Le Diable au XIXe siècle/XXXIII

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Docteur Bataille ()
Delhomme et Briguet (tome 2p. 443-537).

CHAPITRE XXXIII

Les Juifs dans la Franc-Maçonnerie


Si les sœurs maçonnes ont leur grande part d’action dans le combat de la secte internationale contre l’Église de Jésus-Christ, combien plus important encore est le rôle des juifs. Les sœurs maçonnes sont, sauf quelques rares exceptions, des instruments ; les juifs, au contraire, sont des inspirateurs, ils participent aux plus violentes entreprises, ils attisent les haines antichrétiennes au foyer des loges, et, de connivence avec le Palladisme où bon nombre d’entre eux sont chefs, ils ont même leurs arrière-loges spéciales, confédérées à l’insu des maçons vulgaires et gouvernées par le Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg.

Ici, je suis obligé de me séparer complètement de M. Léo Taxil.

M. Léo Taxil s’est plus occupé de mettre des rituels au jour, que d’étudier l’histoire de la secte. Dans son excellent ouvrage Les Mystères de la Franc-Maçonnerie, il a à peine tracé une esquisse de l’histoire de l’Ordre, et l’on voit, en le lisant, que c’est là un travail hâtif, fait à l’aide de notes prises au courant de rapides lectures, fort incomplètes ; en un mot, le temps lui a manqué, il n’a pas approfondi. Du reste, M. Léo Taxil a déclaré que ce n’était là qu’une ébauche et qu’il se proposait d’écrire un jour, en entrant dans les détails, l’histoire complète de la franc-maçonnerie.

M. Léo Taxil ne croit pas que juiverie et maçonnerie se tiennent; il est convaincu qu’il y a incompatibilité entre la qualité de franc-maçon et celle d’israélite pratiquant ; il constate que ce ne sont pas les juifs qui ont créé la franc-maçonnerie, et il se refuse à admettre qu’un israélite, croyant en sa religion, puisse adopter dans les loges une liturgie où les épisodes les plus respectables, les plus sacrés de la Bible servent de thème à des parodies impies.

Voilà, en six lignes, la thèse de cet auteur. Il est mon ami, et je le sais de bonne foi. Mais il se trompe ; il se trompe absolument.

Sur un seul point, il a raison : ce ne sont pas les juifs qui ont créé la franc-maçonnerie ; ce sont les protestants les plus haineux de l’école socinienne. Pendant longtemps, la qualité d’israélite a été un obstacle à l’initiation. C’est seulement au convent de Wilhelmsbad (juillet 1782) qu’il fut décidé qu’une loge n’aurait pas le droit de refuser d’initier un juif pour le seul motif de son origine juive. La question avait été discutée, parce que jusqu’alors des ateliers recevaient des juifs et d’autres n’en voulaient à aucun prix ; il y avait des conflits à ce sujet, quand un maçon israélite se présentait en visiteur à une loge antisémite ; il fallait donc établir une règle, et le convent se prononça dans le sens du non-empêchement (nihil obstat). Déjà les juifs avaient commencé à s’introduire au sein de la franc-maçonnerie, bien accueillis par quelques loges ; un juif éminent, Martinez Pasqualis, avait créé un rite d’illuminés qui était adopté par de nombreux groupes maçons ; je vais en parler bientôt. Le convent de Wilhelmsbad éclaira la situation, fit cesser les conflits, imposa une règle, précisément parce que les hauts chefs de la secte savaient que les juifs seraient d’excellentes recrues pour leur œuvre maudite.

Non, il n’y a pas incompatibilité entre la qualité d’israélite pratiquant et celle de franc-maçon ; car qu’est-ce qu’un israélite pratiquant ?

Le juif sincèrement attaché, au fond du cœur, à la foi de ses pères, le vrai juif de synagogue, est très rare ; cette fidélité religieuse, — notez que je dis : religieuse, — est superficielle ; la foi n’existe plus que dans le clergé israélite. Le juif laïque accomplit les pratiques de sa religion sans conviction aucune, uniquement parce que ces pratiques le distinguent des autres hommes, parce qu’il tient à faire bande à part dans la société ; mais il fait bon marché du dogme, il est le premier à rire des sarcasmes impies que la mauvaise presse réédite sans cesse contre les pieuses croyances dont la Bible est le recueil divin. Au fond, le juif, au point de vue religieux, est sceptique ; il n’est attaché vraiment qu’à ce qui est matériel ; son sentiment intime est la haine du christianisme. Il y a chez les juifs solidarité de race, et non solidarité de religion, à moins de dire qu’à cet égard les israélites sont unis comme ennemis implacables de la religion catholique.

C’est là, en effet, ce qui domine en eux, et ils abandonnent volontiers le respect de Jéhovah et des patriarches bibliques, à raison de ce que les catholiques ont en vénération l’Ancien Testament. Leur vrai livre saint, ce n’est pas la Bible, c’est le Talmud.

Tel est le juif, pris en masse. Aussi, verra-t-il sans sourciller, dans une loge, les parodies sacrilèges de la Genèse (jardin d’Éden, tentation d’Ève, etc.) et de la belle légende de Judith. Dans sa famille, il célébrera les fêtes religieuses israélites, parce qu’elles lui sont une occasion de se retremper dans ses sentiments de séparatisme social. Il va à la Synagogue comme il va à la Bourse.

Au surplus, l’union des juifs dans la franc-maçonnerie, union qui est incontestable, est un fait de solidarité de race ; car là, ils fraternisent tous, juifs cabalistes, juifs sceptiques ou incrédules, juifs athées.

Le rabbin est infiniment rare dans les loges, je le reconnais, tandis que les pasteurs protestants y pullulent ; c’est là sans doute ce qui a trompé M. Léo Taxil. Mais cette abstention provient uniquement, ainsi que je viens de le dire, de ce que le clergé israélite, conservateur du dogme biblique, ne pourrait se commettre dans ces réunions ; le prêtre juif sait, du reste, qu’il n’a nul besoin de pénétrer au sein des ateliers maçonniques ; ses coreligionnaires laïques les fréquentent suffisamment, pour qu’il soit tenu au courant de tout ce qui s’y perpètre contre le catholicisme. Les ministres protestants s’affilient, parce que la maçonnerie est leur chose, je n’en disconviens pas ; les juifs s’y sont introduits pour s’en servir et tâcher de la diriger. Or, la présence des rabbins ne pourrait que nuire à leur plan; elle le trahirait, aux yeux des protestants et autres anticatholiques ; les juifs sont bien trop rusés pour laisser deviner leur jeu.

Enfin, M. Léo Taxil n’a vu que le rite de Misraïm comme ayant une origine juive. Cette erreur provient de ce qu’il n’a examiné que superficiellement l’histoire de la secte. Martinez Pasqualis, que je viens de citer, et les frères Bédarride ne sont pas les seuls inventeurs de rites maçonniques. Moïse Holbrook, dont les rituels ont servi à créer la seconde classe des Odd-Fellows, était un juif ; et le Rite Écossais Ancien et Accepté, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui dans tous les pays du monde, a été organisé par des juifs ; je le démontrerai au courant de ce chapitre.

La question des juifs dans la franc-maçonnerie étant d’une très grande importance, je la traiterai avec ampleur. Jusqu’à présent, elle a été à peine effleurée par les auteurs antisémites. Il me paraît nécessaire de faire tout connaître ; l’invasion des juifs partout, l’élection d’Adriano Lemmi aux fonctions de chef suprême de la secte, voilà des raisons majeures pour ne rien omettre de ce qu’il est essentiel que le public sache.

Nous allons voir d’abord les juifs cabalistes francs-maçons ; ceci me permettra de parler de Martinez Pasqualis, de son rite et de l’introduction des fils d’Israël dans la secte ; je dirai, en passant, quelques mots de l’un de ses disciples, Fournié, prêtre apostat. Nous verrons ensuite que l’émancipation politique et civile des juifs est une œuvre essentiellement révolutionnaire et maçonnique. Puis, toujours en restant sur le terrain où je me suis placé, nous constaterons les déplorables résultats de cette émancipation. Après quoi, je passerai en revue les principaux actes qui établissent quel rôle jouent les juifs dans la maçonnerie, et je citerai l’opinion des israélites eux-mêmes sur leur rôle et sur la façon dont ils le comprennent. Enfin, je ferai connaître la part que le judaïsme a prise dans la création du Rite Écossais, tel qu’il est le plus généralement pratiqué aujourd’hui, et je montrerai comment, peu après l’institution du Palladisme luciférien, les maçons juifs se sont organisés à leur tour, avec l’autorisation du Suprême Directoire Dogmatique de la secte, en fédération secrète créant des loges israélites à côté des loges ordinaires et fonctionnant actuellement sous la direction du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg.

Je laisse la pseudo-Vérité et les agents lemmistes traiter tout cela de roman. Haussons les épaules une fois de plus, et continuons à démasquer les ennemis de l’Église, à divulguer leurs manœuvres souterraines. Méprisons les louches personnages qui s’efforcent de faire obstacle à la lumière que nous apportons, et travaillons toujours pour Dieu, qui nous voit et nous juge.


De ce que les juifs jouent aujourd’hui un rôle très important dans la franc-maçonnerie, il ne faudrait pas en conclure que cette secte internationale est devenue juive. Gardons-nous de toute exagération. Je ne vais pas jusqu’à ce raisonnement, que se sont tenu quelques antisémites : « La franc-maçonnerie, disent-ils, est imbue des doctrines de la cabale ; or, la cabale est une création juive ; donc, franc-maçonnerie et judaïsme ne font plus qu’un, ou tout au moins la franc-maçonnerie de nos jours est une institution juive ».

Nous raisonnerions tout aussi faussement, si nous disions : « La franc-maçonnerie est imbue des doctrines gnostiques et manichéennes ; or, le gnosticisme et le manichéisme sont des doctrines chrétiennes ; donc, la franc-maçonnerie est une institution chrétienne ». Il y a, en effet, entre la cabale et le judaïsme orthodoxe ou Mosaïsme, la même différence qu’entre le gnosticisme de Valentin ou de Manès et le Christianisme.

Bien habile, du reste, serait celui qui pourrait préciser l’élément d’erreur dogmatique prédominant dans la masse des adeptes de la franc-maçonnerie, en dehors des grandes lignes de l’enseignement négatif et positif prôné au sein des loges, grandes lignes qui se résument en ceci : abolition de l’Église du Christ, restauration de la religion et du culte de Satan. Il n’y a pas une erreur dogmatique, pas une hérésie, pas une absurdité philosophique, pas une divagation de la pensée humaine, qui ne puisse revendiquer l’honneur d’avoir eu, un jour ou l’autre, parmi les francs-maçons, ses adeptes et ses croyants. Ils le reconnaissent implicitement eux-mêmes, quand ils se font gloire, pour se donner une origine lointaine et mystérieuse, de résumer en eux toutes les doctrines réprouvées par l’Église catholique, depuis les monstruosités qu’abritaient les sanctuaires de l’antique Asie, jusqu’aux modernes rêveries des Swedenborg ou des Cagliostro.

Pour nous en tenir à la cabale qui est ici seule en cause, l’histoire de son introduction dans les doctrines de la maçonnerie ne fait qu’un avec celle de l’introduction des juifs eux-mêmes dans les loges.

Cette introduction officielle remonte à l’année 1782, à cette fameuse assemblée ou convent de Wilhelmsbad, où « toutes les sociétés secrètes s’appelèrent, comme ledit l’abbé Lémann (un juif converti), d’un bout de la terre à l’autre, comme des oiseaux sinistres auxquels on aurait fait comprendre que le cadavre de l’ancien ordre social se prépare et leur sera livré. » C’est dans ce convent que pour la première fois fut solennellement posée la question d’admettre les juifs dans la franc-maçonnerie ; elle fut résolue en leur faveur, mais à une faible majorité.

Cette date de l’introduction de droit des juifs dans la franc-maçonnerie est importante, parce qu’elle laissait présager que le jour n’était pas loin où, par la force de cette même franc-maçonnerie dont bon nombre d’adeptes les accueillaient presque à regret, ils allaient voir tomber aussi devant eux les barrières sociales et civiles, arriver enfin à cette complète émancipation si ardemment désirée. Une fois franc-maçon, qui empêcherait le juif de devenir tout ce qu’il voudrait dans cette société dont les franc-maçons allaient bientôt devenir les maîtres, au moyen de cette Révolution préparée de longue main dans leurs conventicules ? Le grand point, la grande difficulté était de se faire ouvrir les portes du temple.

Or, ce n’était pas une petite affaire. Leur religion était le moindre obstacle. Bien qu’un certain nombre de loges, en Allemagne surtout, se trouvassent, par la lettre même de leurs statuts, astreints à n’admettre parmi leurs membres que des frères « de religion chrétienne », il n’en était pas moins vrai que dans la plupart la question de croyance religieuse était considérée comme nulle, et que presque partout prédominait le principe infernal de l’indifférentisme religieux que prêchaient à la fois, en Angleterre, en Allemagne et en France, tant de voix écoutées comme des oracles par une société corrompue et oublieuse de Dieu. La Loge n’était-elle pas ce temple fait pour représenter l’univers, s’étendant de l’orient à l’occident, du midi au nord, où devaient être admis indifféremment le juif et le chrétien, le musulman et l’idolâtre, les hommes de toute religion, de toute secte, tous appelés à être illuminés de la véritable lumière ?

Mais pour contrebalancer cette considération qui militait en faveur de l’admission des juifs, il y en avait une autre non moins puissante, même aux yeux des francs-maçons, celle de l’opprobre général qui pesait encore sur la race et le nom juifs, l’opinion invétérée qui continuait à voir en eux une race ennemie de la société, vouée par son passé à une dégénérescence irrémédiable, et dont le relèvement paraissait la plus chimérique des utopies. Les esprits forts, qui se proclamaient les plus dégagés des superstitions catholiques, un Voltaire, un Frédéric II, gardaient encore ce préjugé-là. En Allemagne surtout, dans le pays même où allait se poser la question, l’opinion hostile aux juifs était souveraine.

Le protestantisme allemand, malgré ses tendances libérales, et bien qu’il eût largement coopéré au triomphe de l’indifférentisme en matière de religion, restait fermé aux idées de tolérance envers les juifs. Luther avait donné l’exemple ; après leur avoir d’abord témoigné quelque sympathie, il s’était retourné contre eux et avait fini par les accabler d’injures. Les idées de Frédéric-le-Grand à leur sujet faisaient autorité. Eût-il tout le génie du monde, un juif pour lui n’était qu’un juif, indigne d’entrer en ligne dans la société et de jouir de ses faveurs. Il avait fait rayer d’une liste de présentation à l’Académie de Berlin le nom d’un homme que les esprits forts de son entourage portaient aux nues, celui qu’on a surnommé le Platon de l’Allemagne, Mendelssohn, uniquement parce qu’il était juif. Mais en revanche, il encourageait et protégeait volontiers les incrédules et les renégats, les apostats du judaïsme ou du christianisme, comme ce soldat, par exemple, converti du judaïsme au catholicisme, puis du catholicisme au protestantisme, qui lui répondait, lorsqu’il lui demandait pourquoi il avait si souvent changé de religion : « Sire, quand j’étais juif, mon Dieu me voyait continuellement ; mais je ne l’ai jamais vu. Je me fis catholique, ce fut le contraire ; je voyais mon Dieu partout, lui au contraire ne pouvait me voir. Je me suis fait luthérien, je ne le vois pas, il ne me voit pas, cela fait un ménage des mieux assortis. » Cette réponse, pleine d’un sarcasme impie, lui valut le grade de sergent.

Beaucoup de loges étaient infectées d’une espèce de morgue aristocratique qui ne leur permettait pas de frayer avec le juif. Vers la fin de la guerre de Sept ans, appartenir à la franc-maçonnerie était de bon ton ; la secte était en vogue dans le beau monde ; être initié, c’était l’indice d’une noble origine ou d’un mérite exceptionnel ; un juif y eût fait tache. En France, le juif, quelque riche qu’il pût être, ne pouvait sans scandale étaler sa richesse ou jouir publiquement des avantages et des plaisirs qu’elle procure. Ceux qui osaient, à Paris, se distinguer par un train de vie somptueux, des allures aristocratiques, les juifs de Bordeaux, par exemple, qui jouaient au petit-maître, portaient l’épée et couraient le guilledou, s’attiraient sans cesse les censures de la police, et se voyaient enfermer pour récidive à Bicêtre ou au Fort-l’Évêque.

Comment les juifs triomphèrent-ils de ces obstacles, et parvinrent-ils à s’insinuer dans la franc-maçonnerie, si jalouse de sa dignité ? Un juif leur fraya la voie. L’histoire du juif espagnol Martinez Pasqualis se rattache trop étroitement à celle du convent de Wilhelmsbad pour ne pas trouver sa place ici ; il est du reste le canal principal par où les doctrines cabalistiques s’infiltrèrent dans la maçonnerie. Juif cabaliste, maçon avant la lettre, théurge et magicien, fondateur d’une secte qui survécut au dix-huitième siècle, l’Illuminisme, il a tous les titres à une étude particulière dans ces pages.

Né en 1710, en France, à Grenoble, et non pas, comme le disent toutes ses biographies, vers 1715, — d’un père espagnol, et non portugais, comme le veulent les mêmes biographies, — ce n’est qu’à partir de 1754 que l’on peut suivre les traces de ses pérégrinations à travers la France, à Paris, à Lyon, à Bordeaux, et ses relations avec les diverses sociétés maçonniques. Très intrigant et très actif, il semble avoir conçu le dessein de rallier et de concentrer les efforts des sociétés secrètes en vue d’une action commune, et sous l’inspiration d’une doctrine unique, dont les grandes lignes se rattachent à l’enseignement cabalistique.

D’après ce que nous savons sur l’opinion publique et celle même des francs-maçons à l’égard des juifs, ce n’est certainement pas à titre de juif qu’il pût acquérir l’influence dont nous le voyons jouir vers 1762[1], mais à titre de juif converti, de juif devenu catholique, et professant extérieurement pour le catholicisme la foi la plus entière, la plus enthousiaste. À l’entendre, il n’est, l’hypocrite, qu’un émule de Mme  Guyon, un disciple de Fénelon et des grands mystiques chrétiens ; derrière ce masque se cachait l’orgueil et l’ambition du sectaire, l’adepte des doctrines et des pratiques occultes qu’il avait à cœur d’implanter, avec les hauts grades, parmi les sectateurs de la franc-maçonnerie. Il rêvait de devenir le grand hiérophante des sociétés secrètes.

Une partie de sa doctrine, mais seulement la partie la plus exotérique, nous est connue par un traité manuscrit, de 355 pages in-4o dont une partie a été publiée par Ad. Franck en 1866[2], intitulé : Traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines, par Martinez de Pasqualitz.

On y retrouve, exposés en assez mauvais français, les grands principes de la cabale sur l’origine des êtres par voie d’émanation, la chute de ces mêmes êtres provenant non plus du péché originel, mais d’une déchéance nécessaire, effet naturel de la naissance même des choses finies, naissance qui les éloigne de l’être infini, de l’existence souveraine et parfaite avec laquelle elles étaient primitivement confondues.

L’intelligence humaine, ainsi séparée de son principe, l’esprit universel, aspire à y remonter à s’y réintégrer dans son premier état tout spirituel et divin : elle ne peut y parvenir qu’en anéantissant ce qu’il y a de fini et d’imparfait en elle, par la destruction de la conscience et de la volonté individuelle ; mais surtout au moyen des communications surnaturelles avec les esprits supérieurs. Grâce à ces communications, « chacun de nous peut s’élever au degré où est parvenu Jésus-Christ, devenir comme lui, Fils de Dieu, Dieu même. »

On le voit, il n’y a plus rien de commun entre une pareille doctrine, profondément empreinte du plus pur panthéisme, et la doctrine mosaïque-et catholique de la création, de la chute et de la régénération par Jésus-Christ. Jésus-Christ n’est plus que le Jésus de Renan, un homme supérieur, dont la réintégration doit servir de modèle à la nôtre. C’est là, non plus de la bonne cabale, car il y a eu d’abord une bonne cabale ou kabbale, c’est-à-dire, comme l’indique le sens du mot hébreu, une tradition orthodoxe en accord avec l’enseignement de Moïse et des prophètes, mais une mauvaise, une détestable cabale, telle que la définit très bien l’abbé Lémann :

« À partir du crime du Golgotha et de la dispersion du peuple juif, la Kabbale s’altère et devient ce que le Talmud appelle vinaigre fils du vin… Elle s’occupe de théurgie, de goétie, de magie ; et c’est là que se trouvent principalement les mystères et les secrets de la Kabbale : procédés bizarres, serments terribles, symboles sinistres, empruntés non seulement à la Judée infidèle, mais à la Perse, à l’Inde, à l’Égypte, à la Chaldée. En recéleuse perfide, cette Kabbale admet également des formules et des opérations haineuses contre la religion chrétienne et les chrétiens[3]. »

Ajoutons que, comme son maitre Satan, la cabale sait au besoin affecter des apparences chrétiennes et saintes. C’est le cas du traité de Martinez. Le grand danger de pareils ouvrages est de laisser croire qu’ils ne sont que le commentaire des textes sacrés, qu’ils invoquent seuls : c’est le danger de bien des ouvrages de nos jours, qui, semblables au traité de Martinez, peuvent égarer le lecteur, sous présente d’exégèse biblique, dans tous les sentiers détournés de la nouvelle cabale qui vient d’être définie.

À cet enseignement dogmatique, Martinez Pasqualis rattachait un enseignement pratique, une théurgie et une magie, qui consistait surtout dans des opérations cabalistiques mettant l’esprit mineur (terrestre) en communication directe avec les esprits majeurs (supérieurs).

D’après le peu que l’on sait de sa vie, on peut dire que peu d’initiateurs ont su s’envelopper mieux par lui de prestige et de mystère. Tout ce qui en a transpiré nous est venu de ses disciples, et encore à l’état de notions vagues et flottantes, enveloppées d’hésitations et de réticences. Peu d’adeptes, du reste, furent jugés dignes par le maître d’être admis à la suprême initiation, au dernier mot du mystère. Saint-Martin lui-même, le plus connu et le plus illustre de ses disciples, ne put arriver à cette dernière illumination.

« Martinez, dit-il, avait la clef active de tout ce que notre chef Bœhme expose dans ses théories ; mais il ne nous croyait pas en état de porter ces hautes vérités. »

Et il ajoute, ce qui jette un certain jour sur la nature de cette initiation finale, qui ne pouvait être que l’évocation du chef des esprits majeurs, de Satan lui-même :

« Il croyait aussi à la résipiscence de l’être pervers, à laquelle le premier homme (l’Adam-Kadmon de la kabbale) aurait été chargé de travailler. »

L’illuminé de Martinez devait continuer, dans la mesure de ses forces, à travailler à cette résipiscence ou restauration de la divinité satanique. Cette assertion sera confirmée par ce que j’aurai à dire tout à l’heure d’un autre disciple de Martinez, l’abbé Fournié.

Quant au culte même de Satan, c’est-à-dire aux moyens d’opération qu’il employait, aucun de ses disciples ne s’est permis de les dévoiler. Tout ce que nous savons, c’est que ces opérations étaient compliquées. Saint-Martin, un jour qu’il avait été admis à y assister, étonné des grands préparatifs dont il les faisait précéder, ne put s’empêcher de s’écrier : « Comment, maître, il faut tout cela pour le bon Dieu ? » — Et le maître répondit : « Il faut bien se contenter de ce que l’on a. »

« À l’école de dom Martinez, dit Matter[4], celui qui fait le mieux connaitre en lui le théurge, ces opérations jouaient un grand rôle. Ce qui me porte à croire qu’on les y considérait comme une sorte de culte, c’est que ce terme est resté cher à Saint-Martin, qui, par une singulière contradiction, n’aimait guère ces opérations et adoptait néanmoins le mot opérer pour désigner la célébration de la sainte-cène et du baptême. »

Seulement, Saint-Martin, qui n’était pas allé jusqu’au bout, avait tort de considérer ces opérations comme les préludes et la préface de l’initiation, tandis qu’elles en étaient, dans le système de Martinez, la véritable fin et le couronnement. « Je ne vous cache pas, écrivait-il à un de ses correspondants, que j’ai marché autrefois dans cette voie seconde et antérieure, qui est celle par où l’on m’a ouvert la porte de la carrière. »

Saint-Martin ne fut qu’un demi-initié. Nous avons, sur la méthode théurgique et magique de dom Martinez, des révélations bien plus précises de la part d’un de ses autres disciples, qui semble avoir été bien plus avant dans la confiance du maître, l’abbé Fournié.

Clerc tonsuré du diocèse de Lyon, l’abbé Fournié s’attacha à Martinez pendant le séjour de celui-ci dans cette ville, le suivit à Paris, s’abandonna candidement à la direction spirituelle du cohen ou prêtre illuminé, s’efforçant nous allons voir au prix de quelles luttes et de quelles terreurs, de concilier avec le catholicisme les croyances et Les pratiques de l’illuminisme.

Né vers 1738, l’abbé Fournié connut Martinez vers 1760 ; il vivait encore en 1819. Réfugié à Londres pendant la Révolution, il y continua ses études théosophiques et y publia en 1801 un livre devenu fort rare, intitulé : Ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous deviendrons. Ce livre n’est que le panthéisme de Martinez, traduit par une plume ecclésiastique, en apparence moins imprégnée de cabalisme, mais d’autant plus dangereuse qu’elle semble inspirée du plus parfait, du plus raffiné christianisme. C’est le poison du faux mysticisme dans toute sa mortelle saveur. Pour quiconque sait lire entre les lignes, — car il est certain que l’abbé ne dit que ce qu’il veut bien dire, — il est clair qu’il interprète les divines Écritures dans le sens de son maitre ; il y professe carrément l’opinion de Martinez sur la divinité de Jésus-Christ : « Jésus-Christ, dit-il est né de Dieu, pour avoir fait la volonté de Dieu. »

Il nous raconte, d’ailleurs, sur un ton hypocrite affectant l’ingénuité et la candeur, comment il fut rencontré et initié par le juif espagnol. Voici, tel qu’il se trouve dans l’ouvrage de Matter que je viens de citer, ce curieux récit qui nous peint admirablement le maître et le disciple,

« Quant à moi, chétif instrument de Dieu, dit Fournié, en écrivant ce traité dont je publie aujourd’hui la première partie, j’avoue sans déguisement, pour sa plus grande gloire et pour le salut de nous tous, hommes passés, présents et à venir, que par la grâce de Dieu je n’ai aucune connaissance des sciences humaines, sans pour cela être contre leur culture ; que je n’ai jamais fait d’études, et que je n’ai pas lu d’autres livres que les Saintes Ecritures, l’Imitation de notre divin Maître Jésus-Christ et le petit livre de prières en usage parmi les catholiques sous le titre de Petit Paroissien. À quoi je dois ajouter que j’ai lu depuis environ un an deux ou trois volumes des œuvres de l’humble servante de Dieu, madame Guyon.

« Après avoir passé ma jeunesse d’une manière tranquille et obscure selon le monde, il plut à Dieu de m’inspirer un désir ardent que la vie future fût une réalité, et que tout ce que j’entendais dire concernant Dieu, Jésus-Christ et ses apôtres, fût aussi des réalités. Environ dix-huit mois s’écoulèrent dans toute l’agitation que me causèrent ces désirs, et alors Dieu m’accorda la grâce de rencontrer un homme qui me dit familièrement : « Vous devriez venir nous voir, nous sommes de braves gens. Vous ouvrirez un livre, vous regarderez au premier feuillet, au centre et à la fin, lisant seulement quelques mots, et vous saurez tout ce qu’il contient. Vous voyez marcher toutes sortes de gens dans la rue ; eh bien ! ces gens-là ne savent pas pourquoi ils marchent, mais vous, vous le saurez. »

« Cet homme, dont le début avec moi peut sembler extraordinaire se nommait dom Martinets de Pasquallys.

« D’abord, je fus frappé de l’idée que l’homme qui m’avait parlé était un sorcier, ou même le diable en personne. À cette première idée en succéda bien vite une autre, à laquelle je m’arrêtai : « Si cet homme est le diable, me disais-je intérieurement, donc il y a un Dieu réel, et c’est à Dieu seul que je veux aller ; et comme je ne désire qu’aller à Dieu, je ferai autant de chemin vers Dieu que le diable croira m’en faire faire vers lui-même. »

« De sorte que j’allai chez M. de Pasquallys, et il m’admit au nombre de ceux qui le suivaient. »

Combien de prêtres, même de nos jours, victimes de la même illusion que l’abbé Fournié, ne se sont pas dit, eux aussi, que, suivant tel ou tel initiateur occulte, ils ne voulaient qu’aller vers Dieu, et sont en réalité allés vers le diable ! Combien, en croyant suivre Jésus-Christ, ne suivent qu’un Martinez Pasqualis ! Imprudents qui ne savent pas assez jusqu’à quel point Satan peut revêtir la livrée du Christ !…

Écoutons Fournié :

« Ses instructions journalières étaient : de nous porter s sans cesse vers Dieu, de croître de vertus en vertus, et de travailler pour le bien général. Elles ressemblaient exactement à celles qu’il parait dans l’Évangile que Jésus-Christ donnait à ceux qui marchaient à sa suite, sans jamais prier personne à les croire sous peine de damnation, sans imposer d’autres commandements que ceux de Dieu, sans imputer d’autres péchés que ceux qui sont expressément contraires à la loi de Dieu, et nous laissant bien souvent en suspens, s’il était vrai ou faux, bon ou mauvais, ange de lumière ou démon.

« Cette incertitude me brûlait si fort en dedans que nuit et jour je criai vers Dieu, pour que, s’il existait réellement, il vint me secourir. Mais plus je me réclamais à Dieu, plus je me trouvais enfermé dans l’abîme et je n’entendais pour toute réponse intérieure que ces idées désolantes : il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas d’autre vie, il n’y a que mort et néant. Ne me trouvant entouré que de ces idées, qui me brûlaient de plus en plus fort, je criais encore plus ardemment vers Dieu et sans discontinuer, ne dormant presque plus, et lisant les Écritures avec une grande attention, sans jamais chercher à les entendre par moi-même.

« De temps en temps, il arrivait que je recevais d’en haut quelques lumières et des rayons d’intelligence ; mais tout cela disparaissait avec la vitesse d’un éclair. D’autres fois, mais rarement, j’avais des visions, et je croyais que M. de Pasquallys avait quelque secret pour faire passer ces visions devant moi, quoique néanmoins elles se réalisassent, peu de jours après, telles que je les avais vues.

« Je vécus ainsi plus de cinq ans dans de fatigantes incertitudes, mêlées de grandes agitations, toujours désirant que Dieu fût, et d’échapper moi-même au néant, mais toujours enfoncé dans un abîme ténébreux, et ne me voyant entouré que de l’opposé de la réalité de l’existence de Dieu et conséquemment de l’autre vie ; de sorte que j’étais tourmenté à l’extrême, et comme brûlé par mon désir de Dieu et par la contradiction de ce désir.

« Enfin, un jour que j’étais prosterné dans ma chambre criant à Dieu de me secourir, vers les dix heures du soir, j’entendis tout à coup la voix de M. de Pasquallys, mon directeur, qui était corporellement mort depuis plus de deux ans, et qui parlait distinctement en dehors de ma chambre, dont la porte était fermée, ainsi que les fenêtres et les volets.

« Je regarde du côté d’où venait la voix, c’est-à-dire du côté d’un grand jardin attenant à la maison, et aussitôt je vois de mes yeux M. de Pasquallys qui se met à me parler, et avec lui mon père et ma mère, qui étaient aussi tous les deux corporellement morts.

« Dieu sait quelle terrible nuit je passai ! Je fus, entre autres choses, légèrement frappé sur mon âme par une main qui la frappa au travers de mon corps, me laissant une impression de douleur que le langage humain ne peut exprimer, et qui me paraît moins tenir au temps qu’à l’éternité. Ô mon Dieu ! si c’est votre volonté, faites que je ne sois plus jamais frappé de la sorte ! car ce coup a été si terrible, que, quoique vingt-cinq ans se soient écoulés depuis, je donnerais de bon cœur tout l’univers, tous ses plaisirs et toute sa gloire, avec l’assurance d’en jouir pendant une vie de mille milliards d’années, pour éviter d’être ainsi frappé de nouveau seulement une seule fois.

« Je vis donc dans ma chambre M. de Pasquallys, mon directeur, avec mon père et ma mère, me parlant, et moi parlant à eux comme les hommes se parlent entre eux à l’ordinaire. Il y avait de plus une de mes sœurs, qui était aussi corporellement morte depuis vingt ans, et enfin un autre être qui n’est pas du genre des hommes.


Le F∴ Fournié, prêtre apostat, disciple de Martinez Pasqualis, obtenait des apparitions, qu’il rapporte dans son traité de mysticisme diabolique, intitulé : Ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous deviendrons.

« Peu de jours après, je vis passer distinctement devant moi et près de moi notre divin Maitre Jésus-Christ, crucifié sur l’arbre de la croix. Puis, au bout de quelques jours, ce divin Maître m’apparut de nouveau et vint à moi dans l’état où il était lorsqu’il sortit tout vivant du tombeau où l’on avait enseveli son corps mort.

« Enfin, après un autre intervalle de peu de jours, notre divin Maître Jésus-Christ m’apparut pour la troisième fois, tout glorieux et triomphant du monde, de Satan et de ses pompes, marchant devant moi avec la bienheureuse Vierge Marie, sa mère, et suivi de différentes personnes.

« Voilà ce que j’ai vu de mes yeux corporels, il y a plus de vingt-cinq ans, et voilà ce que je publie maintenant comme étant véritable et certain. Ce fut immédiatement après que j’eus été favorisé de ces visions ou apparitions de notre divin Maître Jésus Christ dans ses trois différents états, que Dieu m’accorda la grâce d’écrire, avec une vitesse extraordinaire, le traité dont on vient de lire la première partie. Conséquemment, je l’écrivis plusieurs ansées avant que l’on sût en France qu’il y avait un Swedenborg dans le monde, et avant que l’on y connût l’existence du magnétisme. »

Et plus loin, Fournié, revenant sur le sujet de ces visions, écrit ce qui suit :

« J’ajoute à ce que j’ai déjà dit concernant la première vision que j’eus de M. de Pasquallys, mon directeur, de mon père et de ma mère, que je ne les ai pas seulement vus une fois, de la manière que j’ai rapportée, ou seulement une semaine, ou un mois, ou un an ; mais que, depuis ce premier moment, je les ai vus pendant des années entières et constamment, allant et venant ensemble avec eux, dans la maison, dehors, la nuit, le jour, seul et en compagnie, ainsi qu’avec un autre être qui n’est pas du genre des hommes, nous parlant tous mutuellement et comme les hommes se parlent entre eux.

« Je ne puis ni ne dois rapporter ici rien de ce qui s’est fait, dit et passé dans mes visions quelconques, depuis le premier moment jusqu’à aujourd’hui. Malheureusement, on se moque dans le monde de toutes ces choses ; on en nie la réalité, et on plaisante ou on veut bien avoir pitié de ceux qui les attestent, comme si c’étaient des fous absolument incurables. Il semblerait donc que, d’après la manière dont les hommes ont reçu jadis et reçoivent encore ceux qui ont des visions, à commencer par les patriarches et les prophètes, j’aurais dû ne pas parler des miennes ; mais la volonté et la vérité de Dieu doivent toujours l’emporter sur tout-ce que les hommes pourront dire. »

Rien de plus instructif que ce récit, qui nous fait toucher du doigt la nature des communications surnaturelles dont Pasqualis était favorisé et pouvait favoriser ses adeptes, même après sa mort. Qui ne comprendrait, à ces terreurs en face du sombre abîme, à ce coup terrible et surhumain ressenti dans l’âme, à l’apparition de cet être supérieur qui n’est pas du genre des hommes, que nous avons affaire ici au prince de la lumière infernale[5], se transfigurant enfin dans la personne même de Jésus-Christ ? Jésus-Christ, évoqué par Pasqualis ! par l’effronté négateur de sa divinité ! Qui pourrait croire que Jésus-Christ pût se prêter à un pareil rôle ? Que pouvait-ce être, si ce n’est une vaine fantasmagorie du démon, habilement combinée pour enlacer plus sûrement et plus étroitement un adepte crédule à Pasqualis et à son infernal mysticisme ?

Comme le remarque très bien Matter, « c’est bien dom Martinez en personne (c’est-à-dire, le diable sous la figure de Martinez), qui est son initiateur et son vrai maître. C’est lui qui le conduit et le fait passer lentement par tous les degrés : instruction ; lumières d’en haut, qui fuient comme des éclairs ; visions qui se réalisent ; apparitions graduées, et enfin inspiration. »

Il faut le reconnaître, ce livre, inspiré par Satan-Pasqualis, ne vaut pas mieux que tous les volumes dictés depuis par les esprits désincarnés (Fournié disait décorporisés) de nos modernes spirites. Il n’y a qu’une chose à regretter, c’est que la plume du mauvais prêtre se soit arrêtée à mi-chemin, avant les révélations importantes et vraiment topiques.

M. d’Herbert de Berne, l’ami d’un des nombreux correspondants de Saint-Martin, nous a laissé, d’après une relation certaine qu’il a eue de Fournié par un M. de V***, qui l’avait vu souvent à Londres, en 1819, un curieux renseignement à ce sujet : « Il n’a pas jugé à propos, dit-il, de publier le second volume de son ouvrage, vu qu’il contenait bien des choses qu’on ne peut point publier. »

On ne saurait douter, en effet, que Pasqualis ait formellement enjoint à ceux de ses disciples qu’il avait jugés dignes de la suprême initiation, de ne jamais révéler le secret de ses opérations : et ce secret, comme on le voit, a été assez bien gardé.

Nous en savons cependant assez pour nous faire une idée assez complète de ce qu’étaient les élus illuminés, les Cohens, ou prêtres de l’Illuminisme. Pasqualis s’inspirait da même esprit que Swedenborg, pour qui, au surplus, Fournié professait la plus grande estime, fermement persuadé que, comme lui, Swedenborg avait réellement vécu et conversé avec ces esprits dont il écrit les révélations.

« Nous devons avoir d’autant moins de peine, dit-il, à concevoir que Swedenborg a réellement été parmi les esprits bons et mauvais, et qu’il a rapporté ce qu’il a entendu en conversant avec eux, que c’est exactement de la même manière que nous serions entre nous si tout d’un coup Dieu venait à nous décorporiser entièrement ; c’est-à-dire qu’étant ainsi décorporisés, nous concevons qu’étant des êtres de vie éternelle nous pourrions continuer à nous voir les uns les autres, et à parler des vérités éternelles et divines comme chacun de nous les regarde, les croit, les voit et en parle actuellement. »

Swedenborgisme et Martinisme, en réalité, ne font qu’un. Le Swedenborgisme se répandit en France et en Italie grâce à l’apostolat d’un bénédictin devenu franc-maçon, dom Pernetti, grand alchimiste, qui réussit à fonder une loge d’Illuminés dans la ville même des papes, sous le nom de Martinistes.

Tel était, comme initiateur cabaliste, ce juif prétendu converti, qu’il nous faut voir maintenant à l’œuvre dans la franc-maçonnerie autant que le permettent les rares documents qui se rattachent à sa personne et à son action.

Selon Matter, toute sa vie est enveloppée de mystères. « Il arrive dans une ville, dit-il, on ne sait d’où ni pourquoi. Il la quitte on ne sait ni quand ni comment. » Matter aurait parlé tout autrement, et la vie de son héros lui eût paru beaucoup moins mystérieuse, s’il avait eu sous la main les archives maçonniques des différentes villes où séjourna Martinez.

C’est ainsi, par exemple, que nous le voyons arriver à Bordeaux à une date très précise, le 28 avril 1762, et rendre compte quelque temps après à la Grande Loge de Paris de ce qu’il a fait dans cette ville pour la propagation et la gloire de l’Ordre :

« Étant arrivé à Bordeaux le 28 avril 1762, je ne trouvai qu’un seul temple symbolique, sous le titre de la Loge Française, où l’on travaillait, quoiqu’il y en ait quatre d’élevés sur cet orient, les trois autres ayant suspendu leurs travaux. Cette inaction m’a engagé à ranimer le zèle des Maçons de cet orient, et j’ai cru convenable pour la propagation et la gloire de l’Ordre, d’user de la force, du droit, du pouvoir qui m’ont été conférés par les députés grands-maîtres de la Grande Loge de Stuart[6]. En conséquence, après m’être assuré de quelques frères zélés, j’ai élevé sur cet orient un temple à la gloire du Grand Architecte, renfermant les cinq ordres parfaits dont je suis dépositaire sous la constitution de Charles Stuart, roi d’Écosse, d’Irlande et d’Angleterre, grand-maître de toutes les Loges régulières répandues sur la surface de la terre, aujourd’hui sous la protection de Georges Guillaume, roi de la Grande-Bretagne et sous le titre de la Grande Loge de la Perfection Élue et Écossaise.

« Je prends la liberté de vous envoyer copie de la traduction de mes pouvoirs, qui sont en idiôme anglais, avec tous les caractères qui les accompagnent, et Pacte de Constitution de mon temple, élevé sur cet orient, signé de tous les membres qui le composent aujourd’hui. Je joins aussi la liste de ceux qui composent le temple que j’ai élevé sur l’orient de Toulouse, où j’avais laissé le frère marquis de Saint-Paulet, pour mon député, dont l’absence actuelle m’a engagé de lui substituer depuis le 14 du courant le frère de Lapeyrie, Trésorier de France, pour lequel je vous demande la réparation qu’exige l’indécent procédé des trois Loges de Saint-Jean réunies à Toulouse.

« Signé : Dom Martinez-Pasqualis. »

Une pièce de ce genre jette sur la carrière maçonnique de dom Martinez la plus vive lumière. Elle nous révèle la source des pouvoirs maçonniques dont il jouissait ; en effet, le dernier Stuart, au lieu d’attendre la fin des malheurs de sa famille en mettant sa confiance en Dieu, se donna au diable et fut l’un des plus actifs propagateurs de la franc-maçonnerie, dont il créa plusieurs hauts-grades ; il rêvait la restauration de son trône par l’appui de toutes les forces maçonniques de l’Europe.

Ces pouvoirs avaient été confiés directement le 20 mai 1738 au père de notre juif, dom Martinez-Pasqualis, écuyer, âgé de 67 ans, né à Alicante en Espagne, et, pour lui succéder, à son fils aîné Joachim dom Martinez-Pasqualis, âgé de 28 ans, natif de la ville de Grenoble en France. C’est ce que nous apprennent les lettres-patentes, dont copie était jointe à la lettre ci-dessus[7].

Cette lettre et ces pouvoirs étaient envoyés par dom Martinez à la Grande Loge de Paris, dans le but de faire reconnaitre par elle les fondations de l’émissaire des Stuart, jusqu’alors considérées comme étrangères à la maçonnerie française. Martinez fut trompé dans son attente ; tout en exprimant son profond respect pour la Royale Loge de Stuart, la Grande Loge de France lui déclara qu’elle ne pouvait reconnaître des frères ayant des Constitutions des loges étrangères, ni lier de correspondance avec eux qu’en leur offrant de les recevoir dans son sein lorsqu’ils se présenteront pour lui demander des Constitutions.

La pensée secrète de Martinez, outre le désir ambitieux de traiter avec la Grande Loge de puissance à puissance, était de rallier ses fondations aux associations maçonniques françaises, afin d’y infiltrer ses doctrines occultes ; tout en souffrant de son isolement, il ne travaillait pas avec moins d’ardeur à se faire dans les loges françaises des prosélytes dévoués, et il y réussissait. Dans une lettre postérieure à celle que je viens de citer, il revient à la charge auprès de la Grande Loge de France, au nom de la concorde que son silence pourrait troubler, réclamant de nouveau des pouvoirs et des instructions :

« Votre silence, dit-il, peut faire naître la méfiance et allumer le flambeau de la discorde parmi nous ; malheur d’autant plus à craindre qu’ayant, dans mon temple, plusieurs membres de la Loge Française, il semble, par là, lui être devenu suspect. J’ai aussi appris que deux autres Loges avaient pris des délibérations pour refuser l’entrée à ceux de mon temple qui pourraient aller les visiter. Veuillez donc, Très Honorables et Très Puissants Maîtres, par votre Toute-Puissance, me mettre à portée, par le premier courrier, de dissiper les nuages qui semblent vouloir obscurcir cet orient, en me favorisant de vos pouvoirs et des instructions que je demande par mes précédentes lettres. »

Le 13 août suivant, nouvelle supplique du frère Martinez-Pasqualis à la Grande Loge, afin d’obtenir des pouvoirs pour constituer les trois Loges clandestines de cet orient au nom de la Grande Loge, puisque ces ateliers ont le mauvais goût de ne pas se laisser constituer en vertu des pouvoirs qu’il tient de la Loge de Stuart.

On le voit, ce n’était pas sans rencontrer de violents obstacles que dom Martinez exerçait son apostolat maçonnique, et essayait de constituer, d’après ses principes, des loges « qui avaient travaillé depuis douze ans sans aucune espèce de Constitution, et qui ne voulaient dépendre d’aucune loge de France ou d’Angleterre. »

Ces résistances irritaient et exaspéraient dom Martinez, qui de plus en plus affichait les prétentions de maître-souverain et de grand-pontife de la maçonnerie. Quelques loges s’étant permis de mettre en doute son autorité et de refuser l’entrée de leurs temples aux maçons illuminés, un violent réquisitoire fut dressé contre elles par un abbé Bullet, aumônier au régiment de Foix ; un arrêt solennel, très longuement motivé, fut rendu au Grand Orient de Bordeaux, « dans le sein de la Grande Lumière, pour être mis à exécution des lumières mystérieuses de l’Ordre le 20 octobre 1765 », et exécuté dans ledit temple des Élus Écossais ; « et les loges l’Amitié Allemande et la Parfaite Union ont été biffées, bâtonnées, lacérées, hachées, détruites, anéanties, par le fer, la terre, l’eau, l’air et le feu le 30 octobre 1765, à cinq heures du soir. Amen, amen, amen. »

Cette planche est signée : « Dom Martinez-Pasqualis, G∴ S∴ des Ordres de la Maçonnerie ; F∴ Bullet, juge, S∴ Rause-Croix. » (Sic).

De telles prétentions, des allures si hautaines finirent par lui aliéner même quelques-uns de ses adeptes. Le 13 mars 1766, ceux-ci secouaient le joug et s’adressaient à la Grande Loge de France pour en obtenir les constitutions nécessaires à l’érection d’un nouvel atelier sous le titre de Saint-Michel.

« Nous avons été convaincus, disaient les plaignants, de son imposture par la frivolité des instructions vagues et indéterminées qu’il nous a données depuis trois ans, et par le refus opiniâtre qu’il a fait de ne vouloir pas nous fixer dans la connaissance réelle des cinq points ; par le silence qu’ont observé les Grandes Mères-Loges d’Ecosse, d’Irlande et d’Angleterre, sur la reconnaissance des pouvoirs qu’il prétendait avoir et dont nous leur avions envoyé copie ; par celui de la Grande Mère-Loge de France à nos différentes sollicitations pour reconnaître la légitimité de ce temple et lui accorder sa correspondance ; par le refus qu’ont fait la majeure partie des loges de France de recevoir les certificats de ce temple et d’en reconnaitre les membres comme légitimes frères ; enfin, par l’irrégularité de sa conduite et de ses procédés dans l’Ordre, de son indiscrétion dans les propos qu’il a tenus et tient sur la majeure partie des travaux maçonniques et par la prétention orgueilleuse qu’il a d’être despotique dans la discipline de l’orient maçonnique, s’arrogeant le titre de Grand Souverain et d’un des sept maitres répandus sur la surface du globe ; en conséquence, le pouvoir et la puissance d’élever et détruire quand il le juge à propos, prétention dont il n’a jamais pu ou voulu nous faire connaître la légitimité ; ce qu’ayant considéré, et après avoir mûrement réfléchi, nous avons délibéré et arrêté d’abandonner un tel maître à ses prétentions chimériques, contraires au bon ordre…

« Il est important de vous instruire qu’il vient récemment de changer tout l’Ordre en substituant aux mots, aux signes, aux attouchements ordinaires, des choses toutes contraires ; il est aidé dans toutes ses indignes opérations par un moine nommé le père Bullé, aumônier du régiment de Foix, homme dangereux qui a mis partout le désordre, homme qui, compromettant son caractère, donne des explications sur J.-B. et M.-B., d’autant plus regrettables qu’elles sont impies et blasphématoires : la pudeur et la bienvenue ne permettent pas de les écrire… »

Cette requête fut favorablement accueillie par la Grande Loge ; elle félicita ces frères d’avoir abandonné le F∴ Martinez, en leur annonçant une copie du jugement prononcé contre leur ancien chef.

Les membres de la loge la Perfection se dispersèrent, et Dom Martinez quitta Bordeaux pour venir à Paris[8].

La violente opposition que rencontra Martinez à Bordeaux prouve combien à cette époque les imparfaits initiés n’entendaient pas raillerie sur les innovations maçonniques. Aujourd’hui il n’en est plus ainsi ; les gogos des loges se laissent imposer le Palladisme avec une naïveté étonnante.

Voici, comme dernier trait, le récit d’une scène scandaleuse, fait par un membre de la loge la Française, présent aux travaux du 28 février 1761 :

« Un officier étranger avait voulu entrer de force en loge, et avait même mis l’épée à la main. Au préalable, on lui avait demandé s’il n’aurait pas fréquenté la loge bâtarde de cette ville, tenue par le sieur Martinez Pascalis, C’est sur sa réponse affirmative que l’entrée du temple lui avait été refusée. Là-dessus, violence de la part de cet officier. Ayant, pour cet objet, averti M. de Ségur, lieutenant du maire, celui-ci lui a défendu de ne plus troubler ni inquiéter à l’avenir aucune loge de cette ville, menaçant le sieur Martinez Pascalis de le mettre au cachot, et d’écrire en cour pour le faire casser ; ce que M. de Ségur a bien promis d’exécuter. Comme toutes ces violences sont très éloignées de l’esprit de la franc-maçonnerie, la loge l’Anglaise décide que tous ceux qui fréquenteraient la prétendue loge du sieur Martinez Pascalis demeureraient exclus du respectable atelier, suivant délibération prise en loge générale. » (Clavel, Almanach de la Franc-Maçonnerie pour l’année 5846.)

Les hauts grades, qui rendaient suspectes aux yeux des loges de la stricte observance les fondations de Martinez étaient les suivants, selon Clavel : Grand Élu Apprenti Cohen, Compagnon Cohen, Maitre Cohen, Grand Architecte, et Chevalier Commandeur, formant le rite des Élus Cohens ou Prêtres. On a vu plus haut que Martinez ne comptait que cinq ordres parfaits dont il se reconnaissait dépositaire.

On a peu de renseignements sur le séjour de Martinez à Paris et sur les résultats de sa propagande maçonnique. Suspect à la Maçonnerie de la stricte observance qui l’avait excommunié, il dut se contenter de travailler à l’ombre et dans le secret des réunions et des sociétés privées, où il fit quelques prosélytes de marque, entre autres le fameux athée baron d’Holbach et Diderot[9]. Il posa aussi les bases de la loge les Amis Réunis appelés encore Philalèthes (1713), dont la doctrine était un mélange de Swedenborgisme et de Martinisme. Cette Loge eut bientôt pour succursale les Philalèthes ou Amis Réunis de la rue de la Sourdière, où dominèrent le comte de Saint-Germain, Cagliostro, Condorcet et Dietrich, surnommé le Robespierre de Strasbourg.

Quand on voit le Martinisme donner la main d’un côté à Diderot et à d’Holbach, et de l’autre à Cagliostro et à Dietrich, le Martinisme est jugé. Il a sa part dans les crimes de la philosophie et de la Révolution.

Dans la conspiration tramée au dix-huitième siècle par Satan et ses suppôts contre l’Église du Christ, dom Martinez Pasqualis fut un des ouvriers de la première heure, un de ceux qui conçurent cet infernal projet de la concentration des différentes sectes qui composaient la franc-maçonnerie en les ralliant à une même doctrine, en leur donnant un mot d’ordre et en les cimentant solidement sur la base de l’initiation théurgique ou cabalistique, c’est-à-dire de la communion effective avec Satan. Véritable sectaire, véritable hiérophante et initiateur occulte, il se contenta de faire des prosélytes dans l’ombre des loges et des associations secrètes, et laissa à d’autres, à Saint-Martin, par exemple, le rôle extérieur et visible d’initiateur mondain et lettré, opérant dans les salons ou les académies, entraînant, à l’aide de sa parole et de ses écrits, les âmes disposées au mysticisme dans les erreurs de l’Illuminisme martinien.

Pendant que Martinez Pasqualis disparaissait mystérieusement de France et allait mourir obscurément à Port-au-Prince en 1779, son disciple Saint-Martin recueillait la gloire due à son maitre ; la secte fondée par le juif espagnol s’appelait le « Martinisme », au lieu de s’appeler le « Martinézisme ». Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Ce que l’on appelle le Martinisme n’est pas l’œuvre de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu, mais bien celle de Martinez Pasqualis ; Saint-Martin le reconnaît lui-même. À l’époque ultérieure où il était sous le charme du cordonnier mystique Bœhme, il a des retours touchants du côté de son ancien maitre, dont l’enseignement a laissé chez lui des traces ineffaçables :

« Quant à Sophie, dit-il, et au Roi du monde[10], il ne nous a rien dévoilé sur cela, et nous a laissé dans les notions ordinaires de Marie et du Démon (nouvelle preuve que Saint Martin n’a jamais été jugé digne par Martinez d’être initié au véritable mystère de la secte). Mais je n’assurerai pas pour cela qu’il n’en eût pas la connaissance ; et je suis bien persuadé que nous aurions fini par y arriver, si nous l’avions conservé plus longtemps. »

L’influence de Saint-Martin sur la franc-maçonnerie, quoi qu’on en ait dit, est à peu près nulle. On ne saurait en dire autant de Martinez. À celui-ci seul se rattachent les loges fondées par le Martinisme ou qui en adoptèrent les doctrines. Outre un certain nombre de loges françaises, à Lyon, à Bordeaux, à Paris, qui professaient le Martinisme, il faut compter, comme inspirée par ses doctrines, une vaste affiliation maçonnique appelée l’École du Nord, ayant son centre à Copenhague. Le fameux Lavater était un disciple de cette Ecole du Nord. En Russie, le martinisme s’était assez répandu pour donner ombrage à Catherine II, qui composa contre les Martinistes deux comédies satiriques : « Ces comédies, dit Saint-Martin, ne firent qu’accroître la secte. » On retrouve des traces évidentes du Martinisme dans les constitutions du rite de Misraïm, fondé par des juifs s’inspirant de Cagliostro. L’Illuminisme se répandit aussi en Italie ; ses règlements furent saisis par le sénat de Venise et dénoncés officiellement à la France.

Quelque temps avant le convent de Wilhelmsbad, l’Illuminisme français avait tenu à Lyon une grande assemblée sous le nom de Convent des Gaules, sous la direction prépondérante de la Loge Centrale de Lyon dite des Chevaliers Bienfaisants, laquelle était en haute estime auprès des loges templières d’Allemagne, et considérée comme la loge-mère de l’association. On y avait devancé sur plusieurs points les décisions du convent de Wilhelmsbad, en particulier sur celui de choisir le duc Ferdinand de Brunswick pour chef suprême de toute la maçonnerie. Les loges appartenant au Martinisme français députèrent à Wilhelmsbad, avec Saint-Martin le président de ce convent des Gaules, le frère de Villermoz, négociant lyonnais, Le Chape de la Heuzière, faisant partie du comité secret des Amis Réunis de Paris, et le comte de Virieu, un honnête maçon, qui, effrayé de ce qu’il y avait vu et entendu, finit par abandonner la secte : « Je ne vous dirai pas, répondait-il au comte de Gillière, qui le pressait à son retour sur ce qui s’était passé dans l’assemblée, je ne vous dirai pas les secrets que j’apporte ; mais ce que je crois pouvoir vous dire, c’est qu’il se trouve une conspiration si bien ourdie et si profonde, qu’il sera bien difficile à la religion et aux gouvernements de ne pas succomber. »

Il n’est donc pas étonnant de voir les loges martinistes jouer un rôle important dans le convent de Wilhemsbad ; leurs députés, forts de la protection de Ferdinand de Brunswick, n’épargnèrent rien pour y faire triompher leurs idées et leurs desseins.

Il n’entre pas dans mon plan de retracer l’histoire, de cette mémorable assemblée, d’où la maçonnerie sortit, comme les Grecs du cheval de bois, tout armée pour la destruction de la religion et de l’ordre social. Tout ce que j’ai à en dire sans sortir de mon sujet, c’est que le Martinisme ou Illuminisme français, inspiré par le juif Martinez Pasqualis, y donna la main à l’Illuminisme allemand fondé par Weishaupt, le véritable ordonnateur secret du convent par l'intermédiaire de ses deux lieutenants, Knigge et le baron Dittfurt.

Or, une des pensées fondamentales de l’Illuminisme essentiellement pratique de Weishaupt était celle-ci : « Réunir, en vue d’un intérêt élevé et par un lien durable, des hommes instruits de toutes les parties du globe, de toutes les classes et de toutes les religions, malgré la diversité de leurs opinions et de leurs passions. »

Les juifs avaient donc pour eux la principale influence, celle des Martinistes, alliés aux Illuminés de Weishaupt. Ils pouvaient aussi compter sur l’appui des loges anglaises, pour qui les opinions du fameux incrédule Toland étaient paroles d’Évangile. Toland avait pris chaleureusement en main leur cause dans deux écrits aussi hostiles au christianisme qu’ils étaient favorables à la nation juive : Raisons pour naturaliser les juifs de la Grande-Bretagne, et Nazarenus ou le Christianisme judaïque, païen et mahométan.

Et cependant, — tant étaient puissants chez les francs-maçons eux-mêmes les préjugés héréditaires contre les juifs, — malgré ces nombreuses intelligences qui leur étaient assurées dans la place, ce ne fut qu’à une faible majorité que fut adoptée la proposition d’ouvrir définitivement aux juifs les portes du sanctuaire maçonnique. Même cette décision du convent de Wilhelmsbad fut loin d’avoir force de loi pour toutes les associations maçonniques ; plusieurs, pendant longtemps encore, la tinrent pour non avenue, et continuèrent à repousser énergiquement de leur sein les enfants d’Israël. Ainsi, ce ne fut qu’à partir de 1832 que les juifs furent officiellement admis, en Angleterre, à faire partie de l’Ordre. En Allemagne, les trois Grandes Loges de Berlin, malgré les requêtes réitérées des israélites, malgré les nombreuses et vives protestations de la maçonnerie tout entière, persistèrent à écarter les juifs jusqu’en 1842. Les juifs eux-mêmes ne semblent pas s’être hâtés de profiter du privilège que leur accordait le convent de Wilhelmsbad : dans tous les rapports officiels des lieutenants provinciaux de Weishaupt, énumérant les nouvelles recrues de l’ordre dans les années qui suivirent ce convent, on ne rencontre que le nom d’un seul juif, appelé Blenbetren, qui prit le nom d’Alberoni en devenant conseiller aulique et Provincial Illuminé.

En réalité, les juifs n’avaient pas à se presser pour envahir la franc-maçonnerie ; il leur suffisait d’avoir le droit d’y prendre pied. Leurs chefs savaient que l’assemblée de Wilhelmsbad avait eu pour principal objectif de préparer la Révolution ; maintenant, ils pouvaient attendre que les maçons, travaillant pour eux, leurs fissent d’abord obtenir dans la société les droits de citoyen. Après quoi, nous les verrons tout aussitôt adhérer nombreux à la secte et y créer même des rites.


Il me faut, à présent, démontrer que l’émancipation politique et civile des juifs est l’œuvre de la Révolution française, et par conséquent celle de la franc-maçonnerie, puisque la secte a été la principale ouvrière de cette révolution.

Il entrait avant tout dans le plan des révolutionnaires, d’anéantir, autant qu’il serait en eux, le règne de Dieu sur les âmes pour y substituer le culte de l’homme ou de Satan, ce qui est tout un. Le plus grand obstacle à l’exécution de ce plan étant l’Église catholique, il fallait à tout prix la saper, en détruire l’influence dans les esprits, en même temps qu’on lui couperait les vivres et qu’on la réduirait à se cacher comme aux premiers temps du christianisme dans de nouvelles catacombes. Le moyen qui parut le meilleur aux libres-penseurs pour en arriver à cette fin, fut d’établir le principe satanique de l’indifférence en matière religieuse ; du jour où il serait admis que toutes les religions sont bonnes et légitimes, que Confucius ou Bouddha est l’égal de Jésus-Christ, le Coran l’égal de l’Évangile, c’en était fait de toute révélation divine, de tout surnaturel ; disons plus : de tout spiritualisme, de toute religion.

Rien de plus naturel, de plus logique dans ce système infernal que de comprendre, parmi ces religions qu’il s’agissait de réhabiliter aux dépens de celle du Christ, — la véritable ennemie, — la religion d’en peuple maudit, l’ennemi traditionnel du Christianisme, le Judaïsme ; non pas le judaïsme de Moïse et des prophètes, les précurseurs et les symboles du Christ, mais le judaïsme tel que l’avaient fait l’incrédulité et les rêveries des rabbins, tel surtout que le faisaient en Allemagne les tendances de plus en plus prononcées de ses docteurs et de ses sages vers le rationalisme et ses conséquences nécessaires ; la négation du surnaturel, le scepticisme et l’athéisme.

Le judaïsme véritable, tel qu’il est formulé dans Moïse, David et les prophètes, eût résisté aux avances de la libre-pensée moderne, matérialiste et athée ; mais le judaïsme rationaliste, tel que le concevaient au dix-huitième siècle les Lessing et les Mendelssohn, était tout prêt à entrer dans la ligue de l’impiété contre l’Église catholique ; il pouvait même fournir à ses ennemis des armes précieuses contre elle. Ceux-ci se gardèrent bien de se priver de ce puissant auxiliaire, et l’émancipation des juifs entra ainsi dans le programme de la guerre décisive qu’on allait livrer à l’Église du Christ.

Cette émancipation, déjà agitée plusieurs fois en Angleterre, solennellement reprise au convent de Wilhelmsbad, trouva, aux approches de la Révolution, son plus chaud, son plus puissant avocat dans l’un des plus illustres francs-maçons de ce temps, aussi illustre par les turpitudes de sa vie que par sa démoniaque éloquence : Mirabeau.

Mais ici, pas plus qu’ailleurs, Mirabeau ne tira rien de son fond ; il se contenta de mettre en œuvre les idées et les vues d’autrui : il ne fut que le porte-voix retentissant des doctrines qui s’étaient fait jour on Allemagne au sujet des juifs et de leur réhabilitation humaine et religieuse. Comme c’est à Mirabeau surtout, l’affilié de toutes les sociétés secrètes de son temps, que les juifs doivent les bienfaits de la Révolution, il faut nous arrêter quelques instants sur le rôle joué par le grand tribun dans cet événement qui devait décider de l’avenir de la société juive.

Pendant que Cagliostro, de l’Angleterre où il s’était réfugié (1787), annonçait, dans sa célèbre Lettre au peuple français[11], la réalisation prochaine de la conspiration des sociétés secrètes, la destruction de la Bastille et de la monarchie, et l’avènement d’un prince (le duc d’Orléans, Philippe-Égalité) qui rétablirait la vraie religion, Mirabeau écrivait son Mémoire sur Moise Mendelssohn et sur la Réforme politique des Juifs. Il s’était familiarisé avec cette question dès son premier séjour en Prusse (1715), où il avait été envoyé par M. de Vergennes pour une mission politique secrète. Là, il s’était vu aussitôt entouré comme un père par les Illuminés allemands Nicolaï, Biester, Gedike, Mauvillon surtout, l’élève de Knigge, qui l’initia aux mystères de Weishaupt. De retour en France, il avait introduit la nouvelle doctrine dans sa loge des Philalèthes, où il fit adopter ses principes au duc d’Orléans, à Condorcet, à Savalette, à Court de Gebelin, etc. Le terrain était préparé en France aux apôtres allemands de l’Illuminisme, Amelius Bode et le baron de Busche.

Dès 1776, Mirabeau rédigeait un plan de réformes, où il proposait à l’ordre maçonnique de travailler efficacement à miner le despotisme, à poursuivre l’émancipation civile, économique, religieuse, la pleine conquête de la liberté individuelle.

Sur la fin de 1785, Mirabeau, plus que jamais compromis dans sa réputation, et tourmenté du désir de se faire regretter en France, se rendit à Berlin, avec sa nouvelle compagne de débauche, madame de Nehra. Il y renoua toutes ses anciennes relations et en fit de nouvelles ; il se lia en particulier avec un homme considérable, historien, philosophe, économiste, depuis ministre de Prusse à l’étranger, Chrétien-Conrad-Guillaume de Dohm, celui que les historiens juifs appellent « l’immortel Dohm. » Celui-ci venait de publier, en 1781, en faveur des juifs et de leur émancipation, un mémoire intitulé : De la Réforme politique de la situation des Juifs. Non seulement il y faisait l’apologie de la race juive, en attribuant ses défauts et ses vices à la conduite de la société à leur égard, au refus auquel on s’obstinait de leur accorder les droits de l’homme et ceux du citoyen ; mais encore il sommait les souverains de réparer à l’égard des juifs les injustices du passé, « s’ils ne voulaient pas les forcer à être pires que les autres citoyens ». Il ne manquait pas de professer ouvertement la fameuse théorie de l’indifférentisme religieux, et menaçait l’Église des représailles de l’autorité civile, si elle s’opposait à cette réhabilitation « d’une secte qui a donné l’origine à la sienne ». Dohm, comme le dit très bien l’abbé Joseph Lémann, présentait ainsi à la signature des souverains le complément de l’œuvre de Luther. Ce livre, de l’aveu des israélites eux-mêmes, est devenu le point de départ des réformes poursuivies, et en partie réalisées (Archives israélites, année 1867).

Quand Mirabeau arriva à Berlin, le nom de l’auteur était dans toutes les bouches ; le futur tribun s’enthousiasma de Dohm et de son livre, et dès lors sans doute fut conçu entre eux le projet de le faire connaître à la France. Étant à Postdam, où l’avait appelé Frédéric, Mirabeau écrit à sa Nehra, le 19 avril 1786 : « Dites à Dohm que nous avons joliment parlé (le roi et lui) des juifs et de la tolérance. Je ne conseille pas aux fanatiques de se frotter là. »

Le projet d’éclairer la France à l’aide du livre de Dohm était d’autant plus urgent qu’une première tentative de l’y faire pénétrer avait piteusement avorté. Aussitôt après la publication de l’ouvrage allemand, il en avait paru une traduction française, dont six cents exemplaires avaient été envoyés à Paris par l’entremise du fameux banquier juif de Strasbourg, Cerfbeer, sans être munis de l’autorisation préalable. Malgré l’intervention du F∴ athée Lalande[12] et des intéressés, le ballot fut saisi, mis sous les scellés, puis au pilon par décret de la Chambre syndicale. Cette circonstance ne devait être pour Mirabeau qu’un stimulant de plus, l’incitant à prêter sa voix aux revendications de ses nouveaux amis les juifs et à les faire pénétrer en France en dépit de l’opinion et du gouvernement. Le plan de l’ouvrage fut concerté dans le salon d’unE célèbre juive de Berlin, la jeune et belle Henriette de Lemos, que fréquentait assidûment Mirabeau.

« À cette époque, dit Graëtz (l’historien allemand des juifs), il n’était bruit à Berlin que de la femme du docteur Herz, aussi remarquable par son esprit que par sa beauté. Les membres des cercles élégants affluaient dans son salon. Les diplomates s’y rencontraient : entre autres, Mirabeau, dans la tête duquel s’amoncelaient déjà les nuages gros d’orage de la Révolution, et pour lequel les juifs conservent une vive reconnaissance. Durant sa mission diplomatique secrète à Berlin (1786), Mirabeau était un des hôtes assidus de cette demeure… Bientôt les dames de la plus haute société ne firent nulle difficulté de se mettre en relation avec Henriette Herz et son cercle de jeunes juives, attirées qu’elles étaient par le charme de leur conversation séduisante. On se traitait presque d’égales à égales. Au nombre de ces jeunes juives, il y avait les filles de Mendelssohn. »

Ces quelques détails, donnés par l’historien juif sur le salon de Henriette Herz, nous font regretter qu’il ne nous en ait pas donné davantage. Tout ce qu’il nous en apprend encore, c’est qu’il eut une triste fin, et devint une « sorte de tente madianite ». Quoiqu’il en soit, c’est dans ce salon, dans ses conversations avec les filles de Mendelssohn, qui venait de mourir, que Mirabeau puisa les matériaux du livre qu’il se proposait d’écrire en faveur des juifs censément opprimés.

Il l’écrivit à Berlin même, vers le mois de juillet 1786. L’ouvrage de Mirabeau sur Moïse Mendelssohn et sur la Réforme politique des Juifs, qui deviendra le programme de l’Assemblée constituante sur la question juive, n’est qu’un résumé éloquent du livre de Dohm, précédé d’une biographie fort élogieuse de celui que les Allemands appellent « le Platon de Berlin ».

C’est à Mendelssohn, comme à un autre Moïse, que se rattache aujourd’hui tout ce qui, dans le monde judaïque, a la prétention de penser et de philosopher ; et c’est à sa suite que le judaïsme, abandonnant les traditions purement mosaïques et même les errements du Talmud, s’est jeté tête baissée dans le philosophisme rationaliste, sauf à donner dans toutes les erreurs qu’engendre la raison livrée à elle-même, sans boussole surnaturelle.

On peut appeler Mendelssohn le Luther du judaïsme. Pendant que son maitre et ami Lessing, autre chef haut-maçon, combattait à outrance le christianisme à l’aide du judaïsme, Mendelssohn renouvelait le judaïsme et le bouleversait de fond en comble ; il le réduisait à n’être plus qu’un pauvre et misérable déisme, auquel, malgré tous ses efforts et tout son talent, il ne parvenait pas à prêter l’éclat et le charme de Platon. Cette prétendue renaissance du judaïsme, comme religion, ne fut en réalité que le signal de son irrémédiable décadence[13]. Elle n’attendit pas du reste bien longtemps pour porter ses fruits ; cette jeunesse allemande, enthousiaste de Lessing et de Mendelssohn devint, après la mort de ce dernier, téméraire ou licencieuse, et se confondit avec celle où se recrutèrent les sociétés secrètes, sous le nom de « Cercle avancé » de Berlin. Le mendelsohnisme eut le sort du salon de la belle Henriette de Lemos. Comme le reconnait un autre historien des israélites, Théodore Reinach, « le Décalogue lui-même fut relégué au magasin des antiques avec le bagage des vertus traditionnelles qu’il incarnait. »

Mirabeau savait bien ce qu’il faisait en ajoutant cet élément de corruption et de dissolution à tous les autres qui fermentaient en lui et autour de lui ; les juifs étaient un atout de plus dans son jeu contre l’Église et la vieille société chrétienne.

En attendant le verdict définitif des grandes assises révolutionnaires, la franc-maçonnerie, s’associant à l’idée de Lessing, de Mendelssonn, de Dohm et de Mirabeau, fit tout ce qu’elle put pour donner aux juifs dans la société une situation dont ils ne pouvaient manquer de profiter au préjudice des autres races ; et, pour préparer les esprits, elle agita d’abord la question de leur admission définitive dans ses loges, à titre de droit, et non plus comme exception. Nous avons vu cette question posée et résolue en leur faveur au convent de Wilhelmsbad. En 1788, un livre allemand portant ce titre : « Les Israélites sont-ils reçus Francs-Maçons et peuvent-ils l’être ? » par les FF.∴ von Ecker et Eckhoften, appelait de nouveau sur ce sujet l’attention de la Loge de Hanovre Frédéric au Cheval blanc. Dans une des loges fondées par les auteurs de ce livre, la loge de Melchisédech, il y avait des membres israélites. Les adoptions de membres juifs se seraient multipliées en Prusse, sans la résistance opiniâtre des loges de Berlin. Ainsi, vers la fin du siècle, les FF∴ de Hirschfield et Catter ayant fondé à Berlin, sous le nom de Loge Mixte, un atelier maçonnique accessible à toutes les croyances, la demande d’une Constitution adressée par cette loge à la Grande Loge Nationale fut rejetée, et, malgré la protection du roi Frédéric-Guillaume III, ne put longtemps poursuivre ses travaux. En 1808, une loge du même genre, principalement composée de membres israélites, fut fondée à Francfort, la loge de l’Aurore naissante, sous la constitution du Grand Orient de France ; quelques loges encore refusèrent d’abord de la reconnaitre ; mais la situation se modifia avec le temps. J’aurai, du reste, à reparler plus loin de ces incidents.

Revenons au rôle de Mirabeau et à la Révolution française.

Un fait qu’on ne saurait passer sous silence quand il s’agit de l’émancipation des juifs, et qui a été mis en pleine lumière par l’abbé J. Lémann, c’est celui du projet conçu par Louis XVI et de sa généreuse initiative en vue de la régénération et de la réintégration des juifs dans la société française. En face des efforts que le parti de Satan multiplie en faveur des Israélites dans des vues impies et destructives, voici qu’un roi catholique, qui s’honore du titre de fils aîné de l’Église, songe aussi, lui, au moment même où les ennemis du Christ trament sa ruine, songe, en roi chrétien et fidèle, aux traditions de l’Église, à émanciper cette malheureuse nation, tout en sauvegardant les intérêts des enfants de la maison de Dieu, en observant tous les ménagements que réclamait une question si compliquée et si délicate. On ne peut se défendre d’une douloureuse émotion, en constatant que le plan du monarque chrétien, aidé d’un Malesherbes, échouera, et que celui de Satan, soutenu de toutes les forces impies de la Révolution, finira par triompher.

L’histoire est là, pour prouver d’une façon irréfutable, que l’initiative effective de la résurrection du peuple juif n’appartient, en effet, ni à la Révolution, ni à l’Empire, mais à Louis XVI. Résumons ces preuves[14] :

1° Formation d’une commission du Conseil d’État, sous la présidence de Malesherbes, dans le but de soustraire les juifs au régime des lois d’exception ;

2° Fonctionnement de la commission durant l’année 1788 ; sont entendus les israélites les plus distingués des diverses parties de la France ;

3° Mémoire rédigé par Malesherbes et présenté au roi ;

4° Préparation d’un édit qui allait être rendu en faveur des Juifs, lorsque éclata la Révolution. Cet édit avait été précédé en 1787 d’un édit en faveur des protestants, qu’un jurisconsulte israélite, aujourd’hui président honoraire de la Cour de cassation, M. Bédarride, appelle « les précurseurs de l’émancipation complète des juifs ».

Au lieu de l’émancipation graduelle et prudente qu’inspirait à Louis XVI son tendre et judicieux intérêt pour les juifs aussi bien que son amour de l’Église, ceux-ci se trouvèrent tout à coup, sans transition et sans préparation, transplantés dans une société chrétienne qu’ils n’avaient point appris à comprendre et à aimer, et cela au nom de principes subversifs et par la volonté de législateurs ennemis de toute religion et de toute autorité ; leur émancipation devait nécessairement rester entachée du vice de son origine. Ils pouvaient se croire obligés, ne fût-ce que par reconnaissance, non seulement à respecter, mais encore à adopter pour eux-mêmes, ces principes révolutionnaires auxquels ils devaient de n’être plus la lie et le rebut des autres nations. Ils devaient en particulier à la franc-maçonnerie de grandes actions de grâce : c’était elle, en somme, qui les avait émancipés par la bouche ou par la plume d’orateurs ou d’écrivains qu’elle se glorifiait de posséder et d’inspirer. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur les mémorables séances qui, dans le sein de la Constituante, opérèrent et consacrèrent ce grand événement : l’émancipation totale de la nation juive et son incorporation définitive à la nation française.

Il est un fait qu’on n’a pas assez fait ressortir et qui résulte en toute évidence de l’examen attentif de l’histoire de la Constituante, c’est que les juifs ne durent le décret final qui proclamait leur réhabilitation qu’à la pression exercée sur l’Assemblée par l’influence chaque jour grandissante des assemblées de districts et surtout de l’assemblée générale de la Commune de Paris, et en fin de compte à un escamotage habilement exécuté, contre le vœu et les intentions de la droite, par les révolutionnaires avancés, au nombre desquels devait se recruter la Convention. Mais laissons parler les faits.

Le 28 septembre 1789, l’assemblée interrompait toutes les discussions à l’ordre du jour pour en venir à l’adresse à elle adressée par les juifs de Metz[15] et présentée à la barre par Isaac Beer, réclamant la protection de l’assemblée et la pleine égalité civile. M. de Clermont-Tonnerre, franc-maçon, développa longuement à cette occasion les causes de l’avilissement de la nation juive, qu’il attribua uniquement au mépris des chrétiens et aux lois barbares qui les avaient régis jusqu’alors. L’assemblée fit bon accueil à ces réclamations et décréta que le président écrirait aux différentes municipalités de la Lorraine pour leur faire entendre que la déclaration des Droits

de l’homme s’étendait à tous les habitants de la terre, et que le roi serait supplié (nous savons que Louis XVI n’avait pas besoin d’être supplié pour s’intéresser au sort des juifs), d’appuyer ces réclamations de toute son autorité.

Ce n’était là qu’un premier jalon posé pour tâter le terrain et sonder les dispositions de l’assemblée.

Les juifs sentaient qu’ils avaient à lutter, pour arriver à leurs fins, contre une majorité ou prévenue contre eux, ou peu disposée à trancher d’un coup de décret une question qui soulevait dans la nation française, et surtout en Alsace, tant de répulsions, et qui, en tout cas, demandait de lentes et mûres réflexions. Aussi, les juifs n’hésitèrent-ils pas à mettre dans leurs intérêts ces puissances extérieures qui commençaient à s’élever à côté de l’assemblée des représentants de la nation, pour paralyser ou précipiter son action au gré des passions populaires.

En effet, le 23 décembre 1789, venait à l’ordre du jour une motion rédigée par le comte de Clermont-Tonnerre, au sujet de l’éligibilité des juifs, des protestants et des comédiens aux assemblées administratives ; il s’agissait de savoir si ces trois catégories devaient être rangées parmi les citoyens actifs. La vraie question se posait nettement. Il est vrai que les juifs l’avaient résolue de fait avant qu’elle fût tranchée de droit. Profitant du désordre que la Révolution jetait dans les relations sociales, ils se considéraient déjà comme citoyens, avant même d’en avoir légalement le titre. C’est ce que fit valoir le comte de Clermont-Tonnerre, tout en invoquant en faveur de ses clients la fameuse déclaration des Droits de l’homme. Cette déclaration n’établissait-elle pas que « nul ne devait être inquiété pour ses opinions religieuses ? » — « Or, n’est-ce pas inquiéter essentiellement des citoyens, disait l’orateur, que de vouloir les priver du droit le plus cher à cause de leurs opinions ? Ou bien faites une religion nationale, armez-la d’un glaive, et déchirez votre déclaration des Droits… Il faut que les juifs soient citoyens ; si, comme quelques-uns le prétendent, ils ne veulent pas l’être, qu’ils le disent et qu’on les bannisse… Un de mes collègues, M. Nérac, m’a autorisé à dire que plusieurs juifs avaient concouru à son élection. Ils sont admis dans les corps militaires. Ils sont donc présumés citoyens ; dans leur requête, ils demandent à être considérés comme tels ; la loi doit reconnaître un titre que le préjugé seul leur refuse. »

L’abbé Maury, en cela l’organe d’une grande partie de l’assemblée, montra les graves inconvénients qui pourraient résulter pour la France de l’adoption des juifs, ce qui créerait une nation dans la nation, et conclut qu’il fallait les protéger comme individus, mais non comme français, parce qu’ils ne pouvaient être citoyens.

En vain Robespierre, secondé par Duport, déploya, pour réfuter l’abbé Maury, toutes les hypocrites tendresses de son éloquence humanitaire, invitant l’Assemblée à expier les crimes nationaux dont les juifs avaient été si longtemps victimes, et la rappelant en leur faveur aux éternels principes de la justice et de la raison, qui sont les bases de toute société ; l’opinion de la majorité l’emporta, et la question des juifs fut ajournée, jusqu’à ce qu’on pût savoir, dit M. de Beaumetz, ce qu’ils voulaient être et s’ils étaient dignes de recevoir la liberté[16].

L’intervention de Mirabeau lui-même dans le débat ne put empêcher cet ajournement ; cependant sur le rapport de Talleyrand, l’évêque d’Autun, le futur apostat, un moyen terme fut adopté : en même temps que l’assemblée ajournait la délibération sur la requête des juifs alsaciens et lorrains, elle élevait au rang de citoyens actifs les juifs portugais de Bordeaux et d’Avignon, peu nombreux et estimés de tous leurs compatriotes[17].

Il y avait dans cette politique de la partie saine de la Constituante comme une réminiscence du plan de Louis XVI, d’élever graduellement et selon leurs mérites les enfants de la famille juive à la dignité de français et de citoyens. La cause de l’émancipation immédiate et totale eut alors pour avocats les représentants les plus célèbres de la fraction révolutionnaire obéissant au mot d’ordre des sociétés secrètes et des clubs, leurs instruments. Grégoire, Duport, Robespierre, Mirabeau et Talleyrand, tous les noms figurant au Moniteur comme favorables à l’émancipation juive, se retrouvent dans les listes maçonniques.

Cependant, les districts et la Commune de Paris ne restaient pas inactifs ; la garde nationale et les sections, travaillées par un membre influent de la Commune, l’avocat Godard, se prononçaient hautement en faveur des revendications des juifs. Dans le district de Saint-Roch, le F∴ Lafont-Pouloti, plaidant leur cause, allait jusqu’à dire que leur admission à l’état de citoyens actifs réaliserait pour eux les promesses de leurs prophètes, leur annonçant dans l’avenir une nouvelle patrie.

Le 28 janvier 1790, l’avocat franc-maçon Godard[18] présentait à l’assemblée générale de la Commune une députation de juifs « revêtus de la livrée civique », c’est-à-dire de l’uniforme des gardes nationaux, et y prononçait en faveur des israélites de Paris et de la France entière, un fort habile discours, où il mettait en jeu les ambitions démagogiques qui germaient déjà dans cette assemblée. À ceux qui pouvaient accuser la Commune d’empiéter sur les droits de la Constituante et de vouloir exercer sur ses délibérations une pression illicite, il répondait : « Ce n’est pas là faire la loi, mais c’est la préparer par l’opinion ; c’est exercer la plus haute des puissances ; c’est rendre les œuvres du législateur plus faciles, et transformer pour ainsi dire à l’avance ses intentions en décrets. » Puis, répondant aux craintes et aux atermoiements qui avaient décidé l’ajournement de la délibération générale, il présentait les juifs comme étant dignes de la loi qu’on leur marchandait « par le zèle patriotique qui, dès le moment de la Révolution, avait transporté leur âme, les avait couverts de l’armure civique, et en avait fait de braves et infatigables soldats, entièrement dévoués au salut et à la prospérité de la nation. » La Commune leur devait un certificat de moralité et de civisme qui ferait revenir l’Assemblée sur sa décision. Plus de cent juifs (sur 500 qu’on en comptait alors à Paris) s’étaient enrôlés dans la garde nationale : plusieurs avaient témoigné leur zèle par des dons patriotiques ; il signalait en particulier le généreux désintéressement du juif polonais Hourwitz, auteur d’un ouvrage en faveur de sa nation, couronné par la Société royale des Arts et des Sciences de Metz ; celui-ci venait de faire à la nation le don patriotique du quart des 900 livres de rentes qu’il touchait comme interprète des Langues orientales à la Bibliothèque du roi.

Ce discours eut l’effet qu’on en attendait : l’assemblée de la Commune, présidée par l’abbé Mulot, un autre Grégoire, tout dévoué à la cause des juifs, arrêta qu’un témoignage public et authentique leur serait donné, que le vœu de leur admission à l’état-civil et à tous les droits de citoyens actifs serait hautement formulé et porté à l’Assemblée nationale, lorsqu’il aurait reçu la sanction des districts.

Cette sanction ne tarda pas à être donnée[19] et le 25 février 1790, la Commune de Paris envoyait à l’Assemblée nationale une députation présidée par l’abbé Mulot, pour la supplier d’étendre son décret à tous les juifs de Paris et de la France.

L’avocat Godard plaida encore leur cause, et s’appliqua surtout à montrer l’opportunité d’en finir d’un seul coup avec cette question capitale. « Des préparations, des modifications, dit-il, n’auraient d’autre objet que de perpétuer un injuste préjugé contre eux, et il vaudrait mieux peut-être ne pas toucher à cette grande question que de ne pas la résoudre sur le champ par les grands principes qui en réclamaient la décision. Le moment, du reste, est singulièrement favorable ; au milieu des changements opérés par la Révolution, celui qui sera relatif aux juifs ne fera sur le peuple qu’une impression légère. »

Malgré toute cette intrigue, l’Assemblée nationale attendit, pour s’occuper de nouveau de la question juive, jusqu’au 18 janvier 1791 ; encore profita-t-on de la présidence de l’abbé Grégoire pour la remettre subrepticement sur le tapis. Un député, M. Folleville, se plaignit, au cours de la discussion, de ce que l’on avait attendu la présidence de l’abbé Grégoire pour abuser du système de tolérance qu’il professait, et de ce qu’un membre du comité ecclésiastique s’était permis d’intervertir l’ordre du jour indiqué, pour faire cette proposition.

Les adversaires de l’émancipation improvisée des juifs trouvèrent ce jour-là un éloquent interprète dans le prince de Broglie, qui avait déjà combattu la motion de Clermont-Tonnerre : « Toute cette intrigue, dit-il, est ourdie depuis longtemps par quatre ou cinq juifs puissants établis dans le département du Bas-Rhin. Un d’entre eux surtout (le fameux Cerf-Berr), qui a acquis une fortune immense aux dépens de l’Etat, répand à Paris des sommes considérables pour s’y faire des protecteurs et des appuis. Je vous dirai que depuis longtemps la ville de Strasbourg est en fermentation au sujet des prétentions annoncées par plusieurs de ses juifs, et jamais la paix publique n’a exigé plus impérieusement l’ajournement. »

L’ajournement et le renvoi au comité de constitution furent mis aux voix et décrétés par une grande majorité[20].

Devant ces résistances de la majorité ce l’Assemblée nationale, il n’y avait plus de ressource pour les avocats de l’émancipation, qu’une surprise, un tour de main, un de ces escamotages audacieux, tels qu’on en rencontre si souvent dans les délibérations parlementaires. Le tour fut joué le 27 septembre 1791. Les historiens juifs de la Révolution le reconnaissent eux-mêmes ; M. Théodore Reinach s’exprime ainsi :

« Il semblait que cette question, d’où dépendait en réalité l’avenir du Judaïsme tout entier, fût sur le point d’être enterrée, lorsque l’émancipation complète des israélites fut tout à coup votée à l’improviste et presque sans débat. »

Le presque est de trop. Profitant des derniers moments de la Constituante, dont l’œuvre était terminée, et du désarroi qu’une fin de législation amène avec elle, le F∴ Duport monta à la tribune et dit :

« Je crois que la liberté des cultes ne permet plus qu’aucune distinction soit mise entre les droits politiques des citoyens à raison de leur croyance. La question de l’existence politique des juifs a été ajournée. Cependant, les turcs, les musulmans, les hommes de toutes les sectes sont admis à jouir, en France, des droits politiques. Je demande que l’ajournement soit révoqué et qu’en conséquence il soit décrété que les juifs jouiront en France des droits de citoyens actifs. »

Un député de l’Alsace, Rewbell[21], demanda la parole pour combattre la proposition de Duport. Alors le président de l’Assemblée, Regnault de Saint-Jean d’Angély, stylé d’avance par les meneurs, intervint et dit : « Je demande que l’on rappelle à l’ordre tous ceux qui parleront contre cette proposition ; car c’est la Constitution elle-même qu’ils combattront. » Et ce fut tout ; l’Assemblée vota la motion sans examen, sans discussion, sans même la rédaction préalable du décret. Ce ne fut que le lendemain 28 septembre que Duport présenta la rédaction du décret rendu la veille, rédaction légèrement modifiée sur quelques observations du prince de Broglie et de Rewbell. Elle est ainsi conçue :


« L’Assemblée Nationale,

« Considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s’engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu’elle assure.

« Révoque tous les ajournements, réserves, exceptions insérés dans les précédents décrets, relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tout privilège et exemption précédemment introduits en leur faveur. »


Ainsi se réalisait en faveur des juifs le plan échafaudé au convent de Wilhelmsbad, concerté par Mirabeau avec les sociétés secrètes de l’Allemagne, et mis à exécution par le même Mirabeau et les révolutionnaires ses alliés, à la faveur du désordre social produit par la Révolution, et grâce à une surprise opérée sur une Assemblée qui s’abandonne lâchement à la veille de sa dissolution.

Entachée dans son principe et sa source par cette origine essentiellement révolutionnaire, l’émancipation des juifs se ressentira, dans ses résultats, de cette tare primitive ; s’ils y ont gagné au point de vue social et humain, il est difficile de ne pas reconnaître, au témoignage même de leurs propres historiens, qu’ils y ont perdu en grande partie ce qui faisait leur force, leur grandeur et leur originalité : leur foi et l’intégrité de leurs mœurs traditionnelles.

L’affranchissement des juifs de France devait être le signal de l’affranchissement général de la race israélite dans tous les pays où les principes de la Révolution pénétrèrent à la suite de nos armées[22] : « C’est parce que les principes politiques, proclamés par la Constituante, ont prévalu peu à peu dans tous les États du monde civilisé que l’émancipation légale des juifs n’est pas non plus restée confinée à notre pays[23]. » C’était une application forcée de ce prétendu grand principe qui avait inspiré les principaux meneurs de la Révolution, et que Duport, le principal auteur avec Mirabeau de l’émancipation juive, formulait ainsi en 1790 dans une réunion du comité de propagande : « M. de Mirabeau a très bien établi que l’heureuse révolution qui s’est opérée en France doit être et sera pour tous les peuples de l’Europe le réveil de la liberté, et pour les rois le sommeil de la mort. »


Mais voyons, maintenant, quels ont été les résultats de l’émancipation révolutionnaire et maçonnique des juifs.

Emancipés, affranchis par la Révolution, les juifs, tout en cherchant à y dominer, ne cessèrent de se proclamer ses obligés, ses hommes-liges. « Les hommes de la Révolution, écrit l’un d’eux, M. Léon Kahn, l’historien des Juifs à Paris, nous ont aidé à conquérir la place que nous occupons dans la société ; les israélites ne l’oublient pas. »

Pendant les jours néfastes de la Terreur, ils ne commirent pas d’imprudences. Avec leur flair naturel, ils avaient compris qu’un régime édifié dans le sang ne pourrait durer, et, tout en étant bons sans-culottes, ils se gardèrent bien de se compromettre. Aussi, nous ne les voyons pas figurer dans le comité de sûreté générale ni au tribunal révolutionnaire. Plus avisés, ils demeurent au second plan. Ils se mêlent aux clubs, mais parmi les auditeurs, jamais ou très rarement au nombre des orateurs ; ils excitent les autres et se gardent bien de se mettre en avant. Par exemple, là où il y a des situations lucratives, ils s’insinuent et réussissent à les obtenir ; on en trouve un grand nombre parmi les commissaires de la guerre ; ils spéculent sur la vente des biens nationaux. Que de fortunes juives créées en peu de temps pendant la période sanglante ! Pour la guerre, des millions et des millions sont indispensables ; l’argent en est le nerf ; mais, dans le mouvement des fonds, leurs doigts crochus savent retenir bonne partie des fortes sommes.

À l’occasion, ils ont l’habileté de poser au désintéressement. Ainsi, le 21 brumaire an II, quand les révolutionnaires entreprirent de piller les églises, les juifs de la rue de la Boucherie prirent les devants et offrirent spontanément à la Convention les objets sacrés de leur synagogue. Flatteurs de la Révolution, ils allèrent jusqu’à comparer la faction de la Montagne, alors dominante dans l’assemblée, à la montagne sainte du Sinaï. « Le peuple israélite, dirent-ils, a toujours connu son bonheur par des lois très sages émanées du haut de la Montagne. » Nous verrons plus loin ce jeu de mots sacrilège érigé en doctrine par un de leurs philosophes.

Si l’on peut citer 46 noms de personnes juives arrêtées comme suspectes pour délits contre-révolutionnaires, 9 condamnés à mort et exécutés, nous en remontrons un certain nombre mêlés aux épisodes les moins avouables de cette époque désastreuse ; une juive ne rougit pas d’épouser l’ex-capucin Chabot ; Calmer, un ultra-millionnaire, riche à 200.000 livres de rentes, se faisait gloire d’être un sans-culotte, un ultra-révolutionnaire ; plusieurs juifs furent impliqués dans le pillage du Garde-Meuble en 1792.

Je ne veux pas arguer de ces faits particuliers contre l’honnêteté et la moralité de tous les juifs sans exception ; mais on peut dire, sans les calomnier, que les tendances générales des israélites influents se sont toujours manifestées, pendant notre siècle, en faveur des entreprises révolutionnaires, qu’ils se sont montrés constamment les partisans et les auxiliaires du jacobinisme, et qu’ils ont fait chorus avec les doctrines les plus hardies et les plus dangereuses de la libre-pensée moderne.

L’émancipation révolutionnaire eut aussi ses résultats funestes sur le gros de la nation ; c’est un fait reconnu par leurs propres historiens, M. Léon Kahn en particulier[24], qu’une fois les vieilles familles juives du dix-huitième siècle disparues, désormais plus intimement mêlés à la population des autres cultes, entraînés par les obligations du travail quotidien, les juifs « perdirent chaque jour de l’ardeur religieuse, qui avait été leur seul refuge, leur unique consolation avant la Révolution. » M. Léon Kahn nous les montre, vers 1830, devenus rebelles à toute instruction religieuse[25], indifférents pour un culte dont ils ne comprenaient plus le sens, les rabbins prêchant dans le vide, ou devant un auditoire qui avait perdu l’intelligence de la Bible et du Talmud, le Consistoire lui-même, plus entamé que les rabbins par les idées modernes, essayant en vain de réagir contre leur enseignement suranné, et leur en voulant de défendre avec vigueur l’intégrité de la religion dont ils étaient les gardiens.

Voici le tableau que la Sentinelle Juive traçait de la physionomie de la Synagogue à cette époque, tableau reproduit par M. Léon Kabn :

« Tout allait à la dérive : point de décence ni de recueillement ; pas d’administration, pas de chefs, pas de surveillance ; un ministre officiant insuffisant ; un service religieux que rien ne venait relever, parce que le rabbin se refusait à l’introduction de l’orgue et qu’on ne pouvait arriver à constituer le chœur ; le culte extérieur négligé ; une prédication qu’on subissait cinq ou six fois par an, mais qu’on n’aimait pas… Avec cela, des abus, qu’on était jadis arrivé à supprimer, s’étaient de nouveau introduits dans les mœurs religieuses, et des coutumes peu respectables s’étaient maintenues à travers les années. Le temple offrait un aspect étrange. Le mode de vendre les honneurs religieux à l’encan s’était conservé et faisait ressembler la maison de Dieu à une salle de commissaires-priseurs, avec les criées jetées en un langage moitié allemand, moitié hébreu, les offres lancées de plusieurs points à la fois, les cris, les explications, les colloques, les allées et venues, et un brouhaha assourdissant… Le Consistoire voyait tout cela et n’y pouvait remédier. Il en souffrait d’autant plus qu’on l’en rendait responsable. Il avait grand besoin d’argent à cette époque, et on ne lui ménageait pas les critiques. Qu’avait-il fait depuis près d’un quart de siècle qu’il existait ? Dans les occasions solennelles, il avait paradé devant l’autorité n’importe sa couleur, et en toutes occasions, armé de verges légales, il avait fait rentrer des fonds pour solder le silence du rabbin et la voix du hazan. »

Ces accusations sont graves, venant de sources juives. Le petit nombre de juifs restés fidèles aux antiques traditions devaient voir, en effet, avec douleur cette émancipation si longtemps attendue, si ardemment désirée, produire des fruits aussi amers. C’en était fait du véritable judaïsme.

La révolution de 1830 trouva les juifs tout prêts à accepter son programme et ses fallacieuses promesses. Une nouvelle faveur de la révolution les engageait alors plus avant dans leur compromission avec les menées des conspirateurs et des sociétés secrètes, où ils devenaient de jour en jour plus nombreux et plus influents. « Malgré leur nationalisation française, ils se trouvaient, en face des cultes salariés par l’État, dans une condition d’inégalité injuste, leur culte étant le seul auquel le budget de la France restât étranger. » Les francs-maçons étaient là pour réparer une si criante injustice : « Cette inégalité, dit encore M. Kahn, cessa bientôt, grâce à l’intervention du duc d’Orléans, lieutenant-général du royaume, grâce à MM. Viennet et de Rambuteau, qui s’employèrent ardemment à réaliser pour les juifs en droit et en fait l’égalité civile la plus complète : la loi du 8 février 1831, portant qu’à partir du 1er  janvier, les ministres du culte israélite seraient rémunérés par l’État, fut la consécration de leur état religieux. Louis-Philippe avait donné à cette œuvre l’appui de sa haute influence, et il avait fait preuve en cette circonstance, comme il lui arriva plus d’une fois pendant son règne (c’est lui aussi qui, en 1846, abolit le serment more judaïco), d’une bienveillance et d’une équité dont les Consistoires se montrèrent toujours reconnaissants. »

En effet, il ne se passa pas une année du règne de Louis-Philippe, sans que les juifs, par la voix de leur avocat Crémieux, ne témoignassent au roi, pour sa fête ou pour le nouvel an, toute leur gratitude pour un si grand bienfait. La reconnaissance des juifs n’alla pas cependant jusqu’à protester contre sa chute. Nous les verrons tout à l’heure coopérer pour leur part, avec les frères et amis de la maçonnerie, à la Révolution de 1848 ; et il n’est pas médiocrement réjouissant d’entendre le même avocat Crémieux, devenu ministre de la République, faire ainsi, entre frères, l’oraison funèbre de celui qu’il avait si longtemps assommé de ses compliments mielleux :

« C’était une famille de braves gens, ces d’Orléans que 1830 avait appelés au trône. Le roi s’entêta contre l’esprit national. Nous le renversâmes, et celui qui vous parle ferma sur le monarque déshérité la voiture qui l’emportait en exil. »

On ne peut laisser passer le règne de Louis-Philippe sans faire mention de deux juifs allemands célèbres qui jouèrent alors en France un rôle important, et exercèrent sur leurs coreligionnaires et aussi sur la France et l’Allemagne la plus funeste influence, l’un au point de vue politique, l’autre au point de vue moral et religieux : le démagogue Louis Bœrne, et le grand poète Henri Heine, mais encore plus grand corrupteur : tous deux du reste ayant avec les sociétés secrètes d’Allemagne et de France les plus étroites relations.

Tous deux arrivaient à peu près en même temps en France, attirés par la révolution de 1830, comme les corbeaux par l’odeur de la mort. Ne trouvant pas en Allemagne la liberté suffisante pour y développer à l’aise les inspirations ultra-révolutionnaires de leur génie, ils y venaient respirer à pleins poumons l’air de la démagogie triomphante, et étudier sur place les merveilles du nouveau régime pour en faire profiter leurs frères d’outre-Rhin et attiser sans danger, pour leurs propres personnes, le feu qu’ils avaient contribué à y allumer à l’aide de cette conspiration antireligieuse et anti-sociale qui s’appelait la Jeune Allemagne. Toutes les sociétés secrètes réunies sous ce nom avaient les yeux tournés du côté de la France, d’où elles attendaient le mot d’ordre ; la France, par l’organe de ces deux enfants d’Israël, devait rendre à l’Allemagne ce qu’elle en avait reçu par Weishaupt et ses disciples.

Bœrne jusqu’alors avait mené une vie assez précaire. Il avait commencé par être critique de théâtre et à aiguiser contre les comédiens cette verve de satire insolente qu’il va mettre avec tant d’éclat en France au service de la démagogie cosmopolite. Né juif, avec des tendances prononcées à se rapprocher du catholicisme, il n’alla qu’à moitié chemin et se fit protestant[26]. Malgré ce que Heine appelle ses « capucinades », il restera le Nazaréen primitif, le spiritualiste juif, ennemi par nature de ce que lui, Heine, mettait au-dessus de toutes les philosophies et de toutes les religions, l’Hellénisme, c’est-à-dire le culte poétisé des plus viles et des plus dégradantes passions humaines.

Il y a, entre ces deux francs-maçons israélites, une très curieuse opposition de caractère, qui ne les empêche pas de viser le même but.

Bœrne se glorifiait d’être juif, « le rejeton d’une race qui a rempli autrefois le monde de sa gloire, et malgré son abaissement n’a pas perdu complètement encore sa sainte consécration antique. »

Il exprimait ainsi à sa façon laconique et humouristique cette prétention israélite, qui est devenue, dans notre siècle, le lieu commun obligé de toutes les diatribes juives contre le christianisme : « Jésus-Christ — qui, par parenthèse, était mon cousin, — a prêché l’égalité, etc… »

Les malheurs de sa race et les douloureux souvenirs de son histoire, si vivants encore à cette époque dans le vieux quartier juif de Francfort, sa patrie, « dont les maisons noires semblaient répandre leurs ombres dans son âme », y avaient laissé des impressions ineffaçables. Il avait pour le vieux Rothschild Meyer Amschel, la souche de la dynastie régnante, une vénération presque filiale ; étant encore un petit garçon, il avait reçu sa bénédiction : « Je suis fermement persuadé, dit-il, que je suis redevable à cette bénédiction de Rothschild de n’avoir jamais complètement manqué d’argent dans ma poche, tout écrivain allemand que je suis. » Mais en revanche, il haïssait les fils de toute son âme, bien différent encore en cela de Heine, qui les admirait, parce que, disait-il, il n’y avait pas à ses yeux de promoteurs plus puissants de la révolution. Le baron James lui avait expliqué famillionairement comment, par son système de papiers d’État, il avait rempli partout les premières conditions du progrès démocratique en Europe et frayé en quelque sorte la voie à la démocratie moderne.

Or, c’est Bærne, cet homme si bien fait pour comprendre tout ce qu’il y a de touchant, de mélancolique et de vraiment divin dans l’histoire d’Israël, c’est cet homme que le démon de la révolution et des sociétés secrètes va métamorphoser en un niveleur, un sans-culotte forcené, à l’école de la franc-maçonnerie française. Heine, qui le revit à son arrivée à Paris en 1831, fait de lui ce portrait : « Le peu de chair que j’avais jadis remarqué sur son corps avait alors entièrement disparu ; peut-être s’était-il fondu aux rayons du soleil de juillet, qui lui avaient, hélas ! frappé aussi sur le cerveau. Il était assis ou plutôt logé dans une grande robe de chambre de soie à ramages, comme une tortue dans sa carapace, et lorsque de temps en temps il en faisait sortir, en l’inclinant vers moi d’un air soupçonneux, sa petite tête grêle, j’éprouvais une impression pénible… Sa voix avait un certain tremblotement maladif, et sur ses joues on voyait déjà ces tons d’un rouge cru qui annoncent la phthisie. »

Aussitôt à Paris, Bœrne se mit en relations avec le ban et l’arrière-ban de la démagogie jacobine, s’affilia à tous les conventicules révolutionnaires secrets, s’entoura de tous les conspirateurs étrangers dont il était l’oracle, le juif Lassalle, Ruge, etc., fréquenta et harangua les clubs les plus avancés, et se mit fiévreusement à écrire ses Lettres sur Paris, qui devaient illuminer l’Allemagne, « lettres, dit Heine, d’un tel sans-culottisme de pensée et d’expression, que jamais rien de pareil ne s’était vu en Allemagne. »

« Son salon[27], — c’est encore Heine qui parle, — rassemblait une ménagerie d’hommes, telle qu’on trouverait à peine la pareille au Jardin des Plantes. Au fond, étaient blottis quelques ours blancs d’Allemagne, qui fumaient la pipe sans presque souffler mot, et lançaient seulement de temps à autre quelques jurons patriotiques. À côté d’eux était tapi un loup polonais qui, coiffé d’un bonnet rouge, hurlait parfois d’un ton rauque les observations les plus doucereuses et les plus fades. J’y trouvai aussi un singe français, un des plus vilains singes que j’aie jamais vus ; il faisait continuellement des grimaces, afin que l’on pût choisir la plus belle. »

Les ouvriers allemands dévoraient avec une foi toute allemande sa parole républicaine. « Il parlait très bien, dit encore Heine, d’une manière laconique, convaincante et populaire ; ses discours, nus et sans art, étaient tout à fait dans le ton du sermon sur la montagne. Je ne l’ai entendu, à la vérité, parler qu’une seule fois au passage du Saumon, où Garnier présidait l’Assemblée du peuple. Bœrne parla sur la Société de la presse, qui devait se garder de prendre une forme aristocratique ; Garnier tonna contre Nicolas, le czar de Russie ; un ouvrier cordonnier, contrefait et bancroche, prit la parole et prétendit que tous les hommes étaient égaux. »

Ses Lettres sur Paris firent en Allemagne la plus vive sensation ; elles étaient dévorées à des milliers d’exemplaires par toute la Jeune Allemagne, en compagnie des journaux et des romans allemands, qui, malgré le peu de liberté de la presse, prêchaient à l’envi « l’émancipation de la chair » ; Gutzkow, Laube, Mund, Wienberg et toute la suite de Heine raillaient toute croyance en Dieu, exaltaient le libre amour, émancipaient la chair avant d’émanciper le peuple. Bœrne lui-même, dans un voyage qu’il fit en Allemagne, en 1832, y fut l’objet des démonstrations les plus enthousiastes des sectaires : fêté comme un héros, il rapporta aux frères et amis de Paris les plus chaudes espérances pour la cause de la révolution.

À part ce voyage et deux excursions en Suisse (1832 et 1833), Bœrne ne quitta Paris que pour habiter pendant l’été Auteuil, où il traduisit en allemand les Paroles d’un croyant de Lamennais dont il était l’ami, et travailla à réunir les matériaux d’une histoire de la Révolution française, tout en publiant la suite de ses Lettres sur Paris, et quelques articles en français dans le Réformateur de Raspail.

Les deux grandes admirations de Bœrne en France étaient Lamennais et Béranger, les deux hommes peut-être qui ont fait le plus de mal à cette époque, en popularisant et vulgarisant les idées impies et subversives de la Maçonnerie. Ils étaient pour lui la personnification de cet idéal de la propagande révolutionnaire qu’il définissait ainsi :

« Il faut que la parole soit un glaive : c’est avec des poignards, du ridicule, de la haine et du mépris qu’il faut poursuivre la tyrannie. Si j’écrivais sur la liberté de la presse, je commencerais ainsi : La liberté de la presse ! ou le diable vous emporte, vous tous ensemble, peuple, princes et pays allemand !… Il vaut encore mieux être sans religion que sans liberté ! »

C’est lui qui disait de Béranger : « Béranger est l’arc-en-ciel que Dieu, après le déluge de la restauration, a mis dans les nuées, en signe de son éternelle alliance. »

Il est aussi l’un des écrivains allemands qui ont le plus contribué à enflammer l’orgueil national de l’Allemagne et à exciter contre la France ses passions patriotiques. Il eût été un des premiers, s’il avait vécu jusque-là, à applaudir à l’annexion violente de l’Alsace et de la Lorraine. Un jour, dans le feu de la conversation, quelqu’un remarquant que la France devait être fortifiée par l’annexion des provinces du Rhin afin de pouvoir résister plus sûrement à l’Europe aristocratique et absolutiste. « Je ne voudrais pas, s’écria Bœrne, céder à la France même un seul pot de chambre allemand. » Bœrne est un précurseur de Bismarck.

Sa mort (12 février 1837) excita des regrets unanimes dans tout le monde maçonnique d’Allemagne et de France ; le parti de la révolution cosmopolite perdait en lui un de ses plus ardents et plus brillants champions.

L’un des chefs les plus avancés de la démagogie française, Raspail, fit son oraison funèbre d’un mot qui dit tout : « Bærne, israélite par sa naissance, était dans ses écrits de ma religion, de la vôtre, de celle des hommes de bien de tous les pays ; il croyait à la fraternité universelle, à l’égalité, etc… » On sait que pour les francs-maçons, il n’y a d’hommes de bien que ceux qui ont juré une haine irréconciliable à l’ordre social et à la religion du Christ.

Si Bœrne représente, chez les juifs émancipés, les tendances révolutionnaires et subversives de toute autorité sociale, Heine incarne dans sa personne les tendances incrédules et athées, où devaient nécessairement aboutir les prémisses posées par le rationalisme de Mendelssohn. Si Bœrne a tout le débraillé du tribun populaire et du démagogue, Heine est le juif aristocrate qui veut bien condescendre à soutenir les principes de la démocratie et de la Jeune Allemagne, mais à la condition qu’il ne se salira pas les mains au contact de la plèbe « des gueux comme Berne et consorts », et qu’on lui permettra de jouir en toute liberté de la douce et charmante vie épicurienne dont ses poésies sont le code[28].

Bœrne l’a bien jugé. Il aimait à reconnaitre en lui un artiste, un poète achevé ; mais il lui faisait de ce mérite même le plus sanglant reproche : « Il se perd, disait-il, quand il veut être autre chose que poète. Il ne persuade pas même quand il dit la vérité ; car il n’aime dans la vérité que le beau. Heine adorerait la liberté allemande si elle était en pleine fleur ; mais, comme elle est couverte de fumier à cause de la rudesse de l’hiver, il ne la reconnaît pas et la dédaigne. » Il lui reprochait aussi son scepticisme, son incrédulité et son sybaritisme ; il le représente plaisamment s’envisageant comme un homme d’importance, rêvant d’amis et d’ennemis, les cherchant partout et ne les trouvant nulle part : « La nature, dit-il, ne nous a donné, à nous autres misérables hommes, qu’un seul dos, de sorte que nous ne redoutons les coups du sort que d’un seul côté ; mais le pauvre Heine a deux dos, il craint les coups des aristocrates et ceux des démocrates, et, pour échapper aux uns et aux autres, il lui faut aller en même temps en avant et en arrière. »

En effet, rien de si peu consistant que Heine en fait de principes politiques et sociaux ; sa grande passion, c’est la haine du catholicisme avec l’amour effréné de tout ce que le catholicisme réprouve et maudit ; son principal objectif, c’est la résurrection du paganisme hellénique sur les ruines de la religion du Christ, de ce qu’il appelle « le déisme juif-mahométan-chrétien. » Il écrit le 16 juillet 1833 : « Le catholicisme devient chaque jour plus puissant ; il faudra que j’entreprenne encore avec cette hydre un combat effrayant. »

Ce combat satanique, il l’avait commencé dès l’âge de seize ans dans les Annales politiques de Lindner, où il apparaît déjà comme un disciple déterminé de Hégel, panthéiste ou plutôt athée, à qui Hégel avait fait croire qu’il était Dieu : tel il arriva à Paris en 1831 : « J’étais si fier de ma divinité, dit-il, je me croyais si grand, que quand je passais par les portes Saint-Martin ou Saint-Denis, je baissais involontairement la tête, craignant de me heurter contre l’arc. » Partout dans ses écrits, publiés avec empressement par les organes de la libre-pensée française, éclate cette note de panthéisme hégélien mêlé à l’adoration du paganisme le plus impudent et le plus dévergondé. Il apostrophe ainsi les dieux de l’Olympe : « Une sainte pitié et une ardente compassion s’emparent de mon cœur, lorsque je vous vois là-haut, dieux abandonnés, et quand je songe combien lâches et hypocrites sont les dieux qui vous ont vaincus, les nouveaux et tristes dieux qui règnent maintenant au ciel, renards avides sous la peau de l’humble agneau. Oh ! alors une sombre colère me saisit, et je voudrais briser les nouveaux temples, et combattre pour vous, antiques divinités, etc. » L’ardent soleil n’est « qu’une rouge trogne, le nez de l’esprit du monde, et autour de ce nez flamboyant se meut l’univers en goguette. » Sa morale est à la hauteur de sa théologie ; car s’il se fait grec et païen, ce n’est que pour se permettre tous les vices de Jupiter et de Mercure : « Bats le tambour et ne crains rien, et embrasse la vivandière… Voilà toute la science ; voilà la philosophie de Hégel, voilà le sens le plus profond des livres ! Je les ai compris, parce que je suis un garçon de moyens et un bon tambour. »

L’histoire a pour lui le même sens que les livres. Voici ce qu’il aperçoit dans le moyen-âge, dans la sainte ville de Cologne, par exemple :

« Ici la prêtraille a mené sa pieuse vie. Ici ont régné les hommes noirs que Ulrich de Hatlen a décrits. Ici le cancan du moyen-âge fut dansé par les moines et les nonnes. Ici le cancan du moyen-âge fut dansé par les moines et les nonnes. Ici la stupidité s’accouplait à la méchanceté comme des chiens sur la place publique. On reconnait encore aujourd’hui les petits-fils à leur fanatisme stupide. Viendra un temps où bien loin de l’achever (le dôme de Cologne) on fera de sa grande nef une écurie de chevaux ! Quant aux trois rois mages qui reposent là sous leur tabernacle, fourrez-les donc dans les trois cages de fer qui sont suspendues au haut de la tour de Munster, qui a nom Saint-Lambert. »

En face de tels principes et d’une telle philosophie, il est difficile de prendre au sérieux les éloges que, çà et là, Henri Heine accorde à la Bible et à l’ancien judaïsme. On est tenté de croire qu’ils ne lui sont guère inspirés que par le désir de ne pas se mettre à dos ses coreligionnaires et surtout l’oncle Salomon Heine, le fameux banquier de Hambourg, la providence du poète besogneux[29], mais cependant toujours trop lent, au gré de l’insatiable neveu, à délier en sa faveur les cordons de sa bourse. On comprend que toutes les sympathies du poète athée sont pour le néo-judaïsme, tel que l’a fait l’émancipation révolutionnaire : « Les néo-juifs, dit-il, sont très éclairés et mangent du porc ; les anciens sont superstitieux : ils ne croient pas au Saint-Esprit et détestent le cochon. » Il disait encore des néo-juifs : « Ils sont inexterminables, parce qu’ils ont pris le minimum de Dieu, à peine le nécessaire. »

Pendant que la Jeune Allemagne exaltait Heine pour son impiété et son immoralité, celui-ci vendait sa plume au gouvernement de Juillet, et touchait 6.000 francs par an sur les fonds secrets de Molé et de Guizot[30]. C’était là assurément le lien le plus cher qui l’unissait à la France. Lorsqu’en 1848, la Revue rétrospective publia son nom parmi les pensionnaires des fonds secrets, il fut foudroyé de chagrin, mais non de remords.

Si Heine ne revendiquait pas l’incorporation à l’empire allemand de l’Alsace et de la Lorraine, ce n’était qu’en attendant le jour où l’Allemagne aurait fini ce que les Français avaient commencé, le grand œuvre de la Révolution, la démocratie universelle ; il disait :

« Quand nous aurons poursuivi la pensée de la Révolution dans toutes ses conséquences, quand nous aurons détruit le servilisme jusque dans son dernier refuge, — le ciel ! — quand nous aurons chassé la misère de la surface de la terre, quand nous aurons rendu sa dignité au peuple déshérité, au génie raillé, à la beauté profanée…, alors, ce n’est pas seulement l’Alsace et la Lorraine, mais la France tout entière, mais l’Europe et le monde sauvé tout entier, qui seront à nous ! Oui, le monde entier sera allemand ! Voilà mon patriotisme. » (17 décembre 1844.)

Et déjà il voyait cette prophétie commencer à s’accomplir : « Les Français philosophent maintenant et parlent de Kant, de Fichte et de Hegel. Ils fument et boivent de la bière. Ils se font épiciers, épiciers tout comme nous… Ils ne sont plus voltairiens, ils deviennent hengstenbergiens. »

Ils continuèrent à le devenir de plus belle, grâce aux écrits de Henri Heine, qui furent pendant vingt ans le bréviaire des incrédules distingués, la Bible des « hommes de bien », selon Raspail et consorts. La mort même du poète athée ne dessilla pas les yeux de ses admirateurs sur leur idole : les cinq dernières années de sa vie, passés dans une maison de santé rue de Lourcine, ne furent qu’une longue et cruelle agonie[31].

Alexandre Weill, son intime ami et son biographe, prétend que Heine accepta son martyre comme un châtiment de Dieu :

« Ce ne fut, dit-il, qu’après cinq longues années de souffrances qu’il finit par concevoir qu’il n’était pas dieu, les dieux n’ayant jamais eu, à sa connaissance, besoin de prendre des lavements ! »

Celui que Weill voudrait nous faire passer pour un martyr, un saint, n’a jamais abjuré, pas même à l’heure de la mort, son scepticisme et son infernale incrédulité. Sa prétendue conversion au Dieu de Moïse ne fut pas plus sérieuse que l’avait été sa conversion au protestantisme :

Voici quelques-unes de ses ultima verba, d’après Weill lui-même :

« Si jamais je rencontre Moïse, son inventeur (l’inventeur de Jéhovah), je lui dirai ma façon de penser… Il se pourrait bien, ajoutait-il, que Jéhovah, ne fût-ce que pour faire plaisir à son inventeur Moïse, vengeât l’orgueil de ses marionnettes humaines sur terre, dont il tient les fils, et avec lesquelles il joue ses comédies et ses drames pour charmer les ennuis de ses anges. J’ai été un mauvais comédien. Je n’ai certes pas donné la mesure de mes forces. J’ai pris le monde pour un bal masqué et m’y suis promené avec un faux nez, pour dire des vérités aux dominos de toute couleur. On ne change pas de religion ; on en quitte une qu’on n’a plus pour une autre qu’on n’aura jamais. Je suis baptisé, mais je ne suis pas converti. »

Et encore :

« Qu’est-ce que j’ai fait à ton Jéhovah, disait-il à Weill, pour qu’il m’accable de toutes les souffrances du Schéol ? N’ai-je pas fait son éloge dans la Gazette d’Augsbourg ? Je crois qu’un Satan quelconque m’a calomnié auprès de Jéhovah. J’étais si heureux quand Campe ou le baron Cotta m’envoyaient 6.000 francs, bien qu’ils fussent mangés d’avance. Alors pour m’éprouver, il m’a couché sur mon grabat comme Job, et, comme à Job, il m’a tout pris, excepté ma femme. Un de ces jours, je m’y attends, il me rendra tout, santé, fortune et jeunesse ! — Et croirez-vous alors en lui ? — Comme je crois à Rothschild quand il m’endosse un billet, et, comme Éléhon dans Job, je ferai son éloge pour avoir créé le cheval arabe. » Si Weill prenait ces sacrilèges plaisanteries pour un retour sérieux au Dieu de Moïse, il n’était vraiment pas difficile.

Les pensées de Heine sur la mort ne sont qu’un regret désespéré des voluptés impossibles, le dédain de cette chimère, l’âme, et la négation de la vertu. Il n’aspire qu’à l’enfer des païens, à l’Orcus, « au bruissement mélancolique du Styx, aux chants des Furies, aux aboiements de Cerbère ; but cela forme une lugubre harmonie avec le malheur et la tristesse. » Ou plutôt il n’aspire qu’au néant ; dans le Livre de Lazare, un dialogue entre le Corps et l’Ame, son véritable testament philosophique, l’âme dit au corps :

« Avec toi je veux m’abimer dans la nuit et la mort, avec toi boire le néant ! » (Poèmes et Légendes.)

En résumé, Heine est un des pères les plus authentiques de cette littérature immorale et athée qui contribua plus que tout autre chose à démoraliser la France sous le gouvernement de Juillet qui la pensionnait. Il est le père de cette Jeune France sans convictions, sans principe, sans foi, qui, par la plume d’un de ses plus excentriques écrivains, Lassailly, a laissé échapper cet aveu qui est la vérité même :

« Pitié ! Pitié ! sur moi, jeune homme, dont l’âme a froid de tout son égoïsme athée ! »


La reconnaissance des juifs pour les bienfaits de la Révolution devait naturellement s’étendre à la franc-maçonnerie, le principal agent de ces bienfaits ; celle-ci du reste leur ouvrait largement ses portes ; elle pouvait compter sur leur dévouement aux principes de la secte. C’est ce que constate la Revue maçonnique de janvier 1848 dans ce passage significatif :

« La grande majorité de l’Ordre, non seulement n’admet pas le christianisme, mais le combat à outrance ; la preuve s’en trouve dans l’admission des juifs aux loges anglaises, françaises, américaines, belges et, depuis peu, dans toutes les loges de l’Allemagne. »

Que les juifs francs-maçons aient participé aux événements qui préparèrent la Révolution de 1848, c’est ce qu’avouent leurs propres historiens.

« La communauté de Paris, dit Léon Kahn, n’était pas restée indifférente au mouvement républicain[32] ; elle n’oubliait pas que c’était à la Révolution que les juifs devaient leur émancipation. »

Aussi, en récompense de leur zèle, virent-ils avec orgueil apparaître pour la première fois, à la tête du gouvernement, quelques-uns des leurs :

« L’un d’eux, comme le disait Crémieux en 1859, était membre du gouvernement provisoire et ministre de la justice, c’est-à-dire de la sainteté parmi les hommes ; l’autre était ministre des finances, c’est-à-dire de la probité parmi les hommes. »

Ces deux juifs francs-maçons étaient Crémieux et Goudchaux. Achille Fould devait remplacer ce dernier aux finances en 1849, sous la présidence de Louis Bonaparte. Avec Crémieux et Goudchaux, l’Assemblée constituante comptait parmi ses membres trois autres israélites de marque : le journaliste Raynal, représentant de l’Aude ; l’ingénieur Michel Alcan, de l’Eure ; et Achille Fould, de Paris.

Avec la Révolution de 1848, les juifs font irruption dans tous les emplois et set vices publics, dans la magistrature comme dans l’armée. Ils retrouvent, pour s’associer au mouvement révolutionnaire de 1848, le même élan que nous leur avons vu en 1790 et 1791 ; on les voit s’enrôler immédiatement dans la garde nationale, mettre tout en œuvre pour recevoir et soigner les blessés de la République[33]. Il en fut de même en 1871, où la République franc-maçonne renaissante remet entre les mains de Crémieux le salut de la France. On sait trop ce qu’il advint de ce gouvernement songeant plus aux intérêts de la famille juive qu’à ceux de la nation française : l’émancipation des juifs de l’Algérie, faite au mépris des droits de la sympathique population arabe : la fondation de l’Alliance israélite universelle ; l’influence de plus en plus croissante de la maçonnerie juive.

Ce tableau en raccourci suffit pour démontrer la vérité de cet aveu d’un des chefs des maçons juifs, J. Weil : « Nous exerçons une influence puissante sur les mouvements de notre temps et sur le progrès de la civilisation vers la républicanisation de tous les peuples. »


Nous arrivons maintenant au rôle des juifs dans la franc-maçonnerie.

Il est certain qu’ils y ont créé des rites ; mais, en même temps qu’il faut dire quelques mots de ces fondations, il convient aussi de montrer les israélites maçons à l’œuvre au sein de n’importe quelles loges travaillant à n’importe quel rite. Car non seulement les juifs cabalistes ont pris une part active dans le développement et la direction de la secte ; mais encore les néo-juifs exercent, dans les ateliers ordinaires, une influence réelle, grâce à leur solidarité de race, indépendamment de l’organisation des loges secrètes israélites sous l’inspiration du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg.

D’abord, deux points importants sont hors de doute :

1° Le juif, en entrant dans une loge maçonnique, abjure implicitement, s’il l’avait conservée jusqu’alors, sa foi en Dieu, tel que Dieu est compris et adoré dans le Mosaïsme. « Lorsque l1 maçonnerie, dit le frère Golphin à la loge Memphis, de Londres, accorde l’entrée de ses temples à un juif, à un mahométan, à un catholique, à un protestant, c’est à la condition que celui-ci abjurera ses erreurs passées, qu’il déposera les superstitions et les préjugés dont il a bercé sa jeunesse. »

2° Les juifs, dans la maçonnerie, ont toujours manifesté une tendance très marquée à s’isoler de leurs co-sectaires et à avoir des loges particulières, où ils pussent se retrouver chez eux, entre frères de même race, poursuivant un but particulier.

Nous avons vu qu’un certain nombre de juifs avaient réussi à se glisser dans les ateliers maçonniques, bien avant que la question de les y admettre fût solennellement posée, et comment le convent de Wilhelmsbad devança à leur égard l’émancipation décrétée par la Révolution. En hommes pratiques, et habitués, par l’isolement même auquel les condamnait le mépris de la société, à vivre dans une atmosphère de conspiration secrète, ils profitèrent de cette bonne volonté des loges à leur égard pour se servir de la maçonnerie comme d’un échelon sûr leur permettant de s’élever dans la société au rang qui leur avait été interdit depuis tant de siècles.

Par le tableau très exact que je viens de faire des néo-juifs, dont les prototypes sont Bœrne, Heïne, Mendelssohn, on a compris que j’avais raison contre M. Léo Taxil, lorsque je disais que les épisodes bibliques parodiés au sein des loges ne pouvaient effaroucher aucunement les croyances des initiés circoncis, pas plus qu’elles n’offusquent d’autre part les initiés ayant reçu le baptême ; les uns et les autres se valent.

Or, nous savons déjà que le rite des Élus Cohens ou Illuminisme français est dû à un juif, Martinez Pasqualis. Tout à l’heure, je parlerai de Marc Bédarride et du rite de Misraïm. Mais je veux auparavant dire quelques mots du Rite Écossais Ancien et Accepté.

Ce rite est essentiellement une création juive. Je n’entends pas par là que ses 3 grades ont été fabriqués par des israélites ; non, ce n’est point ainsi que les choses se sont passées.

Parmi les rites en grande vogue au siècle dernier, se trouvait celui qui est dit Écossais de Perfection ou d’Hérodom, comportant 25 degrés. En 1761, un juif, nommé Stéphen Morin, reçut d’un Conseil de Souverains Princes Maçons de ce rite une charte constitutive lui donnant la mission de le propager en Amérique ; jusqu’en 1801, le rite y végéta.

C’est à Saint-Domingue que Stéphen Morin s’était rendu. En vertu de sa patente (datée du 27 août 1761 et signée par le frère Chaillou de Joinville, substitut général du comte de Clermont, grand-maître de la Grande Loge Nationale de France), Morin institua deux autres juifs, le frère Moïse Hayes, souverain député inspecteur pour l’Amérique du Nord, et le frère Francken, député inspecteur pour la Jamaïque. Ce dernier démissionna peu après. Hayes s’établit à Boston, y fonda une Sublime Loge de Perfection et s’en intitula grand-maitre ; puis, à son tour, il délivra une patente de souverain député inspecteur pour la Caroline du Sud à un quatrième juif, le frère Isaac Dacosta, qui s’installa à Charleston (1763) comme grand-maitre d’une deuxième Sublime Loge de Perfection. Dacosta eut pour successeur un de ses coreligionnaires, le frère Yousouf Myers.

Des ateliers furent créés ensuite aux États-Unis, principalement en Géorgie et en Pensylvanie, par les puissances établies à Boston et à Charleston, lesquelles se donnaient le titre de Mères-Loges du Monde Unies ; la souveraineté était double et collective en même temps ; Boston et Charleston marchaient d’accord, mais n’avaient pas des sujets bien nombreux.

En 1781, Hayes et Myers convoquèrent à Philadelphie une assemblée des quelques députés inspecteurs qu’ils avaient créés jusque-là ; ce fut le convent dit de Philadelphie du 15 mai 1781. Y prirent part les chefs de l’Écossisme de Perfection d’Hérodom, parmi lesquels les FF∴ Bush, Samuel Müller, Abraham Cardoso, Barend-Spitzer, Zadoc Bernheim, etc. Dans cette réunion, fut créé un nouveau député inspecteur, Moïse Cohen, pour la Jamaïque. On voit que nous sommes bien en pleine juiverie, n’est-ce pas ?

Moïse Cohen créa député inspecteur Isaac Long, lequel, après quelque temps passé à la Jamaïque, se joignit aux frères de Charleston ; on cite, parmi les maçons de haute marque, le frère De la Hogue comme ayant été investi de la confiance d’Isaac Long, qui, peu à peu, était devenu dans la secte un grand personnage.

D’autre part, divers rites maçonniques faisaient également de la propagande en Amérique. Le rite de Royal-Arche, notamment, y avait été importé par des maçons irlandais. Un chapitre de ce rite, qui existait à Charleston, mais sous la dépendance de la puissance de Dublin, s’en sépara le 20 février 1788 et s’unit à la Mère-Loge des trois juifs Dacosta, Myers et Long ; les deux premiers étaient morts à cette époque. Il y eut, à cette occasion, cumulation de rites à Charleston, et l’orient compta son chapitre de Royal-Arche affilié à l’Écossisme d’Hérodom. Ce chaos dura jusqu’en 1793, époque à laquelle, Long étant retourné en Europe, la direction générale des ateliers sous l’obédience de Charleston fut prise par un nouveau juif, le colonel John Mitchell. Ce fut ce dernier qui institua, deux ans plus tard, comme député inspecteur pour les îles françaises d’Amérique, le comte de Grasse-Tilly, lequel rapporta dans notre pays le nouveau rite Écossais, celui en 33 degrés, et fut le fondateur du Suprême Conseil de France, en 1804.

Dans l’intervalle, Isaac Long s’était donné une mission : retrouver le Baphomet des Templiers de Paris, qui avait pu, assurait-on, être sauvé par des chevaliers fugitifs, lors de la suppression de l’Ordre. La relation de ses recherches et de sa découverte est conservée précieusement aux archives de Charleston, et c’est vraiment un récit des plus curieux, une succession d’aventures d’un merveilleux tout à fait diabolique ; mais ce n’est point ici qu’il convient de reproduire cet étrange récit.

Isaac Long retrouva donc l’idole luciférienne, et en même temps le crâne de Jacques Molay. À l’en croire, le Dieu-Bon lui révéla que le Baphomet séculaire serait le Palladium de la franc-maçonnerie et que sa place devrait être désormais à Charleston. D’où, retour définitif de Long aux États-Unis, pour la constitution de l’Écossisme renouvelé en 3 grades et sous la protection jurée de Satan.

C’est en 1801, le 31 mai, qu’eut lieu l’établissement du premier Suprême Conseil ; grâce au Palladium, le pouvoir rival de Boston était à jamais éclipsé[34]. Isaac Long réunit les grands inspecteurs siégeant à Charleston, qui avaient, dans la période de 1795 à 1801, pris le titre de Souverains Princes de Jérusalem, et qui tous, sans exception, étaient juifs. Les plus notables étaient : le colonel Mitchell, Abraham Alexandre, le docteur Frédéric Dalcho, Émile de La Motta et Isaac Auld. D’un commun accord, ils firent du 25e degré de l’Écossisme d’Hérodom, grade de Prince du Royal-Secret, le 32e degré du nouveau rite, lequel prit le nom de Rite Écossais Ancien Accepté. Ils y intercalèrent six grades templiers, fabriquèrent un grade, celui d’Inquisiteur Inspecteur Commandeur, qui fut le 31e degré, et transformèrent la fonction de délégué inspecteur en grade suprême d’initiation, sous le titre de Souverain Grand Inspecteur Général, 33e degré[35]. Le Rite Écossais, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui dans le plus grand nombre de pays, était fondé. On voit que j’avais raison de dire que c’est une création essentiellement juive ; et ce fut le Suprême Conseil de Charleston qui institua directement ou par intermédiaires tous les Suprêmes Conseils du globe. C’est dans son sein que devait naitre le Palladisme, rite spécial de la haute-maçonnerie.

Néanmoins, il est juste de reconnaître que le Rite Écossais Ancien Accepté ne demeura pas l’apanage des juifs. Sa grande extension lui amena des adhérents ayant comme origine les divers cultes. Aussi, à un moment donné, les maçons israélites conçurent-ils le projet d’obtenir d’une autre manière la prépondérance dans la secte. Jusqu’en 1870, Charleston ne gouverna, comme autorité dogmatique, que les arrière-loges du rite de son Suprême Conseil ; mais, en différentes circonstances, on avait, dans la première moitié de ce siècle, essayé de constituer un conseil secret, universel et suprême, de la franc-maçonnerie. À un moment donné, les juifs parvinrent même à se faire attribuer, comme droit irrévocable, cinq sièges sur neuf dans cette puissance suprême ; le fait est rapporté par Gougenot des Mousseaux, dans son livre le Juif. Seulement, ce conseil secret universel ne fonctionna jamais bien ; il fallut Albert Pike et Mazzini pour créer la vraie suprême direction. Et Pike, ne voulant pas exposer son œuvre à être absorbée un jour par les juifs, et comprenant que ceux-ci se grouperaient toujours à part, fit la part du feu en autorisant la fédération secrète israélite, lui donna des règlements, réserva à Charleston un droit de tutelle, et c’est ainsi que s’établit le Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, dont je parlerai plus amplement à la fin de ce chapitre.

Dès avant la Révolution de 1789, déjà quelques loges avaient été fondées par les juifs et plus spécialement pour les juifs : la loge Melchisédech, à Hambourg, établie par les frères Von Ecker et Eckoffen ; la loge la Tolérance fondée par les frères Von Hirschfield, etc., etc. Mais ces loges se rallièrent aux chefs de Paris. Le numéro de novembre 1864 du journal secret maçonnique de Leipzig dit que « le centre de ces loges juives était à Paris sous Crémieux et le grand rabbin ».

Le 12 juin 1808, la loge l’Aurore naissante fut établie à Francfort, exclusivement pour les juifs, sous l’obédience du Grand Orient de France[36]. Les conséquences politiques de la bataille de Waterloo forcèrent cette loge à se séparer de ce Grand Orient. Ne voulant pas se soumettre à la condition que le landgrave Charles de Hesse exigeait, de nommer toujours pour Vénérable un maçon non israélite, elle demanda son affiliation à la Grande Loge d’Angleterre et l’obtint en 1817[37]. Une autre loge juive de Francfort, la loge l’Aigle, se rattacha en 1848 à la Grande Loge de Hambourg.

Une lettre citée par Baruel[38] prouve en toute évidence de quelle large influence les juifs de Piémont jouissaient en 1806 dans les sociétés secrètes :

J. † M.                 Florence, 1er  août 1806.

« La secte judaïque parait en tout ennemie et séparée des autres ; mais réellement elle ne l’est pas. En effet, il suffit que l’une de celles-ci se rende ennemie du nom chrétien pour qu’elle la favorise, la soudoie et la protège. Et ne l’avons-nous pas vue et ne la voyons-nous pas encore prodiguer son or et son argent pour soutenir les modernes sophistes, les franc-maçons, les jacobins, les illuminés ?… Je n’avance autre chose que ce qui m’a été dit par les juifs eux-mêmes, et voici comment :

« Pendant que le Piémont, dont je suis natif, était en révolution, j’eus lieu de les fréquenter et de traiter confidemment avec eux… Ils me firent les plus grandes offres et me donnèrent toute leur confiance. Ils me promettaient de me faire devenir général, si je voulais entrer dans la secte des francs-maçons : ils me montrèrent des sommes d’or et d’argent qu’ils distribuaient, me dirent-ils, pour ceux qui embrassaient leur parti, et voulaient absolument me faire présent de trois armes décorées des signes de la franc-maçonnerie, que j’acceptai pour ne pas les dégoûter et pour les encourager à me dire leurs secrets. Voici donc ce que les principaux et les plus riches juifs me communiquèrent en diverses circonstances :

1° Que Manès et l’infâme Vieux ou vieillard de la Montagne étaient sortis de leur nation ;

2° Que les francs-maçons et les illuminés avaient été fondés par deux juifs dont ils me dirent les noms, qui, par disgrâce, me sont échappés de la mémoire ;

3° Qu’en un mot, d’eux tiraient leur origine toutes les sectes antichrétiennes, qui étaient à présent si nombreuses dans le monde qu’elles arrivaient à plusieurs millions de personnes de tout sexe, de tout état, de tout rang et de toute condition ;

4° Que dans notre seule Italie, ils avaient pour partisans plus de huit cents ecclésiastiques tant réguliers que séculiers, parmi lesquels beaucoup de curés, de professeurs publics, de prélats, quelques évêques et quelques cardinaux ; que, dans peu, ils ne désespéraient pas d’avoir un pape de leur parti ;

5° Que pareillement en Espagne, ils avaient un grand nombre de partisans même dans le clergé, bien que dans ce royaume fût encore en vigueur la maudite Inquisition ;

6° Que la famille des Bourbons était leur plus grande ennemie, que dans peu d’années ils espéraient l’anéantir ;

7° Que, pour mieux tromper les chrétiens, ils feignaient eux-mêmes d’être chrétiens, voyageant et passant d’un pays à un autre avec de faux certificats de baptême qu’ils achetaient de certains curés avares et corrompus ;

8° Qu’ils espéraient à force de cabales et d’argent obtenir de tous les gouvernements un état civil, comme cela leur était déjà arrivé dans plusieurs pays ;

9° Que, possédant les droits de citoyens conne les autres, ils achetaient des maisons et des terres autant qu’ils le pouvaient, et que par le moyen de l’usure, ils parviendraient bien vite à dépouiller les chrétiens de leurs biens-fonds et de leurs trésors ; — cela commence à se vérifier en Toscane, où les juifs exercent impunément l’usure la plus exorbitante et font d’immenses et continuelles acquisitions tant en campagne que dans les villes ;

10° Que, par conséquent, ils se promettaient dans moins d’un siècle d’être les maîtres du monde, d’abolir toutes les autres sectes pour faire régner la leur, de faire autant de synagogues des églises des chrétiens et de réduire le restant de ceux-ci à un vrai esclavage.

« Voilà, monsieur, les terribles projets de la nation juive, que j’ai entendus de mes propres oreilles.

« Jean-Baptiste Simonini. »

Note du chanoine Barruel : « Quelques mois plus tard, Sa Sainteté, à qui j’avais envoyé la lettre, me fit écrire par l’abbé Tetta, son secrétaire, que tout annonçait la véracité et la probité de celui qui m’avait découvert tout ce dont il se disait avoir été le témoin »… J’ai su depuis, par la voie d’un franc-maçon initié aux grands mystères de la secte, qu’il y avait beaucoup de juifs, surtout dans les hauts grades.


Bien entendu, en retenant ici cette lettre, il faut faire la part de la vantardise juive, exagérant à plaisir les complicités de mauvais prêtres. Néanmoins, on voit que l’important des faits annoncés était vrai.

En 1811, Joseph de Maistre dénonçait au roi de Sardaigne le rôle actif des juifs dans la révolution.

En 1818, le cardinal Consalvi signalait l’activité maçonnique des juifs, en particulier dans la Haute-Vente romaine ; ces plaintes ne sont que trop justifiées par une lettre que peu de temps après, en 1822, un juif membre de cette société secrète de Carbonari radicalement révolutionnaires, écrivait à un de ses frères en maçonnerie :

« Dans l’impossibilité où nos frères et nos amis se trouvent de dire encore le dernier mot, il a été jugé bon et utile de propager partout la lumière et de donner le branle à tout ce qui aspire à remuer. » C’est ainsi que se préparait la conspiration mazzinienne contre le pouvoir temporel du pape, dont les juifs du reste se sont toujours montrés les plus ardents adversaires. On les vit en Allemagne acclamer Napoléon Ier comme le Messie, le destructeur de la Papauté et de l’Église.

De tous les rites maçonniques, le rite dit Égyptien ou de Misraïm est considéré comme le rite juif par excellence ; on sait qu’il comprenait, jusqu’en ces derniers temps, 90 degrés dont les derniers sont profondément imprégnés de cabalisme ; partant du grand principe oriental de la distinction de deux dieux, l’un bon et l’autre mauvais, Ormuzd et Ahrimane, ce rite aboutit à l’adoration de la Nature, personnifiée dans le Soleil ou le Feu. Il est, comme on le voit, une excellente porte d’entrée du Palladisme. Ce rite a été créé par trois juifs, les frères Bédarride, qui tenaient d’un juif français établi à Milan, nommé Lechangeur, certains cahiers de grades cabalistiques, imaginés par Cagliostro ; celui-ci en avait tiré le fond des rituels des Rose-Croix de Bordeaux.

Les trois frères Bédarride, Marc, Joseph et Michel, étaient fils du juif Gad Bédarride, de la vallée de Cavaillon (Vaucluse), qui lui-même reçut la lumière en 1771 à la vallée d’Avignon par l’entremise de l’initié Israël Cohen, surnommé Carosse. En 1782, le patriarche Ananiah, grand épopte égyptien, vint à la vallée de Cavaillon et lui accorda des augmentations de salaire, ainsi qu’aux initiés de cette région. Pendant les guerres d’Italie, Gad Bédarride, capitaine des équipages d’artillerie, fut élevé à Naples, par le frère Palambola, aux plus hauts grades créés par Cagliostro. Dans cette ville, un édit royal de 1777 déclarait criminel de lèse-majesté le franc-maçon qui assisterait à des assemblées de cette secte ; mais l’intervention des armées de la France les avait affranchis de cette loi.

Ce fut en Italie que le jeune Marc Bédarride, fils de Gad, fut initié le 5 janvier 1801, dans la loge la Candeur, de Cesena ; en 1802, il fut, ainsi que son frère Michel, affilié à la loge Mars et Thémis, de Paris. Puis, il fonda plusieurs loges militaires, les Émules de Mars, la Gloire militaire, les enfants de la gloire militaire, suivit nos armées dans l’expédition de Naples, et fonda la loge des Enfants de la Sagesse.

Il raconte lui-même un épisode curieux de cette expédition : « L’Illustre Sœur, épouse du général Paire, fut surprise en Calabre par une troupe de brigands, dont le chef, à l’ouverture des bagages, fut fort étonné d’y trouver un diplôme et une décoration maçonniques. Interrogée à ce sujet, elle répondit que son époux était général italien, franc-maçon, et qu’elle aussi avait reçu la lumière dans le Jardin d’Éden. Le chef des brigands, initié lui aussi dans le temple de la vallée de Cosenza, la rendit immédiatement à la liberté. »


La Sœur Maçonne et le Chef des Brigands. — La sœur Paire ayant été surprise en Calabre par une troupe de brigands, ceux-ci trouvèrent dans ses bagages son diplôme et ses insignes maçonniques. Le chef des bandits, qui était lui-même maçon, ne voulut pas qu’il lui fût fait le moindre tort et la rendit immédiatement à la liberté. Ce curieux épisode, qui s’est passé au commencement du siècle, est rapporté par Marc Bédarride, un des fondateurs du Rite de Misraïm.

À Naples, se trouvait alors Michel Bédarride, négociant, qui remplissait les fonctions d’inspecteur des vivres au service de l’armée d’Italie, à l’état-major de laquelle Marc appartenait.

Le Misraïmisme n’existait pas encore. Mais le Rite Écossais Ancien Accepté venait d’être fondé à Charleston, et bientôt il avait fait invasion en France (1804) et en Italie (1805). À cette époque, le juif Lechangeur, qui était Vénérable d’une loge de Milan, sollicita du Suprême Conseil à peine établi à Rome son initiation aux hauts grades écossais ; on lui en conféra quelques-uns, mais non les plus élevés. Furieux d’être éliminé de la direction, Lechangeur s’entendit alors avec un de ses coreligionnaires, nommé Polacq, qui possédait une ébauche de rite en 90 degrés, dont l’auteur était Cagliostro, dans les conditions que j’ai dites tout à l’heure. À eux deux, ils entreprirent la création du nouveau rite ; mais bientôt, il y eut zizanie entre nos juifs, et l’on eut deux grands chefs de ce système qui ne vivait qu’en projet : l’un, Lechangeur, à Milan ; l’autre, Polacq, à Venise.

Marc Bédarride obtint de Lechangeur, en 1810, une patente de Grand Hazsid, haut grade sans rituel, et Michel eut aussi la sienne, l’année suivante. Polacq éleva, à son tour, Michel au grade suprême (1812) ; puis, Lechangeur étant décédé, les deux frères Bédarride se firent reconnaître par son successeur, autre juif, nommé Théodore Cerbes. Finalement, Polacq et Cerbes, qui n’avaient rien pu créer de sérieux, cédèrent à Marc et Michel Bédarride leurs droits et les papiers de Cagliostro.

Enfin, le 9 avril 1815, les trois frères Bédarride constituèrent à Paris la puissance souveraine du Rite de Misraïm pour la France ; après quoi, Joseph Bédarride quitta Marc et Michel pour s’en aller s’installer grand-maitre aux Pays-Bas.

Telle est l’origine de ce rite grotesque. Les principaux cahiers de grades furent définitivement faits, peu à peu, par les FF∴ Larrey, Rédarès, Beaurepaire, Joly, Méalet, Baucalin de Lacoste, colonel Clavet-Gaubert, docteur Gannal, et Ragon. Marc Bédarride eut le titre de fondateur de l’Ordre. D’autres puissances également souveraines du même rite s’établirent en Angleterre, en Italie (à Naples), aux États-Unis, etc., et vécurent en bonne harmonie. À la mort de Michel Bédarride (10 février 1856), un pouvoir central de toutes les fédérations du rite fut projeté, et c’est au Souverain Conseil Général de Naples que l’honneur suprême fut décerné. Entre temps, le grand-maître de Naples avait compliqué son misraïmisme en y adjoignant le rite de Memphis, et dès lors il eut le titre de Grand Hiérophante !


Mausolée du F∴ Marc Bédarride, fondateur du Rite de Misraïm, au cimetière du Nord, à Paris.

Les loges d’Adoption étaient en grand honneur dans l’Ordre de Misraïm : les misraïmites en font remonter l’origine au patriarche Jabel, fils de Lamech : la première grande-maîtresse fut sa sœur Noéma, disent-ils.

Pour donner une idée de l’importance du rôle que jouaient les sœurs misraïmites, je citerai quelques lignes du récit authentique de la fête d’ordre de 1819;

« Les barreaux d’Éden sont ouverts aux vertueuses et aimables Sœurs qui vont se livrer à sa culture. Le jardin d’Éden se trouve spontanément paré des plus belles fleurs. Les yeux sont délicieusement fixés par l’infinie mais toujours charmante diversité de leurs formes ; l’odorat est agréablement flatté par le parfum qu’elles exhalent : l’oreille écoute avec un charme exquis le doux tressaillement de leur feuillage délicat agité par le zéphir léger du printemps ; le goût seul et le toucher sont sevrés des jouissances que promettent leurs calices… » Parmi ces fleurs d’Éden brillait la T∴ III∴ G∴ M∴, comtesse de Fouchécourt, celle qui prenait le maillet pour procéder « à la réception des jeunes personnes douées de tous les avantages de la nature. »

L’ordre de Misraïm se glorifiait de posséder aussi dans son sein le P∴ F∴ Isaac-Adolphe Crémieux, « descendant de l’antique race du célèbre Patriarche Carmi, de la Vallée de Béthulie, l’un des anciens d’Israël, contemporain de l’immortelle Judith, — élevé en 1832 au 81e degré. »

Cet ordre n’a jamais fait bon ménage avec le Grand Orient de France, qui accusait les chefs du Misraïmisme de parcourir les départements, armés de leurs 90 grades qu’ils offraient à n’importe quel prix à tous les maçons et profanes, de troubler ainsi le repos public et de mettre la maçonnerie en danger. Avec ses 90 degrés et sa devise : Respect à l’ordre, le rite de Misraïm est toujours resté en France, à part, obscur et mystérieux. En 1848, il ne comptait que 5 ou 6 ateliers, et, depuis lors, il y a toujours végété.

En 1862, l’influence juive dans les loges maçonniques s’était accrue au point d’alarmer les maçons eux-mêmes. Sous le titre « Un signe des temps », l’Historisch politisch Blatter, de Munich, signalait dans un long article les dangers que faisait courir à la maçonnerie elle-même la prépondérance toujours croissante des israélites dans les loges. Je n’en citerai que les passages les plus saillants :

« Le juif est à la tête, par ses écrits, par ses paroles et par ses actions. Il est chef et agent principal dans toutes les entreprises révolutionnaires, jusque dans la construction des barricades. On l’a bien vu en 1848, à Berlin. Comment s’est-il fait qu’à Berlin non moins de 217 électeurs spéciaux juifs aient été élus, et que dans deux districts aient été élus des juifs à l’exclusion de tout chrétien ?… L’explication de ce fait est donnée par les francs-maçons agitateurs, dont le F∴ Lamartine a dit que les révolutions de 1789, 1830, 1848, etc., ont été soulevées par la ligue maçonnique ; aveu confirmé par le F∴ Garnier-Pagès, ministre de la République qui, en 1848, déclara publiquement que « la révolution française de « 1848 était le triomphe des principes de la ligue maçonnique, que la « France avait reçu l’initiation maçonnique, que 40.000 maçons français avaient promis leur assistance pour achever l’œuvre glorieuse de l’établissement de la République destinée à être établie dans toute l’Europe et sur toute la face de la terre. »

« Les dangers pour le trône et pour l’autel dont les menace le pouvoir des juifs dans la franc-maçonnerie, sont montés jusqu’au plus haut degré, et il est temps d’élever la voix contre eux, comme viennent de le faire les chefs de la franc-maçonnerie allemande, en écrivant : « Les juifs ont bien compris que l’art-royal était un moyen capital pour établir solidement leur propre règne ésotérique… Le danger menace non seulement la Maçonnerie, notre Ordre, mais les États en général… Dans les loges, les juifs trouvent maintes occasions pour pratiquer leur système bien connu de corruption, et de mettre de la confusion dans un bon nombre d’affaires… Combien doit être dangereuse l’influence des juifs, lorsqu’on se souvient de la part active prise par ce peuple dans les crimes de la Révolution française et de l’usurpation corse, lorsqu’on considère la ténacité de la croyance des juifs en un futur règne juif sur tout l’univers et l’influence immense qu’exerce l’or juif sur beaucoup de ministres d’État ! »

« Il existe en Allemagne une alliance secrète avec des formes maçonniques, placée sous des chefs inconnus, travaillant toutefois pour des fins non maçonniques. Les membres de cette alliance sont presque tous juifs ; ils travaillent en degrés et en systèmes, avec des rites et des symboles, chrétiens seulement en apparence…

« Ajoutez à ce qui a été dit que les juifs sont maintenant reçus dans toutes les loges de l’univers, tandis qu’il y a des loges juives dans lesquelles des chrétiens ne sont reçus sous aucun prétexte. À Londres, où se trouve le vrai foyer de la révolution, il y a deux loges juives dont aucun chrétien n’a jamais franchi le seuil. C’est là que se concentrent et de là que partent les fils de toutes les révolutions. De là, les autres loges sont dirigées. Là se trouvent les supérieurs secrets, de sorte que presque tous les révolutionnaires chrétiens ne sont que des poupées aveugles entre les mains des juifs. Cela se fait par le moyen du secret.

« Pendant la foire annuelle de Leipzig, une loge juive est en permanence. Elle n’ouvre jamais ses portes à un chrétien. Aux loges juives de Francfort et de Hambourg, ne sont admis que des émissaires des autres loges…

« Quoique de nos jours les fils d’Israël aient accès à presque toutes les loges, et que, sous peu, doivent tomber devant eux les dernières barrières, ils sont assez habiles pour unir les avantages de la franc-maçonnerie avec ceux de leur propre race. La fin de la franc-maçonnerie, — l’empire du monde, — est identique avec les aspirations de la race dont le Roi futur a reçu cette promesse : « Tous les rois de la terre l’adoreront et toutes les nations lui seront soumises. »

Si les juifs, en Europe gardent soigneusement le secret sur l’existence et le nombre de leurs loges particulières, en Amérique, ils sont moins réservés. Sous le nom de Bnaï-Bérith (fils de l’Alliance), leur confédération maçonnique, inaccessible à ceux qui ne sont pas juifs, y compte plus de 210 loges. La loge n° 1 fut fondée à New-York en 1843, et compte plus de 200 membres. Il y a vingt ans, le nombre des Juifs américains maçons s’élevait à 18.000.

Carlile, une des plus grandes autorités maçonniques, dit : « La maçonnerie de la Grande Loge est actuellement entièrement juive[39]. »

Quant à la prépondérance des israélites dans la maçonnerie française en 1872, nous n’en voulons pour preuve que cette exclamation triomphante du F∴ Crémieux : « Ici, tous les cultes sont admis sans se combattre, et quelle preuve plus décisive ? Celui qui préside cette réunion comme Vénérable (le F∴ G. Dalsace) est israélite, et le Souverain Grand Commandeur (lui-même, Crémieux) est israélite[40] ! » Il faut entendre aussi de quel ton le F∴ Dalsace, dans une occasion solennelle, la réception faite aux Persans par la loge la Clémente Amitié (juillet 1873) confondait la cause juive et les intérêts juifs avec la cause et les intérêts mêmes de la Maçonnerie. Chargé de haranguer les maçons persans à leur entrée dans le temple, après avoir rappelé la réception faite par le Roi des Rois au F∴ Crémieux, président de l’Alliance israélite, et leur avoir demandé leur appui pour les israélites de la Perse en faveur de leur émancipation, il s’écriait : « J’ose donc porter haut le drapeau du judaïsme dans lequel je suis né, comme je porte haut et ferme le drapeau de la maçonnerie qui m’a adopté, et je proclame ici que, si la race juive a des défauts qu’il est permis d’attribuer à l’abaissement de son passé, elle a également de sublimes qualités. »


Cette déclaration orgueilleuse d’un des plus célèbres maçons juifs, aussi fameux comme chef de la secte que comme zélé et fervent israélite[41], m’amène tout naturellement à faire connaître l’opinion des juifs eux-mêmes sur le rôle qu’ils ont joué et qu’ils jouent encore dans la franc-maçonnerie. Si en effet nous interrogeons les enfants d’Israël là-dessus, leur réponse, tout embarrassée et discrète qu’elle est, ne laisse pas que de jeter quelque lumière sur ce point si obscur pour les profanes et même pour la grande majorité des francs-maçons.

En 1844, la question fut traitée ex-professo dans les Archives Israélites' de France par le Vénérable de la loge écossaise le Mont-Sinaï, orient de Paris, laquelle a toujours compté des membres juifs en grand nombre[42]. L’auteur, bien entendu, n’y dit que ce qu’il veut dire, et, comme il l’avoue lui-même, n’y touche que des points qui peuvent être traités publiquement. Naturellement, les juifs acceptent la légende maçonnique qui fait remonter la franc-maçonnerie à une époque antérieure à la construction du temple de Salomon. Ils aiment à se rattacher aux Esséniens, qui pour eux ne sont qu’une secte maçonnique, descendant des Chasidéens, espèce d’Ordre des Chevaliers du Temple de Salomon. Les premiers chrétiens se seraient servis de leur organisation mystérieuse pour dérober aux yeux profanes les cérémonies de leur culte prohibé.

Depuis l’ère chrétienne, la franc-maçonnerie ayant pris un caractère chrétien, — admirez la hardiesse du mensonge, — les israélites, racontent ce Vénérable, cessèrent d’en faire partie ; ils eurent alors une franc-maçonnerie à eux, des signes de ralliement et des mots qu’eux seuls pouvaient comprendre, des réunions secrètes, dont tout profane était sévèrement éloigné. Cependant la franc-maçonnerie n’en continua pas moins de rapporter aux juifs son origine, et de leur emprunter leur calendrier et des mots hébreux pour mots de passe et de ralliement. Citons textuellement :

« Dès que la Révolution de 1789 eut popularisé les idées de justice et de tolérance qui les fusionnèrent dans la société politique, ils se jetèrent avec ardeur dans la voie maçonnique, où retentissaient à leurs oreilles, comme une musique céleste, ces mots si doux de fraternité, égalité, philosophie et justice… »

Pendant quelque temps encore, les vieux préjugés israélites retinrent les juifs scrupuleux sur le seuil des loges ; ils s’imaginaient que l’israélite ne pouvait devenir franc-maçon sans renier la religion de ses pères. « Mais les ténèbres de l’ignorance finissent toujours par se dissiper devant le soleil de la raison ; et la franc-maçonnerie, qu’on peut à juste titre appeler l’art royal, après les grandes choses qu’elle avait si royalement accomplies, renferma bientôt dans son sein tout ce que les israélites comptaient d’hommes éminents et de citoyens distingués… Les apôtres de la tolérance religieuse sont presque tous sortis des loges maçonniques.

« En Allemagne, cet esprit étroit de haine et de jalousie qui refuse encore à nos coreligionnaires les dernières concessions exigées par la raison et l’équité, s’est infiltré dans quelques loges maçonniques qui mentent à leur origine, trahissent leurs serments et sont traitres à leur mission, en n’accordant pas aux maçons israélites les droits et privilèges dus au Frère qui présente un diplôme régulier. C’est là ce qui a donné naissance à quelques loges exclusivement israélites, où se sont produits de grands talents, où sont éclos de bonnes œuvres, mais où le visiteur français du culte israélite n’entre que le cœur serré et le rouge au front. Au jour prochain où la tolérance renaîtra pour l’Allemagne, c’est sur l’autel de la loge l’Aigle que son flambeau se rallumera pour éclairer et régénérer ce pays si digne d’une entière liberté… Depuis soixante ans, la plus cordiale union n’a cessé d’exister en France entre les maçons israélites et les chrétiens ; les premiers sont arrivés souvent aux plus hautes dignités dans l’Ordre, et ont été à maintes époques promus aux grades les plus élevés. Dans ce moment même (1844), un des membres du Suprême Conseil de France professe la religion israélite. »

Je n’ai pas besoin de dire qu’il faut bien se garder de prendre au pied de la lettre tout ce qu’on vient de lire ; un écrivain franc-maçon ne parle presque jamais nettement. Ici, l’auteur a tenu surtout à créer une confusion dans l’esprit de ses frères non-juifs : on soupçonnait alors l’existence de loges exclusivement israélites, maçonnerie dans la maçonnerie, et il s’agissait de faire croire qu’il n’y en avait qu’en Allemagne et à raison d’un prétendu ostracisme dans ce pays. Nous verrons plus loin que la vérité n’est pas ainsi.

Mais, malgré son quiproquo, malgré ses restrictions et ses euphémismes, l’article du Vénérable de la loge le Mont-Sinaï, que je viens d’analyser, résume assez clairement tout ce que j’ai dit du rôle joué par les juifs dans la franc-maçonnerie. On y retrouve, si l’on veut bien lire entre les lignes, les profondes sympathies des israélites dévoyés pour ce qui fait le fond de la franc-maçonnerie, la guerre acharnée et sans merci déclarée au christianisme, le culte de la révolution antisociale et de toutes les idées prétendues philosophiques tendant à l’athéisme, et jusqu’à ces loges exclusivement israélites, où le flambeau doit se rallumer pour éclairer et régénérer les pays trop lents à accepter la pleine lumière maçonnique.

Nous trouvons dans le même article un récit qui peut donner une idée des épreuves en usage dans les loges, pour attacher à l’Ordre le néophyte par la crainte et la terreur et qui montre en même temps que la maçonnerie est aux antipodes de l’antisémitisme.

« À l’époque où le triste épisode de Damas excitait l’attention de toute l’Europe, un habitant d’une des villes du midi de la France déclara tout haut en plein café que, selon lui, le père Thomas avait été traîtreusement assassiné par les juifs de Syrie ; quelques hommes raisonnables tentèrent en vain de combattre cette opinion ; il y persévéra avec entêtement, en y ajoutant des expressions injurieuses pour les israélites en général. Or, ce soir-là même, notre homme se présentait à une loge maçonnique de la ville. Après les premières épreuves, on lui fit prêter le serment d’usage de ne jamais révéler les mystères de l’ordre, et pour que l’obligation qu’il allait contracter se manifestât à lui dans toute son importance, il fut conduit, toujours les yeux bandés, jusqu’à la porte d’une prison souterraine. Là, son bandeau lui fut ôté, et, à la lueur d’une torche à la flamme vacillante, il entra dans un cachot infect, et sur la paille humide il vit étendu en un coin obscur un israélite de la ville, lequel, enchaîné prisonnier, have, exténué, lui raconta d’une voix lamentable comment, accusé d’avoir révélé quelques secrets de la maçonnerie, il avait été condamné à mort par l’aréopage de l’ordre ; et comme notre initié frémissait et s’indignait à ce récit, le frère terrible apparut subitement à ses côtés, plaça un glaive dans ses mains tremblantes, et lui dit d’une voix sévère : « Ce parjure a mérité la mort ! Aux termes de nos règlements, le premier profane qui se fait recevoir chez nous après qu’un arrêt de mort est rendu doit l’exécuter, pour nous donner un gage de son obéissance et de sa fidélité. Frappe ! Il le faut ! »

« — Qui ? moi, s’écria le récipiendaire, devenir assassin ? Jamais ! Je ne reconnais pas votre tribunal de sang ; maintenant vous me faites horreur, et j’aurais honte d’être reçu parmi vous.

« — Il n’en est plus temps, tu nous appartiens. »

« Aussitôt le candidat maçon est saisi par des bras vigoureux, et, malgré ses efforts, il est porté dans la salle des réunions. Mais là, un spectacle plus épouvantable encore s’offre à ses regards : au milieu d’un immense plateau gît, pâle et livide, la tête du malheureux prisonnier, nageant dans une mare de sang et les yeux fermés. Frappé d’horreur, le récipiendaire a à peine la force de s’écrier :

« — Vous êtes des infâmes ! Je le vois, on m’a trompé, ma vie vous appartient ; mais jamais vous n’aurez mon serment, car vous venez d’assassiner lâchement, et sans formes judiciaires, cet homme sur lequel vous n’aviez aucun droit.

« — Mais cet homme était un délateur !

« — Comment le savez-vous ? comment est-ce prouvé ?

« — Mais cet homme était un juif !

« — Qu’importe ? est-ce que la vie d’un juif pèse dans la balance sociale moins que celle d’un autre citoyen ?…

« — Néophyte, oublies-tu que toi-même, il y a quelques heures à peine, tu as, dans un lieu public, exprimé un injuste mépris contre tous les israélites ? Ne te rappelles-tu pas que tu as proclamé bien haut que les juifs de Damas ont assassiné le père Thomas ? À notre tour nous te disons : Comment le sais-tu ? comment est-ce prouvé ?… Tu n’as donc pas droit de te draper dans ta vertu et de venir ici nous parler de prudence et de légalité ; car nous ne frappons qu’un homme, et ta voix imprudente peut provoquer des milliers de meurtres et d’injustices.

« — Vous avez raison, s’écria le candidat ému et troublé ; Dieu est juste et ma punition est fondée.

« — Mais si nous pardonnons et te rendons au monde, nous jures-tu de ne plus donner carrière à tes penchants d’intolérance ?

« — Je le jure de grand cœur !

« — C’est bien ; alors tu es digne d’être accueilli parmi nous : approche de l’autel pour prêter ton obligation maçonnique. »

« Et, comme il s’avançait d’un pas chancelant, une main amie vint le soutenir ; et, comme il levait les yeux pour remercier celui qui lui prêtait ce fraternel appui, il tressaillit et fut sur le point de défaillir, en reconnaissant dans son guide le juif qu’il venait de voir assassiné[43]… »

Rien ne prouve mieux les sympathies profondes des juifs pour la franc-maçonnerie et leur ardent désir d’y jouer un rôle actif, que les circulaires adressées par eux aux loges de Berlin, qui s’opiniâtraient à les exclure de leur sein. Ces suppliques, au reste, étaient chaudement appuyées par les protestations qui de toutes les loges de France et d’Angleterre s’élevaient en leur faveur contre ce qu’elles appelaient « un chef-d’œuvre de tartufferie et d’hypocrisie. » Les loges françaises accueillaient avec enthousiasme ceux des israélites que repoussaient les loges de Berlin. C’est ainsi qu’en 1863 la loge Les Frères-Unis Inséparables, de Paris, votait par acclamation l’affiliation de Meyerbeer, repoussée par les loges prussiennes.

Citons quelques passages caractéristiques de ces plaidoyers des juifs pro domo ; il semble, à les entendre, que la maçonnerie est déshonorée, tant que ces derniers sanctuaires de l’Art-Royal leur resteront fermés : ils parlent en gens de la maison, et en maitres.

CIRCULAIRE, adressée aux trois Grandes Loges de Berlin par les Maçons israélites de Prusse, et traduite de l’allemand par le frère V. L.

« … Qu’il ne vous étonne pas que nous, qui ne sommes pas reconnus par vous comme maçons, nous nous adressions pourtant à vous comme à nos frères. Nous connaissons trop bien les principes élevés de l’Ordre et l’esprit de la Franc-Maçonnerie, et nous attachons un prix trop grand à être reconnus par nos frères éclairés, pour ne pas tendre une main fraternelle, même à ceux qui nous repoussent de leurs temples, quoique nous soyons des maçons réguliers.

« … C’est par une conséquence naturelle de notre position, que nous ne comparaissons pas devant vous comme des suppliants qui implorent un bienfait, une grâce, mais comme des gens qui s’appuient sur le droit que leur a donné l’initiation dans l’Ordre, et qui sont pénétrés de l’esprit de la Maçonnerie, que, grâce au Grand Architecte de l’Univers, ils savent estimer à son juste prix.

« Ce que dans le monde profane nous trouverions dangereux, notre position de faibles vis à-vis des forts, ne saurait nous faire reculer dans le monde maçonnique… La Franc-Maçonnerie se dit une association cosmopolite ; ses efforts tendent à ce but, de déraciner les préjugés, la haine et la discorde, et de semer l’amour en leur place. Comment le temple de l’amour et de la lumière s’élèvera-t-il jusqu’au faite, quand on sape les fondements de l’édifice, quand l’égoïsme se glisse dans les ateliers, quand les ouvriers ne possèdent pas assez de force pour rompre les fers rivés par l’habitude, et quand la Franc-Maçonnerie se dégrade au point de tendre la main au prosélytisme religieux ?

« Le franc-maçon, qui doit être l’exemple de son siècle, qui se vante d’avoir compris comme il faut cette parole sublime de la création : Que la lumière soit ! le franc-maçon, qui appelle l’Orient son foyer, devrait voir plus clair ; il devrait répandre la lumière, mais non pas augmenter l’obscurité, dans laquelle la vie profane marche encore à tâtons…

« Si vous posez en principe qu’il est contraire à l’esprit de la Maçonnerie d’y admettre des israélites, vous ne pouvez reconnaitre comme ateliers véritablement maçonniques toutes les Grandes Loges qui sont d’une opinion opposée ; vous devez regarder comme faux francs-maçons qui nuisent à l’Ordre, l’illustre grand-maître des loges anglaises, le duc de Sussex, et l’illustre grand-maître des loges néerlandaises, le prince Frédéric, lequel a publié sa confession maçonnique dans son écrit sur les hauts grades de l’Ordre, du 24 janvier 1820, ère vulgaire.

« Il est vraiment étonnant que, pendant que l’idée de la liberté de conscience s’introduit de plus en plus dans l’Europe civilisée pendant que le principe de l’égalité des sectateurs de chaque religion trouve partout un écho, des loges maçonniques restent stationnaires au milieu du monde civilisé et malgré ces grands progrès. Il est étonnant que, pendant que la Russie fait un pas remarquable vers l’émancipation des israélites, les réunions maçonniques de la Prusse se cramponnent, avec une obstination à toute épreuve, aux préjugés surannés des siècles de ténèbres[44].

« Nous sommes maçons, reçus dans des loges régulières et parfaites, légalement constituées ; nous sommes maçons, nous aspirons au vrai et au bien ; ne nous barrez pas plus longtemps le chemin. C’est avec fierté que nous osons dire : Nous sommes meilleurs que notre renommée, que nous n’avons pas méritée. Une association dont le but consiste dans la philanthropie, le véritable amour fraternel et la connaissance des choses humaines et divines, ne peut rejeter l’homme qui aspire au mieux, et si nous tenons au culte de nos pères, comme le chrétien au sien, nous ne sommes pas pour cela les plus indignes ouvriers au grand travail… Ces mesures exclusives sapent et dégradent l’Ordre, marquent vos propres signatures, faits, actions, dogmes, promesses et fraternisation, d’un sceau de mensonge, que la beauté du revers de la médaille peut à peine faire oublier. » (Le Globe, Archives des Initiations anciennes et modernes, 1841.)


Dans plusieurs circonstances, les juifs ont pris occasion du refus qu’on leur opposait d’être admis comme visiteurs dans certaines loges, pour essayer de constituer des loges juives indépendantes. Ainsi, en 1870, des israélites maçons se plaignent de n’avoir pas été admis comme visiteurs dans plusieurs loges, à raison de leur race ou de leur religion extérieure, adressèrent au F∴ James Gibson, grand-maître du district de New-York, une demande régulière en constitution de loges, demande qui ne fut pas accueillie, précisément à cause des motifs invoqués pour en assurer le succès :

« La Maçonnerie est essentiellement humaine et cosmopolite, dit le F∴ Gibson ; créer des Loges sectaires ou en favoriser la tendance, serait à la fois méconnaître ce caractère de notre institution et travailler à sa ruine. Que les Loges qui ont commis cette faute la regrettent et se gardent bien, à l’avenir, d’une semblable erreur ! »

Mais ces loges juives, créées exceptionnellement dans les régions où les loges ordinaires regimbaient encore contre l’admission des israélites, ne sont pas ces ateliers formant une maçonnerie dans la maçonnerie, et dont je parlerai plus loin, pour terminer.

Que les juifs maçons se soient associés de tout cœur à toutes les opérations anticatholiques de la franc-maçonnerie ; qu’ils aient accepté toutes les doctrines impies et athées dont elle s’est faite la propagatrice, on n’en saurait douter. Leur zèle anticatholique trouvait sa récompense dans l’appui que leur prêtaient les maçons leurs frères dans toutes les circonstances où il fallait les protéger contre l’opinion et les défendre contre les attaques de l’antisémitisme. On sait avec quelle chaleur, par exemple, les francs-maçons, par l’organe surtout de leur journal le plus influent, le Monde maçonnique, se firent les avocats de la cause juive dans l’affaire du juif Mortara : « Quand un attentat de cette nature, s’écrie cette revue sectaire, déshonore les religions, c’est elle (la franc-maçonnerie), médiatrice impartiale, qui doit surtout élever la voix. Si toutes les Loges du monde s’unissaient à l’appel des Consistoires, ce soulèvement formidable des consciences ferait reculer l’intolérance et la barbarie cléricale. »

Une des plumes les plus acérées et les plus violentes de cette revue, — qui mériterait tous les anathèmes, n’eût-elle fait que prêcher et populariser sous le titre de Morale indépendante la négation de toute religion et de toute morale, — est celle d’un maçon juif, ami intime de Heine, et l’héritier de ses doctrines néfastes, Alexandre Weill. En lui s’incarne toute la haine qui peut entrer dans le cœur d’un maçon juif contre le Christ et la société chrétienne. Et celui-ci est resté foncièrement juif ; bien plus, il se donne comme le résurrecteur du seul véritable Mosaïsme inconnu jusqu’à lui, comme l’héritier de Moïse et des prophètes ; un peu plus, il se dirait le Messie attendu d’Israël. Mais il a au moins un mérite : c’est de dire franchement ce que la plupart de ses coreligionnaires enveloppent de restrictions et d’hypocrites sous-entendus. Il faut nous arrêter un instant sur cette curieuse figure.

Ce qui domine chez ce juif, doublé d’un franc-maçon enragé, c’est l’impudeur et le cynisme.

Un trait, raconté par lui-même dans son récit intitulé Ma jeunesse, nous donnera une idée de la pudeur de l’enfant et de la liberté de mœurs qui régnait dans une famille juive d’Alsace vers 1820.

« Une de mes sœurs, jalouse de moi, prétendait devant ma mère que, toute fille qu’elle était, elle ne me cèderait jamais le pas et qu’elle saurait faire tout ce que je ferais. « Ah ! m’écriai-je, tu sais faire ce que je fais ! » et, ouvrant la fenêtre avec fracas, puis, reculant au milieu de la chambre, je lâchai un arc-en-ciel d’eau à travers la croisée : « Fais cela ! lui dis-je. » Ma mère, qui riait d’ordinaire de tout son corps, se tenait les reins de ses deux mains. L’histoire se conta de bouche en bouche, et le soir, en sortant de la synagogue, je fus embrassé par toutes les femmes du village. »

Né, comme il le dit lui-même, dans une époque « où les principes de 89 ont commencé à pénétrer la moelle du judaïsme », il se sentit de bonne heure appelé à être le porte-voix de l’incrédulité : « À cinq ans et demi, après avoir traduit le premier verset hébraïque « Avec le commencement Dieu créa les cieux et la terre », je demandai à M. Lévy, mon maître d’école : « Et qu’est-ce que Dieu a fait avant de créer le monde ? » Au lieu de me répondre, il m’appliqua sur l’épaule une douzaine de coups de règle, en s’écriant : « Malheureux, tu renieras la foi d’Israël ! » De fait, il a dit vrai. J’arracherai avec la racine l’ivraie pullulente de toutes les religions fondées sur l’erreur philosophique. Là est ma mission… J’ai toujours eu peur de ne pas vivre assez longtemps pour accomplir cette œuvre, qui ne touche pas seulement au judaïsme, mais à toutes les doctrines du christianisme, reposant sur la même base ; autant de sépulcres élevés sur des principes de pourriture et de mort ! »

Weill avait sucé avec le lait l’amour de la Révolution ; son grand-père maternel avait été l’ami de Robespierre et de Saint-Just, « ce dont son petit-fils le félicite sincèrement ; car tous les hommes de 89 et 93 avaient les défauts de Robespierre, mais nul d’eux n’eut ses vertus. »

Enfant du miracle, obtenu de Dieu, comme Samuel, par les prières de sa mère, né coiffé, c’est-à-dire la tête enveloppée d’une peau qu’en dialecte juif on appelle peau de chance, il manifesta dès sa naissance une vive opposition aux vieux usages juifs, tels que la circoncision : « À en croire les témoins oculaires, je me suis défendu à outrance en brisant les ligatures des langes, et il a fallu me lier de nouveau pour procéder à la sainte opération. »

Dès l’âge de huit jours, l’enfant prédestiné protestait contre tout ce qui ne faisait pas partie authentique de cette loi de Moïse qu’il devait découvrir. D’après lui, la circoncision est une invention du patriarche Abraham, « comme un minimum du sang humain offert à Dieu, » inconnue à Moïse. point effacé en moi la haine que j’avais vouée à Jésus[45] » ; puis, étudiant à l’école du rabbin Aaron Lazarus, un hasid (superdévot), le livre du Talmud Nidah qui traite de toutes les lois juives relatives au mariage et à la vie sexuelle. Il y a à ce sujet, dans les Mémoires de Weill, une confidence qui permettra de juger de la moralité de l’enseignement talmudique :

« Quand une juive, dit-il, doute de la qualité de son sang, elle charge une de ses femmes payées, et qui ne nomme personne, d’en présenter la tache au rabbin. Celui-ci, après inspection, juge sur la couleur, si elle est pure ou impure, kascher ou teréphah. Chose incroyable, mais certaine ! mon rabbin me chargea toujours de cette inspection. Et je n’avais pas encore treize ans ! Mais j’étais un petit hasid et j’avais le coup d’œil ! (Le sang impur est bleuâtre dans la périphérie de la tache) ».

S’il faut en croire le narrateur, cette étude des mystères de la femme ne lui aurait jamais inspiré une mauvaise pensée ; mais, comme pour s’infliger aussitôt un démenti, il raconte, avec un luxe de détails donnant bien la preuve de son manque absolu de sens moral, les scènes d’alcôve de son rabbin, qu’il avait surprises en se cachant dans une chambrette voisine dont il laissait la porte entrebaillée.

Mais ceci ne peut se reproduire ici, vu la crudité impudique des termes et le cynisme écœurant des aveux.

Chose singulière, un des points qui rend le christianisme plus particulièrement admirable et adorable, le pardon du mal et du péché par la miséricorde, la rédemption, fut précisément celui qui, pour cet adorateur du Dieu-Un, le lui fit particulièrement détester et haïr :

« Depuis l’existence du monde, s’écrie-t-il, toutes les erreurs, toutes les superstitions réunies, n’ont pas produit autant de malheurs, de crimes et d’infamies que la seule erreur de la possibilité du pardon, par la volonté de Dieu, soit par un miracle, soit par un caprice, soit par le simple repentir de ne plus faire le mal. »

Sur la foi d’un songe prophétique, où un ange vint le toucher et lui dire : « Jeune homme, lève-toi, ceins tes reins et va-t-en d’ici ; car la main sur le trône de Jehovah, guerre de Jehovah à Amalec (mot collectif pour les ennemis de Dieu) d’éternité en éternité » ; devenu majeur par la première communion juive, qui vous fait fils de la loi (Bar-Mitzva), surnommé dès l’âge de onze ans, pour sa précocité talmudique, Rabbi Abraham Alexandre ben Yehuda, Alexandre Weill quitta la maison paternelle, avec la pensée bien arrêtée de devenir un grand homme en Israël. Il avait treize ans et trois mois. Il allait à pied à Metz pour y continuer ses études, mendiant en route en chantant la Marseillaise. Son zèle talmudique fut singulièrement scandalisé de trouver à Metz une école rabbinique, en pleine décadence, « les juifs éclairés ne se préoccupant ni de l’instruction de la jeunesse, ni des cérémonies du culte. » Ce qui le scandalisa davantage, ce fut la conversion au catholicisme de quelques-uns de ses coréligionnaires réputés. pour leur science et leurs talents, les Drach, le Koschler, les Lipman[46].

Ne trouvant ni à Metz, ni à Nancy, une école rabbinique gratuite, il se vit obligé de revenir à la maison paternelle et d’y faire le métier de son père, le marchand de bestiaux. À cette époque de sa vie de maquignon, se rattache un épisode de sorcellerie, qui peint bien les croyances populaires de cette époque au pouvoir satanique des sorciers[47].

Mais le maquignonnage ne répondait guère aux grands desseins conçus par le jeune docteur talmudique. Il quitta de rechef la maison paternelle et alla chercher en Allemagne l’enseignement gratuit que lui refusait l’Alsace. En chemin pour Francfort, il eut la « bonne fortune » de séduire la nièce d’un rabbin de Ingenheim, en vertu de l’une des trois manières légales qui constituent le mariage talmudique : « par l’anneau, la lettre, ou l’acte d’amour. »

On devine laquelle de ces trois manières légales fut employée par le séducteur. — « Nous avions oublié, dit Weill après le récit de ce mariage improvisé, qu’il fallait deux témoins. S’il y avait eu deux auditeurs, il nous eût fallu un divorce légal ; car nous étions bel et bien mariés selon la loi talmudique. »

Toute la suite des mémoires de Weill sur sa jeunesse et ce qu’il appelle sa vie de Bohème n’est que la narration complaisante des autres aventures de ce genre, dont juives et chrétiennes furent les victimes.

L’excuse à l’aide de laquelle ce Lovelace juif essaie de s’absoudre aux yeux de ses lecteurs donne la mesure de sa moralité : « Certes, dit-il, je n’eusse jamais osé lever les yeux sur une femme mariée. L’adultère, pour un juif orthodoxe, est le crime des crimes, après l’inceste. Je n’eusse point encore violé la loi talmudique, défendant de s’approcher d’une vierge sans bain sacré et sans bénédiction nuptiale. (Weill oublie l’aventure qu’il a racontée plus haut). Mais je croyais qu’il était permis de calmer ses ardeurs contre une jeune fille libre, sauf à ne pas aller trop loir. »

La suite de ses aventures érotiques prouve surabondamment que ses édifiants scrupules furent de peu de durée, et toute sa morale à l’égard des femmes réside dans cet aveu dépouillé d’artifice : « Je n’ai jamais pu résister à deux beaux seins nus. »

Voilà l’homme qui dans ses écrits, se donne comme un envoyé de Dieu[48], un apôtre de la chasteté des mœurs, comme un partisan décidé de la monogamie, « seule institution de santé, de progrès et de longévité, le pivot divin de toute civilisation, de toute vertu civique, et de tout bonheur. » Cet amour de la monogamie ne l’empêche pas, dans un écrit intitulé : Que deviendront nos filles ? de démontrer la sainteté de la polygamie, et de se jeter en plein mahométisme, en plein mormonisme, par des maximes du genre de celles-ci : « L’amour de la femme vit dans le bonheur donné, que ce soit par elle seule, ou aidée par une ou plusieurs rivales. La femme peut vivre près d’une rivale aimée et se trouver heureuse… Le paradis de Dante ne vaut certes pas le paradis de Mahomet. »

Quand on professe de semblables doctrines[49], on a mauvaise grâce à jeter la pierre aux Goëthe, aux Musset, aux Hugo, comme aux plus grands corrupteurs de leurs contemporains.

Au milieu de cette vie dissolue, dont Francfort surtout fut le théâtre, on comprend que l’étude de la Bible et du Talmud dut perdre pour le jeune Weill beaucoup de son attrait ; aussi ne se sentant plus le moindre goût pour la vie de rabbin, s’émancipa-t-il bientôt de la morale rabbinique, pour se jeter dans le philosophisme de Lessing et de Voltaire, dans le roman à la Jean-Jacques, dont il croyait naïvement avoir le génie. Le lecteur et le chanteur à la synagogue, le lecteur à l’oratoire de Rothschild, aspira à une gloire plus mondaine, celle de se faire un nom dans la littérature du jour. Accusé par ses coréligionnaires d’apostasie juive, de n’observer plus aucune loi rabbinique, de se révéler comme révolutionnaire et panthéiste, il entra décidément dans les rangs de la Jeune Allemagne, prônant Hégel et l’émancipation de la chair. Telle trouva la révolution de 1830.

Il faut l’entendre acclamer, au nom de la nation juive, ce réveil de la révolution :

« La révolution de 1830, s’écrie-t-il, a retenti comme une trompette de Jéricho dans les cœurs de tous les juifs de l’univers. Le soir, nous dansions comme des forcenés, en gueulant la Marseillaise. »

En cela, d’après Weill, le juif ne fait qu’obéir à un instinct naturel, entretenu par l’esprit de Moïse et des prophètes :

« Les juifs de tous les pays sentent d’instinct la connexion intime qui existe entre eux et la Révolution française. Ils saisissent les relations intérieures qui lient l’idée d’un Dieu immuable, comme idéal de justice, avec la Révolution de 89 : réveil qui, quoi qu’en disent les ignares, les cafards et les cuistres, devait logiquement aboutir à l’Être suprême de Robespierre… Le juif est démocrate-égalitaire de naissance. »

Voilà donc Robespierre, le seul héritier légitime de Moïse, et le résurrecteur du Mosaïsme. C’est à cette énormité qu’aboutit tout le système biblique de Weill, et la grande découverte qu’il prône dans tous ses livres. Il fallait, en effet, trouver un système qui permit d’éliminer du Pentateuque tout ce qui s’opposait à une pareille conclusion : or, rien n’est plus facile ; tout ce qui, dans le Pentateuque, contrariera cette thèse, il n’y a qu’à l’enlever à Moïse, et à l’attribuer au légiste Esdras, qui a substitué à l’histoire, à la théologie et au code mosaïques, une histoire, une théologie et un code de sa façon, où le vrai Mosaïsme est noyé et presque imperceptible. De tout le Mosaïsme, il ne reste, aux yeux de Weill, que l’idée du Dieu-Un, immuable dans ses volontés et ses décrets, étranger à toute repentance, à toute grâce, à tout pardon. Le Dieu bon et miséricordieux, le Dieu de la grâce et de la rédemption, qui est devenu le Dieu des chrétiens, est une pure invention d’Esdras.

Le Talmud et l’Évangile, selon lui, professent absolument la même religion, avec les mêmes principes de foi idolâtre et liberticide, avec la seule distinction de Jésus à la place du Jehovah d’Esdras.

Jésus-Christ, en adoptant ce Dieu, a adopté avec lui toutes les erreurs monstrueuses qui sont la suite de cette conception, miracles, pardon et révélation : « la Christlologie est l’absurde greffé sur l’absurde[50]. »

Voilà, en deux mots, le système développé par Alexandre Weill dans vingt publications[51], qui ont eu sur l’esprit des juifs émancipés une plus grande influence qu’il ne veut lui-même le reconnaître, et qui ont été accueillies avec la plus grande faveur par la presse maçonnique. On voit avec quelle facilité chaque juif peut à l’imitation de Weill, tout en se disant juif et disciple de Moïse, éliminer des livres saints tout ce qui peut contrarier ses idées ou ses passions : c’est l’esprit de libre examen substitué à la foi, l’homme se mettant à la place de Dieu.

Je n’insisterai pas sur les blasphèmes impies contre le christianisme qui remplissent les livres de ce maçon-juif cynique ; les échantillons qui précèdent doivent suffire pour soulever le cœur. Disons seulement quelques mots du rôle qu’Alexandre Weill assigne aux juifs dans l’évolution morale et sociale de l’humanité, rôle qu’ils poursuivent sans doute dans les conseils secrets de leur maçonnerie particulière.

« Le juif est le porte-flambeau de la civilisation moderne, c’est-à-dire de la révolution universelle, qui n’est encore qu’à son aurore. »

Il va sans dire que, selon Weill, cette mission libératrice des juifs est attachée au système religieux qu’il est venu révéler au monde : « Le progrès, la civilisation et le bonheur du genre humain, le salut des juifs surtout, comme nation modèle mosaïste, en dépendent. Pour eux, il n’y a pas d’autre alternative. Ou disparaître dans la masse des peuples athées ou idolâtres (c’est-à-dire chrétiens), ou retourner à la religion fondamentale de Moïse, dégagée de toutes les erreurs d’Esra. La religion esraïque et talmudique, ainsi que la religion chrétienne et mahométane qui en sont sorties, seront enterrées quand Mosché Méchiah (Moïse le Messie) que j’ai exhumé de sa triple tombe esraïque, talmudique et évangélique, avec son verbe de raison pure et de vérité absolue, debout et rayonnant, marchera sur elles comme un géant divin sur des naines humaines. »

Rien de plus clair, la mission du juif mosaïste à la mode de Weill (c’est-à-dire : sataniste), est d’enterrer la religion du Christ au nom de Moïse, pour faire triompher sur ses ruines la religion de Robespierre, la religion de la Révolution, la religion de la liberté, de l’égalité, de la fraternité ; pour substituer la religion de la Justice à la religion de l’Amour, « qui ne reconnaît qu’un Dieu despote, capricieux, vicieux et crapuleux comme Jupiter ; qui ne produit que haine et chaînes ; dont les adeptes sont des tyrans bestiaux, au dessous des brutes, vivant dans des crapules, et comptant sur le pardon de leur Dieu et de leur vice-Dieu, encore plus criminel et plus stupidement odieux qu’eux. »

L’émancipation des juifs est, à ses yeux, le plus grand des malheurs pour eux, si elle aboutit à les assimiler aux chrétiens et les faire absorber, pour disparaître comme nation parmi les nations dominantes de l’Europe. Ils auraient mieux fait, s’il en est ainsi, de rester dans leurs ghettos. « En se confondant avec les peuples parmi lesquels ils demeurent, ils seront toujours écrasés entre deux erreurs faites hommes (le Talmud et l’Évangile) comme entre le choléra et la peste. »

La Révolution seule, après Mahomet et Luther, est revenue un instant à la vraie doctrine mosaïste, mais « pour l’abjurer aussitôt en retournant à ses vomissements », sous l’Empire, la Restauration et même sous Louis-Philippe : « à la suite de leurs émancipateurs, les juifs n’ont pas compris la portée de cette émancipation et n’ont fait que patauger, les uns dans les erreurs chrétiennes, les autres dans la boue athéistique ; d’autres sont retournés, comme les catholiques, à leurs vomissements orthodoxes. » Selon Weill, les juifs n’ont donc pas été à la hauteur de leur mission depuis leur émancipation ; il ne fait de restriction qu’en faveur de quelques femmes juives[52]. À l’entendre, leurs vertus négatives et positives ont toutes disparu en moins de cinquante ans; ils n’observent plus les lois de l’hygiène de la table et du lit ; la Bible hébraïque est lettre close pour eux ; ils se sont bâtis de somptueuses synagogues, mais pour ne pas les fréquenter ; ils vaquent à leurs affaires le jour du sabbat ; ils se sont rués avec rage sur tous les plaisirs mondains, pour rattraper le temps perdu ; en un mot, ils sont entrés, la tête haute, dans tous les vices des chrétiens : « Le juif émancipé a rayé tous ses devoirs et ne songe plus qu’à jouir goulûment de tous ses droits. Il a foulé aux pieds toutes ses anciennes vertus pour arriver premier dans la course à l’argent. »

Tout ce terrible réquisitoire, qu’on croirait plutôt sorti de la plume d’un Drumont que d’une plume juive, n’est échafaudé par Weill que pour amener les juifs à son fameux système, c’est-à-dire à un mélange incohérent de panthéisme spinoziste et de républicanisme égalitaire et universel, dont ils sont marqués de Dieu pour être les apôtres et les missionnaires. Son unique but est de leur imposer son Catéchisme universel selon les (prétendus) principes de Moïse, revus, comme on le sait, par Mahomet, Spinoza, Mendelssohn et Robespierre. Ce catéchisme serait plus proprement appelé Catéchisme d’après les principes de la Maçonnerie, Moïse lui-même n’étant d’après lui, qu’un affilié à la franc-maçonnerie égyptienne et au culte d’Osiris[53].

Or, ce catéchisme, que nous connaissons déjà en grande partie, à côté de l’unique dogme d’un Dieu-Un, sans Co-Dieu, une abstraction, la Loi, reléguée dans les profondeurs de sa Justice absolue et impitoyable, ne nous offre guère que des négations, les négations ordinaires de la libre-pensée moderne : négation du surnaturel ; négation du miracle ; négation de la sanction morale, autre que celle que le bien et le mal trouvent en eux-mêmes ; négation de la charité et du pardon ; négation absolue et haineuse de tout ce qui fait la base et l’essence du Christianisme. En un mot, nous ne voyons aucune différence entre le catéchisme que Weill propose aux juifs pour le répandre dans l’univers, et celui que les juifs, ses confrères en franc-maçonnerie, peuvent apprendre dans les loges où ils pontifient. Le révélateur du nouveau Mosaïsme prêche des convertis. En voici, pour finir, un exemple assez concluant :

Le 29 juin 1869, fut convoqué à Leipzig un grand synode israélite, sous la présidence du professeur Lazarus, de Berlin. Juifs orthodoxes et réformistes, après de longs débats, finirent par adopter à l’unanimité la proposition suivante :

« Le Synode reconnaît que le développement et la réalisation des principes modernes (principes de Bœrne, Heine, Weill et consorts), tels qu’ils sont appliqués par les gouvernements (quels qu’ils soient), sont les plus sûres garanties du présent et de l’avenir du Judaïsme et de ses membres. Ils sont les conditions les plus énergiquement vitales pour l’existence expansive et le plus haut développement du Judaïsme. »

Que dire, après cela ? qui pourrait soutenir que la vraie religion de Moïse vit encore chez les juifs ? N’avais-je pas raison d’écrire, au début de ce chapitre, que le Mosaïsme orthodoxe n’a plus aujourd’hui que quelques rabbins pour ministres et que l’israélite laïque a tout au plus une croyance vague en un dieu quelconque dont il n’y a guère lieu de se préoccuper, quand il n’est pas complètement athée, comme le F∴ Alfred Naquet, ou absolument sceptique, comme le F∴ Eugène Mayer, ou cabaliste luciférien, comme le F∴ Armand Lévy, pour citer trois maçons juifs français, bien connus ? Le juif de synagogue, tel que le F∴ Isaac-Adolphe Crémieux, ou le F∴ Camille Dreyfus, ou le F∴ Alexandre Weill, c’est-à-dire le juif qui va au temple habituellement ou par occasion, celui-là, lorsqu’il a un reste de foi en l’existence d’une divinité, considère Jéhovah comme un Être Suprême se désintéressant tout à fait des choses de ce monde ; il ne conçoit qu’une providence, c’est la Révolution, qui l’a tiré du ghetto et dont il poursuit avec acharnement l’application des principes. Sur un point, juifs de synagogue, juifs athées, juifs sceptiques, juifs cabalistes, ils sont tous d’accord : la guerre au Christ et à son Église. Ils sont donc tous, sans aucune exception, de bons et zélés francs-maçons.


Il me reste, enfin, à parler de la fédération secrète des loges juives, dont le fonctionnement et même l’existence sont généralement ignorés.

Malgré tous les égards que les francs-maçons anticléricaux ont eu de tout temps pour eux, les israélites ont éprouvé le besoin de se fédérer. Ces égards sont indiscutables. Dans le Rite de Royal-Arche, on a poussé la condescendance jusqu’à modifier certaines parties de l’initiation en faveur du récipiendaire juif.

Bien mieux, en Angleterre, lorsqu’un juif est admis dans ce rite, au premier degré, le Vénérable prononce une prière maçonnique spéciale, qui est rapportée par le F∴ Moïse Reghellini de Scio, et qui mérite d’être retenue ici :

« Seigneur, tu es excellent dans la vérité : il n’y a rien de grand en comparaison de toi ! À toi seul sont dus hommage et bénédiction pour toutes les œuvres sorties de tes mains depuis l’éternité !

« Guide-nous dans la vraie science de la Maçonnerie ! Nous t’en supplions : par les malheurs d’Adam ; par le sang d’Abel ; par la science de Seth, à laquelle tu applaudis[54] ; par le pacte de Noé, constructeur de l’arche, par l’œuvre duquel il t’a plu de sauver les rejetons de tes bien-aimés. Nous te conjurons enfin de ne point nous confondre avec ceux qui ignorent les statuts et les mystères de la cabale secrète !

« Mais exauce-nous, et fais en sorte que celui qui dirige cette Loge soit doué de sagesse pour nous instruire et nous expliquer les mystères les plus cachés, comme fit jadis Moïse, notre saint Frère, dans sa Loge, à Aaron, à Eléazar, à Sthamar, fils d’Aaron, et aux septante anciens d’Israël ; et fais que nous puissions apprendre, comprendre et garder purs et intacts, jusqu’à la fin de notre vie, les commandements du Très-Haut et nos saints mystères. »

L’assemblée répond en chœur :

« Amen, Seigneur ! amen[55]. »

On aura remarqué, dans cette prière, le passage où sont traités d’imparfaits initiés ceux qui ignorent les statuts et les mystères de la cabale secrète. Il est, en effet, hors de doute qu’un grand nombre de juifs maçons, et notamment les Américains, suivent les doctrines de Simon Ben-Jochaï et le système de la cabale avec les doctrines du Talmud. Je n’insiste pas.

Plus haut, on a vu qu’aux États-Unis, dès 1843, une confédération maçonnique israélite fut créée : les Fils de l’Alliance ou Bnaï-Bérith. Les loges fédérées étaient composées exclusivement de juifs. Cette organisation prospérait, se développait, mais n’avait pas la direction de la secte ; ce fut Albert Pike, nous le savons, qui, en s’unissant à Mazzini, en 1870, après la prise de Rome par Cadorna, créa la haute-maçonnerie directrice, pratiquant le Palladisme. Mais les deux grands chefs internationaux avaient à compter avec les Bnaï-Bérith ; ceux-ci avaient atteint le nombre de 18.000 dans l’Amérique du Nord. En Europe, il y avait bien aussi quelques loges juives ; celle de Hambourg, surtout, exerçait une réelle influence.

C’est alors que Pike, obligé de ménager les israélites, mais ne voulant pas leur fournir les moyens d’absorber le Palladisme, conçut le projet de faire reconnaitre les loges juives par la haute-maçonnerie, et, par conséquent, de tenir leur confédération sous une sorte de dépendance du Suprême Directoire Dogmatique de Charleston, tout en lui garantissant son autonomie et en lui facilitant même l’extension par un nouveau mode de fonctionnement.

On était en 1874. Parmi les juifs les plus élevés en grade et les plus importants dans la maçonnerie, se trouvait le F∴ Armand Lévy. Peu connu à cette époque, du moins du grand public, il était un de ces sectaires qui font peu de bruit autour de leur nom, qui ne se mêlent aux comités politiques que pour les diriger secrètement dans le sens des desseins des arrière-loges, et qui dédaignent même l’exercice officiel du pouvoir. Né en 1827, dans la Côte-d’Or, homme d’action avant tout, il s’était mêlé à toutes les insurrections dès sa jeunesse ; on l’avait vu, à vingt-un ans, sur les barricades de 1848, à Paris ; s’expatriant, il s’était joint aux perturbateurs de la Pologne, puis à ceux de l’Italie ; lors de la Commune, il avait joué un rôle effacé, mais nullement d’abstention, et il dut par prudence quitter de nouveau la France après la victoire de l’armée de l’ordre. Pendant ses séjours en Italie, il s’était lié avec tous les plus violents ennemis de la Papauté ; il a même écrit un gros volume d’attaques odieuses et d’une impiété extrême contre la cour de Rome. Mazzini, qui le prisait fort, en avait fait, peu avant sa mort, un des missionnaires du Souverain Directoire Exécutif, avec pleins pouvoirs pour tous les pays d’Europe. Plus tard, Lemmi, ayant succédé à Mazzini, le nomma Premier Grand Représentant du Souverain Directoire Exécutif pour la France ; ce qui ne l’empêchait pas de s’occuper des affaires de la maçonnerie ordinaire, car il était trente-troisième, et sans l’anneau. Mais toujours il agissait dans l’ombre, avec discrétion, frayant avec les libres-penseurs et les collectivistes, sans leur faire connaître ses attaches maçonniques ; pour citer un fait, peu de personnes savent que c’est à lui qu’est due l’érection de la statue d’Étienne Dolet, place Maubert, à Paris. Avec cela, cabaliste enragé, luciférien dans l’âme, il restait juif quand même, ne suivant pas les prescriptions de la religion mosaïste, mais dévoué aux intérêts de sa race. Quand le vieux Walder donna sa fille aux triangles parisiens, c’est à Armand Lévy qu’il confia le soin de veiller sur Sophia ; il est vrai qu’elle secoua bientôt cette tutelle, ne voulant être sous la dépendance de personne.

« Le F∴ Armand Lévy fut l’intermédiaire entre la juiverie maçonnique et le chef du Palladisme, ainsi qu’en témoigne l’acte de Concordat qui servit de base à la nouvelle organisation.

« Le Suprême Directoire Dogmatique de la Franc-Maçonnerie Universelle, est-il dit dans cet acte, reconnaitra les Loges Israélites, telles qu’elles existent déjà dans les principaux pays. Sera instituée une Confédération générale, dans laquelle se fondront les Ateliers américains, anglais et allemands du régime des Bnaï-Bérith. Le siège central de la Confédération sera établi à Hambourg, et le Corps souverain prendra le titre de Souverain Conseil Patriarcal

« Les Loges Israélites conserveront leur autonomie et ne se relèveront que du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg. Pour en faire partie, il ne sera pas nécessaire d’appartenir à l’un des rites maçonniques officiels. Le secret de l’existence de la Confédération devra être rigoureusement gardé par les membres de la Haute-Maçonnerie à qui le Suprême Directoire Dogmatique jugera utile de le faire connaître.

« Le Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, ni aucune des Loges de son obédience, ne figureront jamais sur les états annuels du Souverain Directoire Administratif ; mais le Souverain Conseil Patriarcal enverra directement au Suprême Directoire Dogmatique une contribution représentant le 10 pour 100 des cotisations personnelles des membres des Loges Israélites, soit le quart de la perception centralisée à Hambourg au profit de la propagande générale de la Confédération, sans que le Trésor de Charleston ait à établir jamais un impôt supplémentaire sur les droits d’initiation.

« Les rituels de la Confédération seront rédigés par une commission nommée au sein de la Loge Israélite n° 1 de New-York et soumis à l’examen du Souverain Conseil Patriarcal, élu par les délégations des Loges Israélites actuellement existantes. En cas de tempérament (sic) à introduire dans la rédaction, les modifications, additions ou suppressions seront discutées dans les chefs-lieux de correspondance. En outre, les rituels ne seront définitifs que lorsqu’ils auront reçu l’approbation du Suprême Directoire Dogmatique.

« L’initiation dans les Loges Israélites ne sera pas graduée ; le Maçon appartenant à d’autres rites ou le profane admis recevra la consécration pleine et entière en une seule et même tenue, après avoir satisfait aux épreuves. Toutefois, les affiliés aux Loges Israélites qui n’appartiendront pas aux rites maçonniques officiels, recevront du Patriarche-président de l’Atelier, en séances de comité, une instruction orale leur faisant connaître l’enseignement des trois grades symboliques ; mais les mots sacrés et de passe, ni les signes de reconnaissance propres à ces trois grades, ne pourront leur être communiqués.

« Aucun Frère Maçon des rites officiels, mais n’étant pas israélite, ne pourra exiger l’entrée d’une Loge Israélite, quel que soit son grade. Seuls, les Mages Élus, 3e degré masculin du Rite Suprême, appartenant au Parfait Triangle ou à l’un des Parfaits Triangles de la même ville désigné d’un commun accord, ou, à défaut de haut atelier palladique dans la ville, appartenant à l’un des Parfaits Triangles de la province également désigné d’un commun accord, auront accès de droit, comme visiteurs, dans la Loge Israélite ; le nombre de leurs visites ne sera pas limité. Auront droit d’entrée, comme visiteurs, mais deux fois seulement au cours d’une même année, les Inspecteurs Généraux du Palladium en mission permanente, pourvus du grade de Mage Élu, et les Inspectrices Générales, mais uniquement les Souveraines parmi les Maîtresses Templières, 2e degré féminin du Rite Suprême. Néanmoins, le président et la présidente du Lotus établi au chef-lieu de la province triangulaire auront toujours droit d’entrée dans toutes les Loges Israélites, sans exception, existant sur le territoire de leur province.

« Au Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, tout Mage Élu et toute Maitresse Templière Souveraine auront l’entrée comme visiteurs, non par droit, mais à titre de bon accueil, sur demande adressée au Souverain Patriarche, et ce quel que soit le Parfait Triangle auquel ils soient inscrits.

« Les Loges de la Confédération pourront initier et admettre des Sœurs Israélites, sans avoir à solliciter d’autre autorisation que celle du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg. »

Cet acte, qui a été fait en deux exemplaires, déposés l’un à Hambourg et l’autre à Charleston, porte la signature du F∴ Armand Lévy, sous la date du « 5e jour de la Lune Nisan, 24e jour du 1er  mois de l’an de la Vraie Lumière 000874, vallée du Tibre, orient de Rome », et la signature du F∴ Albert Pike, sous la date du « 1er  jour de la Lune Thischri, 12e jour du 7e mois de l’an de la Vraie Lumière 000874, au Suprême Orient de Charleston et sous l’œil du Tout-Puissant Divin Maitre. »

Dans l’acte, le F∴ Armand Lévy est déclaré « muni des pleins pouvoirs des Fils de l’Alliance des deux mondes, ses titres et son mandat reconnus et certifiés en bonne et due forme par le Souverain Directoire Exécutif ».

Tel est le compromis qui a été passé, il y a vingt ans, entre la juiverie maçonnique et le Palladisme.

Ainsi, le pouvoir suprême de Charleston à définitivement légitimé les loges juives ; bien plus, il leur a accordé des privilèges tout à fait exceptionnels, exorbitants.

La fédération est essentiellement clandestine. Le Palladisme est une maçonnerie supérieure fonctionnant dans toute la maçonnerie et la dirigeant en secret. La Confédération Israélite est une autre maçonnerie, contrôlée par le Palladisme seul et fonctionnant à côté de la maçonnerie ordinaire, en l’espionnant ; elle est aussi secrète que la seconde classe des Odd-Fellows.

On voit par là à quel point sont dupes les maçons imparfaits initiés.

Il est bien facile, maintenant, de se rendre compte de ce qui se passe. Les maçons-juifs, appartenant à diverses loges d’une même ville, se réunissent à part, sans distinction de rites de la maçonnerie ordinaire. Ils fondent une loge juive, relevant non pas du Suprême Conseil ni du Grand Orient de leur pays, mais bien du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une autre loge juive établie dans la ville désignée comme chef-lieu de la correspondance patriarcale de la région. Ils se concertent donc tout à loisir pour faire prévaloir leurs projets dans les loges symboliques, dans les chapitres et même dans les aréopages.

Ce n’est pas tout. À leur loge juive, ils reçoivent et initient d’autres juifs, qui n’ont, dès lors, nul besoin de faire un stage quelconque dans les loges officielles. L’initiation de la loge israélite, me dira-t-on, n’est pas la même que celle des rites officiels (Écossisme, Royal-Arche, Rite Français, Misraïmisme, etc.). Je le veux bien. Par le fait, ce n’est pas une initiation, dans le vrai sens du mot ; il n’y a là qu’un seul et unique degré ; c’est une association, ayant adopté un cérémonial particulier. Soit encore. Mais le profane juif n’en est pas moins mis au courant, en dehors des ateliers réguliers, de l’enseignement maçonnique. À part les mots sacrés et de passe et les signes de reconnaissance, il est en réalité aussi avancé en maçonnerie qu’un frère régulier pourvu du grade de Maitre, 3e degré. Même je me demande pourquoi je me sers de ce mot « régulier » pour marquer la distinction ; les ateliers juifs et leurs membres sont en état parfait de régularité, puisqu’ils sont reconnus et inspectés par l’autorité suprême et qu’ils lui paient leur tribut.

Qu’importent donc aux juifs que les plus notoires d’entre eux ou bien leurs rabbins aillent dans les loges de la maçonnerie officielle ? Aucune nécessité ne l’exige, grâce au fonctionnement de la Confédération dont le centre est à Hambourg.

M. Léo Taxil dit : « On rencontre de nombreux pasteurs protestants dans les loges ; on n’y rencontre pas un seul rabbin ; donc, les juifs sont nuls ou à peu près nuls comme prépondérance à exercer au sein de la franc-maçonnerie. » C’est là un des gros arguments de l’auteur des Frères Trois-Points.

Pas un seul rabbin ?… M. Taxil est peut-être un peu trop exclusif. Les rabbins sont extrêmement rares chez les maçons-gogos, je le reconnais volontiers. On en rencontre pourtant, par-ci par-là. Voici un exemple caractéristique : dans la brochure des Statuts de l’Ordre des Chevaliers défenseurs de la Franc-Maçonnerie universelle, donnant la liste des membres de cette chevalerie maçonnique, imprimée en 1867 par Jouaust, rue Saint-Honoré, 388, on lit, à la page 6, comme promu au grade de commandeur : « le F∴ Sylva, ministre officiant du culte israélite ». Mais, je le répète, les rabbins n’ont aucun besoin de se faire initier par les ateliers de l’obédience d’un Grand Orient ou d’un Suprême Conseil connu, puisqu’ils trouvent l’essentiel de l’initiation dans les loges secrètes israélites ; cela permet à la juiverie de cacher son jeu à l’immense majorité des frères ; elle n’éveille ainsi aucune défiance et bénéficie de tous les avantages de la secte. Les rabbins savent tout ce qui se complote dans les loges ordinaires contre la religion chrétienne ; indirectement même, ils peuvent coopérer à ces complots, par ceux de leurs coaffiliés qui ont un pied dans chacune des deux maçonneries : en revanche, les maçons non-juifs, sauf la seule exception des chefs palladistes, ignorent d’une façon absolue les travaux ou, pour mieux dire, les manœuvres des loges israélites.

Je vais donner de ceci une preuve indéniable, tout de suite. Cette preuve, je la puise dans un document authentique de premier ordre, qu’un de mes amis, haut-maçon, a bien voulu me communiquer et qu’il se propose de publier prochainement in-extenso.

Oui, si les prières, que j’ai demandées à mes lecteurs, ne nous ont point encore obtenu la conversion de cette pauvre et chère Diana Vaughan, elles nous ont valu déjà celle d’un de ses amis, d’un de ses compagnons de lutte contre Lemmi, et j’ai grande joie à en donner la première nouvelle à l’intrus du palais Borghèse. Un membre actif de l’un des Suprêmes Conseils d’Europe, un des chefs pourvus des plus hauts grades, — dont je n’ai pas à publier le nom pour l’instant, mais dont j’affirme le complet retour à Dieu, — vient de faire le grand pas décisif. Comme miss Vaughan, il s’est retiré de la franc-maçonnerie ; mais il est allé plus loin que l’ex-grande-maitresse de New-York. Il a ouvert les yeux à la lumière de Dieu, de notre Dieu, du seul vrai Dieu. Son abjuration prononcée à Rome, où il s’est rendu, il vient de faire une pieuse retraite dans un monastère, sous la direction d’un saint évêque. Maintenant, réglant ses affaires et se rendant en une ville où il sera, espérons-le, en sûreté, il se prépare à porter, à son tour, son coup de pic démolisseur contre les murailles du temple du Grand Architecte Satan.

J’ai vu quelques-uns des documents qu’il se propose de mettre au jour, et je crois pouvoir dire qu’ils feront sensation. On écumera de colère et l’on grincera des dents dans tous les Directoires, Grands Orients, Suprêmes Conseils, Grands Campements et Grandes Loges. Ainsi, les concours les plus inattendus arrivent à notre œuvre ; ainsi, la lumière se fera de plus en plus éclatante, par la volonté et selon les mystérieux desseins de la Providence.

L’un des documents que ce haut maçon converti va publier est l’état général et complet de la franc-maçonnerie suisse, c’est-à-dire l’état de la Province Triangulaire de Zurich, arrêté au 24 juin 1893, tel qu’il a été déposé le 19 septembre, veille du Convent Souverain de Rome, aux archives du Souverain Directoire Exécutif ; c’est une des pièces même que Lemmi avait sous clef, document dont l’authenticité est en toutes règles.

Cette pièce enregistre, canton par canton, la situation des ateliers-souches pratiquant le Rite Écossais Ancien Accepté ou le Régime Écossais Rectifié, la situation des triangles palladiques (au nombre de 14), celle des loges odd-fellows (au nombre de 7), et celle des loges israélites (au nombre de 6).

La Suisse, au point de vue de la haute-maçonnerie, est considérée comme suit :

Chef-lieu de province : Zurich.

Siège de Suprême Conseil : Lausanne (Rite Écossais Ancien Accepté).

Siège de Directoire : Genève (Régime Écossais Rectifié).

Siège de Grande-Loge : Berne (Grande Loge Alpina).

Chefs-lieux de Correspondance Patriarcale : Aarau (correspondance de Hambourg), et Wintnerthur (correspondance de Hamilton).

En d’autres termes, tandis que les ateliers pratiquant les trois grades symboliques relèvent de la Grande Loge Alpina, et que ceux pratiquant des grades supérieurs au 3 degré, mais dans la maçonnerie ordinaire, relèvent soit du Suprême Conseil de Lausanne, soit du Directoire de Genève, les loges secrètes juives relevant de Hambourg ont à leur tête la loge n° 325 de Aarau, en Argovie, et les loges odd-fellows relevant de Hamilton ont à leur tête celles de Winterthur (les Chevaliers de Kyburg), tandis que la haute-maçonnerie suisse, triangles du Rite Suprême, est régie par le parfait triangle de Zurich, dit le Lotus Saint-Ulric.

Les tableaux, canton par canton et atelier par atelier, donnent un état comparatif entre la situation au 31 décembre 1889 et celle au 24 juin 1893. Des observations, des plus curieuses, figurent à propos de chaque atelier.

Je me borne à en relever quelques-unes, ne voulant pas déflorer les révélations du haut-maçon qui m’a fait cette communication intéressante.

Ainsi, il y a un triangle à Bienne, dans le canton de Berne. Je lis : « Bienne. Triangle palladique Nugerol-la-Vertu : 16 frères, au 31 décembre 89 ; 18, au 24 juin 93. Les sœurs sont au nombre de 5, dont 2 Maîtresses Templières. Peu d’avenir. »

Parmi les loges écossaises, je relève :

« Zurich. Loge écossaise Modestia cum Libertate : 160 frères, au 31 décembre 89 ; 192, au 24 juin 93. La loge-annexe comporte : 138 frères, 84 sœurs. L’atelier est revenu à sa haute prospérité de 1880. »

« Fribourg. Loge écossaise la Régénérée : 6 frères, au 31 décembre 1889 ; 31 au 24 juin 1893. La loge-annexe est en sommeil. Les tenues de l’atelier sont de plus en plus irrégulières. En isolement : 2 sœurs. »

Il y a aussi un tableau général synoptique, très bien dressé, où l’on voit d’un seul coup d’œil la situation par cantons, pour chaque rite, avec distinction des frères et des sœurs, et montrant sur chaque point les progrès de l’initiation.

Aux remarques générales, on trouve ces observations :

« Il y a lieu d’accorder, par l’intermédiaire du Suprême Conseil, ce qui a été demandé pour l’aréopage la Concorde et le chapitre la Prudence, de Genève, et pour l’aréopage les Amis de la Lumière et le chapitre l’Amitié, de Lausanne. — Il y a lieu d’encourager indirectement la Loge de Maîtres Ecossais de Saint-André (4e degré du Régime Écossais Rectifié), souchée sur les loges les Amis Fidèles et l’Union des Cœurs, de Genève. — Il y a lieu de modérer le zèle de la loge odd-fellow le Mont-Terrible, de Porrentruy.»

Mais j’en arrive à la démonstration que je veux faire au moyen de ce document.

Des constatations officielles de la haute-maçonnerie, il résulte que, dans le canton d’Argovie, il ne se trouve d’ateliers qu’en la ville d’Aarau ; mais les juifs y dominent fortement comme élément sectaire. Là, sont trois loges et un triangle.

Le triangle Les Paillettes d’Or comptait, au 24 juin 1898 (j’omets les chiffres du 31 décembre 1889) : 54 frères, et 23 sœurs, dont 7 Maîtresses Templières.

La loge écossaise Brudertreue comptait 155 frères, dont 51, organisés en loge annexe d’Adoption, s’étaient adjoint 30 sœurs.

Nous trouvons en outré deux loges israélites, la loge n° 325 et la loge n° 383. — Il est bon de dire, en passant, que les loges secrètes juives ne portent pas de titre distinctif, mais ont simplement un numéro matricule. — La loge n° 35, sous l’obédience directe de Hambourg, comptait 71 frères ; et la loge n° 383, sous l’obédience de la précédente, comptait 113 frères. Dans la colonne des observations, on lit, pour ces deux loges juives, cette mention: « Mages du Lotus Saint-Ulric seuls visiteurs. »

Étudions rapidement ces chiffres.

D’où sont tirés les membres du triangle palladique ?

En ce qui concerne les sœurs, cela est facile à voir. Sur 30 sœurs de la loge androgyne annexée à l’atelier écossais Brudertreue, il y en a 28 qui sont en outre initiées aux mystères du Palladium, soit 16 Élues et 7 Maîtresses Templières.

Mais les frères ?… Sont-ils pris, tous, dans la loge d’Adoption ? Cela ne paraît pas probable. D’ailleurs, ils ne sont que 51, les frères de la loge Brudertreue à qui l’atelier-annexe a été révélé, tandis que le triangle comporte 54 frères. Il est donc évident qu’un certain nombre de palladistes sont pris dans les deux loges juives.

D’autre part, les maçons appartenant à la Confédération israélite forment un total de 184 dans la ville d’Aarau. 10 ou 15 tout au plus d’entre eux se trouvent aussi affiliés à la loge écossaise ; c’est la proportion, il y a au maximum 10 p. 100 de juifs dans une loge ordinaire.

Et voilà 170 individus qui ne supportent aucune des charges de la loge officielle de la ville, et qui pourtant, par une poignée de maçons de leur race, n’ignorent rien des travaux des maçons dits réguliers. Même en se plaçant au point de vue maçonnique, on voit combien il est peu avantageux d’être franc-maçon : on a vraiment par trop de chances d’être le jouet d’une coterie.

Voyez cette loge Brudertreue. Elle est en pleine prospérité ; son total de membres actifs flotte entre 126 et 135 frères, sans parler des 30 sœurs de l’annexe androgyne. Eh bien, sur 135, il y en a au moins 84 qui sont de simples pantins, dont les ficelles sont manœuvrées dans la coulisse par quelques rusés compères. Sur 84, il n’y a aucune erreur possible ; mais leur nombre doit être plus grand encore et atteindre la centaine, si l’on tient compte de 15 juifs à déduire des 135. Ainsi, 100 frères d’une loge écossaise sont bernés par un triangle et par deux loges secrètes israélites. Le fait de l’existence de deux ateliers israélites provient sans doute de ce que les juifs doivent être, dans le canton d’Argovie, plus nombreux qu’ailleurs.

À Genève, c’est bien une autre affaire. Là, les loges officielles sont au nombre de 8, dont une relevant du Grand Orient de France. Ensemble, leurs membres actifs forment un total de 878 frères, sans parler des sœurs des ateliers annexes. Laissons de côté une loge odd-fellow (les Rénovés Optimates). Or, il y a, à Genève, 2 triangles et 1 loge israélite. Savez-vous de combien de membres se compose la loge secrète juive ? De 23 seulement, placés sous l’obédience directe du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg et n’étant inspectés que par les Mages Élus du triangle Gladio-Dei. Voilà donc 23 maçons juifs, qui, s’appuyant sur 194 palladistes, font la loi à 661 frères-gogos ; et ceux-ci sont à mille lieues de soupçonner leur rôle de pantins.

Prenons enfin les chiffres généraux, d’après le tableau synoptique donnant l’état complet de la maçonnerie suisse au 24 juin 1893.

Les 32 ateliers-souches relevant de la Grande Loge Alpina avaient, au 31 décembre 1889, un total de 2.497 frères, auxquels il convient d’ajouter 123 frères membres de la loge la Fraternité, de Genève, placés sous l’obédience du Grand Orient de France. Total : 2.620 maçons des loges officielles sur le territoire helvétique. En 4 ans, la maçonnerie a progressé dans ce pays, puisque nous trouvons, à l’arrêté de situation au 24 juin 1893, un total général de 2.927 frères, en laissant de côté les Odd-Fellows qui font bande à part (ils sont 808, en Suisse).

Ne nous occupons pas, si vous le voulez bien, des ateliers des hauts-grades de l’Écossisme, qui, sous la direction du Suprême Conseil de Lausanne et du Directoire du rite écossais rectifié, se superposent, dans la maçonnerie ordinaire, aux simples loges des membres symboliques. Leur effectif ferait, du reste, double emploi, si nous l’ajoutions à celui des ateliers-souches.

Donc, le total exact des frères des loges officielles est bien 2.927. — Il y a, en outre, 644 sœurs maçonnes en Suisse ; cela dit pour mémoire.

Du côté des frères, le Rite Suprême est représenté par 85 Kadosch du Palladium, non électeurs pour le Convent Souverain, et 677 Hiérarques et Mages Élus, lesquels forment, avec les Maîtresses Templières, le corps électoral. Les frères palladistes sont, par conséquent, en tout 762. Quant aux sœurs maçonnes, sur les 641 appartenant aux diverses loges androgynes annexées aux ateliers-souches, 358 ont déjà été attirées au Palladisme. On voit par là combien les progrès du luciférianisme sont effrayants au sein de la maçonnerie et combien nous avons raison de dénoncer ce fléau. Ces 358 maçonnes palladistes se subdivisent en 188 Élues du Palladium (1er  degré féminin) et 170 Maîtresses Templières (2e degré féminin) ; parmi ces dernières, 11 sont Souveraines, c’est-à-dire ont eu ce que les palladistes appellent « la révélation d’Astarté ». En d’autres termes, en Suisse, sur 644 sœurs maçonnes, 358 sont en outre palladistes, et sur 35 sœurs des triangles, 11 sont démoniaques.

Les démoniaques Maîtresses Templières Souveraines se trouvent :

4 à Zurich (loyer du satanisme en Suisse), au triangle le Lotus Saint-Ulric ;

3 à Genève, au triangle Gladio-Dei ;

2 à Lugano, au triangle la Profondità di Dio ;

1 à Berne, au triangle Archétélès ;

1 à Lausanne, au triangle le Lion de la Louve ;

Les triangles qui n’ont aucune Maitresse Templière Souveraine dans leur sein, sont les suivants : les Paillettes d’Or, à Aarau : Saint-Procope, à Bâle ; Nugerol-la-Vertu, à Bienne ; les Mages de la Suze, à Saint-Imier ; la Lampe Éternelle, à Genève ; la Suante-Maison-Dieu, à Coire ; Saint-Guillaume, à Neuchâtel ; les Bonnes Fées, à Fleurier ; et Eureka, à Vevey.

Le luciférianisme est donc on ne peut mieux organisé en Suisse. Mille fois aveugles ceux qui ne voient pas le danger, et qui nient le diable, alors qu’il opère à côté d’eux !

Or, tandis que 677 palladistes (Hiérarques et Mages Élus) constituent le noyau directif et diabolisant de 2.927 frères des loges officielles et de 644 sœurs des loges androgynes, il y a les maçons juifs qui exploitent à leur manière la naïveté des frères-gogos des ateliers-souches, et ces rusés compères, tendant sans cesse à assurer la prépondérance de leur race, sont en tout 279.

Loges secrètes juives en Suisse : — Loge n° 325, avec 71 membres, à Aarau ; loge n° 353, avec 113 membres, à Aarau ; loge n° 309, avec 27 membres, à Berne ; loge n° 382, avec 23 membres, à Genève ; loge n° 456, avec 21 membres, à Neuchâtel ; et loge n° 411, avec 24 membres, à Lausanne.

Je pense que voilà définitivement faite, et en prenant pour exemple un petit pays, la démonstration du rôle joué par les loges secrètes juives au sein de la franc-maçonnerie universelle et à côté des loges officielles, qui ne soupçonnent pas l’existence de cette formidable Confédération. Rien ne vaut une preuve mathématique ; aussi ai-je tenu à citer les chiffres, malgré leur aridité.

Qu’on réfléchisse maintenant aux conséquences du pacte signé en 1874 entre le F∴ Albert Pike, souverain pontife du Palladisme, et le F∴ Armand Lévy, mandataire général de tous les Bnaï-Bérith des deux mondes ; et l’on verra combien colossale est la puissance maçonnique des juifs, on comprendra ce que peut tenter et accomplir, dans le combat des sectes contre l’Église, ce mystérieux Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg.

On a vu que, pour s’organiser définitivement comme il vient d’être dit, les maçons juifs abandonnent au Suprême Directoire Dogmatique le 10 p. 100 de leurs cotisations personnelles ; c’est le prix de la reconnaissance officielle par la haute-maçonnerie, c’est le paiement du secret que les chefs occultes doivent garder sur le fonctionnement de la Confédération.

Il y a, à cette heure, sur le globe, environ 500.000 maçons juifs fédérés clandestinement et à côté des loges officielles ; la huitième partie à peine a un pied dans chacune des deux maçonneries.

La cotisation personnelle dans les loges secrètes juives est de 36 fr. par an. Là-dessus, 21 fr. 60 appartiennent au trésor de la loge, alimentée en outre par les dons, les collectes et les taxes d’initiation. Le Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg perçoit annuellement 14 fr. 40 par chaque membre actif de toutes les loges juives. Or, comme d’autre part le Souverain Conseil Patriarcal transmet au Suprême Directoire Dogmatique le 10 p. 100 des cotisations personnelles (3 fr. 60), il en résulte que le trésor central de la haute-maçonnerie encaisse chaque année, en chiffres ronds, un million huit cent mille francs, par la seule fédération israélite. Quant au Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, il a, chaque année, en chiffres ronds, cinq millions quatre cent mille francs, pour la propagande générale de la juiverie maçonnique.


Veut-on savoir enfin quel est l’esprit qui domine dans les réunions de ces loges secrètes fédérées ? Rien ne le dépeindra mieux que la divulgation des formalités qui accompagnent l’entrée d’un visiteur au temple de Melchisédech, local où siège l’autorité suprême de la Confédération.

Il est bon de dire tout d’abord que les israélites ont peu de tendances à adjoindre des annexes androgynes à leurs ateliers particuliers. Leur but est surtout de comploter contre la religion chrétienne et de se concerter en vue de faire prévaloir leur influence. Pour les distractions maçonniques dénommées « amusements mystérieux », ils ont les annexes des loges ordinaires. Cependant, il y a quelques sœurs israélites affiliées à la fédération, et principalement à Hambourg.

Le local secret, où le Souverain Conseil Patriarcal tient ses séances, est situé rue Valentinskamp. Il est donc absolument distinct du local de la Grande Loge de Hambourg, lequel est établi à Welckerstrasse.

La salle est rectangulaire, comme celle de tous les temples maçonniques ; les murs sont couverts de riches draperies de velours mi-rouge mi-or alternés. Le trône du Souverain Patriarche est d’une richesse inouïe. Il n’y a aucun autel. On lit la correspondance, on discute, on délibère ; sans doute on n’omet pas de se livrer à des évocations, mais c’est en séances supplémentaires.

Nous savons déjà qu’en fait de maçons palladistes non-juifs, il n’y a que les Mages Élus et les Maîtresses Templières Souveraines qui peuvent pénétrer, comme visiteurs, dans le temple de Melchisédech. Les Hiérarques eux-mêmes ne sont pas admis, ni les Maîtresses Templières qui n’ont pas eu la révélation d’Astarté. Le visiteur adresse sa demande d’entrée au Souverain Patriarche : il n’y est jamais répondu par un refus ; mais la fédération, jalouse de ses prérogatives, exige cette démarche, stipulée dans le pacte de concordat. Au surplus, les chefs palladistes s’y soumettent très volontiers ; l’important pour eux est d’entrer et d’assister à la séance. Ils font aux directeurs de la fédération la concession de ces formalités, d’autant plus que le cérémonial avec lequel on les accueille est absolument conforme à leurs principes et à leur haine violente contre le Christ.

En séance du Souverain Conseil Patriarcal, les maçons juifs portent une grande tunique blanche, serrée à la taille par une large ceinture rouge, dont les bouts frangés d’or retombent le long de la cuisse gauche. Aucun cordon maçonnique ; mais une chaîne d’argent à anneaux triangulaires, passée au cou, retombe sur la poitrine ; une plaque en or, représentant par sa forme les tables de la loi, haute de 7 centimètres, est suspendue à la chaîne. En outre, en guise de couronne, chacun a un ruban vert, large de 4 centimètres, comme un bandeau de sacrificateur de l’antiquité ; ce ruban est noué derrière la tête, les bouts en retombent sur la nuque. Chaque frère est armé d’une épée.

Les sœurs israélites sont en robe ordinaire de ville, toilette de nuance sombre, à la mode du jour, mais arrangée de façon à se retrousser du côté gauche pour montrer la jarretière de l’Ordre. Sur la robe, chaque sœur porte une sorte de dalmatique, à fond blanc, galonnée d’or, dont chaque bande, large de 22 centimètres, est ornée de broderies : les broderies de la bande qui pend sur le devant représentent un pommier autour duquel, comme une spirale ne touchant pas le tronc de l’arbre, est un énorme serpent, la queue posée à terre, la gueule ouverte cueillant une pomme ; sur la bande qui pend derrière, la broderie placée au milieu, représente un calice, surmonté d’une hostie transpercée par un long poignard. Cette dalmatique est en soie blanche moirée ; la doublure est en soie noire, moirée. Chaque sœur est en cheveux et tient à la main une palme.

Quant au Souverain Patriarche, il est revêtu d’une tunique à petits carreaux, avec manches, presque collée sur le corps, tombant jusqu’aux pieds, et d’une deuxième tunique, plus large et sans manches, de couleur violette, tombant un peu au-dessous du genou, garnie au bas d’une bordure en large galon d’argent où pendent des petites clochettes d’or. Par-dessus, il a encore un vêtement plus court, tissu de lin entremêlé de fils d’or et de fils rouges ; une ceinture serre la taille ; sur les épaules, deux fortes agrafes, où sont des pierres précieuses. À l’instar du grand-prêtre des temps anciens, sa poitrine est ornée du hoschen ou pectoral, attaché par une chaîne d’or ; mais, au lieu d’y voir douze pierres représentant les douze tribus, des diamants y dessinent l’étoile flamboyante. Sa coiffure est une espèce d’énorme turban, avec une plaque d’or sur le devant, où sont gravés des signes cabalistiques.

Le visiteur, lui, n’a pas de costume spécial à revêtir. Mage Élu, il se borne à ceindre le tablier palladique, que mes lecteurs connaissent bien, et à passer en écharpe, sur son habit, le cordon de son grade, en soie blanche moirée, ayant au milieu, brodé en or, un triangle flamboyant à pointe en bas, avec le nombre 77 au centre.

Voici donc quelle est la cérémonie d’introduction de ce visiteur :

Après le tuilage habituel de la haute-maçonnerie, le garde extérieur du Souverain Conseil Patriarcal dit au Mage Élu :

Grazzin ?

Le visiteur répond :

Garizin.

La porte est ouverte ; le visiteur entre, salue l’assemblée en élevant trois fois la main gauche en l’air ; on dirait, à chaque geste, un gaucher qui va prêter serment ; puis, il fait deux pas en avant, et, après le second, tourne lentement sur lui-même, les bras étendus bien horizontalement.

Quand il est revenu à sa première position, regardant l’orient, il s’écrie de toutes ses forces :

Javan-Abaddon !

Tous les assistants alors l’acclament, en poussant en chœur ce cri :

Beamacheh-Bamearah !

Puis, le silence s’étant établi, le Souverain Patriarche prononce d’une voix grave et solennelle :

Adonaï-Begon-Galchol.

L’interprétation, qu’il est facile de trouver, et qu’au surplus on ne cache pas aux palladistes, est des plus significatives.

Grazzin est la transcription irrégulière de Garizim ; il y a là une sorte de jeu de mots, autour d’un pluriel chaldéen. Grazzin, qui se trouve dans le Gennaïth-Menngog, dissimule le mot hébreu Garizim, colline du haut de laquelle fut béni le peuple juif. Gorez, pluriel chaldéen GRaZiN, signifie encore : qui coupe, qui tranche, et aussi : qui tue avec la hache.

Javan-Abaddon, dit le Mage Élu ; c’est-à-dire : Javan, l’Ionie, la Grèce, le génie hellenico-romain, le génie du paganisme. Qui donc est l’esprit qui inspira le paganisme, si ce n’est Satan ? Abaddon, exterminateur. Le visiteur proclame donc l’extermination, dès son entrée.

Et l’assistance, joyeuse, lui réplique par cette clameur : Beamacheh-Bamearakh, à faire périr dans le plus bref délai.

À faire périr dans le plus bref délai, qui ?

C’est le président de l’assemblée qui va nous l’apprendre.

Adonaï ; n’oublions pas que tel est le nom sous lequel les maçons vrais initiés désignent le Dieu des chrétiens. Adonaï, qui signifie le Seigneur. Ils l’interprètent par : le Seigneur (du ciel opposé au ciel de Lucifer), le Seigneur des ténèbres, le Seigneur exécrable, abominable. Et ne croyez pas que c’est là une interprétation de fantaisie. Pour qu’il n’y ait aucune erreur, on a ajouté : Begon-Gal-Chol, en exécration à tous.

Donc : le Génie (notre génie, notre dieu) sera l’exterminateur. Et qui est à faire périr dans le plus bref délai ? Adonaï, en exécration à tous.

Après le blasphème contre Dieu, voici à présent l’acte sacrilège contre le Christ, sacrilège qui marquera l’entrée du visiteur, sacrilège qui le rendra définitivement digne de l’assemblée.

Le Mage Élu est encore à l’occident. Un énorme crucifix est posé par terre, à quelque distance, devant lui.

Les frères juifs qui sont présents forment la voûte d’acier ; les sœurs juives restent à leurs places, palmes en main.

Le visiteur s’avance alors, sous les glaives croisés, à travers cette haie vivante ; il marche sur le crucifix, il le foule aux pieds. Il a bien mérité maintenant de la haute juiverie assemblée au temple de Melchisédech.


Les Juifs dans la franc-maçonnerie. — Au Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, suprême mère-loge israélite du globe, tout visiteur non juif doit marcher sur un énorme crucifix, après avoir reçu les honneurs de la voûte d’acier ; les Mages Élus sont seuls admis comme visiteurs.

Quand il est arrivé ainsi à l’autre bout de la voûte, une sœur s’approche, de lui, lui donne le baiser en cinq points, et lui dit :

Lo-Hammi.

Ce qui signifie : pas mon compagnon.

Le Mage Élu rend le baiser de même à la sœur juive, et lui dit :

Lo-Ruhama.

Ce qui signifie : pas mon amante.

La-sœur conduit alors le visiteur, par la main, à la place que le Souverain Patriarche désigne du geste. Celui-ci frappe sept coups.

On s’écrie, en chœur :

Goth-mer ! Selah ! him! him !

Et tout le monde s’assied.

Traduction : God, ou Baal, Bel. Nous savons qui est Bel : le lieutenant de Lucifer, Baal-Zeboub, Belzébuth. Pour le reste : hâte-toi, finis-en ! Et conclusion par le hourrah infernal du livre Apadno : Him ! him ! cri de joie des satellites de Satan.

Qui pourrait soutenir, après une pareille scène, que la juiverie maçonnique n’est pas animée de la plus infernale haine dans le combat contre l’Église ?

    l’Assemblée les cahiers de leurs doléances. Les députés d’Alsace étaient : D. Sinizheim et S. Seligman Wittersheim ; les députés de Lorraine : Mayer-Marx et Berr-Isaac-Beer ; les députés de Metzet des Trois-Évêchés : Goudchaux, Mayer Kahn et Louis Wolf. Arrivés à Versailles, leur centre de réunion était tout trouvé, au logis du curé Grégoire, député de la Lorraine, leur protecteur dévoué, à qui, du reste, le garde des sceaux avait renvoyé les cahiers des juifs, pour en faire usage à l’Assemblée nationale. Dès le 3 août, l’abbé Grégoire essayait d’élever In voix en faveur de ses protégés, et s’écriait : « Ministre d’une religion qui regarde tous les hommes comme frères, je réclame en cette circonstance (le pillage des Juifs en Alsace), l’intervention du pouvoir de l’Assemblée en faveur de ce peuple proscrit et malheureux. » Sa parole ne trouva pas d’écho. Vers la fin d’août, il veut revenir à la charge, et rédige en leur faveur une motion que l’Assemblée ne veut pas entendre, et qu’il est réduit à adresser au public.
    Une première adresse fut présentée à l’Assemblée nationale par les juifs de Paris, le 26 août 1789, fondant leur réclamation des droits de citoyens sur les droits de l’homme, et sur leur propre conduite, qu’ils disaient irréprochable. L’Assemblée n’eut pas l’air de s’en soucier et laissa les députés juifs se morfondre à sa porte, sans la leur ouvrir.

  1. Malgré l’ostracisme dont ils étaient l’objet, quelques juifs étaient parvenus à se glisser dans les loges au dix-huitième siècle. L’abbé Larudan, l’auteur de l’ouvrage anonyme : les Francs-Maçons écrasés (1747), affirme en avoir vu recevoir trois dans une loge de Londres. On leur fit prêter serment sur l’Évangile de saint Jean, en signe probablement de leur abjuration du judaïsme. — Vers 1750, les loges de Bordeaux décidèrent de ne pas recevoir les juifs, même maçons réguliers, ni comme visiteurs, ni à aucun autre titre.
  2. A. Franck : La philosophie mystique à la fin du XVIIIe siècle. 1866.
  3. L’abbé Joseph Lémann : L’entrée des Israélites dans la Société Française, page 347.
  4. Saint-Martin, le Philosophe inconnu, 1862.
  5. Dans un rituel maçonnique datant de l’époque où florissait l’Illuminisme, on trouve un grade, celui de Chevalier d’Orient, dont le mot de passe était lux ex tenebris, et le rituel en donnait l’explication suivante :
    « D. Que signifie le mot lux ex tenebris ?
    « R. Que c’est du fond des ténèbres que nous retirons toute perfection et la vraie lumière. » (Deschamps : les Sociétés secrètes. I, p. 93.)
  6. Les historiens maçonniques racontent que les intrigues des partisans des Stuarts d’Angleterre en France contribuèrent puissamment à l’établissement des hauts grades dans la franc-maçonnerie, et que le prétendant Charles-Édouard trouvait une source de revenus dans la vente des constitutions des chapitres des hauts grades. Il est probable que le père de notre Martinez avait payé d’une somme assez ronde le privilège dont tout à l’heure nous le verrons investi.
  7. Aucun biographe de Pasqualis, même des plus récents, n’a tenu compte de ces documents essentiels, excepté le P. Deschamps dans son remarquable ouvrage : les Sociétés secrètes.
  8. La Chaîne d’Union, journal de la franc-maçonnerie universelle, année 1880.
  9. Les autres disciples connus de Martinez en France sont, outre ceux déjà nommés : la marquise de la Croix, amie intime de Saint-Martin, en communication habituelle et familière avec les esprits ; le comte d’Hauterive, qui se livra à Lyon (1774-1776) avec Saint-Martin à une série d’expériences théurgiques où mesmériennes, dont il reste des procès-verbaux tellement laconiques qu’il est difficile d’en préciser le véritable objet : et le fameux Cazotte, qui passa pour prophète. On sait que le pauvre Cazotte mourut sur l’échafaud révolutionnaire. Celui qui prononça son arrêt de mort et qui était franc-maçon comme lui, eut l’ironie de l’exhorter à mourir courageusement, en lui rappelant qu’il était de la secte des Illuminés.
  10. L’enseignement de Martinez sur ce point ne pouvait être que celui de la cabale, que l’Univers est le résultat d’un commerce éternel entre le Saint Roi et la Matrone, enseignement qui a passé dans les symboles de la Franc-maçonnerie, l’Équerre sur le Compas, la lettre Tau, la Rose sur la Croix, etc., signés des couples divins et infinis.
  11. L’année suivante, janvier 1788, on lisait dans le Museum allemand : « Il va se faire sur notre globe une révolution politique très remarquable, et il n’y aura plus d’autre religion que celle des patriarches, celle qui a été révélée à Cagliostro par le Seigneur dont le corps est ceint d’un triangle. »
  12. Le F∴ Lalande était déjà Vénérable de la loge des Neuf Sœurs, quand Voltaire y fut affilié le 7 avril 1718.
  13. Les innovations dogmatiques de Mendelssohn avaient été déjà mises en vogue dans le judaïsme par l’enseignement de Maïmonide, dont le Guide des Egarés scandalisa les juifs orthodoxes, au point qu’un rabbin, Rabbi Echalem, de Montpellier, le fit brûler publiquement.
  14. On pourra les voir détaillées dans le livre de l’abbé Joseph Lémann : l’Entrée des Israélites dans la Société française.
  15. Au mois de mai 1189, les juifs d’Alsace, de Lorraine et des Trois-Évêchés avaient été autorisés à nommer chacun deux députés dans leurs provinces respectives, et à soumettre à
  16. Cette même séance vit la réhabilitation du bourreau. Les israélites en furent profondément blessés. Le Courrier de Paris disait à ce sujet, le 2 février 1790 : « Dans un moment où les droits de l’homme sont reconnus, dans un moment où le plus vil des êtres (le bourreau) a eu l’audace de faire entendre sa voix sinistre devant les tribunaux, comment est-il possible que les juifs aient encore besoin de défenseurs ? Pourquoi sont-ils forcés de descendre aux prières pour obtenir la qualité d’homme, qualité que l’on ne refuse pas à l’une de ces créatures infâmes dont on ne pardonne l’existence que parce qu’une nature marâtre a permis qu’il y eût des crimes et des crapauds.
  17. Il ne s’en fallut que de quelques voix qu’un juif de Bordeaux ne fût élu député à la Constituante.
  18. Appelé en 1971 le jeune avocat des juifs. Grâce à ses papiers tombés entre les mains de l’abbé J. Lemann, celui-ci a pu reconstruire ce qu’on peut appeler la phase jacobine de l’émancipation des juifs, c’est-à-dire, leur concert avec les forces occultes de la Commune et des clubs de Paris, pour essayer de forcer la main à l’Assemblée nationale. (V. La Prépondérance juive, par l’abbé J. Lemann, p. 193 et suiv.)
  19. Un témoin oculaire a consigné dans les Archives israélites (1811) les noms des israélites de Paris qui recueillirent l’approbation de chaque district en faveur de leur émancipation : Mardochée Polak, Jacob Trenel, Goldschmidt, et le bijoutier Jacob Lazard, appuyés surtout par le district des Carmélites. Sur 48 sections, une seule refusa son adhésion, celle des fripiers de la halle.
  20. L’Assemblée demeura aussi insensible à un Arrêté de la Municipalité de Paris du 26 mai 1791, rédigé sur la requête des juifs au Conseil général de la Commune. (La Prépondérance Juive, p.215).
  21. Il n’est pas inutile de rappeler ici que Rewbell était pourtant un adversaire acharné de la royauté : il siégeait à l’extrême-gauche. Mais il était député de Colmar, il connaissait de près les juifs, vrai fléau de l’Alsace, et il comprenait toute l’énormité de la faute que ses collègues et amis allaient commettre.
  22. Partout où elles pénétraient, les armées françaises de la Révolution émancipaient les juifs ; l’armée, recrutée dans les provinces rhénanes, comptait un grand nombre de soldats juifs, dont plusieurs officiers. Il existe un poème épique en hébreu, intitulé : l’Empereur Napoléon, qui a pour auteur le père du compositeur Halévy, et qui passe chez les juifs pour un chef-d’œuvre.
  23. T. Reinach : Histoire des Israélites, page 325.
  24. Les Juifs à Paris depuis le VIe siècle, ch. xii.
  25. D’après le juif Alexandre Weill, « il n’y a pas une seule juive française émancipée qui ait lu la Bible. »
  26. Il ne fut jamais un protestant bien fervent et bien convaincu, à l’entendre parler ainsi de Luther : « Luther ôta au peuple le paradis et lui laissa l’enfer ; il lui ôta l’espérance et lui laissa la crainte. L’impôt remplace les dons gratuits, et le code pénal du fisc, le purgatoire. Le peuple allemand, autrefois si jovial, si spirituel, si ingénu, fut changé par la Réforme en un peuple triste, lourd et ennuyeux. En Allemagne, c’est une véritable vie de carême qui dure depuis trois siècles, et ce bon peuple germanique est encore loin de ses pâques. »
  27. Bœrne vivait à Paris sous le toit d’une juive divorcée de Francfort, Mme  Wohl, femme brûlante de républicanisme et de chauvinisme allemand. Après la mort de Bœrne, elle épousa le juif Strauss, que Heine appelait un « âne cornu. »
  28. Heine, cependant, recevait chez lui les démocrates et patriotes allemands, pour ne pas se compromettre aux yeux de l’Allemagne, « en guise de hérauts de gloire, dit Weill, mais les Allemands partis, il allait voir Gauthier, Royer, Gérard, Texier, Buloz, Béranger, les frères Escudier, Véron, Berlioz, Dumas et les célébrités féminines du temps ».
  29. Il lui faisait une rente de 6.000 francs, auxquels il en ajouta 2.000 pendant sa maladie.
  30. « Je ne me suis pas vendu, disait Heine, je me suis rendu ; la monarchie de juillet est venue vers moi, je ne suis pas allé à elle. »
  31. L’oncle Salomon, étant venu à mourir, au lieu du million attendu, ne légua à son neveu le poète qu’un capital de 16.000 francs : « Ce fut pour lui, dit Alexandre Weil, un coup mortel. Sa grande maladie date de ce jour. »
  32. Léon Kahn : Les Juifs à Paris, p. 156.
  33. On sait que l’impulsion fut donnée à ce mouvement dans le grand Convent maçonnique qui eut lieu à Strasbourg en 1847 et dans les banquets réformistes organisés par les loges.
  34. Il serait plus exact de dire que la Mère-Loge de Perfection de Boston était tombée en sommeil, c’est-à-dire avait cessé de fonctionner depuis quelque temps. On ne trouve, en effet, aucune trace de ses travaux à partir de 1794, et il est permis de croire que, lors de la fusion du chapitre de Royal-Arche de Charleston avec la Mère-Loge d’Hérodom établie au même orient, c’est celle-ci qui prit la direction unique de l’Écossisme de Perfection en Amérique.
    Plus tard, le 5 août 1813, la Mère-Loge d’Hérodom de Charleston, qui s’était transformée (en 1801, comme il vient d’être dit) en premier Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien Accepté en 33 degrés, institua à Boston un Suprême Conseil, en lui cédant la juridiction nord des États-Unis. Il est à présumer, — car l’on n’a que des indices assez vagues à ce sujet, — que, parmi les membres de ce Suprême (Conseil de Boston, devaient se trouver au moins quelques anciens officiers de la Mère-Loge d’Hérodom du même orient. En d’autres termes, le réveil de cette puissance maçonnique s’est effectué avec un changement de rite et sous les auspices de l’autorité qu’elle avait instituée à Charleston, mais qui avait mieux prospéré.
    J’ai tenu à donner ces détails, pour apporter un peu de clarté dans l’histoire des origines du Rite Écossais Ancien Accepté. En effet, un certain nombre d’auteurs, confondant l’œuvre d’Isaac Long avec celle de Stephen Morin, font remonter à 1761 la création de ce rite ; ce qui est une erreur matérielle. Ma rectification peut être considérée comme très exacte ; je l’ai faite d’après des notes que j’ai prises aux archives du Suprême Conseil d’Angleterre (à Londres), qui, lui-même, a été créé, le 2 février 1846, par le Suprême Conseil de Boston.
  35. Il n’est peut-être pas inutile de donner ici un tableau des 33 grades du Rite Écossais Ancien Accepté, tel qu’il a été créé par Isaac Long, le colonel John Mitchell et le docteur Frédéric Dalcho, et tel qu’il se pratique partout aujourd’hui :
    1er  degré, Apprenti.
    2e degré, Compagnon.
    3e degré, Maître.

    Ces trois premiers grades, dits grades symboliques, sont universels, c’est-à-dire appartiennent à tous les rites ; ils sont la base de toute maçonnerie ; ils formaient la première classe, dite des grades de première initiation, dans l’Écossisme d’Hérodom, où Isaac Long les a pris.

    4e degré, Maître Secret.
    5e degré, Maître Parfait.
    6e degré, Secrétaire Intime.
    7e degré, Prévôt et Juge.
    8e degré, Intendant des Bâtiments.

    Ces cinq grades furent pris par Isaac Long dans le Rite d’Hérodom, à lui ils appartiennent comme origine, l’Écossisme d’Hérodom ou Rite Ancien et de Perfection étant le rite primitif de la maçonnerie des hauts grades (1728). En outre, ces cinq grades-là sont appelés « grades israélites », parce que leurs épreuves d’initiation se rapportent à la légende maçonnique d’Hiram, censément extraite des traditions israélites.

    9e degré, Maître Élu des Neuf.
    10e degré, Illustre Élu des Quinze.
    11e degré, Sublime Chevalier Élu.

    Ces trois grades furent pris par Isaac Long au rite des Illuminés allemands, créé par Adam Weishaupt (17136), qui lui-même les avait empruntés à l’Écossisme d’Hérodom, mais en les modifiant et en leur donnant le caractère ultionniste, réminiscence de la Sainte-Wehme ou secte des Francs-Juges. Ces trois grades-là, ainsi que les 21e et 30e degrés sont aussi appelés « grades à poignard », parce que le poignard y joue un grand rôle dans les épreuves et qu’on y enseigne l’assassinat des ennemis de l’Ordre. Dans l’Écossisme d’Hérodom, le 11e degré avait pour titre : Chef des Douze Tribus.

    12e degré, Grand Maitre Architecte.
    13e degré, Chevalier Royal-Arche.
    14e degré, Grand Élu Parfait et Sublime Maçon.
    15e degré, Chevalier d’Orient ou de l’Épée.
    16e degré, Prince de Jérusalem.
    17e degré, Chevalier d’Orient et d’Occident.

    Ces six grades furent pris dans l’Écossisme d’Hérodom, où ils formaient des grades israélites complétant les cinq mentionnés plus haut (4e à 8e degré). Le 14e degré se nomme aussi : Chevalier Écossais de la Voûte Sacrée.

    18e degré, Chevalier et Souverain Prince Rose-Croix.

    Ce grade fut pris dans l’Écossisme d’Hérodom, où il formait un grade gnostique, dont l’origine remonte à la secte socinienne, aïeule de la franc-maçonnerie, dans l’échelle généalogique qui part du magisme de Simon de Gitta pour aboutir aux Rosi-Crucians anglais, en passant par les Manichéens et les Templiers.

    19e degré, Grand Pontife.
    20e degré, Vénérable Maître ad vitam de toutes les Loges Symboliques.
    21e degré, Patriarche Noachite ou Chevalier Prussien.
    22e degré, Chevalier Royal-Hache, Prince du Liban.

    Ces quatre grades furent pris dans l’Écossisme d’Hérodom. Les 19e et 20e degrés y formaient deux grades templiers ; le 21e, appelé Grand Maître de la Clef dans le système d’Hérodom, fut modifié en grade wehmique par Weishaupt et conservé ainsi par Isaac Long ; le 22e formait un des deux grades cabalistiques du système d’Hérodom.

    23e degré, Chef du Tabernacle.
    24e degré, Prince du Tabernacle.
    25e degré, Chevalier du Serpent d’Airain.
    26e degré, Prince de Merci, Écossais Trinitaire.
    27e degré, Souverain Commandeur du Temple.

    Ces cinq grades constituent des innovations d’Isaac Long, John Mitchell et Frédéric Dalcho ; c’est ce dernier qui, sur les données de Long, rédigea les cahiers de ces grades ; ce sont des grades templiers, complétant les 19e et 20e degrés de l’Écossisme d’Hérodom.

    28e degré, Chevalier du Soleil, Prince Adepte.

    Ce grade fut pris dans l’Écossisme d’Hérodom, où il formait le 23e degré et servait, comme grade cabalistique, de complément au Chevalier Royal-Hache.

    29e degré, Grand Écossais de Saint-André d’Écosse.

    Ce grade est une des innovations d’Isaac Long ; il est essentiellement templier ; son rituel a été entièrement rédigé par Long, puis augmenté par Moïse Holbrook, et enfin commenté par Albert Pike ; c’est un grade très important, comme enseignement de la doctrine templière.

    30e degré, Grand Élu Chevalier Kadosch.

    Ce grade fut pris dans l’Écossisme d’Hérodom, où il formait le 24e degré sous le titre de Commandeur de l’Aigle blanc et noir ; mais il n’avait pas, dans le système primitif, l’importance que lui donnèrent Long, Mitchell et Dalcho. Son rituel a été souvent remanié. Le rituel de ce grade, qui a été imprimé par les soins du Convent de Lausanne (1875), est des plus incomplets ; les épreuves essentielles y sont volontairement omises. Le vrai rituel est celui d’Albert Pike, qui a refait, en les mêlant et en y ajoutant ses idées, les rituels de John Mitchell et de Laffont-Ladébat. Le Kadosch est à la fois un grade gnostique, templier et wehmique.

    31e degré, Inquisiteur Inspecteur Commandeur.

    Ce grade est une des innovations d’Isaac Long, qui l’appela premier des trois « grades administratifs » ; mais il n’y est nullement question d’administration. Les innovateurs prirent tout simplement le rituel du Tribunal Secret du rite des Illuminés de Weishaupt, et, avec quelques additions, en firent un rituel d’initiation.

    32e degré, Sublime Prince du Royal-Secret.

    Ce grade était le 25e et dernier degré dans l’Écossisme d’Hérodom. Son rituel a été fortement retouché par les créateurs du nouveau système. On l’appelle aussi « grade administratif » ; en réalité, c’est un grade d’enseignement luciférien et celui où l’on donnait avant 1875 l’anneau aux récipiendaires qui n’ont pas compris.

    33e degré, Souverain Grand Inspecteur Général.

    Ce grade est une des innovations d’Isaac Long, qui transforma la fonction de député ins- pecteur en degré suprême d’initiation. Il n’est pas plus administratif que les précédents, bien qu’il soit également intitulé ainsi : les trente-troisièmes n’inspectent rien du tout. C’est le dernier grade d’enseignement luciférien pour les initiés qui n’ont pas été désignés par les triangles et vis-à-vis de qui on a certains ménagements à garder. Ainsi, un adepte se distingue par son zèle des plus ardents pour l’Ordre, et cependant, malgré son élévation graduelle aux plus hauts degrés d’initiation, il n’a pas compris, il ne comprend pas « le secret ineffable ». Or, comme on espère toujours qu’il finira par comprendre, on le fait monter jusqu’au 33e degré inclusivement ; là, s’il n’a pas laissé jaillir de ses lèvres son Eurêka lors de son examen oral, il est gratifié, au cours de la cérémonie d’admission, de l’anneau qui le distinguera désormais comme un esprit obtus aux yeux des parfaits initiés. Au contraire, l’adepte qui a compris est enrôlé pour la haute-maçonnerie dès le grade de Kadosch (quelquefois même avant, mais c’est alors par une exception infiniment rare).
    Tel est le tableau des grades du Rite Écossais Ancien Accepté, avec indication des origines de chacun d’eux.

  36. « Cette loge, dit Gould, dans The History of Freemasonry, fut plus tard une source de trouble et de vexation. »
  37. « Traitée par la Grande Loge Provinciale comme clandestine, elle ne cessa d’être soutenue par la Grande Loge d’Angleterre, qui pour cette raison, rompit avec la Grande Loge Provinciale de Francfort. » (Gould, ibid.)
  38. Copie d’une lettre que, moi, Augustin Barruel, chanoine honoraire de Notre-Dame, j’ai reçue à Paris Le 20 août 1806. Je n’en cite que les passages les plus saillants.
  39. Mgr Meurin : La Franc-Maçonnerie, Synagogue de Satan, page 201.
  40. Crémieux avait alors abandonné le Misraïmisme pour le Rite Écossais Ancien et Accepté, Dans maintes circonstances, Crémieux aimait à rappeler devant ses frères, les services qu’il avait rendus à la révolution : « Moi, s’écriait-il, en 1873, moi, le républicain Crémieux, l’un des fondateurs de notre chère République, en 1848, l’un des abolisseurs de l’Empire, l’un des chefs de notre République continuée en 1870, etc. »
  41. J’appelle l’attention de Léo Taxil sur ce point. Il est bien certain que Crémieux était un « vrai juif de synagogue », un israélite pieux dans sa religion. Cela l’a-t-il empêché d’être un maçon actif et même un des chefs ?
  42. D’après un annuaire récent, celui de 1891, le député de la loge Le Mont-Sinaï auprès de la Grande Loge Centrale est un israélite, le F∴ Obermaryer.
  43. Archives israélites de France. tome V (1844).
  44. Il n’y avait pas que les grandes loges de Berlin qui se faisaient tirer l’oreille pour admettre les juifs ; dans d’autres loges allemandes, on ne les recevait que secrètement et par une porte de derrière ; ainsi, en 1811, la loge Horus, de Breslau, recevait pour la première fois ouvertement un israélite. On écrivait du Hanovre au Monde maçonnique : « Jeudi, 5 décembre 1871, nous reçûmes le premier juif, non par la porte de derrière, mais selon la loi. »
  45. Weill est cependant obligé de reconnaitre que le christianisme et l’Évangile ont eu du bon, ne serait-ce que ces trois choses, au moyen desquelles, dit-il, il a conquis le monde : l’abolition des sacrifices, de la polygamie et de l’esclavage. Mais tout cela, à ses yeux, n’est que du pur Mosaïsme. Nul doute que si le Mahométisme avait aboli la polygamie et prohibé l’esclavage, il eût triomphé sur le christianisme.
  46. « Un juif, dit-il, ne peut changer de religion par conviction, à moins de tomber dans l’idiotisme. »
  47. Ma jeunesse, page 149.
  48. « On n’a qu’à lire l’histoire de Ma Jeunesse pour s’assurer que Dieu m’a créé pour cette sainte mission (de ressusciter le véritable Mosaïsme). Il n’y a pas dans l’Europe du XIXe siècle un seul homme qui ait eu une jeunesse comme moi. » Il faut reconnaitre que le dieu de Weill choisit bien ses prophètes.
  49. Le matérialisme de Weill s’exprime de la façon la plus crue dans des aphorismes tels que ceux-ci : « La morale est de la matière spiritualisée. Physique et métaphysique sont une et indivisible… »
  50. « Ayant quitté l’Allemagne, dit-il lui-même, pour rentrer dans ma patrie natale, afin de n’être pas forcé de me convertir à une religion encore plus fausse et plus ouvertement idolâtre que celle d’Esra (Esdras) d’où elle est pourtant sortie ; forcé de me créer de nouvelles ressources pour sustenter ma misérable vie matérielle, je me lançai dans le tourbillon littéraire et politique de Paris, sans jamais abandonner l’idée, qui m’a poursuivi dès ma jeunesse, de séparer la religion antirationnelle, miraculaire et étroitement nationale d’Esra et de son école, de la religion rationnellement universelle de Moïse, conforme au génie et à la raison de tous les grands penseurs de l’humanité. »
  51. Moïse et le Talmud, Moïse, Le Talmud et l’Évangile, le Nouveau Sinaï, le Pentateuque selon Moïse et selon Esra, Vie de Moïse, Cris d’alarmes. Épitre aux Juifs, le Centenaire de l’Émancipation des Juifs, et autres factums du F∴ Alexandre Weill.
  52. Parmi les hommes qui se sont distingués depuis l’émancipation, dans les lettres, les arts ou la politique, Weill cite les suivants : Heine, Bœrne, Meyerbeer, Halévy, Munsk, Crémieux, Lasker, Disraeli et Graetz.
  53. Le Centenaire de l’Émancipation des Juifs, page 157.
  54. Dans les livres juifs, Seth est représenté comme enseignant l’astronomie et la religion naturelle.
  55. La Maçonnerie considérée comme le résultat des religions égyptienne, juive et chrétienne, par le F∴ Moïse Reghellini de Scio, 3 volumes, 1833.