Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/31/02

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 847-849).


II

LES SIGLES



5. Afin de graver dans un emplacement restreint un texte assez long, les écrivains avaient recours, on l’a vu, à l’usage des ligatures.

Mais cet artifice n’était point le seul dont ils se servaient : a) dans un mot, suivant des règles bien déterminées, ils supprimaient une ou plusieurs lettres ; b) ils gravaient seulement la lettre initiale du nom ; c) ou encore, pour sa représentation, ils utilisaient des signes dont l’interprétation était courante et se réduisait à un nombre de termes minime.

6. De manière générale, la plupart des inscriptions — la totalité, pourrait-on dire — comportent des mots exprimés en abrégé : le graveur écrivait parfois une seule lettre du terme voulu.

En cette matière les exemples sont fort nombreux et connus :

D · M · S, Diis Manibus sacrum,
I · O · M,   Jovi Optimo Maximo,
S · P · Q · R, Senatus Populusque Romanus.

À cette première manière les Romains donnèrent d’abord le nom de notae (abréviations), puis, plus tard, celui de sigla (sigles).

7. Le sigle[1] était ainsi une lettre initiale dont on se servait pour représenter un mot ou même un groupe de mots.

Le sigle était dit simple quand le graveur utilisait une seule lettre, comme on vient de le voir dans l’exemple précédent.

Au contraire, le sigle était composé quand à la lettre initiale l’artisan ajoutait une ou plusieurs voyelles ou consonnes, ainsi que l’indiquent les exemples suivants (nos 8 et suiv.).

8. Souvent l’écrivain a conservé plusieurs lettres, généralement celles du début du mot :

AUG. Augustus,
TR, TRIB, tribunus,
PRAET, practor,
AED, aedilis.

9. Dans les diverses circonstances où le sigle était employé, le pluriel, s’il était nécessaire, était exprimé par le redoublement de la dernière consonne utilisée autant de fois que l’écrivain désignait de personnes ou de choses :

AUG. Augustus ; AUGG, Augusti duo ;
C, Caius ;------ CCC. Caii tres.

Le correcteur et le compositeur n’ont donc pas à s’étonner de ces redoublements dont ils connaîtront la raison.

10. Dans certaines inscriptions quelques lettres abréviatives, particulièrement B, O, R, sont barrées horizontalement en leur partie médiane. La signification de ces lettres est alors bien déterminée et invariable dans toutes les circonstances où on les rencontre :

beneficiarius ;
obitus ;
ratio, Romanus, rubrica.

11. À côté des abréviations régulières, les écrivains et les graveurs utilisèrent fréquemment des lettres ou des signes de formes particulières, qui ont reçu également le nom de sigles, mais que le compositeur doit se garder de confondre avec les consonnes et les voyelles de formes normales, car leur signification est différente non moins que leur aspect.

Parmi ces sigles on peut énumérer :

(C retourné), dont les auteurs donnent des traductions multiples ;
----  (F retourné), qui n’est point une forme spéciale de F, mais exprime l’idée du féminin (femme ou fille) ;
---- K (K retourné), dont la traduction constante est le mot castra ;
---- I, dont la partie supérieure dépasse l’alignement des autres lettres, ne fut à une époque — celle de Sylla — que l’indication de la contraction de la diphtongue ei, génitif et datif ; plus tard, par suite d’ignorance, la plupart des artisans, désireux de rompre l’uniformité de leur gravure, employèrent cette forme de lettre aussi bien à l’ablatif qu’à l’accusatif ; on la rencontre encore fréquemment dans des mots où la lettre I est initiale. Ce n’est plus, dans ces différentes circonstances, qu’une fantaisie de gravure. — Le typographe en assure la reproduction par une lettre dont la force de corps est suffisante pour que l’œil dépasse de trois ou quatre points au plus celui des lettres voisines ;
xxxx  ou ou encore , dont la forme allongée est différente de la lettre O, parfois barrée ou munie d’un point intérieur , qui était plutôt ronde ;
xxxx  n’est pas une forme de la lettre P retournée, mais un sigle qui signifie P(uella) ou P(upilla) ;
xxxx  Enfin, et ne sont point des lettres de formes particulières, mais des sigles.

  1. Nombre d’auteurs accordent le genre féminin au mot sigle.