Voyage de Marco Polo/Livre 2/Chapitre 49

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Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 249-250).
XLIX
De la ville de Gingui.


De la province de Tholoman en allant vers l’orient on rencontre celle de Gingui (Kouei-tcheou), et l’on marche pendant douze jours le long d’une rivière jusqu’à ce que l’on trouve une grande ville nommée Fun-gul[1]. Elle est sujette du Grand Khan, de même que tout le pays ; les habitants sont adonnés au culte des idoles. On fabrique en cette province de belles étoffes d’écorce d’arbre, dont on fait des habits d’été. Il y a des lions en quantité, en sorte que personne n’oserait sortir la nuit hors de sa maison, car ils déchirent et dévorent tous ceux qu’ils rencontrent. Les navires qui montent et descendent sur la rivière ne sont point attachés au rivage à cause de ces lions ; mais ils se tiennent à l’ancre au milieu, autrement les lions viendraient pendant la nuit et entreraient dans les vaisseaux et mangeraient tout ce qu’ils y trouveraient ayant vie.

Quoique ces lions soient grands et féroces, il y a cependant dans le pays des chiens si forts et si hardis qu’ils ne craignent point de les attaquer, et il arrive souvent qu’un homme à cheval avec son arc et deux chiens détruit un de ces lions. Car lorsque les chiens sentent le lion, ils courent sur lui en aboyant ; surtout lorsqu’ils se voient soutenus du secours de l’homme, ils mordent le lion au derrière et à la queue. Et quoique le lion les menace de ses griffes, se tournant de côté et d’autre pour les attraper et les déchirer, les chiens s’en donnent de garde et n’en sont pas aisément blessés. Car pendant qu’il est occupé des chiens, le cavalier prend son temps pour lui décocher une flèche ; cependant le lion s’enfuit, craignant que l’aboiement des chiens ne fasse venir d’autres chiens et d’autres hommes sur lui. Et lorsqu’il peut trouver un arbre, il se met à couvert derrière comme dans un fort, et, se tournant du côté des chiens, il se défend de toute sa force contre eux. Le cavalier, s’approchant de lui, tire encore des flèches, jusqu’à ce qu’il soit mort. Le lion ne voit pas les coups qui lui sont tirés, jusqu’à ce qu’enfin il tombe. Le pays abonde en soie, que les marchands transportent en diverses provinces.

  1. Aujourd’hui détruite. (P.)