Le Cri de Toulouse, numéro 1/M. Hyérard reçoit

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M. HYÉRARD REÇOIT
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À peine M. Hyérard, nouveau préfet de la Hte-Garonne, était-il installé, que toute l’armée des fonctionnaires de tout ordre se précipitait, suivant l’usage, dans les salons de la Préfecture.

On y vît non seulement les Corps constitués mais encore les Corps des Agrégés et, pour chacun d’eux, M. Hyérard eut la veine d’improviser de ces paroles qui vont au cœur.

La réception fut entourée d’une certaine solennité ; tout le personnel de la Préfecture était sur pied ; c’est tout juste si M. Hyérard ayant exigé la présence de Lacroix n’imposa pas celle de la bannière !

Il y eut quelques menus incidents dont le public n’a d’ailleurs pas été informé et qui n’en sont que plus drôles.

C’est ainsi qu’au moment de présenter au nouveau préfet le corps des avoués, M. Fourcade eut un moment de soudaine, autant que troublante, hésitation.

Sans scruter à fond l’âme de l’honorable Président de la Chambre des Avoués, il est permis de supposer qu’il n’a, pour tout ce qui est officiel et gouvernemental, qu’une vénération très relative.

Lorsque fut venu son tour de défiler à la tête de sa corporation, une lutte terrible dut s’engager entre sa conscience et sa courtoisie. Pour satisfaire l’une, il se mit donc en marche et, dès qu’il fut bien en face du Préfet, pour ne point froisser l’autre, il limita sa politesse à une sorte de miséricordieux regard qui en disait long sur ses pensées intimes.

De présenter ses collègues, il n’eût cure et il était déjà loin lors que M. Maurel, à qui rien n’avait échappé, s’approcha de M. Hyérard et lui dit avec une grâce toute souriante : — « Excusez notre président, monsieur le Préfet, son émotion l’a empêché de vous exprimer les sentiments respectueux du Corps des Avoués. En son nom et au mien, je vous prie d’en agréer l’assurance ».

M. Hyérard sourit et l’incident passa inaperçu.

Une mésaventure d’un autre genre est arrivée à un des membres du Corps Consulaire présenté à M. Hyérard par le marquis de Dax d’Axat, consul de l’Uruguay. À cette présentation assistaient les représentants de tous les gouvernements étrangers accrédités à Toulouse en qualité de consuls ou de vice-consuls. C’est même à ce titre que M. le docteur Lierre, adjoint au maire de Toulouse et vice-consul de la République de Portugal, fit connaissance avec le nouveau Préfet.

Or donc, cette présentation avait pris fin depuis longtemps lorsqu’on vit arriver, tout suant, tout soufflant, mais superbement habillé, le consul de la République Argentine.

Jugez de son embarras :

— J’entends, dit-il, être présenté tout de même, louquel de ces messieurs voudrait m’accompagner ?…

Quelqu’un se dévoua fort à propos et l’honneur de la République Argentine sortit indemne de ce contre-temps.

— Figourez-vous, disait en sortant notre consul, que j’ai failli être en retard, mais tout s’est bien passé ; je souis arrivé jouste avant le receveur mounicipal !