Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/04/02

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 77-78).


II

EXPLICATIONS PRÉLIMINAIRES


« La composition proprement dite, dans son sens le plus étroit, consiste à rassembler, suivant un texte donné, les lettres une à une pour en former successivement des mots, des lignes, des pages, etc. »

a) Le compositeur reçoit des mains du metteur en pages le texte ou copie à composer.

Ce texte peut être un manuscrit ou une réimpression ; la réimpression s’appelle manuscrit belge[1] ; elle est dite chou pour chou, lorsqu’elle doit être reproduite sans aucune modification et ligne pour ligne, dans le caractère précédemment employé.

L’ensemble du texte confié à l’ouvrier reçoit le nom de cote ; le foliotage des liages est soigneusement vérifié, afin de s’assurer qu’aucun feuillet ne manque et que « tout se suit ».

b) Parmi les indications que le metteur doit nécessairement faire figurer sur la copie, on peut noter : 1o le nom de l’ouvrier ; 2o le caractère à employer pour le texte, ainsi que pour les notes, et, le cas échéant, les intercalations ; 3o la justification ; 4o l’interlignage du texte, des notes et des intercalations ; 5o le nombre de cadratins dont le premier mot de chaque alinéa de texte, de notes, d’intercalations de diverses sortes doit être rentré sur la justification normale ; 6o le mot précis par lequel la composition doit débuter ; 7o l’alinéa ou le rattrapage, c’est-à-dire la réclame à reprendre sur la cote précédente ou sur la copie suivante, etc.

c) Si le manuscrit a été préparé, c’est-à-dire revisé avant d’être mis en mains, le metteur peut se borner à recommander de suivre la copie sans rien changer aux indications typographiques qu’elle comporte. Au cas contraire, il est nécessaire de donner au compositeur les indications indispensables : caractères à employer pour les titres, marche à suivre pour l’italique, les guillemets, l’emploi des chiffres, etc.

d) Nombre de metteurs en pages, après avoir remis la copie, justifient eux-mêmes le composteur du paquetier, à l’aide d’une poignée d’interlignes ou d’une garniture : ils ont de la sorte une certitude matérielle indiscutable d’une justification régulière, et ils n’ont point à faire la recommandation, trop souvent inutile, d’un composteur justifié ni trop serré ni trop lâche.

e) Pour faciliter le travail — que la composition soit interlignée ou non — on emploie presque toujours un filet ou lève-ligne. Lame de plomb ou de cuivre, de même hauteur que la lettre elle-même et de la longueur de la justification, le lève-ligne est muni à ses extrémités supérieures de deux oreillettes ; ces oreillettes, débordant légèrement au delà du composteur, permettent de retirer aisément le lève-ligne entre deux lignes de composition ; elles sont arrondies, de même que la tête, afin d’éviter de blesser la main droite au cours du travail. Le filet ou lève-ligne doit être tenu constamment propre : il faut en effet qu’il présente une surface bien polie, pour faciliter le glissement de chacune des lettres que la main droite présentera au composteur, et aider par là à la rapidité du travail, but unique auquel tend son emploi.

  1. Ainsi désigné parce qu’à une époque les imprimeurs belges éditaient surtout, en contrefaçon, les travaux parus dans les autres paya, notamment en France.