul sont celles qui concernent les devoirs d’un gentilhomme envers ses inférieurs. L’enfant, infatué, paraît-il, de lui-même, de sa situation dans le monde, traitait avec hauteur les subalternes ; son parrain ne se lasse pas de l’en reprendre : « Si je ne me trompe, j’ai découvert dans ce petit cœur des germes cachés d’orgueil que la nature, très bonne pour vous, n’y avait point semés, et dont vous êtes redevable aux sots et aux flatteurs. Sans doute, on vous traite de jeune squire, et par anticipation peut-être de jeune lord. Et après ? Êtes-vous mieux ne que la servante qui nettoie vos souliers ?.. Les premiers hommes, d’où nous descendons tous également, labouraient et bêchaient la terre. Ceux qui avaient gagné de quoi vivre quittèrent les premiers cette pénible vie ; les autres travaillent encore. Voilà toute la différence entre la noblesse, les roturiers et les paysans… Oui, selon la nature, la servante de M. Robert est aussi bien née que vous ; elle a eu un père et une mère, un grand-père et une grand’mère, et des ancêtres jusqu’à Adam. Si vous lui donnez de l’argent, elle vous donne son travail. Ne vous en faites donc pas accroire au sujet de votre naissance, qui n’est en rien meilleure que la sienne ; mais faites-vous valoir par vos vertus et vos manières, c’est la seule et véritable noblesse. Tout homme qui méprise ceux qu’il lui plaît d’appeler des gens de rien est le plus sot et le plus ridicule animal de la terre. »
Voilà des paroles qui en rachètent beaucoup d’autres. Pour se recommander à la faveur de Chesterfield en lui démontrant la haute antiquité de sa famille, quelqu’un, raconte lord Carnarvon, lui avait fait hommage d’une très vieille peinture qui représentait un homme, sa femme et leurs deux enfans et où l’on voyait dans un coin les armes des Stanhope. Il écrivit au-dessous : « Voilà Adam Stanhope du jardin d’Éden et Eve Stanhope, sa femme, avec leurs fils, Caïn et Abel Stanhope. » Par sa morale relâchée, mais humaine et généreuse, il était vraiment de son temps. La philanthropie, la tolérance, le mépris des préjugés de classe, de nation et de secte, telles étaient, selon lui, les grandes vertus. Il enseignait à son fils que l’humanité est le trait distinctif des grandes âmes ; que pour être parfaitement honnête homme, il ne suffit pas d’être juste, qu’il faut être généreux et que rien ne vaut le plaisir de faire du bien. À son filleul, il dira avec plus de grâce : « Ne répandons pas seulement des bienfaits, mais des fleurs sur nos compagnons de voyage dans les chemins raboteux de ce misérable monde. » Et il se plaindra que, en Angleterre surtout, la bienfaisance a le visage dur et ne sait pas sourire.
Le code du vrai gentleman, tel qu’on pouvait se le représenter dans l’Angleterre de la première moitié du XVIIIe siècle, les vertus qu’il doit avoir et celles dont il peut se passer ; les plaisirs qu’il peut se permettre et ceux qu’il doit s’interdire, voilà ce que Chesterfield enseignait aux deux jeunes gens dans lesquels il avait rêvé de se voir revivre. Chaque siècle et chaque pays, quelques noms qu’ils lui donnassent, eurent leur idéal du vrai gentleman. En France, c’était l’homme de bonne compagnie ou l’honnête homme. En Italie, au temps de la renaissance, c’était le cavalier accompli, le cortegiano, tel que l’a dépeint Castiglione. Au moyen âge, c’était le parfait chevalier, joignant au courage d’un preux la courtoisie, la prudhomie et l’attemprance. A Athènes, c’était l’adolescent bien né, qui orne ses vertus de grâce et de beauté et met beaucoup d’élégance dans ses vices. Si nous remontions jusqu’au temps d’Homère, nous verrions dans le jeune Télémaque un fils de roi qui, à l’instigation de la plus sage des déesses, aspire à posséder toutes les qualités d’un parfait gentilhomme, la connaissance du métier des armes, la science du monde, qu’on acquiert en voyageant, le don de la parole, nécessaire pour avoir de l’autorité dans les assemblées ; la politesse envers les étrangers, le respect de toutes les bienséances, la modestie et le discernement, qui font qu’on se tient à sa place, et assez de sentiment de soi-même pour ne la laisser prendre par personne.
Comme Pallas Athéné, Chesterfield estimait que le vrai gentleman ne peut être un oisif, un inutile, qu’il doit avoir l’ambition de gouverner un jour son pays, et de son temps déjà, un Anglais ne pouvait arriver à rien que par le parlement et les succès parlementaires. Comme Télémaque, son gentleman doit avoir la parole à son commandement et se former de bonne heure à l’éloquence. Comme Télémaque, il doit voyager pour s’instruire des mœurs et des pensées des peuples et s’initier à leurs affaires. Comme Télémaque encore, il doit être un scrupuleux observateur des bienséances. Mais Chesterfield apporte à ce code des raffinemens inconnus dans une petite île qui ne nourrissait que des chèvres. Il exige que son gentleman joigne à une solidité de mérite, qui ne s’acquiert que par des études aussi approfondies qu’universelles, les manières exquises de la plus exquise société, un charme, un art de plaire qui selon lui ne pouvait s’apprendre qu’à Paris.
Approfondissez tout et sacrifiez sans cesse aux grâces : voilà ses deux éternels préceptes, à quoi il ajoute que le secret de l’agréable comme du solide est une attention qui ne s’endort et ne se relâche jamais. « Ne faites jamais qu’une chose à la fois, et soyez tout entier à ce que vous faites. Quand vous lisez Puffendorf, ne pensez pas à Mme de Saint-Germain, et quand vous parlez à Mme de Saint-Germain, ne pensez jamais à Puffendorf. » Ce n’est pas tout. Il faut savoir tour à tour se tendre et se détendre, et le don suprême est le versatile ingenium, cette souplesse d’esprit et de cœur qui permet de s’accommoder aux temps, aux mœurs, aux circonstances, à l’humeur de chacun, d’être sérieux avec les plus sérieux, badin avec les gens gais et selon les cas frivole ou grave, sage ou libertin. « Quand vous serez en Suisse, écrivait-il à son fils, ayez l’air d’un Suisse, soyez Hollandais en Hollande, et après trois mois de séjour à Paris, faites dire à tout le monde : Ce petit Stanhope est des nôtres. » Le type du parfait gentleman selon le cœur de Chesterfield était Alcibiade, le caméléon, et après lui Bolingbroke, ce libertin qui avait prouvé qu’un homme de plaisirs peut être un grand homme d’affaires, et dont le seul tort était d’avoir compromis les talens les plus heureux par les intempérances et les gros plaisirs d’une jeunesse trop orageuse. « Pourquoi ne seriez-vous pas un Bolingbroke, mais un Bolingbroke plus maître de lui et gouvernant mieux sa vie? »
C’est ce même idéal qu’il proposait à son petit filleul, et pour se mettre à sa portée, il lui écrivait des lettres dont la morale peut se résumer ainsi : « Mon cher petit gaillard, ne soyez pas comme beaucoup de vos compatriotes un ours à deux pattes. Ayez les Visigoths en horreur, et pour ne leur ressembler en rien, ne fourrez jamais vos doigts dans votre nez, ne mettez pas vos coudes sur la table, regardez en face les gens qui vous parlent, et si vous voulez dire à une dame de condition que vous avez été à sa porte pour lui rendre visite, ne lui dites pas brusquement : « Je suis allé chez vous. « Il faut lui dire : « Madame, j’ai tâché d’avoir l’honneur de vous faire ma cour. » Ceci n’est rien, mon cher petit égrillard. Apprenez à marcher, à manger, à danser, à saluer comme un vrai gentleman. Si vous ne deviez être jamais qu’un gentilhomme campagnard ou un honnête Hottentot, tout serait fini entre nous. Soyez attentif à vos plaisirs comme à vos études. Pour être heureux sur cette terre, il faut être aimé et respecté ; c’est à force d’attention que vous vous rendrez respectable par votre mérite, c’est par vos attentions que vous passerez pour un homme aimable. Comment les jésuites ont-ils fait leur chemin dans le monde ? Ils ont toujours étudié l’art de plaire. Méprisez les sots et les drôles, mais que votre mépris soit courtois ! Ces gens-là forment les trois quarts du genre humain, et s’ils ne sont pas respectables, ils sont dangereux. Tout excès est fâcheux. Soyez à la fois diligent et méthodique, unissez l’ardeur de l’esprit à la circonspection, La plus agréable des danses est le menuet, parce que la mesure n’en est ni trop vive ni trop lente. Quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez, réglez toutes vos actions et toutes vos paroles sur le mouvement d’un menuet. Apprenez d’un grand homme qui s’appelait Socrate qu’il faut sacrifier aux grâces. Suppliez-les de vous accompagner dans tous les hasards de votre vie, et faites-leur le sacrifice de vos accès d’humeur et de vos indolences. Elles vous récompenseront de votre effort en vous donnant le je ne sais quoi. C’est une grande chose que le je ne sais quoi. Il inspire aux hommes un préjugé en notre faveur, et c’est par les préjugés des hommes qu’on arrive à tout. Dieu vous bénisse, mon petit coquin, et dans ce monde et dans l’autre! » Ce n’était encore là qu’un cours d’enseignement primaire; dans le cours supérieur, s’il avait assez vécu pour l’écrire, il aurait initié aux grands mystères cet élève bien préparé, et sans doute il l’eût engagé à se mettre bien vite en quête d’un bon arrangement et d’une jolie petite décrotteuse. Le cynisme est la forme brutale de la franchise, et si l’on considère que la parfaite franchise est la qualité qui manque le plus à la littérature courante de nos voisins, qu’ils n’accordent qu’à leurs écrivains de génie le droit d’être tout à fait sincères, on pardonnera plus facilement à Chesterfield les crudités de son langage et l’effronterie de sa sagesse. Ce qu’on a plus de peine à excuser, c’est sa tendance à réduire toute la morale au principe de l’intérêt personnel. Quel que fût son mépris pour la philosophie et les abstractions, il était par son utilitarisme pratique un disciple de Locke, et autant que David Hume, un précurseur de Bentham.
Il prêche la philanthropie, la tolérance, et si ses préceptes sont souvent généreux, ses principes ne le sont jamais. Les hommes, selon lui, se valent à peu près les uns les autres et ne sont après tout que d’assez méchans animaux. Nous nous croyons des êtres raisonnables; mais s’adresser à notre raison, c’est en user comme ces maladroits qui font leur cour à un premier ministre sans influence et négligent le favori, seul dispensateur de toutes les grâces. Nos favoris et nos maîtresses sont nos préjugés, et nos préjugés naissent de nos passions. Tout homme a sa passion dominante, qu’il faut tâcher de découvrir pour pouvoir s’en garer ou s’en servir. Mais par un vice de nature, il y a en nous tant de fragilité et d’inconséquence, que nous ne sommes pas même capables d’être fidèles à nos passions. Il en résulte que les vrais motifs de notre conduite sont souvent enveloppés d’un impénétrable mystère et que la plupart de nos actions sont les filles de la fortune et du caprice. « Un souper frugal, une bonne nuit et une belle matinée ont souvent fait un héros du même homme qui, par le fait d’une indigestion, d’une insomnie et d’une matinée pluvieuse, se serait comporté comme un couard. » L’homme étant une créature si misérable, pourquoi faut-il être philanthrope? C’est qu’étant tous des créatures très incomplètes, nous avons tous besoin les uns des autres, du domestique qui cire nos bottes, comme du souverain qui dispense les faveurs, et qu’on ne prend pas les mouches avec du vinaigre.
Pourquoi Philippe Stanhope doit-il apprendre à plaire? C’est qu’il placera ainsi son mérite à de gros intérêts. Pourquoi l’engage-t-on à acquérir certaines vertus? C’est qu’elles donnent de la considération, que la considération engendre la confiance, et que la confiance est un revenu. « Le colonel Chartres, qui est, je crois, le plus insigne et le plus fieffé gredin des trois royaumes, était si sensible aux inconvéniens d’une mauvaise réputation que je lui ai entendu dire qu’il ne donnerait pas un liard de la vertu, mais qu’il donnerait bien 10,000 livres pour avoir une bonne réputation, parce qu’elle lui servirait à en gagner 100,000. » Mais, s’il y a des qualités utiles, il y a des défauts et des vices qui ne le sont pas moins, et le plus utile de tous est la vanité. « Il n’est point de passion, écrivait-il à son fils, au mois de novembre 1752, qui soit plus propre à nous guérir de notre indolence, de notre inertie, de notre apathie naturelle. Je le confesse, elle m’a fait commettre plus d’une sottise ; mais je lui dois tous les succès que j’ai remportés dans le monde. J’étais à mes débuts prodigieusement vaniteux. Je souhaitais avec rage que tout le monde m’admirât et m’applaudît, et rien n’a plus contribué au développement de toutes mes facultés. Avec les hommes j’étais un vrai Protée, et, quant aux femmes, je désirais qu’elles fussent toutes amoureuses de moi, même celles dont je me souciais comme d’une prise de tabac. J’acquis bientôt la réputation d’en avoir possédé quelques-unes parmi les plus huppées, et cette réputation, bien ou mal fondée, me permit d’en avoir d’autres. Je vous en conjure, mon cher ami, ayez un peu plus de vanité. Déployez tous les artifices d’une grande coquette; sur ma parole, vous vous en trouverez bien. » Les plus beaux fruits ont leur ver caché; mais Chesterfield est le seul instituteur qui ait pris soin de mettre lui-même le ver dans le fruit comme un de ces hôtes précieux, désirables et de bon augure qui portent bonheur à la maison qu’ils habitent.
On peut penser ce qu’on voudra de la morale utilitaire; mais il ne faut pas la prêcher aux petits garçons à qui on souhaite beaucoup d’avenir. Enseignez-leur des raisons d’agir qui ennoblissent leurs actions, et songez que toutes les adolescences qui ont préparé de belles vies avaient été couvées par une chimère. « Le plus honnête homme, disait Chesterfield, est celui qui s’aime le mieux. » A la bonne heure, mais ne le dites pas au petit Philippe ! Il le lui dit et le lui redit. Cet homme si intelligent n’a jamais pu comprendre que le plus vilain monstre, ou tout au moins la plus laide bête de la création, est un enfant calculé et sournois, qui préfère son intérêt à son tambour.
Heureusement, cette morale utilitaire portait avec elle son correctif, Le maître tenait la dragée si haute à ses disciples, les préceptes étaient si nombreux et si délicats, le code de l’art de plaire était si compliqué, il fallait tant d’application et tant d’efforts pour devenir ce gentleman accompli qui s’avance dans la vie comme un conquérant et à qui tout rend les armes, qu’il y avait là de quoi rebuter les plus intrépides courages. Chesterfield leur représentait le monde comme une maison de servitude et de contrainte, où il fallait sans cesse prendre sur soi, se faire violence, vaincre ses penchans par des motifs de fortune, de gloire, de bienséance. Il en parlait comme Massillon démontrant aux mondains que leurs pratiques les plus frivoles et leurs oisivetés mêmes étalent plus laborieuses que les exercices d’un pénitent : « Eh! qu’est-ce que votre vie, qu’une éternelle contrainte, une gêne qui ne finit point, une suite d’occupations opposées à vos penchans, une scène où il faut toujours jouer le personnage d’un autre?» Les deux Philippe, quoiqu’ils eussent appris le français, sont morts sans avoir lu les admirables sermons sur la Samaritaine et sur le Respect humain ; mais, sûrement, ils se sont dit à leur manière : « Le zèle, l’indulgence, la vie commune, la retraite, la fuite des grandes places, les grandes places elles-mêmes, tout trouve des censeurs. Faites convenir, si vous le pouvez, tous les hommes sur votre sujet, et alors on vous permettra de faire de la vanité de leurs opinions la règle de votre conduite. Eh! oui, si savans que nous soyons dans l’art de plaire, nous ne plairons pas à tout le monde, et vraiment il en coûterait moins d’être un ascète, un philosophe, un saint, que d’acquérir le je ne sais quoi et de régler toutes ses actions sur les trois temps d’un menuet. Mieux vaut nous rendre heureux en suivant tous nos penchans. » Et l’un et l’autre suivirent leurs penchans, qui étaient des inclinations d’hommes très médiocres.
Le premier n’eut pas plus tôt trente ans que son père renonça à rien faire de lui : « Votre fainéantise me fait trembler pour vous, et je crains que vous ne croupissiez à jamais dans une méprisable obscurité. La paresse est un suicide; l’homme est détruit, bien que les appétits de la brute lui survivent... Je désespère de votre élection au parlement. Cela ne vous fait rien, et vous avez tort. Vous auriez pu, à la rigueur, faire bonne figure au second rang. C’est un endroit où il y a place pour plus d’une ombre : locus est et pluribus umbris. » Cet enfant de l’amour ne fut pas même un fantôme de député; quelques mois plus tard, on l’enterrait. Le filleul fut lord, mais ne brilla pas par son éloquence. Assez bonhomme, mari passable, bon agriculteur, il fut un de ces gentilshommes campagnards que Chesterfield détestait et un véritable Visigoth. Il avait hérité de l’admirable et historique manoir de Bretby, construit sur le plan du vieux palais de Versailles et plein de souvenirs; il le fit jeter bas. A l’égard du je ne sais quoi, il avait celui qui déplaît, et Mme d’Arblay, l’auteur de Cécilia, disait de lui : « Le feu lord Chesterfield, cette quintessence du bon ton, rougirait de voir son successeur, qui sans contredit est l’homme le plus mal élevé que j’aie jamais rencontré. »
Un tableau peint en 1810 nous le montre dans la cour de sa ferme. Gros, robuste, épais, un peu ventru, il examine d’un air froid et d’un œil d’inquisiteur une superbe génisse, dont son homme d’affaires lui signale tous les mérites. O vanité des rêves et des éducations raffinées! Par deux fois la graisse des conseils et la rosée de la sagesse étaient tombées sur une terre ingrate; où Chesterfield s’attendait à voir fleurir des roses, il n’avait poussé que des chardons. A la vérité, son héritier était un beau chardon; mais c’est un genre de beauté qu’il méprisait profondément, et le mépris était peut-être la plus forte de ses passions. C’est sans doute pour cela qu’il n’est jamais devenu premier ministre.
G. VALBERT.
- ↑ Letters of Philip Dormer fourth carl of Chesterfield to his godson and successor, edited from the originals by the earl of Carnarvon. Oxford, 1890.