Voyage de Marco Polo/Livre 2/Chapitre 3

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III
De quelle manière Koubilaï se précautionna contre ses ennemis.


L’empereur, n’ignorant pas ce que ses parents machinaient contre lui, et avec quelle animosité ils étaient portés à conspirer contre sa personne et son État, jura par sa tête et par sa couronne impériale qu’il vengerait une si grande insolence et qu’il punirait une si noire perfidie. Après quoi il assembla en trois semaines une nombreuse armée composée de trois cent soixante mille cavaliers et de cent mille hommes de pied, qu’il tira seulement du voisinage de la ville de Cambalu. Et, quoiqu’il eût pu lever une plus grande armée, il ne voulut pas le faire, pour être plus tôt en état de surprendre ses ennemis, qui ne s’attendaient pas à une si prompte marche, et de peur que sa résolution ne vint à être connue de Naiam, son ennemi, et qu’il ne se retranchât dans quelque lieu avantageux. L’empereur avait alors d’autres armées sur pied, qu’il avait envoyées pour subjuguer différentes provinces, et qu’il ne voulut point rappeler, pour que son dessein ne fût découvert à l’ennemi. C’est pourquoi il envoya partout garder les chemins fort exactement, afin que ses ennemis n’eussent pas le moindre vent de son arrivée. Car tous les passants étaient arrêtés par les gardes du roi, afin que personne ne pût informer Naiam des desseins de l’empereur. Les choses étant ainsi ordonnées, le roi consulta les astrologues, pour savoir à quel jour et à quelle heure il devait partir afin d’avoir un heureux succès dans son entreprise. Les astrologues l’assurèrent tous, d’une voix unanime, que son voyage serait heureux et que le temps lui était alors favorable pour triompher de ses ennemis.