Le Diable à Paris/Série 3/Signes pour reconnaître le Parisien
On n’est pas Parisien par cela seul qu’on est à Paris. Ne prenez jamais pour des Parisiens les gens que vous rencontrez aux bains de mer et qui vous disent : « Paris… oh ! Paris ! — il n’est que Paris ! — mon Paris ! » etc.
On n’a tant d’enthousiasme que pour les choses qu’on espère ou qu’on regrette, — mais jamais pour celles qu’on possède.
On est Parisien comme on est spirituel, comme on est bien portant, — sans s’en apercevoir.
Le vrai Parisien n’aime pas Paris, — mais il ne peut vivre ailleurs.
Le poisson ne se réjouit pas d’être dans l’eau, — mais il meurt dès qu’il en est dehors.
Le Parisien médit souvent de Paris, — mais il ne s’en éloigne jamais pour bien longtemps.
Deux Parisiens se reconnaissent — et s’accueillent à Dieppe — comme feraient deux Français en Sibérie.
Cependant ils ne fatigueront pas les échos de leurs regrets de Paris ; — ils savent bien qu’ils y seront bientôt de retour. — Au contraire, ils admireront tout ce que vous voudrez, ils vous féliciteront de ce que vous vivez en province, ils envieront votre sort — et s’en iront.
Le Parisien voyage comme on plonge, chacun plus ou moins, selon son haleine ; mais cette haleine varie d’une demi-minute à deux minutes et demie, et ne va guère au delà.