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Le Conseiller des femmes/01/Texte entier

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Le Conseiller des femmes/01
Le Conseiller des femmes1 (p. 1-16).
N° 1. — samedi, 2 novembre 1833. — 1re année.


LE CONSEILLER
DES FEMMES.

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À nos Lectrices.


Dans un siècle de progrès où le droit et l’action de tous sont à l’ordre du jour, nous croyons, en fondant un journal spécialement destiné aux femmes, travailler à une œuvre d’organisation — selon les vues de Dieu et selon les besoins de l’époque ; car si de droit et de fait, la femme est, dans l’ordre naturel et numérique, la moitié de l’humanité, il nous semble juste et nécessaire qu’elle prenne sa part du mouvement ascendant imprimé à notre civilisation.

Alors que les peuples, dominés par une soif insatiable de conquêtes, faisaient de la vie une longue lutte, une guerre à mort, il était naturel que la femme, douée de sentimens pacifiques et concilians, se renfermât dans le cercle de la vie étroite et passive de la famille ; mais aujourd’hui que la raison du plus fort cède la place à la raison du plus sage, elle peut donner essor à son activité, et l’utiliser au bien de la génération qui s’avance. Jusqu’ici étrangère aux intérêts généraux, elle s’est hum- blement résignée au silence absolu, dont les préjugés lui faisaient une loi ; et si, de loin en loin, quelques unes ont tenté de se mettre en relief, elles ont presque toujours payé par d’amers regrets, les suffrages que quelques esprits avancés leur prodiguaient… Dans un tel état de choses, si les femmes n’ont pas été à la hauteur de leur siècle, si elles se sont traînées à la remorque, ce n’est pas elles qu’il faut accuser, mais bien une société dont les prétentions ont eu, trop long-temps, force de loi. Grâces en soient rendues, cependant, aux hommes de conscience et de justice, les erreurs s’en vont, et notre siècle ne dit plus anathême aux femmes qui veulent sortir de la route commune, en vue de faire quelque bien. Chacune peut maintenant exercer son action moralisante. Sans-doute, toutes ne sont pas destinées à travailler, d’une manière générale, au développement des masses, mais toutes ont des liens de famille, et c’est là, surtout, que leurs devoirs doivent être rigoureusement remplis ; il faut en convenir, si l’éducation intellectuelle de l’homme ne laisse rien à désirer, sous plus d’un rapport son éducation morale est incomplète, inachevée, surtout en ce qui touche à la vie familiale, aux relations intimes, si douces quand on les entoure de bons procédés, de mutuels égards.

Selon nous, la partie morale de l’éducation est, plus particulièrement, du domaine de la femme ; et comme une nation se distingue bien plus par ses mœurs que par ses lois, les différentes phases sociales, où les femmes ont exercé quelque empire, ont toujours eu la priorité, témoin le moyen âge, de chevaleresque et glorieuse mémoire, où, après la divinité, la dame recevait de son chevalier un culte religieux et pur. Courage, dévouement, fidélité, tout était dû à ses inspirations : et quand pour gage de ses sermens, le chevalier invoquait son nom, nul ne le soupçonnait capable de félonie. Ce temps n’est plus, et depuis sa déchéance, bien des progrès ont été inscrits sur le livre des nations… Les hommes ont marché, mais seuls, et il y a eu dans l’humanité diversité de sentimens et de pensées… Est-ce ainsi que Dieu veut l’harmonie des sexes ? Nous ne le pensons pas… La vie est une route qu’il faut faire à deux, et pour la trouver douce il faut, d’abord, s’entraider, se comprendre.

Pour cela, il est donc rigoureux que, sans changer sa nature et ses mœurs, la femme s’occupe, plus qu’elle ne l’a fait, des intérêts de tous et de chacun. Sévère, en ce qui la concerne, qu’elle puisse, épouse, mère, amie prêcher d’exemple et persuader bien plus qu’imposer.

Pour nous, en toutes circonstances, nous signalerons dans l’intérêt de la morale, ce qui nous semblera utile, désirant surtout que la femme puisse progresser assez, pour pouvoir, dans les diverses circonstances de la vie, prendre sa raison pour guide de ses actions. Nous ne voulons pas qu’elle dépouille le caractère de douceur et de bienveillance, sans lequel elle cesse d’intéresser et de plaire, mais plutôt qu’elle tourne à son profit, les avantages que Dieu lui a donnés, et que sans cesser d’être femme, elle propose un but utile à ses moindres actions, et cherche, avec nous, le grand remède aux grands maux de l’humanité. Tel est notre vœu ; telle sera la direction dans laquelle nous marcherons maintenant et toujours !

Eugénie Niboyet.

DE L’AVENIR DES FEMMES.


C’est vainement que de moroses censeurs, de froids et routiniers moralistes déprécient avec chagrin l’Europe moderne : une civilisation progressive se dessine admirablement dans le 19me siècle ; et le temps actuel sera cité dans l’avenir comme une époque de transition sur laquelle, il est vrai, pèse l’anarchie des idées en morale comme en religion et en politique, mais de laquelle surgira une amélioration notable, nous osons l’espérer. En vain le passé se dresse à nos regards, tout fier encore de sa vieille expérience : ce ne sont plus que de pauvres lambeaux, que les hommes d’autrefois prétendent disputer à la génération nouvelle ; toutes les croyances sont affaiblies et cependant croire et espérer sont les besoins impérieux de l’ame. Tous nos efforts maintenant doivent donc tendre à reconstruire. L’essor est donné ; la femme doit être instruite pour le bonheur de tous. Il est temps qu’elle élève une voix courageuse contre les abus dont, jusqu’à ce jour, on accabla sa faiblesse. Je sais combien de telles idées vont provoquer de sarcasmes ; il faut bien l’avouer : c’est une tâche difficile qu’accepte celle qui s’impose l’obligation de prendre l’initiative dans une question que le temps seul pourra résoudre à son avantage ; il faut plus que du courage pour jeter ainsi son timide nom de femme à la face d’une railleuse province qui, presque toujours, n’a qu’un sourire de dédain pour une idée nouvelle ; oui, je le répète, il faut plus que du courage pour entreprendre une lutte avec un préjugé aussi vieux que le monde, préjugé révoltant d’autant que l’homme est plus avancé dans la civilisation, mais qui n’en a pas moins traversé les siècles, parce qu’il est basé sur cette loi puissante qui régit l’univers, loi qui donne droit au plus fort et qui ferait douter de l’existence de Dieu, si Dieu n’avait écrit l’espoir dans le cœur du sexe, qu’il a créé le plus faible, et enrichi son intelligence de mille dons précieux ; il faut pour oser plaider une telle cause, avoir un noble but en perspective et porter à un haut degré, dans son ame, l’amour de l’humanité.

Cependant, animée par de tels motifs, on doit marcher avec calme, et dire toute sa pensée, sans crainte, parceque, s’il arrivait qu’on dût rester incomprise, du plus grand nombre, il est impossible qu’on ne recueille quelque sympathie pour une opinion énoncée avec franchise, pour une idée religieuse ou morale professée de bonne foi.

Dans ce journal, consacré à l’instruction des femmes, la fille du peuple, surtout, sera l’objet de notre constante sollicitude ; c’est elle qui a le plus grand besoin d’être éclairée ; car, c’est elle, parmi toutes les femmes, qui court le plus de dangers, étant la créature le plus misérablement traitée par nos institutions sociales. Nous plaiderons aussi sa cause auprès des femmes de la classe privilégiée, afin, que voulant bien mettre de côté les distinctions de rang et de fortune, elles aient de l’amour et des soins à donner à cet autre classe intéressante de la société. La femme peut beaucoup et par son intelligence, et par la douceur de sa voix ; qu’elle sache donc enfin tourner au profit de son sexe les avantages qu’elle a reçus de la nature ; qu’elle médite et comprenne cette grande vérité : la femme ne sera véritablement forte que lorsqu’elle sera, de bonne foi, l’amie de son sexe ; c’est la première vertu de l’homme qu’elle doit chercher à imiter, si elle ne veut point demeurer éternellement son esclave. L’esprit de corps lui manque ; de cette cause naissent sa dépendance et son asservissement. Le défaut d’harmonie entre les femmes sera toujours fatal à leurs progrès. Pourquoi leur règne est-il de si courte durée ? C’est qu’il n’a pour base qu’un sentiment éphémère, une passion d’homme, folle et capricieuse comme tous les désirs humains.

Tout le monde connaît ce mot d’une femme célèbre : « L’amour n’est qu’un épisode dans la vie de l’homme ; c’est la vie entière de la femme. » et nous pourrions ajouter que lorsque la femme moissonnera dans le champ que l’homme s’est exclusivement réservé ; lorsque, par exemple, elle abordera sérieusement la science, qu’elle cultivera tous les arts ; lorsque, avec plus de liberté, elle aura, comme l’homme, mille intérêts divers pour occuper son imagination active ; lorsqu’elle ne se fera plus gloire de son asservissement, en lançant l’épigramme sur celles qui osent élever leur pensée au-delà du pot-au-feu et de la tapisserie ; lorsque les femmes auront échangé leur existence de colifichets contre une existence composée d’élémens plus solides ; lorsqu’elles seront plus instruites enfin, l’amour aussi ne sera plus qu’un épisode dans leur vie ; elles ne traîneront plus une existence aussi décolorée que flétrie, après la perte inévitable des illusions du jeune âge ; et l’on ne dira plus que, pour rester pure, la femme a besoin d’être asservie. Lorsque, avec plus de lumières, elle aura acquis plus de liberté, le crime de la séduction sera moins répandu, il fera moins de victimes et les mœurs y gagneront ; car, plus la femme sera éclairée, mieux elle saura se défendre ; qu’une juste indignation lui donne le courage d’imprimer un sceau d’infamie sur le front du méprisable Lovelace, de l’immoral don Juan, véritables types de tant d’hommes du monde qui ne marchent, la tête si haute, dans le vice, que parce qu’ils se sont réservé l’impunité que la femme leur assure, en jetant elle-même, la première pierre à sa compagne déchue. Il faut qu’un jour, s’avançant à grands pas dans le monde, le progrès vienne démontrer, à tous, qu’il est d’une injustice révoltante de faire peser tout le poids d’une faute sur le sexe le moins coupable ; à la femme est réservée cette tâche ; elle est partie intéressée : qu’elle soutienne ses droits ; sa cause est trop juste pour qu’elle ne triomphe pas, dans un prochain avenir, de quelques préjugés surannés qui doivent tomber devant une coalition pacifique, comme, autrefois, les tours féodales de la Bastille tombèrent devant un peuple armé pour la conquête de ses droits.

Louise Maignaud.
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SŒUR MADELEINE.

Il était un berger, veillant avec amour
Sur des agneaux chéris qui l’aimaient à leur tour.
Il les désaltérait dans une eau claire et saine,
Les baignait à la source et blanchissait leur laine ;
De serpolet, de thym, parfumait leur repas ;
Des plus faibles encor guidait les premiers pas.

Mme Desbordes-Valmore.

Lorsqu’il advient, dans la vie, de ces momens d’abattement et de douleur, où l’ame attristée se révolte contre toute distraction, j’ai souvent éprouvé que les souvenirs d’enfance se présentent en foule, exempts d’amertumes et de déceptions, apportant comme un baume aux cruelles blessures du cœur.

Elles sont si fraîches et si pures les émotions du jeune âge, alors que tant d’illusions délicieuses bercent l’existence et font croire au bonheur, que l’on éprouve une douce consolation à se reporter vers ce passé calme et serein.

Entre tous mes souvenirs, il en est un bien digne d’être consigné dans le Conseiller des Femmes. Nulle ne le lira sans attendrissement et sans éprouver un vif sentiment d’admiration pour le pieux objet qui le rappelle.

Madeleine est son nom ; elle n’a point prononcé de vœux, ne tient à aucun ordre ; mais l’intérêt qu’inspire son œuvre la fait saluer, de tous, du nom de sœur.

Je veux que mon récit vous apprenne à connaître cette bonne et excellente fille ; je veux que vous puissiez la citer à vos enfans comme un exemple de charité pure et évangélique, comme un modèle de dévouement.

Si vous saviez combien elle est simple et modeste, vous l’aimeriez comme je l’aime, moi qui l’ai vue faire abnégation d’elle-même, pour ne s’occuper que des êtres auxquels elle se dévoue.

Sœur Madeleine habite le Pont de Beauvoisin, côté de France. Réduite à un revenu annuel de six cents francs, elle trouve, avec cette somme, le moyen de faire du bien, et préserve du malheur un grand nombre d’enfans confiés à ses soins vigilans et désintéressés.

Le Pont de Beauvoisin est une très-petite ville, où il y a peu de gens riches et beaucoup de misère ; les hommes n’ont que de bien faibles ressources pour gagner leur vie ; car il n’y a aucune industrie spéciale qui assure un salaire journalier au père de famille, aucune manufacture où il puisse, selon ses forces et son talent, travailler pour subvenir aux besoins de ses enfans. La ligne des douaniers établie sur la frontière est étendue, mais les places en sont presque toutes données à de vieux militaires, en sorte que les gens du pays en sont frustrés. La misère se fait sentir doublement à cause du grand nombre d’enfans qu’il y a dans chaque famille ; il n’est pas rare d’en voir dix, et même douze, appartenir à la même mère.

Affligée de tant de misère, Madeleine conçut le généreux projet de se charger de tous les enfans pauvres de la ville, de les élever, de leur apprendre à confectionner de petits ouvrages qui les missent à même d’amasser quelque argent. Son projet, une fois arrêté, elle le mit à exécution, la bonne sœur ! Elle loua une salle vaste et saine ; elle y fit placer des tables et des bancs, et depuis ce jour, elle va chaque matin, frappant de porte en porte, chercher ces pauvres petites créatures qui arrivent, le sourire sur les lèvres et la joie au cœur, exprimer leur amour et leur reconnaissance à leur bienfaitrice.

Lorsque sa ronde est achevée, elle reprend le chemin du logis, conduisant les plus faibles par la main, et veillant sur les autres ; tous marchent avec ordre et sans bruit, heureux qu’ils sont d’obtenir l’approbation de leur maîtresse. Arrivés dans la grande classe, ils se mettent à l’ouvrage et témoignent par leur application la crainte qu’ils ont de fâcher leur bienfaitrice.

Lorsque vient l’heure du déjeûner. C’est encore sœur Madeleine qui se charge d’y pourvoir, c’est elle qui distribue de bonnes et grosses soupes ; c’est elle qui, l’hiver, donne des sabots à qui n’en a pas, un habit chaud à qui est mal vêtu ; et elle fait cela avec tant d’affection, elle sait si bien le langage qui convient à ces jeunes cœurs, que toujours ces riantes et fraîches figures la remercient de la voix et du regard. Il faut qu’elle assiste aux récréations, car sans elle les enfans n’éprouvent point de joie ; tout les attriste et les inquiète, tant ils comprennent qu’ils ont besoin de sa protection, de son appui.

La sœur leur inculque de bonne heure des principes religieux : « Croyez à la bonté de Dieu ! Aimez-vous les uns les autres ! leur répète-t-elle sans cesse, vous serez justes et vertueux. »

La matinée est employée à lire et à écrire, et l’après-midi, consacrée à divers ouvrages. Puis, le soir, Madeleine recommence sa promenade, rendant chaque enfant à sa mère, et recevant, en échange, les bénédictions de l’une, les caresses de l’autre.

Que le sommeil doit être doux après un tel emploi du temps, qu’il doit être calme et exempt de mauvais rêves ! Bonne sœur dors en paix ! Dieu t’aime, il veille sur toi, sur les tiens !

Cependant un jour vint où toutes ses ressources furent épuisées, où le dénuement le plus complet vint l’accabler. Elle répandit des larmes amères, sœur Madeleine, car ses enfans allaient souffrir, ils allaient de nouveau être livrés à eux-mêmes et privés de ses soins. Elle n’osait plus réclamer l’assistance des dames de la ville ; elles avaient déjà tant et si souvent donné, qu’elle craignait un refus. Ô mon Dieu ! mon Dieu, secourez-moi, s’écriait-elle dans son désespoir, faites que je puisse encore les élever et leur apprendre à vous servir. Et Dieu l’entendit et l’exauça : une dame étrangère, qui se trouvait au Pont, lui offrit une forte somme qui l’aida à continuer son œuvre, jusqu’au moment où elle recevait habituellement ses petites rentes.

Je recueillis ces renseignemens pendant le court séjour que nous fîmes au Pont, ma mère et moi, au milieu de l’été, 1826.

Je pourrais vous entretenir encore long-temps de sœur Madeleine, mais vous la connaissez maintenant, et si j’ai réussi à vous la faire aimer, ma tâche est remplie !

J’espère que celles de mes lectrices que leurs maux ou leurs plaisirs appellent aux eaux d’Aix et qui s’y rendent par cette route, se souviendront que sœur Madeleine existe toujours, qu’elle continue son œuvre bienfaisante et qu’elles pourront facilement visiter son établissement. L’enfant qui parle à peine leur indiquera sa demeure, le vieillard les y conduira, et tous témoigneront de leur reconnaissance éternelle et de leur zèle à la servir. Oh ! puissent les femmes conserver comme moi le souvenir de la modeste sœur ! et lorsqu’elles auront à souffrir du monde et de ses erreurs, qu’il leur apparaisse comme les rayons du soleil après un mauvais jour ! qu’il ramène le calme dans leur ame, et que, comme moi, elles répètent : Que Dieu te protège, bonne sœur Madeleine !!

Marie.
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SÉANCE DE MNÉMOTECHNIE,
PAR M. AIMÉ PARIS.

Nous avons assisté à la séance mnémotechnique tenue par M. Aimé Paris, dans la salle du grand théâtre, et, comme tout le monde, nous avons été étonnées de l’habileté avec laquelle ce professeur a exposé d’abord, la théorie de sa méthode, justifiée bientôt par l’application.

Nous ignorons quels sont les moyens ingénieux employés pour fixer la mémoire, ce que nous ne pouvons révoquer en doute, c’est que ces moyens existent. Comment en effet M. Aimé Paris pourrait-il reproduire, par ordre, après un examen rapide, les différentes phrases qui lui sont envoyées sur bulletins, de tous les points de la salle, s’il n’avait de vers lui un moyen inconnu, un levier puissant ? Sans doute on doit faire la part des facultés de M. Paris, et du développement qu’il a pu donner aux organes de sa mémoire en les occupant toujours, mais cela ne suffit pas. M. Paris a des moyens naturels et des moyens acquis, l’emploi qu’il tire de ces derniers constitue toute sa mnémotechnie. Ce sont des agens secrets qui, mis en action, donnent à la mémoire souvenir du passé et le font revivre pour elle. On nie ces agens, mais d’abord nier ce n’est pas prouver, et parce que certains nieront la lumière, ce sera-t-il une raison de croire qu’il fait nuit ?

Marchant dans une voie avant eux inconnue, les novateurs ont toujours eu le tort, bien grand, de n’être pas compris de tout le monde, est-ce leur faute ? Le progrès répondra pour nous. Seulement, il nous semble que les intelligences étant inégales, la même limite ne peut leur être assignée non plus que la même place. Galilée et Colomb ont-ils été d’abord compris, et devrions-nous au premier d’avoir apprécié le mouvement de la terre, au second d’avoir découvert un monde tout entier, si quelques esprits avancés n’eussent eu foi à leurs inspirations.

Il fut un temps où nul n’était prophète dans son pays et chacun sait que Papin et Fultou ne purent trouver à faire dans la France, leur patrie, l’application de leurs ingénieuses découvertes, les bateaux à vapeur et le gaz hydrogène. En serait-il encore de la même manière ? Nous ne le pensons pas ; d’ailleurs, et pour revenir à M. Paris, nous ne voyons pas, en ce qui le concerne, qu’il y ait lieu à douter de ce qu’il avance pour quiconque veut juger avec impartialité. Qu’il y ait de l’enthousiasme traduit en exagération dans quelques-unes de ses phrases, cela s’explique tout naturellement. M. Paris est aujourd’hui sa méthode incarnée, il en parle d’après les services qu’elle lui a rendus, et sous ce rapport on comprend qu’il ait lieu d’être satisfait. Toutefois, en admettant que peu de personnes puissent tirer autant d’avantages que lui de la méthode mnémotechnique. Nous croyons aux heureux résultats qu’elle peut donner. En ce qui nous concerne et sans autres agens que quelques similitudes de noms, nous avons souvent rattaché les plus grands faits aux plus petites circonstances, et reconnu que par certaines combinaisons de mots fort simples, souvent bizarres dans leur isolement, on peut rappeler à son souvenir un événement important que la mémoire rendrait avec peine sans un agent provocateur. La mémoire est semblable à un champ, pour produire elle ne demande qu’à être cultivée ! C’est de cette culture que M. Paris s’est occupé. Tenons-lui compte de ses efforts, et puisqu’il est bien reconnu que beaucoup de gens vivent, en fait d’esprit, sur les fonds étrangers, sachons gré à M. Paris qui leur donne le moyen d’accroître leurs revenus !

Eugénie Niboyet.
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VARIÉTÉS.

Il est généralement reconnu que l’éducation religieuse est le meilleur refuge contre le malheur et la pauvreté. Le sage lui doit de supporter les maux qu’il ne peut toujours éviter. Riche de sa piété il trouve en elle de puissans motifs de joie, et un revenu perpétuel de satisfaction intérieure !

Dans une visite que nous fîmes dernièrement à la maison de charité de…, nous eûmes une preuve frappante de la vérité de cette doctrine en la personne de Mme ***.

Laissée orpheline, dès l’âge le plus tendre, c’est aux bontés d’un oncle qu’elle dut le bien précieux d’une éducation solide.

On lui apprit à se rendre compte de toutes ses impressions, à connaître le cœur humain, à n’attendre des hommes que ce qui peut raisonnablement leur être demandé. Avec cela, un temps bien employé, des heures marquées par des travaux utiles, une extrême sévérité dans ses examens de conscience ; tout, en un mot, avait contribué à prémunir son ame contre les coups possibles de l’adversité.

Mariée, à l’âge de 22 ans, à un homme estimable, elle quitta, non sans regrets mais avec résignation, la respectable famille de son oncle. Les premières années de son mariage furent douces et paisibles, mais bientôt elle eût à donner des larmes à son oncle et à son mari ; restée veuve, sans fortune, il lui fallut gagner sa subsistance du travail de ses mains. Dix années se passèrent ainsi, pendant lesquelles Mme *** suffit honorablement à tous ses besoins, et sut s’attirer l’admiration et le respect de ses nombreux amis ; mais au bout de ce temps, le feu ayant pris à une maison voisine de la sienne, se communiqua si rapidement à son humble demeure, qu’elle n’échappa aux flammes qu’en sautant par la croisée. Cette chûte lui fut des plus funestes. Obligée de subir l’amputation, elle perdit, presque en même temps, l’usage de son autre jambe et du bras droit. Cependant la souffrance et le malheur n’altérèrent pas la sérénité de cette ame chrétienne. Ses amis qui lui montraient le plus vif intérêt, voulaient qu’elle consentit à vivre de leurs dons, mais elle, sachant combien est grand le nombre de malheureux qui réclament des secours particuliers, et possédant cette indépendance d’esprit qui caractérise les grandes ames, se décida à prendre asyle dans une de ces maisons que la bienfaisance publique ouvre aux indigens. Le nom d’hospice n’offrit rien d’humiliant à sa pensée, car elle avait appris, dans sa jeunesse, qu’une conduite irréprochable est le meilleur titre à l’estime générale. Elle entra donc, sans rougir, dans l’hôpital de **, et l’habite depuis ce temps. Sa gaîté, sa patience ne l’ont jamais abandonnée, et la font chérir de tout ce qui l’entoure. Elle instruit les jeunes, encourage les vieux, et se rend agréable à tous, par sa conversation pleine d’intérêt. Son caractère donne de la dignité à sa situation et ceux qui la visitent sont pénétrés de respect et d’admiration pour cette habitante volontaire de la maison de charité.

(Extrait de The frugal housewife, imprimé aux États-Unis.)
Élisa M…
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HISTOIRE.
SES ENSEIGNEMENS.

Lorsqu’on parcourt la succession des siècles, on s’apperçoit que le temps élève et disperse les générations ; et quand on songe qu’elles n’apparaissent un instant que pour aller se perdre aussitôt dans le gouffre de l’éternité, on compte alors pour bien peu de chose, tous ces grands événemens, tous ces grands intérêts qui agitent et bouleversent les empires ; on se rappelle qu’il suffit d’un moment pour nous faire naître, souffrir, mourir ! Et qui pourrait alors s’attacher à des biens qui nous échappent, et redouter des maux qui doivent sitôt finir ? Qui resterait sans pitié pour les malheureux, et sans pardon pour le coupable, quand l’histoire semble nous dire, à chaque page, que le crime et le malheur sont adhérens à notre triste et chétive nature ? Qui pourrait s’énorgueillir de son mérite et de ses vertus, lorsque tant de grands génies, tant de bienfaiteurs de l’humanité ont signalé leur passage sur la terre, par tant de beaux écrits, tant de belles actions, dont on conteste aujourd’hui le mérite, lorsqu’il n’est pas tout-à-fait méconnu ? Qui, enfin, pourrait s’applaudir de ses succès et rechercher la renommée et des honneurs, lorsque tant de grands rois, tant de conquérans n’ont vu le monde à leurs pieds, que pour avoir à lutter contre un monde d’ennemis ? L’histoire nous montre de vaines gloires à mépriser, des vertus à acquérir, des crimes à déplorer, des passions à proscrire ; ne perdons pas le fruit que nous pouvons en tirer.

une Solitaire.