Le Diable aux champs/5/Scène 2

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Calmann Lévy (p. 217).



SCÈNE II


JACQUES, traversant la cour avec Ralph. — Oui, certes ; mais il faut bien qu’il vive de sa profession. Il est pauvre ! Ah ! est-ce que l’État ne devrait pas assurer l’existence de ces hommes dévoués ? Est-ce que la médecine et l’instruction devaient être vendues en détail aux consommateurs ? (il ouvre la porte de sa cour.) Ah ! c’est vous. Florence ! qu’y a-t-il donc ?

FLORENCE. — Une chose bizarre, comique en apparence, sérieuse au fond. Prêtez-moi votre carriole couverte et votre petit cheval.

JACQUES. — Mon domestique est couché ; mais venez, je vais vous aider à atteler.

FLORENCE. — Oh ! ce n’est pas tout ! Je vous demande de venir avec moi et de passer la nuit en route ; rien que la nuit. Vous pourrez être ici au point du jour.

JACQUES. — Fort bien. Ralph, prêtez-moi votre imperméable. (Souriant à Florence.) Je suis un vieux, moi !

RALPH. — Je vais le chercher.

(Florence et Jacques entrent dans l’écurie.)

FLORENCE. — Ah ! monsieur Jacques ! que vous êtes bon, et que je me reprocherais de vous occasionner ce dérangement et cette fatigue, s’il ne s’agissait que de moi !

JACQUES. — De vous ! Ce serait bien assez pour me récompenser d’un si petit désagrément… Tenez, préparez le collier du cheval, pendant que je vais lui donner une poignée d’avoine. — De quoi s’agit-il ?

FLORENCE. — Il s’agit de moi indirectement. Il s’agit, avant tout, de ce grand devoir dont nous sommes tous les compagnons.

JACQUES. — Oui, le devoir de Dieu, n’est-ce pas ? — Allons, Coco, ne t’amuse pas à flairer. Mange ton avoine, mon garçon ; nous sommes pressés !

FLORENCE. — Je vais vous dire cela en deux mots.

JACQUES. — Bien, dites vite. Je lui passe son harnais, et je vous écoute.