Le Corset de toilette/Préface

La bibliothèque libre.
Mme & M.
Librairie Médicale et Scientifique. (p. 3-5).
Cher Monsieur,

Vous me demandez de vouloir bien présenter à vos lectrices votre opuscule sur le corset de toilette ; croyez-vous la chose vraiment nécessaire ? Ne pensez-vous pas, comme moi, que le titre seul suffise à attirer l’attention des dames et qu’elles liront jusqu’au bout votre thèse avec intérêt ? J’en suis absolument convaincu. Mais, puisque vous le désirez, je dirai quelques mots du travail que vous m’avez présenté et que je publie dans mon journal.

A ma connaissance, il n’est pas d’objet de toilette qui ait été aussi universellement critiqué que le corset, et s’il me fallait donner ici rien que le titre des principales publications qui ont été faites sur ce sujet, cela vous obligerait à doubler le nombre de vos pages. Aussi m’en garderai-je bien ; d’autant qu’elles peuvent toutes se résumer en quelques mots : « Le corset est un instrument de torture, dangereux pour la santé, et qui devrait être absolument banni. »

Eh bien ! malgré ces critiques violentes, les femmes n’ont point abandonné cet usage et elles continueront à porter le corset, quoiqu’on fasse, pour une raison toute simple, que vous avez fort bien indiquée : c’est que le corset est un objet de toilette indispensable. Une femme sans corset n’est jamais bien habillée, et cette raison pourrait suffire à elle seule ; mais il en est une autre, fort importante, qui explique le mot « indispensable » que j’ai écrit plus haut. C’est que sans ce support, la femme ne peut attacher ses dessous sans s’exposer à une gêne et à des souffrances considérables que vous avez bien signalées. Dès lors, ne pouvant supprimer le corset, n’est-il pas possible d’en faire disparaître les défauts, ou tout au moins de les atténuer pour une grande part ? Après avoir lu votre intéressant travail, la chose me paraît certaine.

Dans ces dernières années, le corset a subi une modification importante, due, je le sais, aux réalisations expérimentales que vous avez obtenues en orthopédie et que vous avez fait passer, pour ainsi dire, dans la pratique générale.

Le corset actuel, à coupe droite, supprime en partie la compression sur l’estomac. C’est un progrès, et un grand ; mais, comme vous, je pense que ce progrès est insuffisant, parce qu’il comporte encore un inconvénient sérieux : la compression, le refoulement des organes abdominaux, dont nous commençons à constater les conséquences graves sous forme d’abaissement utérin et de troubles vésicaux. À plus forte raison ce reproche s’adresse-t-il aux corsets de coupe vicieuse qui exagèrent ces mauvaises dispositions. Avec ces derniers, le résultat est encore plus certain, et à courte échéance.

En somme, on a fait au corset trois grands reproches : il déforme le thorax, comprime l’estomac et gêne la respiration.

Le second reproche n’existe pour ainsi dire plus avec un certain nombre de corsets actuels ; mais il reste encore à faire disparaître le premier et le troisième. Je suis persuadé que votre nouveau corset de toilette, de coupe vraiment anatomique, et si souple qu’il permet la respiration profonde, réussira à donner le résultat désirable et nécessaire.

Avec lui, en effet, le thorax est vraiment libre, l’estomac et le ventre ne sont plus comprimés et bridés comme ils l’étaient anciennement. La femme enfin pourra agir par des flexions faciles, se baisser, ramasser un objet sur le sol sans que l’extrémité inférieure de son corset l’arrête douloureusement par une pression insupportable.

Voilà, cher Monsieur, ce que je pense du corset en général et de votre corset physiologique de toilette en particulier.

Il ne me reste qu’à émettre un vœu ; c’est que les femmes comprennent la nécessité absolue du corset fait sur mesures et suivant les données que vous avez établies.

Croyez cher Monsieur, à mes sentiments très distingués.

Dr Ad. OLIVIER,
Chef du service des maladies des femmes,
à la Policlinique de Paris,
Rédacteur en chef
de l’
Arsenal Médico-Chirurgical.